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Décisions

CA Orléans, ch. com., 14 septembre 2023, n° 21/01547

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 21/01547

14 septembre 2023

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/09/2023

la SCP BRILLATZ-CHALOPIN

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

ARRÊT du : 14 SEPTEMBRE 2023

N° : 148 - 23

N° RG 21/01547

N° Portalis DBVN-V-B7F-GL6M

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 03 Juin 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271219129107

S.C.I. DU MANOIR

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269783558401

S.A.S. STREETEO

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualié audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Thibault LANCRENON, membre de la S.E.L.A.R.L. TRIPTYQUE LAW, avocat au barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 11 Juin 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 30 MARS 2023, à 9 heures 30, devant Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 14 SEPTEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé en date du 1er décembre 2020, la SCI du Manoir a consenti à la société Streeteo un bail commercial portant sur des locaux situés dans l'ensemble immobilier [Adresse 3]) se composant, selon la clause de désignation, d'un rez-de-chaussée : plateau n°1 d'une surface d'environ 205 m², d'un 1er étage : plateaux n° 3 et 4 d'une surface d'environ 396 m², de 25 places de parking', pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2021, moyennant loyer annuel en principal de 90 000 euros payable par mensualités d'avance de 7 500 euros.

A la demande de la société Streeteo, la SAS d'huissiers de justice Office Alliance a constaté la fermeture par le bailleur, au moyen d'une cloison de type BA 13 sans porte, de l'escalier permettant l'accès aux locaux depuis le sous-sol (ou rez-de-jardin).

Invoquant les échanges intervenus lors de la visite des locaux et de la négociation du bail commercial, la société Steeteo a sollicité du bailleur l'accès au sous-sol (ou rez-de-jardin).

En retour, la SCI du Manoir, se prévalant de la désignation des locaux loués figurant dans le bail, a indiqué à la société Streeteo qu'elle n'avait loué que le plateau 1 du rez-de-chaussée, et les plateaux n°3 et 4 du premier étage, à l'exclusion du sous-sol.

Faute d'accord entre les parties, par acte du 17 février 2021, la société Streeteo, après y avoir été dûment autorisée, a fait assigner à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Tours la SCI du Manoir aux fins principalement de la voir condamnée à retirer la plaque de BA 13 abusivement posée en bas de l'escalier entre le rez-de-chaussée et le sous-sol des lieux loués et à lui remettre les clés des accès au sous-sol, outre la réalisation d'un constat d'huissier aux fins de voir constater et acter la mise effective en jouissance de la société Streeteo de l'ensemble des lieux loués, ainsi que le remboursement des sommes versées entre le 1er janvier 2021 et la mise en jouissance effective des lieux loués, le tout sous astreinte.

La société Streeteo a en outre formé des demandes subsidiaires dans l'hypothèse où la SCI du Manoir aurait effectué des travaux de séparation du rez-de-chaussée et du sous-sol plus consistants et aurait sous-loué le sous-sol à un tiers avant que le tribunal ne puisse statuer.

Par jugement contradictoire du 3 juin 2021, le tribunal judiciaire de Tours a :

- dit que les locaux situés en sous-sol (rez-de-jardin) d'une surface de 414 m2 de l'immeuble [Adresse 3] ont été donnés à bail par la SCI du Manoir à la société Streeteo suivant bail du 1er décembre 2020,

- condamné la SCI du Manoir à retirer ou faire retirer, à ses frais exclusifs, la plaque de BA 13 posée en bas de l'escalier entre le rez-de-chaussée et le sous-sol des lieux loués à la société Streeteo suivant bail du 1er décembre 2020 ou tout autre obstacle de nature à faire obstacle à l'accès par la société Streeteo aux locaux du sous-sol (rez-de-jardin) dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard durant un nouveau délai d'un mois, au delà duquel il sera à nouveau statué,

- condamné la SCI du Manoir à restituer à la société Streeteo les clés des accès au sous-sol dans le délai d'un mois courant à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai, sous astreinte de 500 € par jour de retard durant un nouveau délai d'un mois, au delà duquel il sera à nouveau statué,

- condamné la SCI du Manoir à faire réaliser un état des lieux contradictoire portant sur les locaux situés en sous-sol dans le délai d'un mois suivant la mise à disposition de ces locaux à la société Streeteo,

- condamné la SCI du Manoir à payer à la société Streeteo la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la société Streeteo de ses autres demandes,

- condamné la SCI du Manoir à payer à la société Streeteo la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI du Manoir aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Sophie Charron par application des dispositions de l'artice 699 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Suivant déclaration du 11 juin 2021 enregistrée sous le RG 21/01547, la SCI du Manoir a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement lui faisant grief.

Par jugement du 14 décembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Tours, saisi par la société Streeteo, a :

- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la SCI du Manoir sur la demande de liquidation d'astreinte dans l'attente de l'issue de la présente instance,

- condamné la SCI du Manoir à payer à la SAS Streeteo la somme de 15 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire prononcée par jugement du 3 juin 2021,

- condamné la SCI du Manoir à payer à la SAS Streeteo la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI du Manoir aux dépens,

- débouté la société Streeteo de ses autres demandes.

La SCI du Manoir a également interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 décembre 2021, laquelle a été enregistrée sous le n° RG 21/3220.

Le 2 août 2021, la SCI du Manoir a remis à la société Streeteo un jeu de trois clés permettant l'ouverture des portes d'entrée des cellules n° 4, 3 et 1, à l'exclusion de la cellule n°2 d'une superficie de 46 m², situées au sous-sol, la cellule n° 2 ayant été louée à la société Ajilec suivant un bail à effet du 1er janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 août 2021 dans le n° RG 21/1547, la SCI du Manoir demande à la cour de :

- dire recevable et fondé l'appel interjeté par la SCI du Manoir du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 3 juin 2021 (RG 21/00822),

- infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Vu les pièces versées au débat,

- débouter la société Streeteo de l'ensemble de ses demandes,

- mais donner acte à la SCI du Manoir de ce qu'elle accepte que les charges locatives soient réparties entre les locataires de parties de l'ensemble immobilier, dont font partie les locaux objet du bail litigieux, au prorata des surfaces louées par chacun d'eux,

- condamner la société Streeteo à payer à la SCI du Manoir la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2022, la société Streeteo demande à la cour de :

- juger la société Streeteo recevable et bien fondée en ses demandes,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 3 juin 2021 en ce qu'il a jugé que les locaux situés en sous-sol (rez-de-jardin) d'une surface de 414 m² de l'immeuble [Adresse 3] ont été donnés à bail par la SCI du Manoir à la société Streeteo suivant bail du 1er décembre 2020, conformément aux dispositions des articles 1104, 1188, 1189, 1190 et 1191 du code civil,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 3 juin 2021 en ce qu'il a condamné la SCI du Manoir à retirer ou faire retirer, à ses frais exclusifs, tout

obstacle de nature à empêcher l'accès par la société Streeteo aux locaux du sous-sol (rez-de-jardin), sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 3 juin 2021 en ce qu'il a condamné la SCI du Manoir à restituer à la société Streeteo les clés des accès au sous-sol sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 3 juin 2021 en ce qu'il a condamné la SCI du Manoir à faire réaliser un état des lieux contradictoire portant sur les locaux situés en sous-sol dans le délai d'un mois suivant la mise à disposition de ces locaux à la société Streeteo,

Pour le surplus, statuant à nouveau :

- condamner la SCI du Manoir à payer à la société Streeteo la somme de 20 087,88 euros à titre de dommages et intérêts eu égard au trop-perçu de loyer consécutif à l'absence de mise à disposition du sous-sol (414 m²) des lieux loués pendant la période du 1er janvier au 2 août 2021, en application des dispositions de l'article 1217 du code civil,

- condamner la SCI du Manoir à payer à la société Streeteo la somme de 24 624,65 euros à titre de dommages-intérêts eu égard au préjudice résultant de l'impossibilité pour Streeteo de mettre en oeuvre ses projets d'aménagement du sous-sol (414 m²) des lieux loués pendant la période du 1er janvier au 2 août 2021, en application des dispositions de l'article 1217 du code civil,

- condamner la SCI du Manoir à payer à la société Streeteo la somme de 3 633,75 euros à titre de dommages et intérêts eu égard au trop-perçu de provisions pour charges consécutif à l'absence de mise à disposition du sous-sol des lieux loués pendant la période du 1er janvier au 2 août 2021, en application des dispositions de l'article 1217 du code civil,

- juger que le fait, pour la SCI du Manoir, de consentir à un tiers un bail sur la cellule n°2 de 46 m² du sous-sol constitue une inexécution suffisamment grave pour que, en application des dispositions des articles 1217 et 1219 du code civil, la société Streeteo soit fondée, tant que cette inexécution perdurera pendant la durée d'exécution du bail entre la SCI du Manoir et Streeteo, à refuser d'exécuter mensuellement son obligation de paiement du loyer et des impôts et charges pour la surface de 46 m² correspondant à ladite cellule 2,

- condamner la SCI du Manoir à payer à la société Streeteo la somme de 11 420,66 euros à titre de dommages et intérêts eu égard au préjudice résultant de l'impossibilité pour Streeteo de mettre en oeuvre ses projets d'aménagement dans la cellule n°2 du sous-sol des lieux loués à compter du 2 août 2021, en application des dispositions de l'article 1217 du code civil,

- condamner la SCI du Manoir à identifier clairement, dans ses documents de facturation/reddition de loyer, charges et impôts, les sommes exigibles de la part de la société Streeteo au regard de la réalité précise des surfaces mises à sa disposition, conformément aux dispositions de l'article L.145-40-2 du code de commerce,

- juger que toute absence de mention précise au titre des 46 m² de la cellule 2 dans les documents de facturation/reddition de loyer, charges et impôts de la SCI du Manoir autorisera la société Streeteo, par application des articles 1217 et 1219 du code civil, tant que cette inexécution liée à la cellule n°2 perdurera pendant la durée d'exécution du bail entre la SCI du Manoir et Streeteo, à imputer sur les sommes exigées par le bailleur une retenue de loyer, impôts et charges pour une surface de 46 m² (des 1015 m²) correspondant à ladite cellule n°2,

- condamner la SCI du Manoir à effectuer à ses frais, dans les trente jours de la signification de l'arrêt à intervenir, les travaux de remise en état listés dans le procès-verbal de constat d'huissier du 2 août 2021, en particulier quant au règlement de

l'anormale retenue d'eau et de l'avaloir bouché, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- débouter intégralement la SCI du Manoir de l'ensemble de ses moyens demandes, fins et conclusions,

- condamner la société SCI du Manoir au versement de la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SCI du Manoir aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de constats d'huissier, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 mars 2023.

MOTIFS :

Au soutien de son appel, la SCI du Manoir fait en premier lieu valoir qu'il résulte des termes parfaitement clairs du bail commercial et plus précisément de son article 1, que seuls le plateau n°1 du rez-de-chaussée et les plateaux n°3 et 4 du premier étage ont été consentis à la location.

Elle ajoute que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'y a aucune incohérence entre les différentes clauses du bail commercial, ni aucun doute sur l'esprit du contrat ou la volonté originelle des parties, que les plans annexés audit bail, parmi lesquels les plans du sous-sol, ne constituent pas des clauses et ne prouvent en rien la possibilité pour la société Streeteo de jouir de cette surface.

La SCI du Manoir indique ensuite que si la proposition de location initiale portait effectivement sur 3 étages, une négociation est intervenue entre les parties avant la signature du bail aboutissant à la division des locaux (location des seuls rez-de-chaussée et 1er étage, à l'exclusion du sous-sol) et à une diminution corrélative du montant du loyer.

Elle considère que c'est à tort que le premier juge a interprété le bail en faveur du locataire, en application de l'article 1190 du code civil, alors que, s'agissant d'un contrat synallagmatique, le bailleur et le preneur sont respectivement créancier et débiteur d'obligations, qu'en l'espèce, le litige portant sur l'obligation de délivrance dont le bailleur est débiteur, l'interprétation de la clause en sa faveur devait conduire à une solution inverse à celle retenue par le tribunal. Elle ajoute également que la réalisation de quelques travaux permettaient aisément la divisibilité des locaux.

S'agissant de la répartition des charges, la SCI du Manoir reconnaît que la clause prévoyant que l'intimée supportera 75 % des charges de l'immeuble est erronée, et qu'il convient que les charges locatives soient réparties entre les locataires de l'ensemble immobilier au prorata des surfaces louées par chacun d'eux.

La SCI du Manoir soutient en conséquence être libre de louer le sous-sol à une tierce personne dès lors que des travaux de division du rez-de-chaussée et des sous-sols ont été réalisés afin de dissocier les deux espaces et de mettre en sécurité les locaux loués par la société Streeteo, et que cette location du sous-sol à un tiers n'emportera aucune diminution du loyer.

La société Streeteo fait valoir pour sa part que compte tenu de la divergence des parties quant au périmètre des lieux loués, il convient d'interpréter les stipulations du bail au regard de leur commune intention ; qu'en l'espèce, ainsi qu'en attestent les échanges intervenus avec l'agence L&A, le bailleur ayant refusé de dissocier le sous-sol du rez-de-chaussée et du 1er étage, la société Streeteo a accepté de louer l'intégralité des locaux présentés comme indivisibles par le bailleur, moyennant un effort consenti par ce dernier sur le montant du loyer, proposition qui a été acceptée par le bailleur. Elle ajoute que la configuration des lieux confirme le caractère unitaire des lieux loués, et que si ses plans de travaux annexés au bail ne prévoyaient que les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage c'est en raison de l'urgence de ces travaux ; qu'en tout état de cause, le bailleur ne peut au stade de la négociation du bail refuser la division des locaux soutenant leur indivisibilité et alléguer dans le cadre de la présente instance que les locaux étaient aisément divisibles avec quelques travaux.

Après avoir rappelé que l'article 1er du bail vise le plateau 1 du rez-de-chaussée, le 1er étage et 25 places de parking et l'article 12.14 précise que les plans de chacun des niveaux objets du bail sont annexés au bail, la société Streeteo en déduit que rien n'explique que soit annexé au bail le plan du sous-sol hormis le fait que le sous-sol lui a bien été loué, ce qu'atteste également le montant des charges et de l'impôt foncier dont elle doit s'acquitter (85 %). Elle fait valoir que les annexes d'un contrat sont bien des clauses au sens de l'article 1189 du code civil puisque ce terme désigne les stipulations objet de la commune intention des parties indépendamment de l'endroit où elles se trouvent dans l'instrumentum.

Surabondamment, elle soutient que, conformément aux dispositions de l'article 1190, et ainsi que l'a retenu le premier juge, le bail doit s'interpréter en faveur du débiteur, c'est à dire du locataire, et que l'état des lieux d'entrée qui intégrait l'examen du sous-sol confirme que le sous-sol entre dans le périmètre du bail.

Exposant que la location partielle du sous-sol à un tiers lui a causé préjudice en l'empêchant de bénéficier de l'ensemble des droits qu'elle détient au titre du bail, elle sollicite d'une part la réparation de celui-ci, d'autre part la condamnation de la société Streeteo au remboursement des sommes -loyers, charges et impôts- déboursées pour les locaux non mis à disposition pour la période du 1er janvier au 2 août 2021 (soit la totalité du sous-sol), et pour la période postérieure au 2 août 2021 (s'agissant de la location de la cellule n° 2 à un tiers pour une surface de 46 m²).

Sur la détermination de l'assiette du bail :

L'article 1113 du code civil dispose que 'le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager'.

Selon l'article 1188 alinéa 1er du même code, 'le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes'. Il appartient aux juges du fond de rechercher l'intention des parties contractantes dans les termes employés par elles comme dans tout comportement ultérieur ou propositions antérieures de nature à la manifester.

En application de l'article 1189 alinéa 1er du code civil, 'toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chaucne le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier'.

En l'espèce, il n'est pas discuté que l'acte du 1er décembre 2020 par lequel la SCI du Manoir a donné à bail des locaux à usage commercial à la société Streeteo ne comporte pas dans son article 1er 'désignation des lieux loués' la mention du sous-sol.

Aux termes de cet article 1er, les locaux présentement loués sont ainsi décrits :

'- rez-de-chaussée : plateau n°1 d'une surface d'environ 205 m²,

- 1er étage : plateaux n° 3 et 4 d'une surface d'environ 396 m²,

le tout hachuré sur le plan joint.

- 25 places de parking.

Sur un terrain cadastré section AZ n° [Cadastre 4] pour une superficie totale de 2 187 m².

Tels que ces lieux existent, s'étendent et se comportent, sans en faire une plus ample description, le preneur déclarant les bien connaître pour les avoir vus et visités avant la signature du contrat.

Les plans de chacun des niveaux sont annexés au présent bail'.

Or il apparaît qu'ont été annexés au bail, paraphés des parties, les plans du rez-de-chaussée et du 1er étage mais également le plan du sous-sol dont la présence en annexe sur une page dédiée ne se justifie que s'il fait l'objet du bail, l'argument du bailleur selon lequel 'il est tout à fait d'usage de joindre les plans des niveaux, même non loués, au futur locataire afin que celui-ci puisse se faire une idée de l'environnement qui l'entoure et dans lequel il va évoluer' apparaissant peu pertinent. Le fait que le preneur ait annexé au bail ses propres plans de travaux pour le rez-de-chaussée et le 1er étage, à l'exclusion du sous-sol, ne peut à l'inverse révéler que celui-ci savait que les locaux du sous-sol ne lui étaient pas loués, dès lors que les travaux envisagés au sous-sol pour y installer une cantine pouvaient être considérés comme moins urgents. Quant au plan du rez-de-chaussée annexé dans son intégralité au bail, bien que seul le plateau n° 1 soit concerné, il s'avère que ce plan comporte une distinction nette entre le plateau n° 1 et le plateau n° 2 loué à un tiers.

L'article 7.8 du bail relatif aux impôts et taxes prévoit que le preneur rembourse toutes les charges occasionnées par l'utilisation de l'immeuble figurant à l'inventaire à l'article 7.8.5 ('est annexé au présent acte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés au bail qui incombent au bailleur et au preneur à concurrence de 85 % du montant total') et 85 % du montant de l'impôt foncier afférent aux lieux loués, ce qui correspond à la surface de location des trois étages, alors qu'aux termes de l'article L.145-40-2 du code de commerce dont les dispositions sont d'ordre public, dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, la répartition est fonction de la surface exploitée, précision faite que 'le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputé au locataire correspond strictement au local

occupé par chaque locataire'. La SCI du Manoir ne saurait se prévaloir dans ses conclusions d'une erreur résultant de la reprise du précédent bail portant sur les trois niveaux, alors que dans un courrier du 21 janvier 2021, son conseil a au contraire soutenu que 'les négociations se sont alors poursuivies et ma cliente a alors accepté d'exclure du bail le sous-sol et une réduction de loyer à 7 500 euros hors taxes par mois mais à la condition que votre cliente accepte de supporter les charges à hauteur de 85 % du total des charges de l'immeuble'.

Il en résulte que seule la prise en compte du sous-sol dans l'assiette du bail peut donner un sens à la clause fixant à 85 % le pourcentage de charges et d'impôt supporté par la société Streeteo et effectivement facturé à celle-ci.

L'article 12.14 'négociation' stipule que 'les parties reconnaissent expressément que les termes, prix et conditions figurant aux présentes ont été négociés par le cabinet d'affaires L&A Commerces, titulaire d'un mandat donné par le bailleur sous le n° 140 en date du 15 octobre 2020".

Les pourparlers ayant conduit à la conclusion du bail révèlent, selon une attestation du gérant de la SARL L&A Commerces ayant agi 'en tant qu'intermédiaire entre les parties :

'Local concerné : [Adresse 3] d'une surface d'environ 1015 m² répartis sur 3 étages (RDC, étage et sous-sol)

Date de visite des locaux avec la société Streeteo : jeudi 29 octobre 2020

Le cabinet L&A Commerces a participé à la négociation des conditions locatives.

Lors des échanges oraux avec le bailleur, et du fait que la surface était trop grande pour Streeteo avec les trois étages, il a été évoqué l'hypothèse de dissocier le rez-de-jardin et louer seulement le rez-de-chaussée et le premier étage.

Finalement, il a été convenu de maintenir la surface globale avec les trois étages et de refacturer l'ensemble des charges associées à la surface concernée.

Suite à la validation orale du bailleur, le cabinet L&A Commerce a envoyé un document écrit par mail le 21 novembre 2020 à la société Steeteo récapitulant l'ensemble des conditions négociées.

Le cabinet L&A Commerces n'a pas participé à la rédaction du bail. Le bail finalisé n'a pas été envoyé au cabinet L&A Commerces avant signature...'.

La proposition commerciale figurant en pièce jointe du courriel du 21 novembre 2020 susvisé fait bien état des trois étages (rez-de-jardin 414 m², rez-de-chaussée 205 m², niveau 1 396 m², surface totale 1015 m² environ), d'un loyer minimum garanti mensuel de 7 500 euros/HT/mois (soit 90 000 Euros/HT/an), d'un montant de charges prévisionnelles de 15 195 euros/HT/an et de taxe foncière de 17 729 euros/HT/an, correspondant au pourcentage de 85 % mentionné au bail.

Quant à la réduction de loyer que le bailleur aurait consenti pour la location de deux niveaux au lieu de trois, elle ne résulte pas de la négociation antérieure qui a plutôt été orientée vers une division des locaux et n'est par ailleurs pas établie.

La location du sous-sol qui ressort des pourparlers est corroborée par la configuration des locaux et le comportement du bailleur lors de la mise à disposition. En effet, les constatations de l'huissier qu'accompagnent des photographies en date des 13 et 15 janvier 2021 montrent que l'escalier intérieur reliant les deux niveaux est entièrement ouvert sur le rez-de-chaussée et le sous-sol, cet escalier non cloisonné

ne s'insérant pas dans une cage d'escalier fermée ; que cet escalier dans son accès au sous-sol sert manifestement d'issue de secours aux personnes du rez-de-chaussée, comme en témoigne la présence d'une signalisation lumineuse d'issue de secours ; que le tableau électrique situé au rez-de-chaussée commande l'électricité au sous-sol et qu'un interrupteur du rez-de-chaussée permet d'actionner les luminaires du sous-sol, de sorte qu'il apparaît que les deux niveaux n'étaient pas divisés lors de l'entrée dans les lieux de la société Streeteo et qu'ils ne sont pas divisibles sans de gros travaux comme justement relevé par l'intimée (déplacement de compteur électrique, modification des commandes électriques, encagement sécurisé de l'escalier par de nouvelles cloisons murales, ajout d'un mur additionnel au rez-de-chaussée), la pose d'une cloison BA 13 en bas de l'escalier au niveau du sous-sol intervenue après l'entrée dans les lieux du preneur ne permettant pas à elle seule d'isoler le rez-de-chaussée du sous-sol et d'empêcher l'intrusion de tiers au rez-de-chaussée par simple enjambement de la rambarde en bas de l'escalier à partir du sous-sol. Il convient d'insister à cet égard sur le fait que la SCI du Manoir n'avait pas, lors de la remise des clés au preneur, entrepris de quelconques travaux de séparation entre le rez-de-chaussée et le sous-sol et qu'elle n'y a procédé que de manière sommaire et sans efficacité quinze jours après l'entrée dans les lieux, sans en avertir la société Streeteo.

Enfin, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, l'état d'entrée des lieux a été effectué le 29 décembre 2020 contradictoirement par les parties, en présence du locataire sortant, sur l'ensemble des trois niveaux, sans qu'aucune restriction n'ait été mentionnée par le bailleur quant à l'occupation de la société Streeteo par rapport au locataire sortant, ce qui là encore conforte l'idée que la société Streeteo avait vocation à occuper le sous-sol.

En conséquence, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que les parties se sont entendues sur la location des trois niveaux parmi lesquels le sous-sol.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef et de ceux en découlant relatifs à la restitution du sous-sol, des clés afférentes et à l'établissement d'un état des lieux contradictoire.

Sur la réparation du préjudice subi à raison de l'absence de délivrance des lieux loués :

Il n'est pas discuté, comme indiqué plus haut, que le 2 août 2021, la SCI du Manoir a remis à la société Streeteo un jeu de trois clés permettant l'ouverture des portes d'entrée des cellules n° 4, 3 et 1 situées au sous-sol, à l'exclusion de la cellule n°2 d'une superficie de 46 m² louée à la société Ajilec suivant bail commercial à effet du 1er janvier 2021, ce que la SCI du Manoir n'a révélé que postérieurement au jugement entrepris au cours de l'instance devant le juge de l'exécution.

Les premiers juges ont alloué à la société Streeteo la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance lié à l'impossibilité d'exploiter le sous-sol d'une superfice de 414 m² du 1er janvier 2021 jusqu'au prononcé du jugement du 3 juin 2021. La société Streeteo demande à la cour de réformer le jugement entrepris sur ce quantum.

Il s'avère que ce préjudice s'est poursuivi s'agissant de l'absence de jouissance du sous-sol en son entier jusqu'au 2 août 2021.

La société Streeteo sollicite pour la période du 1er janvier au 2 août 2021 la somme de 20 087,88 euros correspondant à un trop perçu de loyer consécutif à l'absence de mise à disposition du sous-sol ainsi que la somme de 24 624,65 euros pour cette même période eu égard au préjudice résultant de l'impossibilité de mettre en oeuvre ses projets d'aménagement du sous-sol. Toujours pour cette même période, la société Streeteo sollicite le remboursement de la somme de 3 633,75 euros à titre de trop perçu de charges consécutif à l'absence de mise à disposition du sous-sol.

La société Streeteo ne saurait à la fois réclamer, à titre de dommages-intérêts, le trop perçu de loyers et charges consécutif à l'absence de mise à disposition du sous-sol et un montant résultant à la fois de l'absence de mise en oeuvre de son projet de cantine et de la nécessité de stocker différents matériels dans d'autres locaux faute de jouissance des lieux au sous-sol, sauf à être indemnisé deux fois du même préjudice, étant en outre observé que rien n'établit que le projet de cantine devait rapidement aboutir, la société locataire ayant elle-même précédemment indiqué que l'absence d'annexion au bail de plan de travaux du sous-sol résultait de ce que ces travaux n'étaient pas considérés comme urgents.

Ainsi que le fait justement observer le bailleur, s'agissant de locaux situés au sous-sol, mal éclairés, à usage de stockage, leur valeur locative est nécessairement très inférieure à celle des locaux du rez-de-chaussée et du premier étage à usage de bureaux, de sorte que le calcul de la société locataire selon la valeur unitaire du m² n'est pas pertinent.

Il convient en conséquence, réformant en cela le quantum fixé par la décision entreprise, d'allouer à la société Streeteo, au vu de l'ensemble des éléments du dossier, la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi lié à l'impossibilité d'exploiter le sous-sol en son entier jusqu'au 2 août 2021.

Pour la période postérieure au 2 août 2021 et l'absence de délivrance par le bailleur de la cellule n° 2 située au sous-sol, la société Streeteo demande qu'il soit jugé qu'elle est fondée, tant que cette inexécution du bailleur persistera, à refuser d'exécuter mensuellement son obligation de paiement du loyer et des charges pour la surface correspondante de 46 m² sur 1015 m², la SCI du Manoir devant individualiser dans ses documents relatifs au loyer et aux charges du bail les sommes concernées par cette inexécution, et réclame en outre la somme de 11 420,66 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de l'impossibilité de mettre en oeuvre ses projets d'aménagement dans la cellule n° 2 à compter du 2 août 2021.

La société Streeteo ne verse aucun élément relatif à son projet d'aménagement dans la cellule n° 2 indépendamment de son projet d'aménagement général du sous-sol ni n'établit qu'elle ne pourrait aménager le sous-sol sans avoir la jouissance de la cellule n°2. Sa demande portant sur la somme de 11 420,66 euros sera donc rejetée.

Pour le surplus de la demande, et afin d'indemniser la société Streeteo de l'absence de délivrance de l'ensemble des lieux loués à compter du 2 août 2021, sachant que la SCI du Manoir loue la cellule manquante à un tiers moyennant la somme annuelle de 1359,21 euros HT, sans charges ni impôt foncier supportés par le bailleur selon les termes du bail communiqué, il convient d'autoriser la société Streeteo à déduire des loyers et charges dus HT à la SCI du Manoir la somme HT de 250 euros par mois, tant que l'inexécution relative à la cellule n° 2 perdurera.

Sur l'exécution de travaux de remise en état :

La société Streeteo demande la condamnation sous astreinte du bailleur à effectuer les travaux de remise en état qui s'imposent au vu du constat d'huissier du 2 août 2021 relevant une retenue d'eau de près d'un mètre au raz d'une fenêtre et un avaloir bouché, ce qui se traduit par des infiltrations d'eau.

Le seul procès-verbal de constat d'état des lieux contradictoire du 2 août 2021 qui note 'la présence d'une importante retenue d'eau, à l'extérieur, sous une grille. Le niveau de l'eau retenue est au bord de cette même fenêtre. Je note des traces rectilignes verticales au-desssus de cette même fenêtre, caractéristiques de traces d'humidité', sans faire état d'infiltrations, ne saurait suffire à justifer la demande de travaux de remise en état formée par la société Streeteo. Il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges.

La SCI du Manoir, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à la société Streeteo la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 3 juin 2021 du tribunal judiciaire de Tours, sauf en ce qui concerne le quantum des dommages-intérêts alloués à la société Streeteo et le rejet de la demande de celle-ci pour le cas où les locaux du sous-sol auraient été loués à un tiers,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SCI du Manoir à payer à la société Streeteo la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi lié à l'impossibilité d'exploiter le sous-sol en son entier jusqu'au 2 août 2021,

Autorise la société Streeteo à déduire des loyers et charges dus HT à la SCI du Manoir la somme HT de 250 euros par mois, tant que l'inexécution relative à la cellule n° 2 perdurera,

Déboute la société Streeteo du surplus de ses demandes,

Condamne la SCI du Manoir aux dépens d'appel, les quels pourront être directement recouvrés par la Me Olivier Laval, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SCI du Manoir à verser à la société Streeteo la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT