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CA Lyon, 1re ch. civ. a, 5 octobre 2023, n° 20/04572

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 20/04572

5 octobre 2023

N° RG 20/04572 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NDN3

Décision du Président du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 14 mai 2020

( chambre 3 cab 03 C)

RG : 15/10017

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 05 Octobre 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. GAMA ayant comme enseigne RESTAURANT LE GABION

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par la SELARL BOST-AVRIL, avocat au barreau de LYON, toque : 33

INTIMEE :

S.C.I. BEBER représentée par son mandataire la REGIE SIMONNEAU

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par la SELARL FORTEM AVOCATS (JBL), avocat au barreau de LYON, toque : 863

* * * * *

Date de clôture de l'instruction : 28 Septembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Juin 2023

Date de mise à disposition : 05 Octobre 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Selon acte reçu en la forme authentique le 12 mars 1998, la société civile immobilière Immo Un, aux droits de laquelle vient la société civile immobilière Beber, a donné à bail commercial à M. [T], aux droits duquel vient la société Gama, un local situé à l'angle [Adresse 2] et [Adresse 1] à [Localité 7].

Par acte d'huissier du 25 août 2006, la société Beber a signifié un congé avec offre de renouvellement à la société Gama, en réclamant un loyer de 'TRENTE SEPT MILLE EUROS (37.000 €) + 10 % charges forfaitaires + impôts fonciers'.

Par courrier du 14 novembre 2006, la société Gama a fait connaître qu'elle était d'accord avec le renouvellement, mais ne consentait pas au loyer proposé.

Par acte d'huissier du 26 février 2009, la société Beber a signifié un mémoire à la société Gama, proposant de fixer le prix du bail à la somme de 33.670 euros, à charge pour la société locataire de supporter les taxes locatives et la taxe foncière, en sus des fournitures individuelles et des frais d'entretien et de réparation.

Les parties se sont cependant abstenues de saisir le juge des loyers commerciaux.

Par avenant du 06 janvier 2012, les parties sont convenues d'un nouveau bail du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2020, au loyer annuel de 30.000 euros hors charges et hors droits.

Par acte d'huissier signifié le 11 juillet 2014, la société Beber a fait sommation à la société Gama de lui régler la somme de 12.498 euros au titre des taxes foncières 2009 à 2013, outre celle de 691 euros au titre des taxes d'enlèvement des ordures ménagères pour la même période.

Par courrier d'avocat du 15 juillet 2014, la société Gama a contesté devoir les sommes réclamées.

Selon ordonnance du 03 novembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société Gama à payer à la société Beber la somme provisionnelle de 5.841 euros au titre des taxes foncières et d'enlèvement des ordures ménagères 2012 et 2013, en rejetant la demande de provision formée pour la période antérieure à l'avenant du 06 janvier 2012, comme se heurtant à une difficulté sérieuse.

Par assignation signifiée le 09 juillet 2015, la société Beber a fait citer la société Gama devant le tribunal de grande instance de Lyon, aux fins d'obtenir le complet paiement des sommes dues au titre de la taxe foncière et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années antérieures à l'avenant du 6 janvier 2012, soit la somme de 6.657 euros, outre intérêts légaux à compter de la sommation de payer délivrée le 11 juillet 2014.

Dans le cadre de cette instance, la société Gama a opposé la prescription de la demande adverse, en contestant être débitrice des taxes litigieuses et en réclamant le remboursement des sommes versées à ce titre en exécution de l'ordonnance de référé du 03 novembre 2014. Elle a sollicité subsidiairement l'octroi de délais de paiement.

Par jugement du 14 mai 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Gama,

- condamné la société Gama à payer à la société Beber la somme de 6.657 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

- rejeté la demande de délais de paiement de la société Gama,

- condamné la société Gama aux dépens,

- condamné la société Gama à payer à la société Beber la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Gama a relevé appel de cette décision selon déclaration enregistrée le 17 août 2020.

Aux termes de ses conclusions déposées le 19 octobre 2020, la société Gama demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien, devenu les articles 1103 et 1193 et suivants du code civil, de l'article L.145-60 du code de commerce, de l'article 2224 du code civil, des articles 2044 et suivants du même code, des articles 1156 ancien et suivants du même code, devenus les articles 1188 et suivants de ce code, des articles 1400 et 1415 du code général des impôts, des articles 1271 ancien et suivants du code civil, devenus les articles 1229 et suivants de ce code et des articles 1244-1 ancien et suivants du même code, ainsi que du principe de renonciation non équivoque à un droit acquis, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon en date du 14 mai 2020,

- constater que le bail initial du 12 mars 1998 exclut l'obligation de la taxe foncière sur le preneur (sic),

- constater la contradiction entre les impôts à charge du preneur ne mentionnant pas la taxe foncière et la clause de loyers invoquée par la bailleresse comme mettant la charge de la taxe foncière sur le preneur (sic),

- constater que l'avenant du 6 janvier 2012 a mis un terme définitif au différend opposant les parties quant à l'application de la taxe foncière tant pour les années antérieures que pour les années postérieures,

- constater que cet avenant du 6 janvier 2012 a créé une novation de la clause de loyer et de durée en ne reprenant pas une quelconque mention de taxe foncière imputable au preneur,

- en tant que de besoin, interpréter le contrat de bail initial du 12 mars 1998 et l'avenant du 6 janvier 2012 comme ne dérogeant pas aux règles légales mettant à la charge du propriétaire, la taxe foncière et celle d'enlèvement des ordures ménagères, en l'absence de clause contractuelle expresse,

- constater qu'aucune disposition contractuelle ne met la taxe sur les ordures ménagères à la charge du locataire,

dès lors :

- dire et juger qu'au vu des termes de l'avenant du 6 janvier 2012 et de l'intention commune des parties, la juridiction de céans ne pourra que conclure que la société Gama n'est pas tenue de l'impôt foncier tant pour le passé que pour l'avenir,

- dire et juger que la société Gama n'est pas tenue de la taxe sur les ordures ménagères ni pour le passé, ni pour l'avenir,

en conséquence :

- débouter la Société Beber de l'intégralité de ses fins, prétentions, moyens et conclusions à l'encontre de la société Gama comme non fondées et particulièrement injustifiées,

- condamner la société Beber à restituer à la société Gama les fonds versés à titre provisionnel en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon le 3 novembre 2014, à savoir la somme de 5.841 euros en principal, outre intérêts légaux à compter du 11 juillet 2014,

- constater que le bailleur a fait preuve d'une renonciation claire et non équivoque, en n'ayant jamais réclamé la taxe foncière ou la taxe d'enlèvement des ordures ménagères depuis l'origine du bail et ce, malgré une clause, au profit du bailleur, en ce qui concerne la taxe foncière, compte tenu des pièces échangées avant l'avenant de 2012, comme le congé, le mémoire et la contestation du preneur visant la taxe foncière,

à titre subsidiaire, si la taxe foncière et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères devaient être imputables à la société Gama :

- dire et juger que les demandes sont prescrites en application de la prescription biennale puisqu'il s'agit bien de l'application du statut des baux commerciaux pouvant mettre notamment à la charge du preneur une clause anormale aggravant le loyer, non prévue dans les autres baux, et dont le principe est contesté, aucun règlement n'étant intervenu auparavant et au regard des nouvelles dispositions prévues par la loi Pinel de 2014 et son décret d'application,

y ajoutant :

- constater l'annulation de la dette de la société Gama par la société Beber, selon mail du 15 juin 2020 consacrant la renonciation aux droits acquis,

à titre plus subsidiaire, y ajoutant, si des sommes devaient être mises à la charge de la société Gama :

