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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 1, 25 août 2023, n° 21/17726

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/17726

25 août 2023

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 25 AOÛT 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17726 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEOSU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 juin 2021 - Tribunal judiciaire de BOBIGNY RG n° 19/01924

APPELANTE

Société MATMUT immatriculée au RCS de Rouen sous le numéro 389 119 306, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentée et assistée de Me Dominique LAURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1418

INTIMÉES

Madame [B] [E] née le 20 mars 1932 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée par Me Frédéric GABET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB139

SCI LA PALMERA immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro 799 411 111, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Morgane OJALVO DENIEL de la SELAS KARILA SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P264

Compagnie AXA FRANCE IARD immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 722 057 460, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Catherine BALLOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : A0420

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Claude CRETON, président de chambre

Corinne JACQUEMIN, conseillère

Catherine GIRARD-ALEXANDRE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Madame Marylène BOGAERS,

En présence de : Madame [U] [D]

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour initialement prévue le 30 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Corinne JACQUEMIN, conseillère, faisant fonction de président de chambre, et par Marylène BOGAERS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Le 8 juillet 2014, Madame [B] [E] et la société civile immobilière (SCI) la Palmera ont signé un compromis de vente pour l'acquisition du lot n° 6 dans un ensemble immobilier, sis [Adresse 5], pour le prix de 185 000 euros.

L'acte authentique de vente a été régularisé le 12 novembre 2014.

Entre-temps, Mme [E] a déclaré le 26 octobre 2014 un sinistre dégât des eaux à sa compagnie d'assurance MATMUT.

Faisant valoir l'existence de nombreux désordres dans les locaux lors de la prise de possession le 24 novembre 2014, la SCI la Palmera a, par acte du 10 mars 2015, assigné Mme [E] , la MATMUT et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], en référé afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

Le 4 décembre 2014, le cabinet DM Gestion en sa qualité de syndic de l'immeuble a également procédé à une déclaration de sinistre auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD, l'assureur de la copropriété

Par ordonnance du 6 mai 2015, Monsieur [F] a été commis avec mission habituelle en la matière et Mme [E] condamnée à verser à la SCI la Palmera une somme de 20 000 € à titre de provision à valoir sur les préjudices subis.

Les opérations de Monsieur [F] ont été étendues à la compagnie AXA France IARD.

L'expert a déposé son rapport le 15 mars 2017.

Suivant acte d'huissier du 6 février 2019, la SCI la Palmera a fait assigner Mme [E] afin d'obtenir sa condamnation à lui verser les sommes suivantes :

- 59 764,18 € au titre de la réparation des dégâts causés dans le bien ;

- 32 000 € en réparation du préjudice de jouissance ;

- 3 050,13 € en remboursement des charges de copropriété pendant le défaut de jouissance du bien ;

- 2 181 € en remboursement des frais de déplacement pour les besoins des opérations d'expertise ;

- 8 000€ en indemnisation du préjudice moral des associés de la SCI ;

- 5 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens.

Par acte du 13 juin 2019, Mme [E] a assigné les compagnies AXA France IARD et MATMUT en intervention forcée et en garantie.

Les instances ont été jointes.

Selon jugement, dont appel, rendu le 24 juin 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a:

- déclaré Mme [E] responsable au titre de la réticence dolosive qui a vicié le consentement de la SCI la Palmera lors de la vente du bien immobilier, sis [Adresse 5] le 12 novembre 2014,

- condamné Mme [E] à verser à la SCI la Palmera la somme de 59.764,18 euros au titre des frais de remise en état,

- débouté la SCI la Palmera de ses diverses demandes de dommages et intérêts,

- condamné la société AXA à garantir Mme [E] à hauteur de 5% du montant des condamnations prononcées contre elle et ce, dans les limites de la police et de la franchise,

- condamné la MATMUT à garantir Mme [E] à hauteur de 80% du montant des condamnations prononcées contre elle et ce, dans les limites et termes de la police et sous réserves de la franchise,

- condamné Mme [E] à verser à la SCI la Palmera la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Le tribunal a retenu la responsabilité de Mme [E] pour réticence dolosive aux motifs que si le notaire a effectivement adressé le 12 novembre 2014 à 17h50 un courrier au notaire des acquéreurs indiquant qu'un dégât des eaux avait eu lieu, il ressort toutefois d'un courriel de Madame [S] que le rendez-vous pour la vente '[E] / SCI LA PALMERA' était le 12 novembre 2014 à 17h30 et qu'ainsi Mme [E] ne justifie pas avoir respecté son obligation d'information en avisant, au moment de la vente, les acquéreurs de l'existence d'un dégât des eaux ayant eu lieu plus de 3 semaines avant, rendant de fait le bien inhabitable du fait de l'humidité importante.

Concernant les garanties, le tribunal a considéré que :

- dès lors que la MATMUT était bien l'assureur habitation de Mme [E] au moment du dégâts des eaux, qui lui a été régulièrement déclaré le 23 octobre 2014 et donc avant la vente, sa garantie était mobilisable ;

- s'agissant d'AXA France IARD, sa garantie était due au titre des canalisations enterrées, en vertu des conditions particulières du contrat avec le syndicat des copropriétaires qui prévoient que sont garanties les canalisations enterrées et refoulement d'égout, à concurrence de 31 fois l'indice.

Estimant qu'une police d'assurance multirisque habitation n'a pas vocation à garantir un assuré des conséquences pécuniaires d'une réticence dolosive lors d'une vente immobilière, la MATMUT.a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 21 décembre 2021, la MATMUT demande à la cour, au visa des article 1353 du Code civil, L124-5 du code des assurances, 1108 du code des assurances, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à garantir Madame [E] à hauteur de 80% du montant des condamnations prononcées contre elle,

et statuant à nouveau,

- à titre principal, débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, la garantie de la MATMUT n'est pas acquise, la cause des désordres invoqués par la SCI la Palmera étant antérieure à la prise d'effet de la police souscrite ;

- à titre encore plus subsidiaire, dire qu'elle ne garantit pas les désordres et les préjudices immatériels invoqués par la SCI la Palmera ;

en toute hypothèse,

- la garantie de la MATMUT n'a vocation à intervenir que dans la limite de la police d'assurance, et sous réserves de la franchise,

- condamner Mme [E] à restituer l'ensemble des condamnations perçues en exécution du jugement attaqué, comme de l'ordonnance de référé en date du 6 mai 2015, soit les sommes de 31.671,35 euros et 16.000 euros ;

- condamner Mme [E], ou toute partie succombant, à verser à la MATMUT une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 18 mars 2022, la SCI la Palmera requiert de la cour, au visa des articles 1103 et 1104, 1116, 1117, 1137 et 1138 ,1112-1, 1582 et suivants du Code civil, de l'article 1240 du Code civil (ancien article 1382 du Code civil), de :

- confirmer le jugement rendu le 24 juin 2021 par le tribunal Judiciaire de Bobigny en ce qu'il a déclaré Mme [E] responsable de réticence dolosive ayant vicié le consentement de la SCI la Palmera et partant, l'a condamnée à régler à la la SCI la Palmera la somme de 59.764,18 euros au titre des frais de remise en état ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI la Palmera de sa demande au titre :

* de son préjudice de jouissance et condamner Mme [E] à régler à la SCI la Palmera la somme de 37.000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

* du remboursement des charges de copropriété qu'elle a été contrainte de supporter malgré l'indisponibilité de son bien et condamner Mme [E] à régler à la SCI la Palmera la somme de 3.050,13 euros au titre des charges de copropriété qu'elle a dû supporter alors qu'elle ne pouvait jouir de son bien, et qu'une partie des frais est directement lié au sinistre ;

* de sa demande au titre du remboursement des frais de déplacement des gérants de la SCI aux réunions d'expertise judiciaire et condamner Mme [E] à régler à la SCI la Palmera la somme de 2.181 euros au titre des frais de déplacements qu'ont été contraints de régler les gérants de la SCI pour les besoins de l'expertise judiciaire ;

* rejeter la demande de la SCI la Palmera au titre de son préjudice moral et condamner Mme [E] à payer la somme de 2.000 euros à chacun des membres de la SCI ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Compagnie AXA FRANCE IARD à garantir Mme [E] à hauteur de 5 % du montant des condamnations prononcées contre elle ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a

* condamné la MATMUT à garantir Mme [E] à hauteur de 80 % du montant des condamnations prononcées contre elle ;

* limité la condamnation de Madame [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 5000 euros ;

en conséquence,

condamner Mme [E] à régler à la SCI la Palmera la somme de 23.811,01 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens incluant les frais d'expertise judiciaire ;

subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [E] à régler la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant les frais d'expertise judiciaire ;

Aux termes des ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 12 mars 2022, la compagnie AXA France IARD demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* déclaré Mme [E] responsable au titre de la réticence dolosive qui a vicié le consentement de la SCI la Palmera lors de la vente du bien immobilier sis [Adresse 5] le 12 novembre 2014 ;

* condamné Mme [E] à verser à la SCI la Palmera la somme de 59 764, 18€ au titre de frais de remise en état ;

* rappelé que Mme [E] a été condamnée par ordonnance de référé en date du 6 mai 2015 à régler à la SCI la Palmera la somme de 20 000 euros à titre de provision et les condamnations s'entendront sous déduction de cette somme ;

* débouté la SCI la Palmera de ses demandes au titre :

. du préjudice de jouissance,

. du remboursement des charges de copropriété,

. des frais de déplacement de son gérant aux réunions d'expertise judiciaire,

. du préjudice moral ;

- condamné la société AXA à garantir Mme [E] à hauteur de 5% du montant des condamnations prononcées contre elle et ce, dans les limites de la police et de la franchise ;

- condamné la société MATMUT à garantir Madame [B] [E] à hauteur de 80% du montant des condamnations prononcées contre elle et ce, dans les limites et

termes de la police et sous réserve de la franchise ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné tout succombant à payer à la Compagnie AXA France IARD la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Catherine Ballouard, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [E] n'a pas conclu, ce qui a été constaté par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 10 juin 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

SUR QUOI

La disposition du jugement déféré, retenant la responsabilité de Mme [E] à l'égard de la SCI la Palmera pour réticence dolosive par silence du vendeur gardé sur le sinistre de dégât des eaux survenu dans l'immeuble, est définitive faute d'appel sur ce point.

De même la garantie de AXA France IARD n'est contestée par aucune des parties et n'est donc plus en litige.

Sur les préjudices la SCI la Palmera

Concernant le préjudice de jouissance

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que la SCI la Palmera n'avait fourni aucun élément justificatif de sa date de prise d'effet de la possession des lieux acquis et de la valeur locative du bien alors que l'expert n'avait pas expliqué son calcul aboutissant à une somme de 1000 euros par mois.

La SCI la Palmera forme appel incident et fait valoir que la valeur locative du bien est évaluée à 1130 euros ; que la prise de possession a eu lieu dès la signature de l'acte authentique de vente le 12 novembre 2014 et qu'elle n'a pas été en mesure de réaliser les travaux de remise en état de son bien, a minima jusqu'au dépôt du rapport de Monsieur [F], en date du 15 mars 2017 puisqu'il a fallu attendre décembre 2017.

La SCI la Palmera justifie ses allégations par les constatations de l'expert quant à la nature des dommages subis par l'immeuble du fait des problèmes d'humidité et par l'évaluation faite par une agence immobilière (pièce n°25).

Quant à la durée de l'immobiliation d'une partie du bien, la SCI la Palmera n'est pas fondée à soutenir que ces seuls travaux n'aient pu intervenir avant les autres qu'elle avait prévus et qui sont indépendant des problèmes d'humidité.

Il convient de retenir, au vu du rapport d'expertise, une durée de 28 mois, soit du 12 novembre 2014 au 15 mars 2017 et donc d'évaluer le préjudice à la somme totale de 28.000 euros.

Le jugement est infirmé de ce chef et Mme [E] est condamnée à payer à la SCI la Palmera la somme de 28.000 euros au titre de son préjudice de jouissance.

Concernant les charges de copropriété

Le tribunal a rejeté la demande formée par la SCI la Palmera au titre du remboursement des charges de copropriété en estimant que ces frais auraient dû « de toute façon » être assumés par la demanderesse si elle avait intégré sa maison comme convenu en 2014.

La SCI la Palmera forme appel incident et justifie que bien qu'elle n'avait pas l'usage du bien, elle a dû payer les charges courantes, incluant la consommation d'eau calculée par le syndic sur la base des tantièmes affectés au bien mais en fait non utilisée, ainsi que la quote-part relative aux charges de gestion du sinistre dont elle était en fait la victime [pièce n°26 : Etat des dépenses ' charges de copropriété].

Le préjudice est en conséquence établi pour la somme totale de 3.050,13 euros.

Mme [E] est condamnée par infirmation du jugement déféré à payer cette somme à la SCI la Palmera.

Concernant les frais de déplacement du gérant de la SCI aux réunions d'expertise judiciaire

Ces frais doivent être inclus dans ceux arbitrés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement qui a débouté la SCI la Palmera de cette demande est confirmé par substitution de motifs.

Concernant le préjudice moral

Le tribunal a également rejeté la demande formée par la SCI la Palmera au titre de son préjudice moral en lui faisant grief de ne pas produire le Kbis ou les statuts de la société afin de lui permettre de connaître la composition de la SCI, et en estimant que cette demande faisait double emploi avec la demande au titre du préjudice de jouissance.

Si la SCI la Palmera justifie être une SCI familiale, elle n'établit pas un préjudice moral subi par ses membres autre que le préjudice de jouissance du bien pendant de réalisation des travaux.

