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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 30 août 2023, n° 21/00687

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/00687

30 août 2023

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 30 AOUT 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00687 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDABL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Novembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX -Section Activités diverses - RG n° F18/01010

APPELANTE

Madame [E] [S] épouse [X]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉS

Monsieur [M], [N] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Anne LEVEILLARD, avocat au barreau de MEAUX

Madame [R], [I], [K] [T] épouse [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne LEVEILLARD, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant convention de mise à disposition d'une maison d'habitation en date du 2 septembre 2017, M. et Mme [Z] (propriétaires) ont mis à disposition de M. [G] [X] et Mme [E] [X] (preneurs) « une maison d'habitation sise à [Adresse 4], composée de 5 pièces, salle de bains, WC et buanderie ainsi que de la pelouse devant la maison et d'un petit terrain situé à côté de l'ancien lavoir en bordure du Petit Morin », l'article 2 de la convention stipulant que « En échange, les preneurs payent un loyer mensuel de 450 euros payable en début de mois, assurent cinq heures hebdomadaires de charge d'entretien (ménage, jardin par ex) et des tâches de gardiennage (réception d'objet livrés, sortie des poubelles, ouverture du portail à des ouvriers ou prestataires des réceptions, soins des animaux, etc.)».

Suivant courrier du 3 juin 2018, M. et Mme [Z] ont donné congé avec application d'un préavis de 3 mois.

Sollicitant la requalification de la convention de mise à disposition en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, invoquant l'existence de faits de harcèlement moral et s'estimant insuffisamment remplie de ses droits, Mme [E] [X] a saisi la juridiction prud'homale le 23 novembre 2018.

Par jugement du 23 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Meaux a :

- dit n'y avoir lieu à requalifier en contrat de travail la convention de mise à disposition,

- condamné M. et Mme [Z] à payer à Mme [X] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- ordonné à M. et Mme [Z] de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au jugement,

- débouté Mme [X] du surplus de ses demandes,

- débouté M. et Mme [Z] de leur demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [Z] aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier du jugement.

Par déclaration du 30 décembre 2020, Mme [X] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 7 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juillet 2021, Mme [X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement et, statuant à nouveau,

- requalifier la convention de mise à disposition en un contrat de travail à durée indéterminée,

- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre principal,

- requalifier son contrat en contrat de travail à temps complet,

- condamner en conséquence M. et Mme [Z] à lui payer les sommes suivantes :

- 18 200,40 euros à titre de rappel de salaire outre 1 820,04 euros au titre des congés payés s'y rapportant,

- 10 920,24 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 820,04 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 397,18 euros à titre d'indemnité de licenciement,

à titre subsidiaire,

- requalifier son contrat en contrat de travail à temps partiel,

- condamner en conséquence M. et Mme [Z] à lui payer les sommes suivantes :

- 12 470,40 euros à titre de rappel de salaire outre 1 240,70 euros au titre des congés payés s'y rapportant,

- 7 482,24 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 247,04 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 311,76 euros à titre d'indemnité de licenciement,

en tout état de cause,

- condamner M. et Mme [Z] au paiement des sommes suivantes :

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise des documents suivants sous astreinte de 20 euros par jour et par document:

- certificat de travail,

- attestation Pôle Emploi comprenant les mêmes indications,

- bulletins de salaire correspondant à la période courant de novembre 2017 à septembre 2018,

- ordonner que les condamnations prononcées porteront intérêt légal à compter de la saisine du conseil pour les créances salariales et de la décision pour les autres et qu'ils seront majorés selon l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner les employeurs aux dépens y compris les frais et honoraires de recouvrement forcé par voie d'huissier de justice,

- débouter M. et Mme [Z] de leurs demandes, fins et conclusions,

- rejeter toute demande contraire aux présentes.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 juin 2021, M. et Mme [Z] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il les a condamnés à payer à Mme [X] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du prononcé du jugement, leur a ordonné de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au jugement, les a déboutés de leur demande relative à l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution du jugement par voie d'huissier de justice, et, statuant à nouveau et y ajoutant,

- débouter Mme [X] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [X] au paiement des sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la convention de mise à disposition était requalifiée en contrat de travail,

- réduire aux plus justes proportions les condamnations qui seraient prononcées (en considérant que le contrat ne serait qu'à temps très partiel, soit 2h30 par semaine).

L'instruction a été clôturée le 7 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 avril 2023.

MOTIFS

Sur la demande de requalification de la convention de mise à disposition en contrat de travail à durée indéterminée

L'appelante fait valoir que la convention de mise à disposition lui imposait de travailler plusieurs heures par semaine, sous la direction des époux [Z], ces derniers étant propriétaires du [Adresse 5], grande propriété de 3 hectares arborés, comprenant une salle principale de 200 mètres carrés, deux salles attenantes, un appartement de 75 mètres carrés, un studio et un dortoir, ladite propriété étant louée pour des mariages, des séminaires ou tout événement regroupant de nombreuses personnes. Elle souligne qu'il existait une prestation de travail, une rémunération ainsi qu'un lien de subordination juridique se manifestant par un pouvoir de direction, un pouvoir de contrôle et un pouvoir de sanction des intimés à son encontre.

Les intimés répliquent que la convention de mise à disposition d'un logement en contrepartie de services doit s'analyser en un contrat de location avec un loyer payé en partie en nature, les éléments cumulatifs requis pour caractériser l'existence d'un contrat de travail, et en particulier le lien de subordination, faisant défaut en ce qu'ils n'ont jamais été placés dans une position d'autorité leur permettant de donner des ordres à l'appelante et de sanctionner ses éventuels manquements. Ils soulignent que la prestation de travail prévue dans le contrat de mise à disposition n'était qu'une modalité de paiement du loyer prévue pour la mise à disposition d'un logement, qu'aucune rémunération n'était prévue au titre des prestations effectuées et qu'il n'existait pas de lien de subordination.

Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération, le lien de subordination étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

En outre, il sera rappelé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Enfin, il résulte des articles 1315 devenu 1353 du code civil et L. 1221-1 du code du travail, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il résulte de l'article 1er de la convention de mise à disposition que M. et Mme [Z] mettent à la disposition de M. et Mme [X] « une maison d'habitation sise à [Adresse 4], composée de 5 pièces, salle de bains, WC et buanderie ainsi que de la pelouse devant la maison et d'un petit terrain situé à côté de l'ancien lavoir en bordure du Petit Morin », l'article 2 de la convention stipulant que « En échange, les preneurs payent un loyer mensuel de 450 euros payable en début de mois, assurent cinq heures hebdomadaires de charge d'entretien (ménage, jardin par ex) et des tâches de gardiennage (réception d'objet livrés, sortie des poubelles, ouverture du portail à des ouvriers ou prestataires des réceptions, soins des animaux, etc.)», l'article 4 précisant que « Les preneurs doivent prendre un soin particulier de l'extérieur de leur maison en lui donnant un aspect pimpant : pelouse tondue, jardinières et parterres (devant et à l'arrière de la maison) entretenus, haie bordant leur pelouse régulièrement taillée (intérieur et extérieur sur rue), pas d'objets laissés à l'abandon etc. Les meubles de jardin devront faire l'objet d'un accord avec les propriétaires pour s'harmoniser avec les autres meubles de jardin de la propriété. »

Il ressort en outre de l'article 6 de la convention de mise à disposition que « Un point est fait tous les mois sur la façon dont les preneurs remplissent les obligations prévues aux articles 2, 3 et 4. En cas de non-respect de ces obligations, une mise en demeure est adressée aux preneurs. Si la situation persiste le mois suivant, le préavis prévu à l'article 5 est réduit à un mois », l'article 7 précisant que « Si les propriétaires demandent un supplément d'heures de travail, ils s'engagent à payer ces heures supplémentaires par Chèque Emploi Service au taux de 12 € net par heure. », tandis que l'article 8 indique que « Inversement, si les preneurs étaient dans l'impossibilité, pour quelque raison que ce soit, d'apporter tout ou partie de la contribution aux charges d'entretien, ils s'engagent à verser forfaitairement 12 € par heure non exécutée.», l'article 10 prévoyant enfin que « Les preneurs ont droit à quatre semaines de vacances l'été et deux semaines l'hiver. Ils doivent informer les propriétaires de leurs intentions trois mois à l'avance. Comme pour toute location, le loyer et les heures d'entretien sont dus aussi pendant les périodes de vacances.»

S'agissant de la prestation de travail alléguée par l'appelante, étant rappelé qu'en application des dispositions de l'article 1709 du code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer, et ce peu important que la rémunération prenne la forme d'un versement en numéraire, en espèces ou d'une prestation en nature, il apparaît en l'espèce que le fait que le contrat litigieux ait prévu l'exécution par les preneurs de certaines tâches matérielles à titre de règlement d'une partie du loyer n'est, en lui-même, pas de nature à remettre en cause la qualification de contrat de bail dès lors qu'il n'existe entre les parties aucun lien de subordination, élément nécessaire à l'existence d'un contrat de travail. Il sera ainsi constaté que le contrat liant les parties prévoit la mise à disposition d'une maison d'habitation ainsi que de la pelouse devant la maison et d'un petit terrain situé à côté de l'ancien lavoir en bordure du Petit Morin, et ce moyennant le paiement d'un loyer mixte composé d'une partie en numéraire (450 euros mensuels payables en début de mois) et d'une partie en nature consistant en l'exécution de 5 heures hebdomadaires de travaux d'entretien (ménage, jardin) et de tâches diverses de gardiennage (réception d'objet livrés, sortie des poubelles, ouverture du portail à des ouvriers ou prestataires des réceptions, soins des animaux), les différents exemples expressément mentionnés dans la convention n'apparaissant pas limitatifs.

Au vu des différents mails et des feuilles d'heures versés aux débats par l'appelante au titre des tâches accomplies au cours des mois de novembre 2017 à juillet 2018, la cour ne peut que relever que les divers travaux dont il est fait état correspondent aux prestations en nature d'entretien et de gardiennage effectivement prévues par la convention de mise à disposition, celles-ci constituant une modalité de règlement du loyer, et ce s'agissant notamment du ménage, de l'entretien du jardin, du soin des animaux et de certaines tâches de réception, étant observé de ce dernier chef qu'il résulte des éléments produits qu'il ne revenait pas aux preneurs de faire systématiquement procéder à la visite des lieux pour les potentiels clients/utilisateurs du domaine mais uniquement d'ouvrir la propriété aux fins de permettre à certains clients d'accéder au domaine pour effectuer une nouvelle visite, et ce uniquement en l'absence des propriétaires, les clients se voyant alors adresser un guide explicatif pour procéder eux-mêmes à la visite. Il sera de surcroît constaté que les preneurs transmettaient leurs feuilles d'heures mensuelles aux propriétaires et que, dans l'hypothèse où les travaux et prestations effectués auraient excédé les 5 heures hebdomadaires prévues par la convention, il aurait alors été fait application de l'article 7 du contrat prévoyant le paiement des heures réalisées selon un tarif horaire en net. Enfin, il sera noté à la lecture des différentes factures produites par les intimés au titre de la période litigieuse, que ces derniers faisaient également intervenir un prestataire extérieur (M. [J] [H]) pour effectuer divers « travaux de bricolage d'intérieur et d'extérieur » à hauteur de plusieurs heures par mois.

S'agissant de la rémunération alléguée, il apparaît que les 5 heures hebdomadaires de tâches d'entretien et de gardiennage correspondent à la partie en nature du loyer afférent à la mise à disposition et non pas à la rémunération en nature d'une prestation de travail effectuée par les appelants, lesdites heures venant compléter, ainsi que cela a déjà été indiqué, le paiement de la partie en numéraire du loyer d'un montant de 450 euros, et ce alors que les locaux loués avaient une valeur locative globale moyenne de 1 220 euros par mois ainsi que cela résulte des trois estimations locatives versées aux débats par les intimés, soit une différence de 770 euros, les preneurs ne justifiant pas, mises à part leurs propres affirmations de principe et au regard des seuls éléments produits, que les lieux loués auraient été en mauvais état. Il sera également relevé que le fait que le contrat ait prévu la rémunération distincte des éventuelles heures effectuées au delà des 5 heures contractuelles n'est que la simple conséquence de l'économie de la convention de mise à disposition liant les parties et prévoyant le paiement d'un loyer mixte composé d'une partie en numéraire et d'une partie en nature correspondant à des tâches à effectuer au sein de la propriété, tout dépassement de la partie en nature du loyer nécessitant en conséquence le versement d'une indemnisation spécifique et distincte, ledit versement n'étant aucunement de nature à entraîner la requalification de la convention de mise à disposition en contrat de travail à durée indéterminée.

Il sera par ailleurs constaté que les seules pièces versées aux débats ne font état d'aucune directive précise des intimés, distincte du seul respect des obligations locatives contractuelles telles qu'elles ressortent de la convention de mise à disposition, et ce s'agissant tant des prestations à accomplir que du maintien en bon état et du soin devant être apporté à l'aspect extérieur de la maison louée, celle-ci étant intégrée au domaine faisant l'objet de locations pour l'organisation de divers événements dont des mariages, les pièces précitées ne permettant pas de déterminer que les intimés intervenaient relativement à la fixation des conditions de réalisation des diverses prestations devant être effectuées par les preneurs, et ce s'agissant notamment du rythme et de la répartition entre les intéressés des 5 heures hebdomadaires à réaliser, les appelants apparaissant ainsi bénéficier d'une grande liberté d'organisation ainsi que d'une autonomie non sérieusement contestable dans l'organisation des prestations litigieuses. Il sera observé de ce même chef que les preneurs n'étaient pas soumis à un horaire de travail fixé par les intimés, l'intégration à un service organisé avec une activité exercée au sein d'une structure mettant à leur disposition une infrastructure matérielle et impliquant pour eux de se soumettre à un minimum de contraintes n'étant pas caractérisée par les appelants.

La cour ne peut par ailleurs que relever que les articles 6 et 10 de la convention précitée s'inscrivent dans le cadre de la bonne exécution du bail, le fait de prévoir la répartition des vacances entre les périodes d'été et d'hiver ainsi que la nécessité pour les preneurs d'informer les propriétaires de leurs intentions trois mois à l'avance, s'expliquant par le paiement d'une partie du loyer en nature et l'obligation pour les propriétaires de s'organiser afin de pallier à l'absence des preneurs, et ce en procédant, le cas échéant, à leur remplacement dans l'accomplissement des tâches d'entretien et de gardiennage. Il en va de même s'agissant de l'organisation d'un point mensuel quant à l'accomplissement de leur tâches par les preneurs, ledit point ayant uniquement pour fonction de permettre aux bailleurs de s'assurer du paiement de la partie en nature du loyer.

Concernant enfin les stipulations des articles 6 et 8 de la convention de mise à disposition relatives au non-respect de leurs obligations par les locataires, outre le fait qu'il est pour le moins habituel que les baux et contrats de location contiennent des clauses spécifiques en cas de manquement des preneurs à leurs obligations locatives, en ce comprise une clause résolutoire après délivrance d'une mise en demeure, il sera de surcroît noté à la lecture des feuilles d'heures transmises par les preneurs aux propriétaires pour la période courant de novembre 2017 à juillet 2018, que les intéressés n'ont jamais effectué, en moyenne sur la période d'exécution de la convention de mise à disposition, plus de 5 heures hebdomadaires correspondant au paiement de la partie en nature du loyer, ces derniers ayant même accompli moins d'heures que ce qui avait été contractuellement prévu, et ce sans que les intimés ne fassent application des stipulations contractuelles précitées, aucune mise en demeure n'ayant notamment été délivrée, aucun préavis réduit n'ayant été appliqué. Il sera noté de ce dernier chef que les propriétaires se sont limités à proposer aux preneurs, compte tenu du non-accomplissement de l'intégralité des tâches d'entretien et de gardiennage, de procéder à une augmentation de la partie en numéraire du loyer afin de la porter à la somme mensuelle de 700 euros, Mme [X] ayant même proposé, suivant mail du 16 mai 2018, de la fixer à la somme de 650 euros s'ils continuaient à s'occuper de sortir/rentrer les poubelles les jours de ramassage, avant que toute proposition ne soit finalement refusée par les preneurs suivant courrier du 30 mai 2018.

Il apparaît ainsi que le critère lié à l'autorité et au contrôle hiérarchique de l'employeur, se manifestant notamment par le pouvoir de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les éventuels manquements, n'est pas caractérisé au regard des seuls éléments produits.

Il sera en toute hypothèse observé que tant Mme [X] que M. [X] avaient, chacun, une activité professionnelle qu'ils ont continué à exercer durant l'exécution de la convention de mise à disposition litigieuse, les échanges de mails des 11 et 13 avril 2018 permettant de déterminer que ces derniers avaient indiqué aux propriétaires qu'ils avaient beaucoup de travail, ce qui avait des conséquences sur l'accomplissement des prestations contractuelles, les intimés leur ayant alors indiqué quels étaient les « besoins minimum de prestations » attendus de leur part et qu'il conviendrait de les tenir informés s'ils ne pouvaient effectuer ces tâches afin qu'ils puissent s'organiser sans délai, ces différents éléments apparaissant manifestement incompatibles avec l'existence d'un lien de subordination.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour relève que, mises à part ses propres déclarations et affirmations, l'appelante ne justifie ni de l'existence d'une prestation de travail, ni d'une rémunération convenue par les parties, ni d'un lien de subordination résultant de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements, les seuls éléments produits étant manifestement insuffisants de ces chefs et étant uniquement de nature à permettre de retenir la simple application d'une convention de mise à disposition d'une maison d'habitation moyennant le paiement d'un loyer composé en partie de prestations accomplies en nature, et ce sans que les liens précités entre propriétaires et preneurs ne puissent s'analyser comme étant constitutifs d'un contrat de travail liant les parties.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à requalifier la convention de mise à disposition en contrat de travail et en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes, formées tant à titre principal que subsidiaire, relatives à l'existence d'un contrat de travail ainsi qu'à l'exécution et à la rupture dudit contrat de travail, en ce comprise sa demande d'indemnité pour travail dissimulé. Le jugement sera en outre infirmé en ce qu'il a ordonné la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme, ladite demande devant être rejetée en l'absence de tout contrat de travail.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l'article L. 1152-2 du même code prévoyant qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 1154-1 du code du travail que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, outre le fait que la qualité de salariée de l'appelante n'a pas été retenue ainsi que cela résulte des développements précédents, la cour relève en toute hypothèse que, s'agissant des affirmations de l'intéressée selon lesquelles elle aurait subi une attitude particulièrement vindicative de la part des intimés, lesdites allégations ne résultent que des seules affirmations de l'appelante qui ne produit aucun élément pour les corroborer, les seuls mails et courriers versés aux débats étant afférents à l'exécution de la convention de mise à disposition précitée, les termes réciproquement employés par les parties ne faisant que traduire l'apparition progressive du différend les ayant opposées, lequel a finalement abouti à la rupture des relations contractuelles.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive

Les intimés font valoir que l'action de l'appelante procède d'une singulière mauvaise foi, que son droit d'agir en justice a dégénéré au stade de l'appel en abus et relève d'un véritable acharnement judiciaire et d'une intention malicieuse ayant notamment pour but de retarder l'action pendante devant le tribunal judiciaire et, en tout cas, de leur nuire.

L'appelante réplique que cette demande de dommages-intérêts ne s'appuie sur aucun fondement et qu'elle apparaît pour le moins étonnante en ce qu'elle sollicite simplement le rétablissement dans ses droits.

En application de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, étant rappelé que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à condamnation à dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, la réitération en appel de moyens soutenus en première instance et rejetés par les premiers juges ne constituant pas un abus en soi, les intimés ne démontrant en toute hypothèse ni la mauvaise foi, l'intention de nuire ou même la légèreté blâmable de l'appelante, ni d'ailleurs l'étendue de leur préjudice, il convient de les débouter de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [X] et débouté M. et Mme [Z] de leur demande sur ce même fondement. En application de ces mêmes dispositions, Mme [X] sera condamnée à verser à ces derniers la somme totale de 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel.

Mme [X], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, et ce par infirmation du jugement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à requalifier en contrat de travail la convention de mise à disposition liant les parties et en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes, formées tant à titre principal que subsidiaire, relatives à l'existence d'un contrat de travail ainsi qu'à l'exécution et à la rupture dudit contrat de travail, en ce comprises ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour harcèlement moral;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [X] de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute M. et Mme [Z] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Condamne Mme [X] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ainsi qu'en cause d'appel ;

Condamne Mme [X] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT