Décisions
CA Versailles, 3e ch., 5 octobre 2023, n° 22/05444
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50D
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 OCTOBRE 2023
N° RG 22/05444
N° Portalis DBV3-V-B7G-VMNL
AFFAIRE :
S.A.S. ROCKWOOD IMMOBILIER
C/
[V] [Z]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juin 2022 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 19/03941
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Marie DE MIRIBEL-JOCHEM
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. ROCKWOOD IMMOBILIER
RCS de NANTERRE sous le n° 538 784 331
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25872
APPELANTE
****************
Madame [V] [Z]
née le 12 Mars 1974 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [E] [P]
né le 10 Décembre 1969 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie DE MIRIBEL-JOCHEM, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 593
Représentant : Me Ophélie BERTRAND-DELAPORTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0058
INTIMES
S.A. ALBINGIA
N° SIRET : 429 369 309
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20220286
Représentant : Me Jean-louis ROINÉ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0002
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Madame Florence SCHARRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme FOULON,
-------
FAITS ET PROCEDURE :
Par acte du 17 janvier 2014, Mme [V] [Z] et M. [E] [P] ont acheté une maison de 240 m2, située, [Adresse 2], à la société Rockwood Immobilier, marchand de bien assuré des conséquences de sa responsabilité civile profesionnelle par la société Albingia, pour un prix de 2 030 000 euros.
A l'occasion de travaux de rénovation entrepris le 10 avril 2014, ils ont découvert des désordres sur les structures de bois, au rez-de-chaussée et au premier étage, affectant la solidité du bâti.
Ils ont fait intervenir un expert en pathologie du bois FCBA, qui, aux termes d'un rapport après une visite des lieux du 28 avril 2014, a conclu que des attaques de champignons et d'insectes à larves xylophages étaient présentes sur les bois de structures et en a préconisé la mise à nu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2014, Mme [Z] et M. [P] ont transmis ce rapport et une mise en demeure aux fins de règlement amiable à la société Rockwood Immobilier.
Le 16 mai 2014, ils ont fait dresser procès-verbal des désordres par huissier de justice.
La société Rockwood Immobilier a transmis la mise en demeure du 15 mai 2014 à sa compagnie d'assurance, la société Albingia qui a mandaté la société Saretec pour une expertise amiable.
Une analyse des prélèvements a été réalisée par le cabinet de M. [F] [J], expert près la
cour d'appel de Grenoble, qui a conclu à la présence de mérules et de champignons.
Aucune autre réunion n'étant organisée, Mme [Z] et M. [P] ont assigné la société Rockwood Immobilier et la société Albingia devant le juge des référés afin d'expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé du 4 novembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à la demande.
Par ordonnance du 26 mars 2015, sur demande de la société Rockwood Immobilier, la mesure a été étendue à la société Les Compagnons du Diagnostic, la société Prodiatus et la société Axa France Iard. Le rapport a été déposé le 28 février 2019.
Une demande règlement amiable du 15 mars 2019 n'a reçu aucune réponse.
Par actes des 18 et 19 avril 2019, Mme [Z] et M. [P] ont assigné la société Rockwood Immobilier et la société Albingia devant le tribunal de grande instance de Nanterre en réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 9 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- dit que l'immeuble vendu le 17 janvier 2014 par la société Rockwood Immobilier à Mme [Z] et M. [P] était affecté d'un vice caché antérieur à la vente,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 88 629 euros à titre de restitution d'une partie du prix,
- condamné in solidum la société Rockwood Immobilier et la société Albingia à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 30 927 euros à titre de dommages-intérêts et condamné la société Albingia à garantir la société Rockwood Immobilier de cette condamnation,
- dit la société Albingia bien fondée à opposer la franchise contractuelle de 5 000 euros à son assurée et aux tiers lésés,
- condamné la société Rockwood Immobilier aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P], ensemble, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par acte du 24 août 2022, la société Rockwood Immobilier a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 22 mars 2023, de :
A titre principal,
- la recevoir en son appel et ce faisant,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a:
- dit que l'immeuble vendu le 17 janvier 2014 par la société Rockwood Immobilier à Mme [Z] et M. [P] était affecté d'un vice antérieur à la vente,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 88 629 euros à titre de restitution d'une partie du prix,
- condamné in solidum la société Rockwood Immobilier et la société Albingia à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 30 927 euros à titre de dommages-intérêts,
- dit la société Albingia bien fondée à opposer la franchise contractuelle de 5 000 euros à son assurée et aux tiers lésés,
- condamné la société Rockwood Immobilier aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P], ensemble, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Rockwood Immobilier de ses demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire,
Et statuant à nouveau,
- limiter le montant de l'indemnité au titre du préjudice de jouissance de M. [P] et Mme [Z] à la somme maximale de 16 560,89 euros,
- condamner la société Albingia, en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier, à garantir à la société Rockwood Immobilier de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en ce compris les éventuelles condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- débouter M. [P] et Mme [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter la société Albingia de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Rockwood Immobilier,
- condamner in solidum M. [P] et Mme [Z], ainsi que tous succombants, à payer à la société Rockwood Immobilier la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel,
- condamner in solidum tous succombants aux entiers dépens dont le montant sera recouvré directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 17 mars 2023, la société Albingia prie la cour de :
- juger qu'en application de l'article 5.KK des conventions spéciales du contrat d'assurance n° RC 1303.312, la société Albingia ne garantit pas les travaux de réparation de la maison vendue qui fait l'objet de la demande en paiement de la somme de 88 629 euros, qui s'analyse comme une demande de restitution partielle du prix de vente,
- juger en conséquence Mme [Z] et M. [P] d'une part, et le cas échéant la société Rockwood Immobilier d'autre part, de leurs demandes concernant la prise en charge par la société Albingia du coût des travaux de remise en état,
- juger par ailleurs que les demandes formulées par Mme [Z] et par M. [P] sont injustifiées, ou excessives pour les motifs exposés ci-dessus par la société Albingia, concernant notamment les frais de prêt qui doivent être limités à la somme de 2 171,41 euros,
- infirmer en conséquence le jugement déféré sur ce point,
- juger non fondées les demandes formulées par Mme [Z] et M. [P] au-delà des condamnations prononcées par les premiers juges lesquelles seront réduites en tenant compte des observations ci-dessus,
- juger qu'aucune condamnation conjointe et solidaire ne peut être prononcée contre la société Albingia, la concluante ne pouvant être tenue que dans les limites du contrat d'assurance qui la lie à la société Rockwood Immobilier, le montant des capitaux et le montant des franchises étant précisés qu'à la page 5 le contrat prévoit notamment pour les dommages immatériels non consécutifs après livraison, par année d'assurance :
o une garantie maximale de 500 000 euros,
o l'application d'une franchise de 5 000 euros par sinistre,
- juger qu'en application de l'article 7.3, alinéa 2, des conditions générales du contrat :
« les montants de garantie fixés aux Conditions Personnelles incluent le principal, les intérêts, les frais de règlement, de procédure ou de procès et les frais et honoraires d'avocat ou avoués à la cour »,
- juger que les limitations de garantie ci-dessus sont opposables aux demandeurs en application de l'article L 112-6 du code des assurances,
- juger la société Rockwood Immobilier infondée en ses demandes excédant les limites de la garantie telle qu'elles viennent d'être rappelées,
- condamner la ou les parties succombantes à payer à la société Albingia la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 7 mars 2023, M. [P] et Mme [Z] prient la cour de :
- débouter la société Rockwood Immobilier et la société Albingia de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [Z] et M. [P],
En conséquence,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit que l'immeuble vendu le 17 janvier 2014 par la société Rockwood Immobilier à Mme [Z] et M. [P] était affecté d'un vice antérieur à la vente,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 88 629 euros à titre de restitution d'une partie du prix,
- condamné la société Rockwood Immobilier aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P], ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
Pour le surplus,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné in solidum la société Rockwood Immobilier et la société Albingia à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 30 927 euros à titre de dommages-intérêts et condamné la société Albingia à garantir la société Rockwood Immobilier de cette condamnation,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Et statuant à nouveau sur le trouble de jouissance,
A titre principal:
- condamner la société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier conjointement et solidairement à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 69 096,85 euros au titre du préjudice de jouissance,
A titre subsidiaire:
- si par impossible la Cour décidait de ne pas apprécier le préjudice de jouissance des
concluants sur la base de la valeur locative de la maison sinistrée, condamner la Société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'Assureur de la société Rockwood Immobilier conjointement et solidairement à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 50 000 euros au titre du préjudice de jouissance auquel s'ajouteront les 360,85 euros de frais d'assurance habitation payés pour le logement loué,
En tout état de cause,
- condamner la Société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'Assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 5 007 euros au titre des frais liés aux prêts contractés,
- condamner la Société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] l'ensemble des dépens mentionnés au titre de l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris la somme de 4 000 euros au titre de la consignation de l'expertise judiciaire, le solde des frais d'expertise judiciaire d'un montant de 4 062 euros, les frais de postulation devant la cour et tous autres frais induits par les procédures de première instance et d'appel,
- condamner la société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'Assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 2 425,07 euros au titre des frais d'expertises conseil et d'huissiers, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme supplémentaire de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera observé que la société Rockwood qui présente au dispositif de ses écritures une demande d'infirmation du chef du jugement ayant dit que l'immeuble litigieux était affecté d'un vice antérieur à la vente, ne formule pas de prétention quant au mal fondé de l'action initiée par les acquéreurs du bien sur le fondement de l'existence d'un vice caché.
L'existence du vice caché n'est pas formellement discutée par la société Rockwood, qui reconnaît le principe de sa garantie, de sorte que ce chef du jugement n'est pas réexaminé par la cour.
Elle ne conteste pas non plus la somme fixée au titre de la restitution du prix de vente.
La cour n'est donc pas saisie d'un appel de ces chefs de demande.
La demande présentée par la société Rockwood au titre de la mobilisation de la police d'assurance souscrite auprès de la société Albingia sera examinée en premier lieu, le montant des dommages-intérêts alloués étant supporté par la société Rockwood seule ou in solidum avec son assureur pour le cas où sa garantie serait due.
' sur la mobilisation de la police d'assurance souscrite par la société Rockwood auprès de la société Albingia
La société Rockwood estime erronée l'appréciation faite par le tribunal de la cause d'exclusion de garantie. Elle fait valoir que le tribunal l'a condamnée sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, qu'elle a dû verser des dommages-intérêts au titre des travaux de réparation des structures bois endommagées exposés par les acquéreurs. Elle dit avoir souscrit une police d'assurance responsabilité civile des professionnels de l'immobilier au titre de son activité de marchand de biens, que ce contrat garantit, en cas de revente, les dommages matériels et immatériels ayant leur origine dans l'existence de vices cachés conformément aux stipulations contractuelles. Elle dit que l'exclusion doit être explicite, clairement exprimée et nettement délimitée, sans pouvoir conduire à vider la garantie de sa substance. Elle affirme que l'achat / revente n'est pas visée par l'exclusion de garantie, qui ne concerne que les contrats de vente à rénover. De plus, elle observe que la clause prévoit une exclusion pour les frais et coûts qu'il est nécessaire d'engager, par l'assuré et non par un tiers acquéreur, de sorte que l'exclusion ne peut pas concerner les frais exposés par le tiers acquéreur. Selon elle, cette exclusion ainsi appliquée par le tribunal revient à vider de sa substance la garantie des vices cachés.
En réponse, la société Albingia conclut à la confirmation du jugement, en rappelant les termes de l'article 5 paragraphe KK des conditions spéciales de la police. Elle affirme que la demande en paiement de la somme de 88 629 euros correspond au coût des travaux de remise en état de la maison qui leur a été vendue par la société Rockwood, le tribunal ayant considéré l'action comme estimatoire avec restitution d'une partie du prix de vente. Elle dit que la clause exclut précisément les frais et coûts nécessaires d'engager pour rembourser tout ou partie des biens vendus. Elle réfute que cette clause d'exclusion ne s'appliquerait que pour les contrats de vente à rénover, constatant que la partie "remboursement du prix de vente" ne vise pas les contrats de vente à rénover.
Elle estime inexact de soutenir qu'appliquer la clause d'exclusion susvisée viderait le contrat de sa substance, alors qu'il s'agit là du risque d'entreprise qui n'est pas garanti par un contrat responsabilité civile, celui-ci visant les conséquences et non l'objet même de la prestation.
Elle dit n'avoir jamais contesté devoir couvrir les dommages immatériels.
Sur ce,
La société Rockwood a souscrit auprès de la société Albingia une police d'assurance de responsabilité professionnelle "marchands de biens" couvrant notamment (article 3.1 des conditions spéciales) "les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir du fait des immeubles après leur revente en raison :
- des dommages corporels, des dommages matériels, des dommages immatériels consécutifs causés à autrui et ayant pour origine l'existence de vices cachés (...).
- des dommages immatériels non consécutifs causés à autrui liés à l'action en garantie pour vices cachés intentée par l'acquéreur d'un bien immobilier (...)"
Au titre des exclusions communes à toutes les garanties souscrites, l'article 5. KK stipule que sont exclus "les frais et les coûts qu'il est nécessaire d'engager pour réparer, remplacer, achever, rembourser tout ou partie des biens vendus, remédier à un travail et/ou à une prestation mal exécutés, refaire les travaux, effectuer des travaux de rénovation/réhabilitation prévus dans le contrat de vente à rénover."
C'est à raison que le tribunal a estimé que cette exclusion est claire et apparente, qu'elle ne vide pas le contrat de sa substance pour l'assuré, et qu'elle lui est opposable ainsi qu'aux tiers agissant sur le fondement de l'action directe.
Elle ne vide pas non plus le contrat de sa substance pour l'assuré, qui est garanti des dommages immatériels. A raison, la société Albingia affirme que le risque exclu est le risque d'entreprise, qui ne peut pas être garanti par un contrat responsabilité civile,
Cette exclusion de garantie porte notamment sur les frais engagés pour rembourser tout ou partie des biens vendus. Contrairement à ce que tente de soutenir la société Rockwood, elle ne vise pas uniquement le contrat "vente à rénover".
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a fait application de l'exclusion de garantie, dit que la somme versée au titre de la restitution du prix de vente était exclue de la garantie, et limité la garantie de la société Albingia aux dommages-intérêts alloués au titre du préjudice de jouissance et aux frais d'emprunt.
' sur la demande tendant à voir limiter le montant de l'indemnisation due par la société Rockwood aux consorts [Z] et [P] au titre du préjudice de jouissance
La société Rockwood conteste le montant retenu par le tribunal au titre du préjudice de jouissance qu'elle a été condamnée à payer aux acquéreurs du bien objet de la querelle.
La société Rockwood prétend que l'expert n'a retenu une période de privation de 10 mois et non de 16 prise en compte par le tribunal, puisqu'ils ont été contraints de prendre un bien en location de novembre 2014 à fin septembre 2015. Elle observe également que les acquéreurs demandent que la privation de jouissance soit estimée sur la valeur locative du bien acquis, sans en justifier, outre le fait que la valeur locative doit être établie sur la surface habitable qui n'est pas justifiée. Elle en déduit que ce poste de préjudice doit être évalué sur la base de l'appartement loué, comme l'a fait l'expert, ajoutant qu'ils demandent deux fois l'indemnisation du même préjudice, une fois au titre du loyer, une fois au titre du préjudice de jouissance.
En réponse, les consorts [Z] et [P] prétendent que le tribunal a mal évalué le préjudice de jouissance subi. Ils disent avoir dû prendre un bien en location pendant le temps des travaux, pour une période allant de 22 novembre 2014, jusqu'au mois de septembre 2015, puis avoir dû poursuivre ce bail jusqu'au mois d'octobre 2016. Ils demandent la confirmation du jugement qui a retenu une période de 16 mois de privation de jouissance jusqu'au 18 mars 2016, date de leur emménagement théorique dans le bien encore en rénovation.
S'agissant ensuite de l'assiette du calcul du préjudice, ils affirment avoir justifié de la valeur locative de leur maison, dont ils n'ont pas pu profiter durant cette période, pas même du jardin interdit pour des raisons de sécurité. Ils arguent d'une surface habitable de 240 m², soulignant que la valeur locative a été fournie par l'expert lui-même et contestent le principe d'une indemnisation sur le montant des loyers payés.
A titre subsidiaire, ils demandent réparation de leur perte de chance de jouir de leur maison, qui ne peut être inférieure à 50 000 euros, outre le montant de l'assurance habitation souscrite pour le bien pris à bail.
La société Albingia, répondant aux prétentions des consorts [Z] et [P], affirme qu'ils ne sont pas fondés à solliciter une indemnisation pour une durée de 16 mois, que ni la société Rockwood ni elle-même ne peuvent être responsables du retard apporté par les demandeurs principaux à la remise en état du bien. De plus, elle réfute tout préjudice de jouissance s'agissant du jardin, que les photographies produites ne font pas la preuve d'un usage impossible de ce lieu. Elle ajoute que la surface d'emprise de la cage d'escalier à chaque étage du bien immobilier n'est pas une surface habitable, et seule la surface réellement habitable doit être prise en compte dans l'évaluation du préjudice de jouissance. S'agissant de l'assurance habitation, elle estime la demande de prise en charge du coût de l'assurance pour le bien loué non fondé et dit se rapporter à l'appréciation de la cour s'agissant de la demande de 423,84 euros au titre de la demande d'assurance pour le bien sinistré, demande qu'elle estime faire double emploi. Elle conclut au rejet des prétentions relatives aux taxes foncières.
Sur ce,
Le tribunal a évalué le préjudice de jouissance en tenant compte de la valeur locative du bien pris à bail et de la durée de privation du bien acquis, soit 16 mois.
Le tribunal a en effet estimé que si le préjudice de jouissance pouvait être établi sur la base de la valeur locative du bien acquis, il n'était pas démontré que cette valeur était de 4 296 euros par mois comme ils le demandaient.
Les consorts [Z] et [P] exposent à hauteur de cour que leur demande se fonde sur l'appréciation de la valeur locative du bien acquis telle que faite par l'expert à raison de 17,90 euros / m².
L'expert a considéré, dans une réponse aux dires, que la date des travaux strictement nécessaires aux reprises liées au sinistre "bois" étaient achevées au 30 octobre 2015, tandis que les parties s'accordent à dire que les désordres ont été révélés à la date du 29 avril 2014 alors que des travaux étaient en cours, que les acquéreurs sont restés dans leur appartement jusqu'à la vente de celui-ci et ont pris un bien à louer à compter du 21 novembre 2014.
Il est établi que les travaux de rénovation engagés par les acquéreurs à la date de la vente devaient durer plusieurs mois, de sorte qu'ils n'envisageaient une installation que pour la rentrée de septembre 2014, comme ils le précisaient dans l'acte introductif d'instance. Ils ont donc été privés de la jouissance de leur bien d'août 2014 au 30 octobre 2015, soit 15 mois.
Il est certain que la privation de jouissance doit être estimée en prenant pour base le bien dont ils sont privés, et non celui qu'ils ont loué dans l'attente, le bien loué étant significativement plus petit et de moindre valeur en raison du coût supplémentaire de cette location qu'ils n'avaient pas envisagé.
L'expert fait état d'une valeur locative moyenne à [Localité 4] de 17,90 euros, qui est un élément susceptible d'être pris en compte pour évaluer le préjudice de jouissance, sans que ce préjudice soit nécessairement le strict résultat d'une application de cette valeur au m² à la surface totale, quand la valeur locative d'un bien au m² dépend aussi de la surface totale.
Il est évoqué un bien d'une superficie de 240 m², sans toutefois que les consorts [Z] et [P] justifient précisément de la surface prétendue. Ils ne versent pas leur acte de vente qui préciserait la consistance exacte du bien et se contentent de produire la présentation du bien à vendre faite par la société Rockwood à l'époque de sa commercialisation. Il n'est pas démontré en particulier que le 2ème étage du bien était dès l'achat en état habitable ou seulement en état de combles aménageables, ni même l'état général du bien.
En considérant le produit strict de la valeur moyenne locative du m² à [Localité 5] et de cette surface estimée, les consorts [Z] et [P] réclament l'estimation de leur préjudice de jouissance pour un montant de 240 m² x 17,90 pour une durée de 16 mois.
Au regard des éléments produits, ils ne justifient pas la réalité de la privation de jouissance subie dans les proportions alléguées, et ce poste de préjudice sera entièrement et suffisamment réparé par l'octroi d'une somme totale de 48 000 euros en considérant la durée de 15 mois, soit une réparation à hauteur de 3 200 euros par mois de privation de jouissance.
La demande de prise en charge par le vendeur et son assureur du montant de la prime d'assurance payée pour le bien pris à bail est rejetée, en considérant que l'évaluation du préjudice de jouissance a été faite sur la base de la valeur du bien dont ils ont été privés et non du coût effectivement exposé, qui serait moindre.
La société Rockwood et la société Albingia sont condamnées in solidum, et non conjointement, l'un excluant l'autre, à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 48 000 euros à titre de réparation du préjudice de jouissance.
' sur le montant réclamé au titre des prêts contractés
La société Rockwood, qui contestait dans la déclaration d'appel, le montant alloué aux consorts [Z] et [P] au titre des frais et agios liés à l'emprunt, ne formule aucune prétention à ce titre dans le dispositif de ses écritures.
Les consorts [Z] et [P] disent avoir été contraints de faire réaliser les travaux de remise en état à leurs frais avancés pour faire cesser au plus tôt leur préjudice, et ont à cette fin bloqué la somme de 100 000 euros sur le remboursement du crédit suite à la vente de leur appartement parisien. Ils ont de ce fait supporté des agios et demandent en conséquence la confirmation du jugement.
La société Albingia réplique qu'ils ne sont pas fondés à solliciter la prise en charge de frais bancaires pour une somme de 100 000 euros alors que les travaux de remise en état ont été chiffrés à une somme globale de 88 629 euros. Elle demande donc l'application d'un correctif, ajoutant que le prêt aurait pu être renégocié dès le 30 octobre 2015, date d'achèvement des travaux.
Sur ce,
Le tribunal a fait une exacte analyse de cette demande, en considérant que le montant des intérêts et frais d'emprunts exposés pour faire procéder aux travaux doit être pris en compte sur la base de la somme empruntée, et non du coût effectivement exposé, en tenant compte du fait que la demande d'emprunt avait été faite en amont de la réalisation des travaux, sans certitude du montant exact final et intégrant un aléa inhérent à la situation.
Les arguments invoqués par la société Albingia ne sont pas différents de ceux déjà soutenus et pris en compte par le tribunal.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Rockwood et la société Albingia à prendre en charge la somme de 5 007 euros à ce titre.
' sur les limites de la garantie due par la société Albingia
La société Albingia rappelle les limites de sa garantie, à savoir une garantie maximale de 500 000 euros pour les dommages immatériels non consécutifs par année d'assurance, et une franchise de 5 000 euros par sinistre, et précise que l'article 7.3 alinéa 2 des conditions générales du contrat stipule que "les montants de garantie fixés aux conditions personnelles incluent le principal, les intérêts, les frais de règlement de procédure ou de procès et les frais et honoraires d'avocat ou d'avoué à la cour."
La société Rockwood ne présente pas d'observation particulière à ce titre, pas plus que les consorts [Z] et [P].
Sur ce,
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que les condamnations prononcées in solidum à l'encontre de la société Rockwood et de la société Albingia le sont dans les limites de la garantie due par l'assureur, en ce compris plafond de garantie et franchise, dont le montant est de 5 000 euros.
La société Albingia est condamnée à garantir la société Rockwood des condamnations prononcées in solidum à leur encontre.
' sur les autres demandes présentées par les consorts [Z] et [P]
Les consorts [Z] et [P] réclament que la société Albingia soit condamnée in solidum avec la société Rockwood à payer les dépens et l'indemnité de procédure à laquelle, par erreur, le tribunal a condamné seulement la société Rockwood dans son dispositif.
La société Rockwood s'associe à cette prétention.
La société Albingia ne présente pas d'observation particulière sur la demande ainsi formulée.
Sur ce,
Il est justifié de dire que la société Albingia supportera in solidum avec la société Rockwood le montant des dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, ainsi que l'indemnité de procédure allouée par le tribunal pour un montant de 6 000 euros, qui prend en compte les frais exposés pour les besoins de la procédure, notamment les constats d'huissier de justice et l'assistance à expertise.
En appel, la société Albingia et la société Rockwood sont condamnées in solidum à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure, outre les dépens exposés à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS,
La cour, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en son évaluation du préjudice de jouissance subi par les consorts [Z] et [P], et en ce qu'il a condamné la société Rockwood seule aux dépens et à l'indemnité de procédure,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 48 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 6 000 euros d'indemnité de procédure et aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise,
Dit que la société Albingia doit garantir la société Rockwood des condamnations prononcées in solidum à leur encontre, dans les limites de sa garantie contractuelle,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 5 000 euros d'indemnité de procédure en cause d'appel,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia aux dépens exposés en appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme F. PERRET, président et par Mme K. FOULON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
DE
VERSAILLES
Code nac : 50D
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 OCTOBRE 2023
N° RG 22/05444
N° Portalis DBV3-V-B7G-VMNL
AFFAIRE :
S.A.S. ROCKWOOD IMMOBILIER
C/
[V] [Z]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juin 2022 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 19/03941
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Marie DE MIRIBEL-JOCHEM
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. ROCKWOOD IMMOBILIER
RCS de NANTERRE sous le n° 538 784 331
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25872
APPELANTE
****************
Madame [V] [Z]
née le 12 Mars 1974 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [E] [P]
né le 10 Décembre 1969 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie DE MIRIBEL-JOCHEM, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 593
Représentant : Me Ophélie BERTRAND-DELAPORTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0058
INTIMES
S.A. ALBINGIA
N° SIRET : 429 369 309
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20220286
Représentant : Me Jean-louis ROINÉ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0002
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Madame Florence SCHARRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme FOULON,
-------
FAITS ET PROCEDURE :
Par acte du 17 janvier 2014, Mme [V] [Z] et M. [E] [P] ont acheté une maison de 240 m2, située, [Adresse 2], à la société Rockwood Immobilier, marchand de bien assuré des conséquences de sa responsabilité civile profesionnelle par la société Albingia, pour un prix de 2 030 000 euros.
A l'occasion de travaux de rénovation entrepris le 10 avril 2014, ils ont découvert des désordres sur les structures de bois, au rez-de-chaussée et au premier étage, affectant la solidité du bâti.
Ils ont fait intervenir un expert en pathologie du bois FCBA, qui, aux termes d'un rapport après une visite des lieux du 28 avril 2014, a conclu que des attaques de champignons et d'insectes à larves xylophages étaient présentes sur les bois de structures et en a préconisé la mise à nu.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2014, Mme [Z] et M. [P] ont transmis ce rapport et une mise en demeure aux fins de règlement amiable à la société Rockwood Immobilier.
Le 16 mai 2014, ils ont fait dresser procès-verbal des désordres par huissier de justice.
La société Rockwood Immobilier a transmis la mise en demeure du 15 mai 2014 à sa compagnie d'assurance, la société Albingia qui a mandaté la société Saretec pour une expertise amiable.
Une analyse des prélèvements a été réalisée par le cabinet de M. [F] [J], expert près la
cour d'appel de Grenoble, qui a conclu à la présence de mérules et de champignons.
Aucune autre réunion n'étant organisée, Mme [Z] et M. [P] ont assigné la société Rockwood Immobilier et la société Albingia devant le juge des référés afin d'expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé du 4 novembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à la demande.
Par ordonnance du 26 mars 2015, sur demande de la société Rockwood Immobilier, la mesure a été étendue à la société Les Compagnons du Diagnostic, la société Prodiatus et la société Axa France Iard. Le rapport a été déposé le 28 février 2019.
Une demande règlement amiable du 15 mars 2019 n'a reçu aucune réponse.
Par actes des 18 et 19 avril 2019, Mme [Z] et M. [P] ont assigné la société Rockwood Immobilier et la société Albingia devant le tribunal de grande instance de Nanterre en réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 9 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- dit que l'immeuble vendu le 17 janvier 2014 par la société Rockwood Immobilier à Mme [Z] et M. [P] était affecté d'un vice caché antérieur à la vente,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 88 629 euros à titre de restitution d'une partie du prix,
- condamné in solidum la société Rockwood Immobilier et la société Albingia à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 30 927 euros à titre de dommages-intérêts et condamné la société Albingia à garantir la société Rockwood Immobilier de cette condamnation,
- dit la société Albingia bien fondée à opposer la franchise contractuelle de 5 000 euros à son assurée et aux tiers lésés,
- condamné la société Rockwood Immobilier aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P], ensemble, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par acte du 24 août 2022, la société Rockwood Immobilier a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 22 mars 2023, de :
A titre principal,
- la recevoir en son appel et ce faisant,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a:
- dit que l'immeuble vendu le 17 janvier 2014 par la société Rockwood Immobilier à Mme [Z] et M. [P] était affecté d'un vice antérieur à la vente,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 88 629 euros à titre de restitution d'une partie du prix,
- condamné in solidum la société Rockwood Immobilier et la société Albingia à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 30 927 euros à titre de dommages-intérêts,
- dit la société Albingia bien fondée à opposer la franchise contractuelle de 5 000 euros à son assurée et aux tiers lésés,
- condamné la société Rockwood Immobilier aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P], ensemble, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Rockwood Immobilier de ses demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire,
Et statuant à nouveau,
- limiter le montant de l'indemnité au titre du préjudice de jouissance de M. [P] et Mme [Z] à la somme maximale de 16 560,89 euros,
- condamner la société Albingia, en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier, à garantir à la société Rockwood Immobilier de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en ce compris les éventuelles condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- débouter M. [P] et Mme [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter la société Albingia de toutes ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Rockwood Immobilier,
- condamner in solidum M. [P] et Mme [Z], ainsi que tous succombants, à payer à la société Rockwood Immobilier la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel,
- condamner in solidum tous succombants aux entiers dépens dont le montant sera recouvré directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 17 mars 2023, la société Albingia prie la cour de :
- juger qu'en application de l'article 5.KK des conventions spéciales du contrat d'assurance n° RC 1303.312, la société Albingia ne garantit pas les travaux de réparation de la maison vendue qui fait l'objet de la demande en paiement de la somme de 88 629 euros, qui s'analyse comme une demande de restitution partielle du prix de vente,
- juger en conséquence Mme [Z] et M. [P] d'une part, et le cas échéant la société Rockwood Immobilier d'autre part, de leurs demandes concernant la prise en charge par la société Albingia du coût des travaux de remise en état,
- juger par ailleurs que les demandes formulées par Mme [Z] et par M. [P] sont injustifiées, ou excessives pour les motifs exposés ci-dessus par la société Albingia, concernant notamment les frais de prêt qui doivent être limités à la somme de 2 171,41 euros,
- infirmer en conséquence le jugement déféré sur ce point,
- juger non fondées les demandes formulées par Mme [Z] et M. [P] au-delà des condamnations prononcées par les premiers juges lesquelles seront réduites en tenant compte des observations ci-dessus,
- juger qu'aucune condamnation conjointe et solidaire ne peut être prononcée contre la société Albingia, la concluante ne pouvant être tenue que dans les limites du contrat d'assurance qui la lie à la société Rockwood Immobilier, le montant des capitaux et le montant des franchises étant précisés qu'à la page 5 le contrat prévoit notamment pour les dommages immatériels non consécutifs après livraison, par année d'assurance :
o une garantie maximale de 500 000 euros,
o l'application d'une franchise de 5 000 euros par sinistre,
- juger qu'en application de l'article 7.3, alinéa 2, des conditions générales du contrat :
« les montants de garantie fixés aux Conditions Personnelles incluent le principal, les intérêts, les frais de règlement, de procédure ou de procès et les frais et honoraires d'avocat ou avoués à la cour »,
- juger que les limitations de garantie ci-dessus sont opposables aux demandeurs en application de l'article L 112-6 du code des assurances,
- juger la société Rockwood Immobilier infondée en ses demandes excédant les limites de la garantie telle qu'elles viennent d'être rappelées,
- condamner la ou les parties succombantes à payer à la société Albingia la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 7 mars 2023, M. [P] et Mme [Z] prient la cour de :
- débouter la société Rockwood Immobilier et la société Albingia de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [Z] et M. [P],
En conséquence,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit que l'immeuble vendu le 17 janvier 2014 par la société Rockwood Immobilier à Mme [Z] et M. [P] était affecté d'un vice antérieur à la vente,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 88 629 euros à titre de restitution d'une partie du prix,
- condamné la société Rockwood Immobilier aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamné la société Rockwood Immobilier à payer à Mme [Z] et M. [P], ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
Pour le surplus,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné in solidum la société Rockwood Immobilier et la société Albingia à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 30 927 euros à titre de dommages-intérêts et condamné la société Albingia à garantir la société Rockwood Immobilier de cette condamnation,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Et statuant à nouveau sur le trouble de jouissance,
A titre principal:
- condamner la société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier conjointement et solidairement à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 69 096,85 euros au titre du préjudice de jouissance,
A titre subsidiaire:
- si par impossible la Cour décidait de ne pas apprécier le préjudice de jouissance des
concluants sur la base de la valeur locative de la maison sinistrée, condamner la Société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'Assureur de la société Rockwood Immobilier conjointement et solidairement à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 50 000 euros au titre du préjudice de jouissance auquel s'ajouteront les 360,85 euros de frais d'assurance habitation payés pour le logement loué,
En tout état de cause,
- condamner la Société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'Assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 5 007 euros au titre des frais liés aux prêts contractés,
- condamner la Société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] l'ensemble des dépens mentionnés au titre de l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris la somme de 4 000 euros au titre de la consignation de l'expertise judiciaire, le solde des frais d'expertise judiciaire d'un montant de 4 062 euros, les frais de postulation devant la cour et tous autres frais induits par les procédures de première instance et d'appel,
- condamner la société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'Assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme de 2 425,07 euros au titre des frais d'expertises conseil et d'huissiers, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Rockwood Immobilier et la société Albingia en sa qualité d'assureur de la société Rockwood Immobilier, conjointement et solidairement, à payer à Mme [Z] et M. [P] la somme supplémentaire de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera observé que la société Rockwood qui présente au dispositif de ses écritures une demande d'infirmation du chef du jugement ayant dit que l'immeuble litigieux était affecté d'un vice antérieur à la vente, ne formule pas de prétention quant au mal fondé de l'action initiée par les acquéreurs du bien sur le fondement de l'existence d'un vice caché.
L'existence du vice caché n'est pas formellement discutée par la société Rockwood, qui reconnaît le principe de sa garantie, de sorte que ce chef du jugement n'est pas réexaminé par la cour.
Elle ne conteste pas non plus la somme fixée au titre de la restitution du prix de vente.
La cour n'est donc pas saisie d'un appel de ces chefs de demande.
La demande présentée par la société Rockwood au titre de la mobilisation de la police d'assurance souscrite auprès de la société Albingia sera examinée en premier lieu, le montant des dommages-intérêts alloués étant supporté par la société Rockwood seule ou in solidum avec son assureur pour le cas où sa garantie serait due.
' sur la mobilisation de la police d'assurance souscrite par la société Rockwood auprès de la société Albingia
La société Rockwood estime erronée l'appréciation faite par le tribunal de la cause d'exclusion de garantie. Elle fait valoir que le tribunal l'a condamnée sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, qu'elle a dû verser des dommages-intérêts au titre des travaux de réparation des structures bois endommagées exposés par les acquéreurs. Elle dit avoir souscrit une police d'assurance responsabilité civile des professionnels de l'immobilier au titre de son activité de marchand de biens, que ce contrat garantit, en cas de revente, les dommages matériels et immatériels ayant leur origine dans l'existence de vices cachés conformément aux stipulations contractuelles. Elle dit que l'exclusion doit être explicite, clairement exprimée et nettement délimitée, sans pouvoir conduire à vider la garantie de sa substance. Elle affirme que l'achat / revente n'est pas visée par l'exclusion de garantie, qui ne concerne que les contrats de vente à rénover. De plus, elle observe que la clause prévoit une exclusion pour les frais et coûts qu'il est nécessaire d'engager, par l'assuré et non par un tiers acquéreur, de sorte que l'exclusion ne peut pas concerner les frais exposés par le tiers acquéreur. Selon elle, cette exclusion ainsi appliquée par le tribunal revient à vider de sa substance la garantie des vices cachés.
En réponse, la société Albingia conclut à la confirmation du jugement, en rappelant les termes de l'article 5 paragraphe KK des conditions spéciales de la police. Elle affirme que la demande en paiement de la somme de 88 629 euros correspond au coût des travaux de remise en état de la maison qui leur a été vendue par la société Rockwood, le tribunal ayant considéré l'action comme estimatoire avec restitution d'une partie du prix de vente. Elle dit que la clause exclut précisément les frais et coûts nécessaires d'engager pour rembourser tout ou partie des biens vendus. Elle réfute que cette clause d'exclusion ne s'appliquerait que pour les contrats de vente à rénover, constatant que la partie "remboursement du prix de vente" ne vise pas les contrats de vente à rénover.
Elle estime inexact de soutenir qu'appliquer la clause d'exclusion susvisée viderait le contrat de sa substance, alors qu'il s'agit là du risque d'entreprise qui n'est pas garanti par un contrat responsabilité civile, celui-ci visant les conséquences et non l'objet même de la prestation.
Elle dit n'avoir jamais contesté devoir couvrir les dommages immatériels.
Sur ce,
La société Rockwood a souscrit auprès de la société Albingia une police d'assurance de responsabilité professionnelle "marchands de biens" couvrant notamment (article 3.1 des conditions spéciales) "les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir du fait des immeubles après leur revente en raison :
- des dommages corporels, des dommages matériels, des dommages immatériels consécutifs causés à autrui et ayant pour origine l'existence de vices cachés (...).
- des dommages immatériels non consécutifs causés à autrui liés à l'action en garantie pour vices cachés intentée par l'acquéreur d'un bien immobilier (...)"
Au titre des exclusions communes à toutes les garanties souscrites, l'article 5. KK stipule que sont exclus "les frais et les coûts qu'il est nécessaire d'engager pour réparer, remplacer, achever, rembourser tout ou partie des biens vendus, remédier à un travail et/ou à une prestation mal exécutés, refaire les travaux, effectuer des travaux de rénovation/réhabilitation prévus dans le contrat de vente à rénover."
C'est à raison que le tribunal a estimé que cette exclusion est claire et apparente, qu'elle ne vide pas le contrat de sa substance pour l'assuré, et qu'elle lui est opposable ainsi qu'aux tiers agissant sur le fondement de l'action directe.
Elle ne vide pas non plus le contrat de sa substance pour l'assuré, qui est garanti des dommages immatériels. A raison, la société Albingia affirme que le risque exclu est le risque d'entreprise, qui ne peut pas être garanti par un contrat responsabilité civile,
Cette exclusion de garantie porte notamment sur les frais engagés pour rembourser tout ou partie des biens vendus. Contrairement à ce que tente de soutenir la société Rockwood, elle ne vise pas uniquement le contrat "vente à rénover".
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a fait application de l'exclusion de garantie, dit que la somme versée au titre de la restitution du prix de vente était exclue de la garantie, et limité la garantie de la société Albingia aux dommages-intérêts alloués au titre du préjudice de jouissance et aux frais d'emprunt.
' sur la demande tendant à voir limiter le montant de l'indemnisation due par la société Rockwood aux consorts [Z] et [P] au titre du préjudice de jouissance
La société Rockwood conteste le montant retenu par le tribunal au titre du préjudice de jouissance qu'elle a été condamnée à payer aux acquéreurs du bien objet de la querelle.
La société Rockwood prétend que l'expert n'a retenu une période de privation de 10 mois et non de 16 prise en compte par le tribunal, puisqu'ils ont été contraints de prendre un bien en location de novembre 2014 à fin septembre 2015. Elle observe également que les acquéreurs demandent que la privation de jouissance soit estimée sur la valeur locative du bien acquis, sans en justifier, outre le fait que la valeur locative doit être établie sur la surface habitable qui n'est pas justifiée. Elle en déduit que ce poste de préjudice doit être évalué sur la base de l'appartement loué, comme l'a fait l'expert, ajoutant qu'ils demandent deux fois l'indemnisation du même préjudice, une fois au titre du loyer, une fois au titre du préjudice de jouissance.
En réponse, les consorts [Z] et [P] prétendent que le tribunal a mal évalué le préjudice de jouissance subi. Ils disent avoir dû prendre un bien en location pendant le temps des travaux, pour une période allant de 22 novembre 2014, jusqu'au mois de septembre 2015, puis avoir dû poursuivre ce bail jusqu'au mois d'octobre 2016. Ils demandent la confirmation du jugement qui a retenu une période de 16 mois de privation de jouissance jusqu'au 18 mars 2016, date de leur emménagement théorique dans le bien encore en rénovation.
S'agissant ensuite de l'assiette du calcul du préjudice, ils affirment avoir justifié de la valeur locative de leur maison, dont ils n'ont pas pu profiter durant cette période, pas même du jardin interdit pour des raisons de sécurité. Ils arguent d'une surface habitable de 240 m², soulignant que la valeur locative a été fournie par l'expert lui-même et contestent le principe d'une indemnisation sur le montant des loyers payés.
A titre subsidiaire, ils demandent réparation de leur perte de chance de jouir de leur maison, qui ne peut être inférieure à 50 000 euros, outre le montant de l'assurance habitation souscrite pour le bien pris à bail.
La société Albingia, répondant aux prétentions des consorts [Z] et [P], affirme qu'ils ne sont pas fondés à solliciter une indemnisation pour une durée de 16 mois, que ni la société Rockwood ni elle-même ne peuvent être responsables du retard apporté par les demandeurs principaux à la remise en état du bien. De plus, elle réfute tout préjudice de jouissance s'agissant du jardin, que les photographies produites ne font pas la preuve d'un usage impossible de ce lieu. Elle ajoute que la surface d'emprise de la cage d'escalier à chaque étage du bien immobilier n'est pas une surface habitable, et seule la surface réellement habitable doit être prise en compte dans l'évaluation du préjudice de jouissance. S'agissant de l'assurance habitation, elle estime la demande de prise en charge du coût de l'assurance pour le bien loué non fondé et dit se rapporter à l'appréciation de la cour s'agissant de la demande de 423,84 euros au titre de la demande d'assurance pour le bien sinistré, demande qu'elle estime faire double emploi. Elle conclut au rejet des prétentions relatives aux taxes foncières.
Sur ce,
Le tribunal a évalué le préjudice de jouissance en tenant compte de la valeur locative du bien pris à bail et de la durée de privation du bien acquis, soit 16 mois.
Le tribunal a en effet estimé que si le préjudice de jouissance pouvait être établi sur la base de la valeur locative du bien acquis, il n'était pas démontré que cette valeur était de 4 296 euros par mois comme ils le demandaient.
Les consorts [Z] et [P] exposent à hauteur de cour que leur demande se fonde sur l'appréciation de la valeur locative du bien acquis telle que faite par l'expert à raison de 17,90 euros / m².
L'expert a considéré, dans une réponse aux dires, que la date des travaux strictement nécessaires aux reprises liées au sinistre "bois" étaient achevées au 30 octobre 2015, tandis que les parties s'accordent à dire que les désordres ont été révélés à la date du 29 avril 2014 alors que des travaux étaient en cours, que les acquéreurs sont restés dans leur appartement jusqu'à la vente de celui-ci et ont pris un bien à louer à compter du 21 novembre 2014.
Il est établi que les travaux de rénovation engagés par les acquéreurs à la date de la vente devaient durer plusieurs mois, de sorte qu'ils n'envisageaient une installation que pour la rentrée de septembre 2014, comme ils le précisaient dans l'acte introductif d'instance. Ils ont donc été privés de la jouissance de leur bien d'août 2014 au 30 octobre 2015, soit 15 mois.
Il est certain que la privation de jouissance doit être estimée en prenant pour base le bien dont ils sont privés, et non celui qu'ils ont loué dans l'attente, le bien loué étant significativement plus petit et de moindre valeur en raison du coût supplémentaire de cette location qu'ils n'avaient pas envisagé.
L'expert fait état d'une valeur locative moyenne à [Localité 4] de 17,90 euros, qui est un élément susceptible d'être pris en compte pour évaluer le préjudice de jouissance, sans que ce préjudice soit nécessairement le strict résultat d'une application de cette valeur au m² à la surface totale, quand la valeur locative d'un bien au m² dépend aussi de la surface totale.
Il est évoqué un bien d'une superficie de 240 m², sans toutefois que les consorts [Z] et [P] justifient précisément de la surface prétendue. Ils ne versent pas leur acte de vente qui préciserait la consistance exacte du bien et se contentent de produire la présentation du bien à vendre faite par la société Rockwood à l'époque de sa commercialisation. Il n'est pas démontré en particulier que le 2ème étage du bien était dès l'achat en état habitable ou seulement en état de combles aménageables, ni même l'état général du bien.
En considérant le produit strict de la valeur moyenne locative du m² à [Localité 5] et de cette surface estimée, les consorts [Z] et [P] réclament l'estimation de leur préjudice de jouissance pour un montant de 240 m² x 17,90 pour une durée de 16 mois.
Au regard des éléments produits, ils ne justifient pas la réalité de la privation de jouissance subie dans les proportions alléguées, et ce poste de préjudice sera entièrement et suffisamment réparé par l'octroi d'une somme totale de 48 000 euros en considérant la durée de 15 mois, soit une réparation à hauteur de 3 200 euros par mois de privation de jouissance.
La demande de prise en charge par le vendeur et son assureur du montant de la prime d'assurance payée pour le bien pris à bail est rejetée, en considérant que l'évaluation du préjudice de jouissance a été faite sur la base de la valeur du bien dont ils ont été privés et non du coût effectivement exposé, qui serait moindre.
La société Rockwood et la société Albingia sont condamnées in solidum, et non conjointement, l'un excluant l'autre, à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 48 000 euros à titre de réparation du préjudice de jouissance.
' sur le montant réclamé au titre des prêts contractés
La société Rockwood, qui contestait dans la déclaration d'appel, le montant alloué aux consorts [Z] et [P] au titre des frais et agios liés à l'emprunt, ne formule aucune prétention à ce titre dans le dispositif de ses écritures.
Les consorts [Z] et [P] disent avoir été contraints de faire réaliser les travaux de remise en état à leurs frais avancés pour faire cesser au plus tôt leur préjudice, et ont à cette fin bloqué la somme de 100 000 euros sur le remboursement du crédit suite à la vente de leur appartement parisien. Ils ont de ce fait supporté des agios et demandent en conséquence la confirmation du jugement.
La société Albingia réplique qu'ils ne sont pas fondés à solliciter la prise en charge de frais bancaires pour une somme de 100 000 euros alors que les travaux de remise en état ont été chiffrés à une somme globale de 88 629 euros. Elle demande donc l'application d'un correctif, ajoutant que le prêt aurait pu être renégocié dès le 30 octobre 2015, date d'achèvement des travaux.
Sur ce,
Le tribunal a fait une exacte analyse de cette demande, en considérant que le montant des intérêts et frais d'emprunts exposés pour faire procéder aux travaux doit être pris en compte sur la base de la somme empruntée, et non du coût effectivement exposé, en tenant compte du fait que la demande d'emprunt avait été faite en amont de la réalisation des travaux, sans certitude du montant exact final et intégrant un aléa inhérent à la situation.
Les arguments invoqués par la société Albingia ne sont pas différents de ceux déjà soutenus et pris en compte par le tribunal.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Rockwood et la société Albingia à prendre en charge la somme de 5 007 euros à ce titre.
' sur les limites de la garantie due par la société Albingia
La société Albingia rappelle les limites de sa garantie, à savoir une garantie maximale de 500 000 euros pour les dommages immatériels non consécutifs par année d'assurance, et une franchise de 5 000 euros par sinistre, et précise que l'article 7.3 alinéa 2 des conditions générales du contrat stipule que "les montants de garantie fixés aux conditions personnelles incluent le principal, les intérêts, les frais de règlement de procédure ou de procès et les frais et honoraires d'avocat ou d'avoué à la cour."
La société Rockwood ne présente pas d'observation particulière à ce titre, pas plus que les consorts [Z] et [P].
Sur ce,
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que les condamnations prononcées in solidum à l'encontre de la société Rockwood et de la société Albingia le sont dans les limites de la garantie due par l'assureur, en ce compris plafond de garantie et franchise, dont le montant est de 5 000 euros.
La société Albingia est condamnée à garantir la société Rockwood des condamnations prononcées in solidum à leur encontre.
' sur les autres demandes présentées par les consorts [Z] et [P]
Les consorts [Z] et [P] réclament que la société Albingia soit condamnée in solidum avec la société Rockwood à payer les dépens et l'indemnité de procédure à laquelle, par erreur, le tribunal a condamné seulement la société Rockwood dans son dispositif.
La société Rockwood s'associe à cette prétention.
La société Albingia ne présente pas d'observation particulière sur la demande ainsi formulée.
Sur ce,
Il est justifié de dire que la société Albingia supportera in solidum avec la société Rockwood le montant des dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, ainsi que l'indemnité de procédure allouée par le tribunal pour un montant de 6 000 euros, qui prend en compte les frais exposés pour les besoins de la procédure, notamment les constats d'huissier de justice et l'assistance à expertise.
En appel, la société Albingia et la société Rockwood sont condamnées in solidum à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure, outre les dépens exposés à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS,
La cour, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en son évaluation du préjudice de jouissance subi par les consorts [Z] et [P], et en ce qu'il a condamné la société Rockwood seule aux dépens et à l'indemnité de procédure,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 48 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 6 000 euros d'indemnité de procédure et aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise,
Dit que la société Albingia doit garantir la société Rockwood des condamnations prononcées in solidum à leur encontre, dans les limites de sa garantie contractuelle,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia à payer aux consorts [Z] et [P] la somme de 5 000 euros d'indemnité de procédure en cause d'appel,
Condamne in solidum la société Rockwood et la société Albingia aux dépens exposés en appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme F. PERRET, président et par Mme K. FOULON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,