Il convient ainsi de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la garantie de la compagnie MATMUT

Il est constant que Mme [E] a souscrit un contrat d'assurance multirisque habitation auprès de la MATMUT, à effet du 13 juin 2014 et qu'elle a établi une déclaration de sinistre le 26 octobre 2014 en signalant la survenance d'un dégât des eaux.

La MATMUT conteste toute garantie au titre de la responsabilité contractuelle pour dol prononcée à l'encontre de Mme [E] lors de la vente du bien immobilier.

Toutefois, dans les relations contractuelles entre Mme [E] et la compagnie, la garantie est due pour la cause assurée du dégât des eaux indépendamment de la responsabilité engagée par la venderesse à l'égard de la SCI la Palmera.

En effet, le préjudice subi par l'assurée subsiste du fait du dégât des eaux subi par l'immeuble dont elle était encore propriétaire et son droit à indemnisation est réel dès lors qu'il existe en dehors même de la vente intervenue.

L'appelante soutient également que le fait générateur étant antérieur à la prise d'effet du contrat, sa garantie n'est pas due par application de l'article L 124-5 du code des assurances.

Cet article n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que la garantie de la MATMUT n'est pas due du fait de l'engagement de la responsabilité de l'assuré mais d'un dégât des eaux et que dès lors, il convient de retenir l'article 11-2 des conditions générales du contrat MATMUT qui prévoit que ne sont pas garantis les dommages résultant d'un processus de dégradation ayant débuté avant la date de prise d'effet du contrat.

Sur ce point, l'expert judiciaire a relevé qu'en examinant les gravats laissés sur place dans les sacs, certaines lattes de parquet enlevées lors de la recherche de fuite sont totalement pulvérulentes : le parquet a été attaqué par la pourriture. Une telle destruction de la matière bois révèle une présence d'humidité ancienne. Il précise qu'il faut au minimum 10 à 15 ans pour atteindre ce niveau de déstructuration de la matière.

Or, l'expert impute l'origine des désordres à des remontées capillaires expliquant que les lambourdes sont fixées au plâtre directement sur les maçonneries de cave et que le plâtre est hydrophile.

Il a conclu que 'l'humidité présente dans la maçonnerie de cave s'est transmise aux lambourdes puis au parquet ce qui a favorisé l'apparition de pourritures (champignons). Cela explique que le désordre soit généralisé à toute la pièce. Vu l'état de dégradation des sols parquets, c'est un désordre très ancien.' (rapport page n°16).

Ainsi, le fait générateur du désordre est largement antérieur à la prise d'effet du contrat, puisque comprise entre 10 à 15 ans et la MATMUT est fondée à décliner sa garantie.

En conséquence le jugement déféré est infirmé sur le point de la garantie de la MATMUT à hauteur de 80 % de dommages subis du fait du dégât des eaux.

Sur le remboursement des sommes versées par la MATMUT

Le présent arrêt, infirmatif du jugement entrepris en ce qui concerne la garantie de la MATMUT, emporte de plein droit obligation de restitution de la somme de 31.671,35 euros versés en execution du jugement et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.

Il n'y a donc pas lieu de statuer plus amplement sur cette demande, précisant en outre que les sommes versées dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance de référé, soit en l'espèce la somme de 16.000 euros, doivent également être restituéees au vu de l'arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement est confirmé en ses dispositions concernant la condamnation de Mme [E] à régler à la SCI la Palmera la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance incluant les frais d'expertise judiciaire.

Ajoutant, il convient de condamner Mme [E] à payer à la SCI la Palmera la somme de 3500 euros complémentaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel sauf ceux de AXA France IARD qui demeureront à sa charge.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la MATMUT et AXA France IARD la charge de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS : statuant publiquement

La Cour,

par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 24 juin 2021 sauf en ce qu'il a :

- retenu la garantie de la compagnie d'assurance MATMUT ;

- débouté la SCI la Palmera de sa demande en indemnisation de son préjudice de jouissance ;

- débouté la SCI la Palmera de sa demande en indemnisation des charges de copropriété ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne Mme [B] [E] à payer à la SCI la Palmera la somme de 28.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

Condamne Mme [B] [E] à payer à la SCI la Palmera la somme de 3.050,13 euros au titre des charges de copropriété ;

Dit que la garantie de la compagnie MATMUT ne n'est pas due ;

Déboute les parties de leurs demandes présentées à l'encontre de la MATMUT ;

Condamne Mme [E] à payer à la SCI la Palmera la somme de 3000 euros complémentaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Déboute les compagnies MATMUT et AXA France IARD de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [B] [E] aux dépens d'appel.

Le greffier Le conseiller faisant fonction de Président