Décisions
CA Nîmes, 4e ch. com., 13 octobre 2023, n° 22/00006
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00006 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IJPA
AV
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
08 novembre 2021 RG :20:02995
SNC VINCE
C/
[F]
[F]
[F]
[F]
Grosse délivrée
le 13 OCTOBRE 2023
à Me Georges POMIES RICHAUD
Me Emmanuelle VAJOU
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 08 Novembre 2021, N°20:02995
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Septembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
SNC VINCE immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le N° 521 231 142, prise en la personne de son gérant en exercice de Monsieur [M] [W] domicilié es-qualités au siège social sis
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Elizabeth PHELIPPEAU-SOL, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur [S] [F]
né le 18 Décembre 1940 à [Localité 8] (84) (84)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [I] [F] épouse [O]
née le 27 Février 1969 à [Localité 10] (84) ([Localité 6])
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [P] [F]
née le 02 Avril 1940 à [Localité 11] (05) ([Localité 1])
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [T] [F]
né le 24 Février 1962 à [Localité 12] (13) (13)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Septembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 13 Octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 24 décembre 2021 par la SNC Vince à l'encontre du jugement prononcé le 8 novembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n°2002995,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 septembre 2023 par l'appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 11 septembre 2023 par Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F], intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l'ordonnance du 15 mai 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 14 septembre 2023,
Par acte notarié du 6 février 1981, Monsieur [S] [F] et Madame [P] [G], son épouse, ont donné à bail commercial à Monsieur et Madame [Z] [A] un immeuble à usage d'habitation et de commerce, élevé d'un simple rez-de-chaussée, avec dépendances et terrain attenant en nature de cour, situé [Adresse 3] moyennant un loyer annuel de 3 658,78 euros. Il était stipulé dans l'acte que les preneurs pourraient exploiter dans l'immeuble loué uniquement un commerce de bar tabacs.
Par acte notarié du 26 février 1991, le bail a été renouvelé à compter du 7 février 1990 moyennant un loyer annuel de 5 760,36 euros. Il a été assorti d'une clause d'indexation sur l'indice national du coût de la construction.
Lors d'une cession du fonds de commerce du 21 décembre 1994, les bailleurs ont autorisé l'activité de presse, papeterie, librairie, restauration, bimbeloterie et PMU non prévue dans le bail initial. Il été adjoint au bail la cour située au Sud de la parcelle cadastrée section BV n°[Cadastre 9]. Le loyer a été porté à la somme de 14 635,10 euros par an à compter du 1er janvier 1995. Les bailleurs ont autorisé le locataire à effectuer, à ses frais exclusifs, les travaux de raccordement du tout à l'égout, déplacement du WC se trouvant dans la cour, démolition des petits auvents dans la cour, aménagement d'un coin sanitaire pour la clientèle de l'établissement, aménagement du local 'jeux' en tabacs, presse (sol, sécurité, ouvertures), création d'un accès direct au bar depuis la cour et réfection du sol de la cuisine.
Suivant acte notarié reçu les 2 et 11 février 1999, le bail a été renouvelé à compter du 1er février 1999 moyennant un loyer annuel de 15 165,93 euros. Il a été assorti d'une clause d'indexation sur l'indice national du coût de la construction.
Par acte authentique du 16 décembre 2005, Monsieur [S] [F] et Madame [P] [G], son épouse, ont fait donation de la nue-propriété de leur immeuble à leurs deux enfants, Monsieur [T] [F] et Madame [I] [F].
Par exploit d'huissier de justice du 9 septembre 2009, Monsieur [L], preneur, a formé une demande de renouvellement du bail. Par exploit d'huissier de justice du 8 décembre 2009, les bailleurs ont accepté le principe du renouvellement tout en sollicitant que le prix du bail renouvelé soit fixé à 26 400 euros par an. Le preneur n'a pas donné son acord à l'augmentation de loyer proposée.
Par acte notarié du 12 décembre 2016, la SNC Vince a acquis auprès de Monsieur [L] le fonds de commerce de débits de boissons, presse, tabac, exploité dans l'immeuble donné à bail. Il était déclaré dans l'acte par le cédant que le loyer annuel s'élevait à la somme de 23 986,80 euros.
Par exploit d'huissier de justice du 13 mars 2018, la SNC Vince a demandé le renouvellement du bail commercial .
Par exploit d'huissier de justice du 11 juin 2018, les bailleurs ont fait part de leur acceptation du renouvellement du bail mais ont sollicité que le montant du loyer commercial soit porté à la somme annuelle de 33 600 euros avec augmentation limitée à 10% par an jusqu'à atteindre la nouvelle valeur locative. En outre, les bailleurs ont précisé que renouvellement devait prendre effet le 1er avril 2018 pour se terminer le 1er janvier 2028.
Au cours du mois de juin 2018, la SNC Vince a écrit aux bailleurs afin que lui soit communiquée la méthode de calcul retenue à l'appui de la révision du loyer commercial.
Par exploit du 9 octobre 2018, les bailleurs ont fait sommation à la SNC Vince de leur indiquer si elle acceptait les nouvelles conditions proposées.
Après avoir, à plusieurs reprises, renouvelé sa demande de communication de la méthode de calcul appliquée par les bailleurs, le preneur a saisi le 24 avril 2019 la commission départementale amiable des loyers commerciaux.
Le 25 novembre 2019, la commission départementale amiable des loyers commerciaux s'est réunie mais aucun accord n'a été trouvé entre les parties au litige.
La SNC Vince a alors fait assigner les bailleurs devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon statuant en matière de loyers commerciaux.
Par jugement du 8 novembre 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Avignon a notamment :
-Dit que les conditions du déplafonnement du loyer sont réunies
-Ordonné avant dire droit sur le montant du loyer commercial, une expertise avec mission donnée à l'expert de :
1.se rendre sur les lieux et décrire les locaux et terrains objets du bail dont s'agit
2.s'expliquer sur les cinq éléments déterminant la valeur locative;
3.estimer la valeur locative de l'immeuble en cause, en recourant au minimum à deux méthodes d'évaluation habituelles, à compter du 1er juillet 2019;
4.préciser le montant du loyer applicable;
-Ordonné l'exécution provisoire de la décision;
-Fixé le loyer provisionnel du bien à 26 328,79 euros annuel hors taxes et hors charges, outre indexation en cours jusqu'à décision de fixation du prix du bail révisé ou renouvelé;
-Condamné la SNC Vince à payer aux consorts [F] la somme de 3 144,94 euros au titre de l'arriéré locatif à devoir du 1er octobre 2016 au 31 avril 2021 par application de la clause d'échelle mobile;
-Condamné la SNC Vince à payer aux consorts [F] la somme de 2 073 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour les années 2017 à 2019, ainsi que celle au titre de l'année 2020;
-Débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
-Réservé les dépens.
Le 24 décembre 2021, la SNC Vince a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.
L'expert judiciaire a déposé son pré-rapport le 9 mai 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la SNC Vince, appelante, demande à la cour de :
-Déclarer recevable et fondé l'appel qu'elle a interjeté
Y faisant droit,
-Infirmer la décision entreprise rendue le 8 novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Avignon et, statuant à nouveau,
-Dire n'y avoir lieu à déplafonnement du bail commercial la liant aux consorts [F]
-Dire n'y avoir lieu à expertise
-Fixer le loyer du bail renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 2018 à la somme de 24 968,60 euros annuels, soit 2 080,71 euros mensuels
-Décharger la SNC Vince des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires;
-Débouter les consorts [F] de leur demande au titre de l'arriéré des taxes d'ordres ménagères
-Débouter les consorts [F] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions contraires
-Condamner solidairement les consorts [F] à restituer le trop perçu au locataire
-Condamner solidairement les consorts [F] à porter et payer à la SNC Vince la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
-Condamner solidairement les consorts [F] en tous les dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'elle est entrée dans les lieux le 12 décembre 2016 et que le renouvellement du bail est intervenu le 11 juin 2018, de sorte que les dispositions du code de commerce relatives à la révision triennale ne trouvent pas à s'appliquer et que le débat ne saurait porter que sur le seul déplafonnement du bail ; la notion de monovalence invoquée par les bailleurs ne vaut que pour les établissements dédiés à une seule activité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; en effet, initialement le local donné à bail était à usage mixte, professionnel et d'habitation ; les bailleurs sont propriétaires d'une maison élevée d'un simple rez-de-chaussée avec salle unique à usage de bar tabac, locaux à usage d'habitation et terrain attenant en nature de cour ; les locaux sont affectés à des activités multiples et sont accessibles par plusieurs entrées conduisant aux diverses zones d'activité de l'établissement ; en outre, l'acte de cession du 21 décembre 1994 prend acte de l'autorisation par les bailleurs d'exercer des activités de presse, papeterie, librairie, restauration, bimbeloterie et PMU, outre les activités initialement exercées de tabac-bar ; enfin, par ce même acte, le bailleur a autorisé le locataire à réaliser des travaux consistant en un aménagement du local jeux en tabac-presse avec la création d'un accès direct du bar à la cour ; les locaux comportent plusieurs zones et leur transformation ne nécessite pas des travaux importants, ni coûteux.
L'appelante indique également que la modification des locaux, pour être à l'origine d'un déplafonnement de loyer, doit survenir au cours du bail expiré ; or, elle justifie que les travaux d'intégration de la partie habitation à la partie exploitée n'ont pas été réalisés par elle, ni même par le locataire précédent puisqu'il résulte de l'accédit intervenu dans le cadre de l'expertise judiciaire qu'ils datent au plus tard de 1999 ; lors de la demande de renouvellement de bail formulé par le précédent locataire en 2009, les bailleurs ont sollicité un déplafonnement puis accepté que le bail se renouvelle aux mêmes charges et conditions. Les modifications survenues durant l'avant dernier bail ne peuvent être retenues car elles sont présumées avoir été prises en compte lors du précédent renouvellement. Si elles ne l'ont pas été, le bailleur est présumé y avoir renoncé. Or, le loyer a été fixé conventionnellement entre les parties lors du renouvellement de 2009 au regard de la situation des locaux connue des bailleurs. L'augmentation du loyer en 2009 prend certes en compte la clause d'échelle mobile mais pas uniquement. Lors de la cession du bail en décembre 2016, les parties ont déclaré que le loyer annuel était de 23 986,80 euros ; les bailleurs ont donc appliqué au locataire de l'époque une première augmentation du loyer, tenant compte des travaux réalisés par les précédents locataires. Ainsi, les bailleurs tentent d'obtenir un second déplafonnement sans prouver l'existence d'une nouvelle cause ; en outre, ils ne démontrent pas que la surface commerciale aurait doublé.
L'appelante précise que le bailleur pourrait uniquement solliciter le réajustement du bail si les travaux prétendus travaux qu'elle aurait effectués étaient devenus sa propriété par accession ; or, la clause d'accession figurant au bail ne prévoit le transfert de propriété des travaux réalisés qu'en fin de bail ; les bailleurs ne prouvent pas qu'elle a exécuté des travaux modifiant la surface, le volume ou l'accès pour le public aux locaux loués ; en effet, elle a simplement remis en état les lieux lors de sa prise de possession mais n'a pas modifié les caractéristiques du local, ni la destination des lieux ; il n'existe aucun motif de déplafonnement du loyer du fait des travaux qu'elle a réalisés ; de plus, les bailleurs ont confirmé que les modifications constatées n'étaient pas le fait du preneur actuel mais des travaux faits par les locataires précédents qu'ils ont dû autoriser et qui ont été pris en compte dans la fixation du loyer ; les bailleurs indiquent ne faire état d'aucune évolution des facteurs de commercialité, ce dont il conviendra de leur donner acte.
S'agissant de l'application de la clause d'échelle mobile, l'appelante soutient qu'il appartient aux bailleurs de démontrer qu'ils n'ont pas pratiqué de révision du loyer antérieurement ; le calcul des bailleurs est erroné, tant sur la période que sur la méthode, en ce qu'ils procèdent à une revalorisation dès le 1er octobre 2016 et en ce qu'ils ne prennent pas acte de l'application de la loi Pinel qui a remplacé l'indice du coût de la construction par l'indice des loyers commerciaux. Par ailleurs, le bail liant les parties ne met nullement à la charge du locataire la taxe d'ordures ménagères.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [F] et Monsieur [T] [F], intimés, demandent à la cour de :
-Confirmer le jugement entrepris en en ce qu'il a :
Dit que les conditions du déplafonnement du loyer sont réunies ;
Ordonné, avant dire droit sur le montant du loyer, une expertise, selon mission renseignée dans le dispositif du jugement
Fixé le loyer provisionnel du bien au montant du loyer révisé, hors taxes et hors charges jusqu'à décision de fixation du prix du bail révisé ou renouvelé
Validé le montant de l'arriéré locatif à devoir de décembre 2016 à ce jour, sur le principe
Condamné la SNC Vince à payer cet arriéré ;
Condamné la SCN Vince à payer les taxes sur ordures ménagères.
Y ajoutant,
Si l'indice applicable est toujours celui de l'indice du coût de la construction,
-Condamner la SNC Vince au paiement des loyers suivants de décembre 2016 à la date de l'arrêt à intervenir, dans les termes suivants :
2 042,41 euros par mois pour le loyer dû de décembre 2016 à septembre 2017, en deniers ou quittance ;
2 075,97 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2017 à septembre 2018, en deniers ou quittance ;
2 154,29 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2018 à septembre 2019, en deniers ou quittance ;
2 170,45 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2019 à septembre 2020, en deniers ou quittance ;
2 194,06 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2020 à septembre 2021, en deniers ou quittance ;
2 344,48 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2021 à septembre 2022, en deniers ou quittance;
2 523,19 euros pour le loyer dû d'octobre 2022 à septembre 2023, en deniers ou quittances;
Si l'indice applicable est toujours celui de l'indice du coût des loyers commerciaux depuis le renouvellement intervenu le 1er octobre 2018,
-Condamner la SNC Vince au paiement des loyers suivants de décembre 2016 à la date de l'arrêt à intervenir, dans les termes suivants :
2 042,41 euros par mois pour le loyer dû de décembre 2016 à septembre 2017, en deniers ou quittance ;
2 075,97 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2017 à septembre 2018, en deniers ou quittance ;
2 126 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2018 à septembre 2019, en deniers ou quittance ;
2 166,29 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2019 à septembre 2020, en deniers ou quittance ;
2 168,17 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2020 à septembre 2021, en deniers ou quittance ;
2 243,13 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2021 à septembre 2022, en deniers ou quittance ;
2 363,62 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2022 à septembre 2023, en deniers ou quittance.
-Débouter la SNC Vince de toutes ses conclusions, fins et prétentions contraires;
-Condamner la SNC Vince à verser aux consorts [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir que les locaux sont monovalents en ce que leur destination était initialement affectée à un bar-tabac, ce qui suppose l'existence d'une salle dédiée avec comptoir et point d'eau ; un bar comporte régulièrement et par essence un espace presse papeterie librairie bimbeloterie PMU ; les locaux ne disposent que d'une seule entrée officielle et ne sont affectés qu'à un seul type de clientèle, révélant une unité d'exploitation ; de plus, les locaux ne peuvent être affectés qu'à la seule destination de bar-restauration, à l'exclusion de toute autre, sans aménagements coûteux, en ce qu'ils supposeraient de réaffecter les pièces, par des travaux de gros oeuvre pour leur permettre d'être affectées à un autre usage; enfin, la destination des locaux reste homogène en ce qu'il existe une unité économique évidente.
Les intimés soulignent que le bail prévoit que les travaux d'amélioration resteront la propriété du bailleur en fin de bail ; il n'est nullement stipulé une clause d'accession en fin de jouissance ; il convient de distinguer les travaux qui constituent une modification des caractéristiques des locaux justifiant le déplafonnement au premier renouvellement suivant leur réalisation par le locataire et les travaux qui constituent une amélioration des locaux justifiant le déplafonnement, lors du deuxième renouvellement. Lorsque les travaux peuvent cumulativement relever des deux régimes, le régime de l'amélioration prévaut. Aucune augmentation n'est intervenue lors du renouvellement sollicité par le précédent locataire en 2009 et la seule augmentation contractuellement fixée par les parties date de 1994. Lors du renouvellement du 1er février 1999, le loyer a été fixé à la somme annuelle de 15 165,93 euros par la simple application de l'indexation ; le loyer du en 2009 s'élevait à la somme annuelle d'au moins 22 870,85 euros par la simple application de la clause d'échelle mobile basée sur l'indice du coût de la construction. Les bailleurs n'ont pas obtenu la revalorisation du bail à un loyer annuel de 26 400 euros, lors de l'acceptation du renouvellement en 2009. Le loyer annuel de 23 986,80 euros versé en 2016 n'est là encore que le résultat de l'application de la clause d'échelle mobile. Les travaux incriminés portant extension de la surface commerciale sur toute la partie habitation dateraient de 1999. Ils n'ont donné lieu à aucune revalorisation contractuelle de loyers. La destination des locaux a été modifiée en ce qu'il n'existe plus de partie habitation.
S'agissant de l'application de la clause d'échelle mobile, les intimés soutiennent que le bail prévoyait expressément le caractère automatique de la révision de telle sorte que le preneur devait également la calculer et l'appliquer, ce que la société appelante n'a pas fait ; de plus, le fait de ne pas demander l'indexation du loyer ne fait pas s'éteindre la clause d'échelle mobile qui joue de plein droit ; il est précisé dans la clause d'indexation du loyer que l'indice de référence est l'indice national du coût de la construction; l'action en paiement des loyers relève de la prescription quinquennale de droit commun; de plus, la reconnaissance de la révision par la société appelante en octobre 2020 constitue une cause d'interruption ; les bailleurs sont fondés à lui réclamer le paiement de l'indexation dès le 12 décembre 2016, date d'entrée en jouissance des locaux ; le décompte présenté par la société appelante est erroné en ce qu'il ne tient pas compte de la revalorisation du loyer à compter du 1er octobre 2016 pour ne l'appliquer qu'à compter du 1er octobre 2017. Par ailleurs, la taxe sur ordures ménagères est due par le locataire s'agissant d'un service qui lui profite exclusivement et donc d'une contribution qui lui incombe; en outre, les locataires successifs ont toujours réglé cette taxe.
Enfin, les intimés soutiennent que les conditions de déplafonnement étant réunies et que, par ailleurs, tenant le désaccord des parties, il est nécessaire d'ordonner une expertise aux fins de fixation de la valeur locative.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur le montant du loyer du bail renouvelé
L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que : 'Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage."
Aux termes de l'article R145-10 du code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.
Il résulte de l'interprétation de ces dispositions par la Cour de cassation que doivent être assimilés aux locaux construits en vue d'une seule utilisation ceux qui ont subi, postérieurement, des aménagements importants et anciens excluant tout autre usage (3e Civ., 19 janvier 1982, n°80-15.744).
Il appartient au bailleur, qui entend s'en prévaloir, d'apporter la preuve de la monovalence des lieux loués (3e Civ., 10'nov. 2010, n°'09-16.783).
La monovalence doit être appréciée au regard de l'utilisation unique en vue de laquelle les locaux ont été construits et des travaux importants d'aménagement effectués excluant tout autre usage et non pas de l'affectation des dits locaux par les clauses du bail.
En tout état de cause, la destination des lieux prévue par le bail litigieux est très large puisque le preneur peut y exercer tant l'activité de bar tabac PMU que celle de presse papeterie librairie restauration bimbeloterie.
Par ailleurs, si les photographies versées au débat font apparaître la présence d'un comptoir au centre de la pièce principale, raccordé au réseaux d'eau potable et des eaux usées, la preuve n'est pas rapportée que l'affectation des locaux à une autre activité exigerait l'exécution de travaux importants et de transformations coûteuses.
En application de l'article L.145-34 du code de commerce, il incombe au bailleur qui entend obtenir un déplafonnement du loyer du bail renouvelé le 1er octobre 2018 de rapporter la preuve d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, à savoir, les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties ou les facteurs locaux de commercialité.
Les bailleurs précisent, dans leurs dernières écritures, que les travaux dont ils se prévalent ne sont pas ceux de rafraîchissement ou d'amélioration qui ont pu être exécutés par la société appelante après son entrée dans les lieux en décembre 2016, ni ceux expressément autorisés par le bailleur en 1994, mais bien ceux qui ont été effectués par un locataire antérieur, [...], au cours de l'année 1999.
Les bailleurs invoquent la modification des caractéristiques du local considéré et de la destination des lieux survenue au cours du bail expiré. Ils considèrent que l'article R.145-8 du code de commerce n'est pas applicable, en l'espèce, au vu de la modification notable des locaux. Il convient d'en déduire qu'ils ne soutiennent pas que les travaux réalisés en 1999 apportent une amélioration aux lieux loués.
Au vu des premières constatations opérées par l'expert judiciaire qui ont été retranscrites dans son pré-rapport, il est établi que des travaux ont été effectués, sans l'autorisation expresse des bailleurs mais sans opposition non plus de leur part, après le renouvellement du bail intervenu le 1er février 1999 et vraisemblablement au cours de l'année 1999. Ces travaux ont consisté à transformer la salle de jeux en salle de restaurant, une chambre en cuisine, une autre chambre en réserve 'tabac sécurité', la salle de bains en vestiaires et l'auvent en remise extérieure. Ce sont ces travaux et non ceux précédemment autorisés par les bailleurs en 1994 qui ont abouti à augmenter la surface commerciale en lui adjoignant la surface destinée à l'habitation, sans pour autant augmenter la superficie des lieux loués et donc modifier l'assiette du bail. Les transformations de la consistance des lieux ainsi opérées après le 1er février 1999 constituent une modification notable des caractéristiques propres du local justifiant le déplafonnement du loyer et la fixation du loyer à la valeur locative dès le premier renouvellement du bail.
En revanche, les dispositions de l'article R. 145-8 du code de commerce qui ne concernent que les travaux d'amélioration justifiant le déplafonnement, lors du deuxième renouvellement du bail, ne sont pas applicables.
Le preneur soutient que la modification de la consistance des lieux intervenue après le 1er février 1999 a déjà été prise en considération en 2009, lors de la cession du bail à Monsieur [L].
Par acte extrajudiciaire du 9 septembre 2009, Monsieur [L], preneur, avait sollicité le renouvellement du bail. Si les bailleurs avaient accepté le principe même du renouvellement, les parties n'étaient pas parvenues à s'accorder sur le montant du loyer du bail renouvelé que les bailleurs avaient entendu fixer à 26 400 euros.
Le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de l'espèce en retenant, au vu du calcul fourni par les bailleurs que si, lors de la cession du fonds de commerce à Monsieur [L], le 24 février 2009, le loyer annuel était passé de 15 165,93 euros à 22 870,85 euros, c'était uniquement par application de la clause d'échelle mobile basée sur l'indice du coût de la construction. Il n'est donc pas démontré que les travaux effectués après le 1er février 1999 aient été pris en considération en 2009 lors du renouvellement du bail.
Pour justifier le déplafonnement, la modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33 doit être intervenue au cours du bail expiré et non pas antérieurement à sa date d'effet.
Il en résulte que les travaux, effectués entre le 1er février 1999 et le 1er octobre 2009, non pris en compte lors du renouvellement du 1er octobre 2009, ne peuvent l'être à l'occasion du deuxième renouvellement du 1er octobre 2018 qui suit leur réalisation, le bailleur étant réputé y avoir renoncé.
Dès lors, la modification de la destination des lieux invoquée par les bailleurs n'est pas intervenue au cours du dernier bail expiré le 30 septembre 2018 mais de l'avant dernier bail expiré le 30 septembre 2009, les bailleurs ne pouvaient invoquer de motif valable de déplafonnement, lors du renouvellement du bail au 1er octobre 2018. Le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a dit que les conditions du déplafonnement du loyer étaient réunies.
Seul le preneur serait en droit d'invoquer le fait que la valeur locative soit inférieure au montant du loyer contractuellement fixé lors du bail échu pour obtenir une diminution du montant du loyer du bail renouvelé. La demande d'expertise des bailleurs aux fins de déterminer la valeur locative n'est donc pas fondée.
Le jugement critiqué doit ainsi également être infirmé en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise et, dans l'attente de la décision de fixation du loyer, condamné le preneur au paiement d'un loyer provisionnel.
2) Sur l'indexation des loyers
En appel, le preneur ne conteste plus le principe de l'indexation des loyers et ne soulève pas l'extinction de la demande des bailleurs pour cause de prescription. En revanche, le preneur soutient que le calcul de la révision doit être pratiqué sur la base de loyer de 23 986,80 euros au 1er octobre 2016, selon les énonciations de l'acte de cession de fonds de commerce du 12 décembre 2016.
Il apparaît toutefois que les bailleurs ne sont pas intervenus à l'acte de cession du 12 décembre 2016 de sorte qu'ils ne sont pas liés par les déclarations du cédant du fonds de commerce quant au montant du loyer payé à cette date.
Le loyer s'élevait en réalité à 23 986,80 euros au 1er octobre 2015, le preneur précédant, vendeur du fonds de commerce à la société Vince, n'ayant pas procédé à l'indexation au 1er octobre 2016, juste avant son départ. Par application de l'indice du coût de la construction, le loyer aurait du être revalorisé à la somme de 24 508,90 euros au 1er octobre 2016. La société Vince aurait donc du régler un loyer mensuel de 2 042,41 euros au lieu de 1 998,60 euros à compter du mois suivant son entrée dans les lieux, soit du 1er janvier 2017 jusqu'au 1er septembre 2017 inclus, puis un loyer mensuel de 2 075,97 euros du 1er octobre 2017 au 1er septembre 2018 inclus.
Le bail prévoyait l'application de l'indice du coût de la construction ; lors du renouvellement du 1er octobre 2018, les parties n'ont pas remis en cause ces stipulations contractuelles qui doivent continuer à s'appliquer, en dépit de la réforme introduite par la loi dite Pinel du 18 juin 2014.
Le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2018 s'élève, par conséquent, à la somme de 25 512,07 euros.
Il convient, par conséquent, de condamner la société Vince au paiement d'un loyer mensuel de 2 126 euros du 1er octobre 2018 au 1er septembre 2019 inclus, de 2 166,29 euros du 1er octobre 2019 au 1er septembre 2020 inclus, de 2 168,17 euros du 1er octobre 2020 au 1er septembre 2021 inclus, de 2 243,13 euros du 1er octobre 2021 au 1er septembre 2022 inclus, de 2 363,62 euros du 1er octobre 2022 au 1er septembre 2023 inclus.
Les condamnations seront prononcées en deniers ou quittances, des comptes devant être faits entre les parties eu égard aux règlements opérés par le preneur que ce soit au titre de l'exécution du jugement de première instance ou d'indexations de loyers effectuées partiellement.
3) Sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères
S'agissant d'un bail commercial, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du preneur qu'en vertu d'une stipulation contractuelle (3°Civ., 13 juin 2012, n°11-17.114).
Le bail renouvelé le 26 février 1991 prévoit que le preneur acquittera exactement sa contribution mobilière, sa contribution de patente et d'une façon générale, tous les impôts, contributions et taxes lui incombant et dont le bailleur pourrait être responsable à un titre quelconque.
Cette clause ne vise pas la taxe foncière qui incombe au bailleur mais renvoie aux dispositions spécifiques permettant à l'administration fiscale de recouvrer certains impôts, contributions et taxes incombant aux preneurs de baux commerciaux, sur leurs bailleurs.
Dès lors, en l'absence de stipulation contractuelle mettant à la charge du preneur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, bien qu'elle soit afférente à un service dont il profite, les bailleurs sont mal fondés à lui en demander le remboursement.
Par conséquent, le jugement critiqué sera infirmé en ce qu'il a condamné le preneur au paiement de la somme de 2 073 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères des années 2017 à 2019 ainsi que de celle de l'année 2020.
Il n'est pas nécessaire d'ordonner la restitution des sommes versées par le preneur en exécution du jugement de première instance, l'obligation de restitution résultant de la décision d'infirmation elle-même.
4) Sur les frais du procès
Les intimés qui succombent seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'appelante qui se verra allouer une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit n'y avoir lieu à déplafonnement du bail commercial liant la SNC Vince aux consorts [F]
Déboute les consorts [F] de leur demande d'expertise
Dit n'y avoir lieu à fixation d'un loyer provisionnel
Fixe le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2018 à la somme de 25 512,07 euros
Déboute la SNC Vince de sa demande en restitution du trop perçu
Déboute Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] de leur demande en paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères
Condamne en deniers ou quittances la SNC Vince à payer à Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] un loyer mensuel de :
2 042,41 euros à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au 1er septembre 2017 inclus,
2 075,97 euros du 1er octobre 2017 au 1er septembre 2018 inclus
2 126 euros du 1er octobre 2018 au 1er septembre 2019 inclus,
2 166,29 euros du 1er octobre 2019 au 1er septembre 2020 inclus,
2 168,17 euros du 1er octobre 2020 au 1er septembre 2021 inclus,
2 243,13 euros du 1er octobre 2021 au 1er septembre 2022 inclus,
2 363,62 euros du 1er octobre 2022 au 1er septembre 2023 inclus
Dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution des sommes versées par la SNC Vince en exécution du jugement de première instance
Y ajoutant,
Condamne solidairement Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Condamne solidairement Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] à payer à la SNC Vince une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00006 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IJPA
AV
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
08 novembre 2021 RG :20:02995
SNC VINCE
C/
[F]
[F]
[F]
[F]
Grosse délivrée
le 13 OCTOBRE 2023
à Me Georges POMIES RICHAUD
Me Emmanuelle VAJOU
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AVIGNON en date du 08 Novembre 2021, N°20:02995
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Septembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
SNC VINCE immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le N° 521 231 142, prise en la personne de son gérant en exercice de Monsieur [M] [W] domicilié es-qualités au siège social sis
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Elizabeth PHELIPPEAU-SOL, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur [S] [F]
né le 18 Décembre 1940 à [Localité 8] (84) (84)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [I] [F] épouse [O]
née le 27 Février 1969 à [Localité 10] (84) ([Localité 6])
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [P] [F]
née le 02 Avril 1940 à [Localité 11] (05) ([Localité 1])
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [T] [F]
né le 24 Février 1962 à [Localité 12] (13) (13)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Carine REDARES de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Septembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 13 Octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 24 décembre 2021 par la SNC Vince à l'encontre du jugement prononcé le 8 novembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n°2002995,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 septembre 2023 par l'appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 11 septembre 2023 par Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F], intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l'ordonnance du 15 mai 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 14 septembre 2023,
Par acte notarié du 6 février 1981, Monsieur [S] [F] et Madame [P] [G], son épouse, ont donné à bail commercial à Monsieur et Madame [Z] [A] un immeuble à usage d'habitation et de commerce, élevé d'un simple rez-de-chaussée, avec dépendances et terrain attenant en nature de cour, situé [Adresse 3] moyennant un loyer annuel de 3 658,78 euros. Il était stipulé dans l'acte que les preneurs pourraient exploiter dans l'immeuble loué uniquement un commerce de bar tabacs.
Par acte notarié du 26 février 1991, le bail a été renouvelé à compter du 7 février 1990 moyennant un loyer annuel de 5 760,36 euros. Il a été assorti d'une clause d'indexation sur l'indice national du coût de la construction.
Lors d'une cession du fonds de commerce du 21 décembre 1994, les bailleurs ont autorisé l'activité de presse, papeterie, librairie, restauration, bimbeloterie et PMU non prévue dans le bail initial. Il été adjoint au bail la cour située au Sud de la parcelle cadastrée section BV n°[Cadastre 9]. Le loyer a été porté à la somme de 14 635,10 euros par an à compter du 1er janvier 1995. Les bailleurs ont autorisé le locataire à effectuer, à ses frais exclusifs, les travaux de raccordement du tout à l'égout, déplacement du WC se trouvant dans la cour, démolition des petits auvents dans la cour, aménagement d'un coin sanitaire pour la clientèle de l'établissement, aménagement du local 'jeux' en tabacs, presse (sol, sécurité, ouvertures), création d'un accès direct au bar depuis la cour et réfection du sol de la cuisine.
Suivant acte notarié reçu les 2 et 11 février 1999, le bail a été renouvelé à compter du 1er février 1999 moyennant un loyer annuel de 15 165,93 euros. Il a été assorti d'une clause d'indexation sur l'indice national du coût de la construction.
Par acte authentique du 16 décembre 2005, Monsieur [S] [F] et Madame [P] [G], son épouse, ont fait donation de la nue-propriété de leur immeuble à leurs deux enfants, Monsieur [T] [F] et Madame [I] [F].
Par exploit d'huissier de justice du 9 septembre 2009, Monsieur [L], preneur, a formé une demande de renouvellement du bail. Par exploit d'huissier de justice du 8 décembre 2009, les bailleurs ont accepté le principe du renouvellement tout en sollicitant que le prix du bail renouvelé soit fixé à 26 400 euros par an. Le preneur n'a pas donné son acord à l'augmentation de loyer proposée.
Par acte notarié du 12 décembre 2016, la SNC Vince a acquis auprès de Monsieur [L] le fonds de commerce de débits de boissons, presse, tabac, exploité dans l'immeuble donné à bail. Il était déclaré dans l'acte par le cédant que le loyer annuel s'élevait à la somme de 23 986,80 euros.
Par exploit d'huissier de justice du 13 mars 2018, la SNC Vince a demandé le renouvellement du bail commercial .
Par exploit d'huissier de justice du 11 juin 2018, les bailleurs ont fait part de leur acceptation du renouvellement du bail mais ont sollicité que le montant du loyer commercial soit porté à la somme annuelle de 33 600 euros avec augmentation limitée à 10% par an jusqu'à atteindre la nouvelle valeur locative. En outre, les bailleurs ont précisé que renouvellement devait prendre effet le 1er avril 2018 pour se terminer le 1er janvier 2028.
Au cours du mois de juin 2018, la SNC Vince a écrit aux bailleurs afin que lui soit communiquée la méthode de calcul retenue à l'appui de la révision du loyer commercial.
Par exploit du 9 octobre 2018, les bailleurs ont fait sommation à la SNC Vince de leur indiquer si elle acceptait les nouvelles conditions proposées.
Après avoir, à plusieurs reprises, renouvelé sa demande de communication de la méthode de calcul appliquée par les bailleurs, le preneur a saisi le 24 avril 2019 la commission départementale amiable des loyers commerciaux.
Le 25 novembre 2019, la commission départementale amiable des loyers commerciaux s'est réunie mais aucun accord n'a été trouvé entre les parties au litige.
La SNC Vince a alors fait assigner les bailleurs devant le président du tribunal judiciaire d'Avignon statuant en matière de loyers commerciaux.
Par jugement du 8 novembre 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Avignon a notamment :
-Dit que les conditions du déplafonnement du loyer sont réunies
-Ordonné avant dire droit sur le montant du loyer commercial, une expertise avec mission donnée à l'expert de :
1.se rendre sur les lieux et décrire les locaux et terrains objets du bail dont s'agit
2.s'expliquer sur les cinq éléments déterminant la valeur locative;
3.estimer la valeur locative de l'immeuble en cause, en recourant au minimum à deux méthodes d'évaluation habituelles, à compter du 1er juillet 2019;
4.préciser le montant du loyer applicable;
-Ordonné l'exécution provisoire de la décision;
-Fixé le loyer provisionnel du bien à 26 328,79 euros annuel hors taxes et hors charges, outre indexation en cours jusqu'à décision de fixation du prix du bail révisé ou renouvelé;
-Condamné la SNC Vince à payer aux consorts [F] la somme de 3 144,94 euros au titre de l'arriéré locatif à devoir du 1er octobre 2016 au 31 avril 2021 par application de la clause d'échelle mobile;
-Condamné la SNC Vince à payer aux consorts [F] la somme de 2 073 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères due pour les années 2017 à 2019, ainsi que celle au titre de l'année 2020;
-Débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
-Réservé les dépens.
Le 24 décembre 2021, la SNC Vince a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.
L'expert judiciaire a déposé son pré-rapport le 9 mai 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la SNC Vince, appelante, demande à la cour de :
-Déclarer recevable et fondé l'appel qu'elle a interjeté
Y faisant droit,
-Infirmer la décision entreprise rendue le 8 novembre 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Avignon et, statuant à nouveau,
-Dire n'y avoir lieu à déplafonnement du bail commercial la liant aux consorts [F]
-Dire n'y avoir lieu à expertise
-Fixer le loyer du bail renouvelé pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 2018 à la somme de 24 968,60 euros annuels, soit 2 080,71 euros mensuels
-Décharger la SNC Vince des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires;
-Débouter les consorts [F] de leur demande au titre de l'arriéré des taxes d'ordres ménagères
-Débouter les consorts [F] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions contraires
-Condamner solidairement les consorts [F] à restituer le trop perçu au locataire
-Condamner solidairement les consorts [F] à porter et payer à la SNC Vince la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
-Condamner solidairement les consorts [F] en tous les dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'elle est entrée dans les lieux le 12 décembre 2016 et que le renouvellement du bail est intervenu le 11 juin 2018, de sorte que les dispositions du code de commerce relatives à la révision triennale ne trouvent pas à s'appliquer et que le débat ne saurait porter que sur le seul déplafonnement du bail ; la notion de monovalence invoquée par les bailleurs ne vaut que pour les établissements dédiés à une seule activité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; en effet, initialement le local donné à bail était à usage mixte, professionnel et d'habitation ; les bailleurs sont propriétaires d'une maison élevée d'un simple rez-de-chaussée avec salle unique à usage de bar tabac, locaux à usage d'habitation et terrain attenant en nature de cour ; les locaux sont affectés à des activités multiples et sont accessibles par plusieurs entrées conduisant aux diverses zones d'activité de l'établissement ; en outre, l'acte de cession du 21 décembre 1994 prend acte de l'autorisation par les bailleurs d'exercer des activités de presse, papeterie, librairie, restauration, bimbeloterie et PMU, outre les activités initialement exercées de tabac-bar ; enfin, par ce même acte, le bailleur a autorisé le locataire à réaliser des travaux consistant en un aménagement du local jeux en tabac-presse avec la création d'un accès direct du bar à la cour ; les locaux comportent plusieurs zones et leur transformation ne nécessite pas des travaux importants, ni coûteux.
L'appelante indique également que la modification des locaux, pour être à l'origine d'un déplafonnement de loyer, doit survenir au cours du bail expiré ; or, elle justifie que les travaux d'intégration de la partie habitation à la partie exploitée n'ont pas été réalisés par elle, ni même par le locataire précédent puisqu'il résulte de l'accédit intervenu dans le cadre de l'expertise judiciaire qu'ils datent au plus tard de 1999 ; lors de la demande de renouvellement de bail formulé par le précédent locataire en 2009, les bailleurs ont sollicité un déplafonnement puis accepté que le bail se renouvelle aux mêmes charges et conditions. Les modifications survenues durant l'avant dernier bail ne peuvent être retenues car elles sont présumées avoir été prises en compte lors du précédent renouvellement. Si elles ne l'ont pas été, le bailleur est présumé y avoir renoncé. Or, le loyer a été fixé conventionnellement entre les parties lors du renouvellement de 2009 au regard de la situation des locaux connue des bailleurs. L'augmentation du loyer en 2009 prend certes en compte la clause d'échelle mobile mais pas uniquement. Lors de la cession du bail en décembre 2016, les parties ont déclaré que le loyer annuel était de 23 986,80 euros ; les bailleurs ont donc appliqué au locataire de l'époque une première augmentation du loyer, tenant compte des travaux réalisés par les précédents locataires. Ainsi, les bailleurs tentent d'obtenir un second déplafonnement sans prouver l'existence d'une nouvelle cause ; en outre, ils ne démontrent pas que la surface commerciale aurait doublé.
L'appelante précise que le bailleur pourrait uniquement solliciter le réajustement du bail si les travaux prétendus travaux qu'elle aurait effectués étaient devenus sa propriété par accession ; or, la clause d'accession figurant au bail ne prévoit le transfert de propriété des travaux réalisés qu'en fin de bail ; les bailleurs ne prouvent pas qu'elle a exécuté des travaux modifiant la surface, le volume ou l'accès pour le public aux locaux loués ; en effet, elle a simplement remis en état les lieux lors de sa prise de possession mais n'a pas modifié les caractéristiques du local, ni la destination des lieux ; il n'existe aucun motif de déplafonnement du loyer du fait des travaux qu'elle a réalisés ; de plus, les bailleurs ont confirmé que les modifications constatées n'étaient pas le fait du preneur actuel mais des travaux faits par les locataires précédents qu'ils ont dû autoriser et qui ont été pris en compte dans la fixation du loyer ; les bailleurs indiquent ne faire état d'aucune évolution des facteurs de commercialité, ce dont il conviendra de leur donner acte.
S'agissant de l'application de la clause d'échelle mobile, l'appelante soutient qu'il appartient aux bailleurs de démontrer qu'ils n'ont pas pratiqué de révision du loyer antérieurement ; le calcul des bailleurs est erroné, tant sur la période que sur la méthode, en ce qu'ils procèdent à une revalorisation dès le 1er octobre 2016 et en ce qu'ils ne prennent pas acte de l'application de la loi Pinel qui a remplacé l'indice du coût de la construction par l'indice des loyers commerciaux. Par ailleurs, le bail liant les parties ne met nullement à la charge du locataire la taxe d'ordures ménagères.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [F] et Monsieur [T] [F], intimés, demandent à la cour de :
-Confirmer le jugement entrepris en en ce qu'il a :
Dit que les conditions du déplafonnement du loyer sont réunies ;
Ordonné, avant dire droit sur le montant du loyer, une expertise, selon mission renseignée dans le dispositif du jugement
Fixé le loyer provisionnel du bien au montant du loyer révisé, hors taxes et hors charges jusqu'à décision de fixation du prix du bail révisé ou renouvelé
Validé le montant de l'arriéré locatif à devoir de décembre 2016 à ce jour, sur le principe
Condamné la SNC Vince à payer cet arriéré ;
Condamné la SCN Vince à payer les taxes sur ordures ménagères.
Y ajoutant,
Si l'indice applicable est toujours celui de l'indice du coût de la construction,
-Condamner la SNC Vince au paiement des loyers suivants de décembre 2016 à la date de l'arrêt à intervenir, dans les termes suivants :
2 042,41 euros par mois pour le loyer dû de décembre 2016 à septembre 2017, en deniers ou quittance ;
2 075,97 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2017 à septembre 2018, en deniers ou quittance ;
2 154,29 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2018 à septembre 2019, en deniers ou quittance ;
2 170,45 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2019 à septembre 2020, en deniers ou quittance ;
2 194,06 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2020 à septembre 2021, en deniers ou quittance ;
2 344,48 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2021 à septembre 2022, en deniers ou quittance;
2 523,19 euros pour le loyer dû d'octobre 2022 à septembre 2023, en deniers ou quittances;
Si l'indice applicable est toujours celui de l'indice du coût des loyers commerciaux depuis le renouvellement intervenu le 1er octobre 2018,
-Condamner la SNC Vince au paiement des loyers suivants de décembre 2016 à la date de l'arrêt à intervenir, dans les termes suivants :
2 042,41 euros par mois pour le loyer dû de décembre 2016 à septembre 2017, en deniers ou quittance ;
2 075,97 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2017 à septembre 2018, en deniers ou quittance ;
2 126 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2018 à septembre 2019, en deniers ou quittance ;
2 166,29 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2019 à septembre 2020, en deniers ou quittance ;
2 168,17 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2020 à septembre 2021, en deniers ou quittance ;
2 243,13 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2021 à septembre 2022, en deniers ou quittance ;
2 363,62 euros par mois pour le loyer dû d'octobre 2022 à septembre 2023, en deniers ou quittance.
-Débouter la SNC Vince de toutes ses conclusions, fins et prétentions contraires;
-Condamner la SNC Vince à verser aux consorts [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir que les locaux sont monovalents en ce que leur destination était initialement affectée à un bar-tabac, ce qui suppose l'existence d'une salle dédiée avec comptoir et point d'eau ; un bar comporte régulièrement et par essence un espace presse papeterie librairie bimbeloterie PMU ; les locaux ne disposent que d'une seule entrée officielle et ne sont affectés qu'à un seul type de clientèle, révélant une unité d'exploitation ; de plus, les locaux ne peuvent être affectés qu'à la seule destination de bar-restauration, à l'exclusion de toute autre, sans aménagements coûteux, en ce qu'ils supposeraient de réaffecter les pièces, par des travaux de gros oeuvre pour leur permettre d'être affectées à un autre usage; enfin, la destination des locaux reste homogène en ce qu'il existe une unité économique évidente.
Les intimés soulignent que le bail prévoit que les travaux d'amélioration resteront la propriété du bailleur en fin de bail ; il n'est nullement stipulé une clause d'accession en fin de jouissance ; il convient de distinguer les travaux qui constituent une modification des caractéristiques des locaux justifiant le déplafonnement au premier renouvellement suivant leur réalisation par le locataire et les travaux qui constituent une amélioration des locaux justifiant le déplafonnement, lors du deuxième renouvellement. Lorsque les travaux peuvent cumulativement relever des deux régimes, le régime de l'amélioration prévaut. Aucune augmentation n'est intervenue lors du renouvellement sollicité par le précédent locataire en 2009 et la seule augmentation contractuellement fixée par les parties date de 1994. Lors du renouvellement du 1er février 1999, le loyer a été fixé à la somme annuelle de 15 165,93 euros par la simple application de l'indexation ; le loyer du en 2009 s'élevait à la somme annuelle d'au moins 22 870,85 euros par la simple application de la clause d'échelle mobile basée sur l'indice du coût de la construction. Les bailleurs n'ont pas obtenu la revalorisation du bail à un loyer annuel de 26 400 euros, lors de l'acceptation du renouvellement en 2009. Le loyer annuel de 23 986,80 euros versé en 2016 n'est là encore que le résultat de l'application de la clause d'échelle mobile. Les travaux incriminés portant extension de la surface commerciale sur toute la partie habitation dateraient de 1999. Ils n'ont donné lieu à aucune revalorisation contractuelle de loyers. La destination des locaux a été modifiée en ce qu'il n'existe plus de partie habitation.
S'agissant de l'application de la clause d'échelle mobile, les intimés soutiennent que le bail prévoyait expressément le caractère automatique de la révision de telle sorte que le preneur devait également la calculer et l'appliquer, ce que la société appelante n'a pas fait ; de plus, le fait de ne pas demander l'indexation du loyer ne fait pas s'éteindre la clause d'échelle mobile qui joue de plein droit ; il est précisé dans la clause d'indexation du loyer que l'indice de référence est l'indice national du coût de la construction; l'action en paiement des loyers relève de la prescription quinquennale de droit commun; de plus, la reconnaissance de la révision par la société appelante en octobre 2020 constitue une cause d'interruption ; les bailleurs sont fondés à lui réclamer le paiement de l'indexation dès le 12 décembre 2016, date d'entrée en jouissance des locaux ; le décompte présenté par la société appelante est erroné en ce qu'il ne tient pas compte de la revalorisation du loyer à compter du 1er octobre 2016 pour ne l'appliquer qu'à compter du 1er octobre 2017. Par ailleurs, la taxe sur ordures ménagères est due par le locataire s'agissant d'un service qui lui profite exclusivement et donc d'une contribution qui lui incombe; en outre, les locataires successifs ont toujours réglé cette taxe.
Enfin, les intimés soutiennent que les conditions de déplafonnement étant réunies et que, par ailleurs, tenant le désaccord des parties, il est nécessaire d'ordonner une expertise aux fins de fixation de la valeur locative.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur le montant du loyer du bail renouvelé
L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que : 'Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage."
Aux termes de l'article R145-10 du code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.
Il résulte de l'interprétation de ces dispositions par la Cour de cassation que doivent être assimilés aux locaux construits en vue d'une seule utilisation ceux qui ont subi, postérieurement, des aménagements importants et anciens excluant tout autre usage (3e Civ., 19 janvier 1982, n°80-15.744).
Il appartient au bailleur, qui entend s'en prévaloir, d'apporter la preuve de la monovalence des lieux loués (3e Civ., 10'nov. 2010, n°'09-16.783).
La monovalence doit être appréciée au regard de l'utilisation unique en vue de laquelle les locaux ont été construits et des travaux importants d'aménagement effectués excluant tout autre usage et non pas de l'affectation des dits locaux par les clauses du bail.
En tout état de cause, la destination des lieux prévue par le bail litigieux est très large puisque le preneur peut y exercer tant l'activité de bar tabac PMU que celle de presse papeterie librairie restauration bimbeloterie.
Par ailleurs, si les photographies versées au débat font apparaître la présence d'un comptoir au centre de la pièce principale, raccordé au réseaux d'eau potable et des eaux usées, la preuve n'est pas rapportée que l'affectation des locaux à une autre activité exigerait l'exécution de travaux importants et de transformations coûteuses.
En application de l'article L.145-34 du code de commerce, il incombe au bailleur qui entend obtenir un déplafonnement du loyer du bail renouvelé le 1er octobre 2018 de rapporter la preuve d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, à savoir, les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties ou les facteurs locaux de commercialité.
Les bailleurs précisent, dans leurs dernières écritures, que les travaux dont ils se prévalent ne sont pas ceux de rafraîchissement ou d'amélioration qui ont pu être exécutés par la société appelante après son entrée dans les lieux en décembre 2016, ni ceux expressément autorisés par le bailleur en 1994, mais bien ceux qui ont été effectués par un locataire antérieur, [...], au cours de l'année 1999.
Les bailleurs invoquent la modification des caractéristiques du local considéré et de la destination des lieux survenue au cours du bail expiré. Ils considèrent que l'article R.145-8 du code de commerce n'est pas applicable, en l'espèce, au vu de la modification notable des locaux. Il convient d'en déduire qu'ils ne soutiennent pas que les travaux réalisés en 1999 apportent une amélioration aux lieux loués.
Au vu des premières constatations opérées par l'expert judiciaire qui ont été retranscrites dans son pré-rapport, il est établi que des travaux ont été effectués, sans l'autorisation expresse des bailleurs mais sans opposition non plus de leur part, après le renouvellement du bail intervenu le 1er février 1999 et vraisemblablement au cours de l'année 1999. Ces travaux ont consisté à transformer la salle de jeux en salle de restaurant, une chambre en cuisine, une autre chambre en réserve 'tabac sécurité', la salle de bains en vestiaires et l'auvent en remise extérieure. Ce sont ces travaux et non ceux précédemment autorisés par les bailleurs en 1994 qui ont abouti à augmenter la surface commerciale en lui adjoignant la surface destinée à l'habitation, sans pour autant augmenter la superficie des lieux loués et donc modifier l'assiette du bail. Les transformations de la consistance des lieux ainsi opérées après le 1er février 1999 constituent une modification notable des caractéristiques propres du local justifiant le déplafonnement du loyer et la fixation du loyer à la valeur locative dès le premier renouvellement du bail.
En revanche, les dispositions de l'article R. 145-8 du code de commerce qui ne concernent que les travaux d'amélioration justifiant le déplafonnement, lors du deuxième renouvellement du bail, ne sont pas applicables.
Le preneur soutient que la modification de la consistance des lieux intervenue après le 1er février 1999 a déjà été prise en considération en 2009, lors de la cession du bail à Monsieur [L].
Par acte extrajudiciaire du 9 septembre 2009, Monsieur [L], preneur, avait sollicité le renouvellement du bail. Si les bailleurs avaient accepté le principe même du renouvellement, les parties n'étaient pas parvenues à s'accorder sur le montant du loyer du bail renouvelé que les bailleurs avaient entendu fixer à 26 400 euros.
Le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de l'espèce en retenant, au vu du calcul fourni par les bailleurs que si, lors de la cession du fonds de commerce à Monsieur [L], le 24 février 2009, le loyer annuel était passé de 15 165,93 euros à 22 870,85 euros, c'était uniquement par application de la clause d'échelle mobile basée sur l'indice du coût de la construction. Il n'est donc pas démontré que les travaux effectués après le 1er février 1999 aient été pris en considération en 2009 lors du renouvellement du bail.
Pour justifier le déplafonnement, la modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33 doit être intervenue au cours du bail expiré et non pas antérieurement à sa date d'effet.
Il en résulte que les travaux, effectués entre le 1er février 1999 et le 1er octobre 2009, non pris en compte lors du renouvellement du 1er octobre 2009, ne peuvent l'être à l'occasion du deuxième renouvellement du 1er octobre 2018 qui suit leur réalisation, le bailleur étant réputé y avoir renoncé.
Dès lors, la modification de la destination des lieux invoquée par les bailleurs n'est pas intervenue au cours du dernier bail expiré le 30 septembre 2018 mais de l'avant dernier bail expiré le 30 septembre 2009, les bailleurs ne pouvaient invoquer de motif valable de déplafonnement, lors du renouvellement du bail au 1er octobre 2018. Le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a dit que les conditions du déplafonnement du loyer étaient réunies.
Seul le preneur serait en droit d'invoquer le fait que la valeur locative soit inférieure au montant du loyer contractuellement fixé lors du bail échu pour obtenir une diminution du montant du loyer du bail renouvelé. La demande d'expertise des bailleurs aux fins de déterminer la valeur locative n'est donc pas fondée.
Le jugement critiqué doit ainsi également être infirmé en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise et, dans l'attente de la décision de fixation du loyer, condamné le preneur au paiement d'un loyer provisionnel.
2) Sur l'indexation des loyers
En appel, le preneur ne conteste plus le principe de l'indexation des loyers et ne soulève pas l'extinction de la demande des bailleurs pour cause de prescription. En revanche, le preneur soutient que le calcul de la révision doit être pratiqué sur la base de loyer de 23 986,80 euros au 1er octobre 2016, selon les énonciations de l'acte de cession de fonds de commerce du 12 décembre 2016.
Il apparaît toutefois que les bailleurs ne sont pas intervenus à l'acte de cession du 12 décembre 2016 de sorte qu'ils ne sont pas liés par les déclarations du cédant du fonds de commerce quant au montant du loyer payé à cette date.
Le loyer s'élevait en réalité à 23 986,80 euros au 1er octobre 2015, le preneur précédant, vendeur du fonds de commerce à la société Vince, n'ayant pas procédé à l'indexation au 1er octobre 2016, juste avant son départ. Par application de l'indice du coût de la construction, le loyer aurait du être revalorisé à la somme de 24 508,90 euros au 1er octobre 2016. La société Vince aurait donc du régler un loyer mensuel de 2 042,41 euros au lieu de 1 998,60 euros à compter du mois suivant son entrée dans les lieux, soit du 1er janvier 2017 jusqu'au 1er septembre 2017 inclus, puis un loyer mensuel de 2 075,97 euros du 1er octobre 2017 au 1er septembre 2018 inclus.
Le bail prévoyait l'application de l'indice du coût de la construction ; lors du renouvellement du 1er octobre 2018, les parties n'ont pas remis en cause ces stipulations contractuelles qui doivent continuer à s'appliquer, en dépit de la réforme introduite par la loi dite Pinel du 18 juin 2014.
Le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2018 s'élève, par conséquent, à la somme de 25 512,07 euros.
Il convient, par conséquent, de condamner la société Vince au paiement d'un loyer mensuel de 2 126 euros du 1er octobre 2018 au 1er septembre 2019 inclus, de 2 166,29 euros du 1er octobre 2019 au 1er septembre 2020 inclus, de 2 168,17 euros du 1er octobre 2020 au 1er septembre 2021 inclus, de 2 243,13 euros du 1er octobre 2021 au 1er septembre 2022 inclus, de 2 363,62 euros du 1er octobre 2022 au 1er septembre 2023 inclus.
Les condamnations seront prononcées en deniers ou quittances, des comptes devant être faits entre les parties eu égard aux règlements opérés par le preneur que ce soit au titre de l'exécution du jugement de première instance ou d'indexations de loyers effectuées partiellement.
3) Sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères
S'agissant d'un bail commercial, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du preneur qu'en vertu d'une stipulation contractuelle (3°Civ., 13 juin 2012, n°11-17.114).
Le bail renouvelé le 26 février 1991 prévoit que le preneur acquittera exactement sa contribution mobilière, sa contribution de patente et d'une façon générale, tous les impôts, contributions et taxes lui incombant et dont le bailleur pourrait être responsable à un titre quelconque.
Cette clause ne vise pas la taxe foncière qui incombe au bailleur mais renvoie aux dispositions spécifiques permettant à l'administration fiscale de recouvrer certains impôts, contributions et taxes incombant aux preneurs de baux commerciaux, sur leurs bailleurs.
Dès lors, en l'absence de stipulation contractuelle mettant à la charge du preneur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, bien qu'elle soit afférente à un service dont il profite, les bailleurs sont mal fondés à lui en demander le remboursement.
Par conséquent, le jugement critiqué sera infirmé en ce qu'il a condamné le preneur au paiement de la somme de 2 073 euros au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères des années 2017 à 2019 ainsi que de celle de l'année 2020.
Il n'est pas nécessaire d'ordonner la restitution des sommes versées par le preneur en exécution du jugement de première instance, l'obligation de restitution résultant de la décision d'infirmation elle-même.
4) Sur les frais du procès
Les intimés qui succombent seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'appelante qui se verra allouer une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit n'y avoir lieu à déplafonnement du bail commercial liant la SNC Vince aux consorts [F]
Déboute les consorts [F] de leur demande d'expertise
Dit n'y avoir lieu à fixation d'un loyer provisionnel
Fixe le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2018 à la somme de 25 512,07 euros
Déboute la SNC Vince de sa demande en restitution du trop perçu
Déboute Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] de leur demande en paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères
Condamne en deniers ou quittances la SNC Vince à payer à Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] un loyer mensuel de :
2 042,41 euros à compter du 1er janvier 2017 jusqu'au 1er septembre 2017 inclus,
2 075,97 euros du 1er octobre 2017 au 1er septembre 2018 inclus
2 126 euros du 1er octobre 2018 au 1er septembre 2019 inclus,
2 166,29 euros du 1er octobre 2019 au 1er septembre 2020 inclus,
2 168,17 euros du 1er octobre 2020 au 1er septembre 2021 inclus,
2 243,13 euros du 1er octobre 2021 au 1er septembre 2022 inclus,
2 363,62 euros du 1er octobre 2022 au 1er septembre 2023 inclus
Dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution des sommes versées par la SNC Vince en exécution du jugement de première instance
Y ajoutant,
Condamne solidairement Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Condamne solidairement Monsieur [S] [F], Madame [I] [F] épouse [O], Madame [P] [G] épouse [F], Monsieur [T] [F] à payer à la SNC Vince une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,