- dire et juger que cela ne pourrait être les taxes d'enlèvement des ordures ménagères compte tenu de l'exclusion de celles-ci au regard du bail commercial,

- dire et juger que cela ne pourrait être que la taxe foncière de 2013 si celle-ci est incluse à la charge du preneur dans la mesure où l'avenant a clos toute réclamation, y compris pour la taxe foncière de 2012 dont le fait générateur est au 1er janvier 2012,

à titre encore plus subsidiaire :

- dire et juger que cela ne pourrait concerner que les taxes foncières postérieures à l'avenant,

à titre infiniment plus subsidiaire :

- constater que la réclamation relative à la taxe foncière de 2009 est prescrite en vertu de la prescription quinquennale,

- pour le cas où des sommes seraient mises en totalité à la charge du locataire en appel, lui allouer, au visa de l'article 1343-5 du même code, les plus larges délais de paiement et notamment 24 mois pour s'en acquitter, au regard de la survenance de l'état d'urgence sanitaire, des prescriptions imposées aux restaurateurs et de la contestation de la somme sollicitée depuis le début de la procédure,

en tout état de cause :

- condamner la société Beber à verser à la société Gama la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance, dont le recouvrement sera fait au profit de la société Bost Avril, représentée par Me Etienne Avril, avocat, sur son affirmation de droit.

Par conclusions déposées le 19 janvier 2021, la société Beber demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon, en date du 14 mai 2020, en toutes ses dispositions,

y ajoutant :

- condamner la société Gama à lui payer la somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Gama aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Jean-Baptiste Le Jariel, avocat, sur son affirmation de droit.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 28 septembre 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience du premier juin 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au 05 octobre 2023.

MOTIFS

Sur la prescription alléguée des demandes :

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce ;

Vu l'article 2224 du code civil ;

La société Gama soutient que l'inclusion de la taxe foncière dans la clause contractuelle relative au loyer, alors que son transfert à la charge du preneur constitue une obligation anormale susceptible d'impacter la valeur locative de l'immeuble, commande de considérer qu'elle entre dans le cadre du statut des baux commerciaux et se prescrit par deux ans, conformément à l'article L. 145-60 du code de commerce.

Elle ajoute que le débat élevé en la présente espèce concerne le principe même de l'imputation de la taxe foncière au preneur et intéresse de plus fort le statut des baux commerciaux.

Elle estime qu'à considérer les demandes non prescrites, la société Beber ne pourrait demander paiement des taxes foncières dont le fait générateur serait antérieur à l'avenant transactionnel du 06 février 2012, savoir les taxes foncières 2009 à 2012, compte tenu de l'abandon consenti à cet égard.

La société Beber fait valoir que le loyer commercial et ses accessoires se prescrivent par 5 ans, conformément au droit commun. Elle en déduit que ses demandes ne sont pas prescrites.

Sur ce :

En application de l'article L. 145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du chapitre V du Titre IV du Livre Premier du code de commerce, relatif au bail commercial, se prescrivent par deux ans.

L'action en paiement du loyer commercial et de ses accessoires ne dérive pas du statut des baux commerciaux et n'est pas exercée en vertu des dispositions correspondantes du code de commerce. Il en va ainsi y compris lorsqu'un accessoire de loyer n'entre pas dans le champ des charges normalement répercutées sur le preneur, telle la taxe foncière.

L'argument selon lequel la présente instance concernerait le principe de l'imputation de la taxe foncière au preneur et intéresserait le statut des baux commerciaux n'est pas topique. A le considérer pertinent, il conduirait en effet à appliquer la prescription biennale aux seules demandes visant à ce qu'il soit jugé que le statut des baux commerciaux fait interdiction au bailleur de répercuter la taxe foncière sur le preneur, et non point à l'action en paiement des accessoires de loyer.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que l'action en paiement intentée par la société Beber se prescrivait par 5 ans.

Le point de départ de ce délai quinquennal court non point à compter du fait générateur de l'imposition, mais de la date à compter de laquelle le bailleur est en mesure de répercuter les accessoires de loyer litigieux sur le preneur, savoir la date à laquelle la taxe foncière et la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères sont appelées par l'administration fiscale.

Les taxes 2009 ayant été mises en recouvrement le 31 août 2009 puis adressées à la société Beber le 07 septembre 2009, l'action correspondante n'était point prescrite quand la société Beber a assigné la société Gama en paiement devant le juge des référés par assignation du 11 août 2014, à effet d'interrompre le délai de prescription applicable.

Il en va de même des taxes foncières et d'habitation des années 2010 à 2013.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur la désignation de la partie devant supporter la charge de la taxe foncière dans le bail de 1998 :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

La société Gama rappelle que la taxe foncière, qui ne participe pas des charges incombant habituellement au preneur, ne peut être mise à la charge de celui-ci qu'en vertu d'une disposition expresse et non équivoque.

Elle fait observer que le bail de 1998 n'inclut pas la taxe foncière au nombre des charges pesant sur le preneur, ni en son article 'charges et conditions', ni en son article 'impôts'.

Elle ajoute que la seule mention de la taxe foncière figure à la clause 'loyer' et revêt un caractère ambigu. Elle fait valoir que le bailleur n'a jamais réclamé le paiement de la taxe foncière entre 1998 et 2006, ni entre 2006 et 2014, ce dont elle déduit que la clause loyer ne doit pas s'interpréter comme mettant cet impôt foncier à la charge du preneur.

La société Beber réplique qu'il n'y a pas lieu à interprétation des contrats lorsque les termes en sont clairs et précis. Elle fait observer que la clause 'loyer' du bail de 1998 met expressément la taxe foncière à la charge du preneur en des termes dépourvus d'équivoque. Elle ajoute qu'il n'existe nulle contradiction entre la clause du contrat afférente au loyer, mettant la taxe foncière à la charge du preneur, et celle relative aux taxes et impôts personnels du preneur, qui intéresse les seules impositions nées du chef de l'activité du preneur.

Sur ce :

Conformément à l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

En vertu de ces dispositions, les parties à un contrat de bail commercial peuvent valablement stipuler que la taxe foncière due par le bailleur sera répercutée sur le preneur, à la condition que cela résulte d'une disposition expresse et non équivoque du contrat.

L'article du bail de 1998 afférent au loyer dispose en l'espèce que 'l'ensemble des charges de copropriété, hors ascenseur et chauffage, et la taxe foncière seront supportés par le preneur'.

L'article relatif aux charges et dispositions du bail prévoit, en sa rubrique 'impôts divers' que

' Le preneur devra acquitter exactement les impôts contributions et taxes à sa charge personnelle dont le bailleur pourrait être responsable sur le fondement des dispositions fiscales en vigueur'.

Ces deux clauses sont claires, précises et ne souffrent pas la moindre ambiguïté. La première autorise le bailleur à répercuter la taxe foncière sur le preneur, alors que la seconde concerne les impôts et taxes nées du chef de l'activité du preneur, dont l'intéressé se trouve personnellement redevable, desquels ne participe pas la taxe foncière due par le bailleur.

Il convient en conséquence d'approuver le tribunal judiciaire de Lyon, en ce qu'il a retenu que le bail de 1998 autorise le bailleur à répercuter la taxe foncière sur le preneur.

Sur la désignation de la partie devant supporter la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères dans le bail de 1998 :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

La société Gama soutient que la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du preneur qu'en vertu d'une disposition contractuelle expresse.

Elle fait observer que le bail de 1998 n'inclut pas la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au nombre des charges pesant sur le preneur, la clause 'loyer' excluant au contraire du loyer les taxes figurant à l'article 38 de la loi du premier septembre 1948, lequel renvoie à l'article 23 de la loi du 06 juillet 1989 visant notamment la taxe litigieuse.

Elle rappelle qu'en vertu des articles 1156 anciens et suivants du code civil, le contrat doit s'interpréter en faveur de celui qui a contracté l'obligation, savoir en faveur du preneur.

La société Beber fait valoir que la taxe d'habitation participe des charges visées à l'article 38 de la loi du premier septembre 1948, que le bail met à la charge du preneur.

Sur ce :

Les parties à un contrat de bail commercial peuvent valablement convenir que le preneur supportera la charge définitive de la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères. Il n'est point nécessaire pour cela que le contrat contienne une clause expressément relative au paiement de cette taxe, si son transfert à la charge du preneur résulte de dispositions dépourvues d'équivoque.

L'article du bail de 1998 afférent au loyer dispose en l'espèce que 'Le bail est consenti et accepté moyennant savoir :

un loyer annuel de CENT VINGT MILLE FRANCS (120.000 Frs), que le premeur s'oblige à payer à la régie MOUTON, [Adresse 4] à [Localité 6], trimestriellement et d'avance.

Ce loyer ne comprend pas :

- les prestations charges et fournitures énumérées à l'article 38 de la loi du Ier septembre 1948 modifiée,

- ni les taxes énumérées audit texte.

L'ensemble des charges de copropriété, hors ascenseur et chauffage, et la taxe foncière seront supportés par le preneur.

Les loyers et accessoires seront payables d'avance...'.

La référence aux accessoires du loyer figurant dans le dernier alinéa ci-dessus reproduit, combinée à l'indication précédente selon laquelle le loyer de 120.000 francs ne comprend pas les taxes énumérées à l'article 38 de la loi du premier septembre 1948, qui correspondent aux taxes répercutables sur un locataire, au nombre desquelles figure la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagère, s'interprète sans la moindre équivoque comme signifiant que cette taxe constitue un accessoire du loyer, payable en sus de son montant nominal.

Il convient en conséquence d'approuver le premier juge en ce qu'il a retenu que la taxe d'enlèvement sur les ordures ménages entrait dans le champ des sommes dues par le preneur en application du contrat de bail de 1998.

Sur l'effet novatoire de l'avenant du 06 janvier 2012 :

Vu l'article 1273 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

La société Gama soutient qu'en convenant, aux termes d'un avenant expressément destiné à mettre un terme au différend relatif aux conditions d'exécution et de renouvellement du bail, de fixer le nouveau loyer annuel à la somme de 30.000 euros 'hors charges et hors droits', sans se référer à la taxe foncière figurant dans la clause 'loyer' du bail de 1998, les parties ont entendu nover le contrat originel à l'intention d'exclure la taxe foncière des charges pesant sur le preneur. Elle ajoute que l'absence de demande en paiement de la taxe foncière entre 2012 et 2014 implique qu'il faille interpréter la mention 'hors charges et hors droits' comme signifiant que le preneur n'est tenu d'aucune charge sinon le loyer stricto sensu, sans quoi le preneur aurait pris le soin de faire mention de la taxe foncière, fût-ce seulement à titre de rappel.

La société Beber réplique que la volonté de nover doit résulter clairement de l'acte. Elle ajoute que les termes de l'avenant du 06 janvier 2012 limitent le champ de la novation au montant nominal du loyer, à l'exclusion des dispositions relatives à ses accessoires, qui sont demeurées inchangées.

Sur ce :

Conformément à l'article 1273 ancien du code civil, la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

L'avenant du 06 janvier 2012 rappelle à titre liminaire que les parties se trouvent en désaccord relativement au montant du loyer commercial depuis la signification du congé en date du 25 août 2006.

Il dispose en son article premier que le bail est renouvelé pour une nouvelle durée de 9 ans 'moyennant un prix de loyer annuel principal de 30.000 euros (trente mille euros) hors charges et hors droits'.

Il dispose en son article 5 'toutes autres clauses et dispositions du bail sus-désigné demeurent maintenues et inchangées'.

L'indication selon laquelle le montant de 30.000 euros représente le loyer annuel 'principal' signifie qu'il n'incorpore pas ses accessoires. La mention 'hors charges et hors droits' implique, selon un usage parfaitement établi et constant, que ces accessoires viennent en sus du loyer principal. Les parties n'ayant opéré aucune autre référence aux accessoires du loyer, les dispositions contractuelles les concernant demeurent inchangées.

Il en résulte que la novation ne porte que sur le loyer principal, à l'exclusion de ses accessoires.

Sur la transaction alléguée par le bailleur :

Vu les articles 2048 et 2049 du code civil ;

La société Gama soutient qu'en fixant à titre transactionnel, l'arriéré global et définitif à la somme de 18.000 euros hors droits, après s'être référées au congé avec offre de renouvellement et au mémoire en fixation de loyer émis par le bailleur, les parties ont nécessairement entendu convenir d'un montant englobant l'intégralité du passif toutes causes confondues. Elle en déduit que la société Beber ne saurait réclamer sa condamnation à s'acquitter d'autres sommes que celle ayant été arbitrée à titre transactionnel, au titre de la taxe foncière ou de la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères.

Elle ajoute qu'en s'abstenant de réclamer quelque somme que ce soit au titre de la taxe foncière entre 1998 et 2006 puis entre 2006 et 2014, malgré les échanges survenus en 2012 autour du périmètre du loyer et des charges, le bailleur aurait renoncé, de manière implicite mais non équivoque, à la perception des sommes correspondantes.

La société Beber soutient en retour que les dispositions de l'avenant relative à la dette locative ne portent que sur l'arriéré de loyer ' hors droits', ce qui exclut de leur champ les charges locatives du champ de la transaction. Elle rappelle que les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris et que l'appréciation de l'étendue de la chose transigée est d'interprétation stricte.

Sur ce :

Conformément à l'article 2048 du code civil, les transactions se renferment dans leur objet: la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.

En vertu de l'article 2049 du même code, les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

L'avenant transactionnel du 06 février 2012 dispose, en son article 2 : 'Les parties conviennent de fixer le montant de l'arriéré de loyers dû au bailleur par le preneur, depuis le premier mars 2007, à la somme forfaitaire et définitive de 18.000 euros hors droits'.

Cet article vise le seul arriéré de loyer, à l'exclusion des taxes foncières et d'enlèvement des ordures ménagères, qui en constituent l'accessoire.

Le simple fait que la société Beber ait inclus la taxe foncière au nombre des accessoires du loyer dans le congé du 25 août 2006 puis dans le mémoire en fixation du 26 février 2009, et que la société Gama ait contesté la devoir par courrier du 14 novembre 2006, ne suffit par ailleurs à caractériser l'existence d'une contestation ou d'une réclamation y afférente, contemporaine de l'avenant du 06 janvier 2012, alors que le bailleur a réclamé paiement de ces accessoires de loyer pour la première fois le 11 juillet 2014.

Il convient en conséquence d'approuver le premier juge en ce qu'il a retenu que l'avenant du 06 janvier 2012 n'a jamais eu pour objet, ni pour effet, de trancher une quelconque contestation relative à la charge de la taxe foncière ou d'habitation.

Sur la renonciation alléguée au paiement des sommes litigieuses :

Vu l'article 1998 du code civil ;

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

La société Gama se prévaut d'un courriel en date du 15 juin 2020 par lequel le mandataire de gestion de la bailleresse lui a fait connaître que l'arriéré locatif de 6.656 euros porté au débit de son compte était annulé. Elle fait observer que cet arriéré est le même que celui au paiement duquel elle a été condamnée par jugement du 14 mai 2020, si bien que la société Beber ne saurait réclamer paiement de cette somme dans le cadre du présent jugement.

La société Beber affirme en retour que la renonciation à un droit ne peut être qu'expresse et que le silence du créancier ne suffit à caractériser de manière non équivoque, le renoncement à la perception de sa créance. Elle ajoute que le courriel du 15 juin 2020 procéderait d'une erreur commise par la préposée de sa mandataire de gestion et aurait été immédiatement rectifié par l'envoi d'un décompte incorporant les sommes litigieuses.

Sur ce :

L'article 1234 ancien du code civil dispose que les obligations s'éteignent notamment par la remise volontaire.

Conformément à l'article 1998 du même code, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a expressément ratifié.

Par courriel du 15 juin 2020, Mme [Y], préposée du mandataire de gestion de la société Beber, a indiqué à la société Gama : 'J'ai contacté votre bailleur qui m'a confirmé vos dires concernant l'arriéré de 6.656 euros qui traîne sur votre compte locataire et que nous annulons'.

Cet arriéré correspond aux taxes foncières et d'enlèvement des ordures ménagères 2009 à 2013, fixé à la somme de 6.657 euros par jugement du 14 mai 2020.

Par courriel du premier juillet 2020, le mandataire de gestion de la société Beber est revenu sur la remise opérée en indiquant 'Vous trouverez en pièce jointe le jugement du 14 mai dernier condamnant la SARL GAMA à rembourser à mon mandant la somme de 6.657 euros.

Je pense que ce jugement a dû vous être signifié. Nous sommes donc fondés aujourd'hui à vous réclamer par retour le paiement de cette somme...'.

Il résulte toutefois du courriel du 15 juin 2020 que la remise opérée par le mandataire de gestion de l'intimée ne résulte pas d'une erreur, le mandataire ayant pris le soin de consulter son mandant. Il n'est pas soutenu par ailleurs qu'elle ait été exprimée en violation des termes du mandat.

Elle a par conséquent emporté extinction immédiate de la dette, sur laquelle le mandataire du bailleur ne pouvait valablement revenir.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Gama à payer la somme de 6.657 euros à la société Beber, au titre des taxes foncières et d'enlèvement des ordures ménagères.

La renonciation ne porte que sur l'arriéré restant dû à la date du 15 juin 2015, à l'exclusion en conséquence des sommes réglées en exécution de l'ordonnance de référé de novembre 2014 au titre des taxes 2012 et 2013. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement de ces sommes.

La cour observe que les demandes visant à ce qu'il soit jugé que la société Gama n'est pas tenue des taxes foncières et d'enlèvement des ordures ménagères, tant pour le passé que pour l'avenir, constituent des prétentions sur lesquelles le premier juge n'a pas statué.

Il y a lieu de réparer cette omission et de rejeter ces prétentions, au regard des développements qui précèdent.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel :

Chacune des parties succombe, pour partie, à l'instance d'appel. Toutefois, la société Beber ne succombe qu'en raison de la renonciation exprimée le 15 juin 2020 au paiement des sommes dues au titre des taxes d'habitation et des taxes sur l'enlèvement des ordures ménagères 2009 à 2011.

Il convient en conséquence :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Gama aux frais irrépétibles et dépens de première instance,

- de dire que les dépens générés par l'instance d'appel seront partagés par moitié, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats des parties,

- de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en premier ressort,

- confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Gama à payer la somme de 6.657 euros à la société Beber ;

Statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant :

- Déboute la société Beber de sa demande en paiement de la somme de 6.657 euros, formée au titre des taxes foncières et d'enlèvement des ordures ménagères 2009 à 2011 ;

- Déboute la société Gama de ses demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'elle n'est pas tenue des taxes foncières et d'enlèvement des ordures ménagères, tant pour le passé que pour l'avenir ;

- Condamne chacune des parties à supporter la moitié des dépens de l'instance d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, sur leur affirmation de droit ;

- Rejette les demandes formées au titre des frais non répétibles de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT