Décisions
CA Grenoble, 2e ch., 26 septembre 2023, n° 23/01153
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 23/01153 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LYAC
N° Minute :
C2
Notification par LRAR
aux parties :
le :
copies exécutoires délivrées
aux avocats :
le :
la SELARL SEDEX
la SARL BONNET FLORENT AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ème CHAMBRE CIVILE
STATUANT EN MATIÈRE DE BAUX RURAUX
ARRET DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023
Appel d'une décision (N° RG 51-21-0009)
rendue par le Tribunal paritaire des baux ruraux de MONTELIMAR
en date du 18 janvier 2023
suivant déclaration d'appel du 09 Mars 2023
APPELANTS :
Madame [P] [Y]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Monsieur [V] [S]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentés par Me Anne LE PIVERT LEBRUN de la SELARL SEDEX, avocat au barreau de VALENCE
INTIMES :
Monsieur [K] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Madame [M] [O] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Anthony FLORENT de la SARL BONNET FLORENT AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÈRE :
Mme Emmanuèle CARDONA, présidente,
Mme Anne-Laure PLISKINE, conseiller,
Monsieur Laurent GRAVA, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2023, Monsieur Laurent GRAVA, conseiller, a été entendu en son rapport,
Assisté lors des débats de Caroline BERTOLO, greffière,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ont été entendus en leurs explications ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 5 novembre 2009, M. [K] [O] et Mme [M] [L] épouse [O] ont donné à bail à M. [V] [S] et Mme [P] [Y] les parcelles de terre situées à [Localité 6], commune de [Localité 5] (26), cadastrées section H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4], pour une durée de neuf années à compter du 9 novembre 2009, moyennant un loyer annuel fixé à 1/4 de la récolte d'olives.
A son échéance du 5 novembre 2018, le bail s'est renouvelé par tacite reconduction.
Par sommation d'huissier du 25 mars 2021, reproduisant les dispositions de l'article L. 411-31, I, 1° du code rural, M. [K] [O] et Mme [M] [O] ont mis en demeure M. [V] [S] et Mme [P] [Y] de leur payer la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018, 2019 et 2020.
Par itérative sommation d'huissier du 8 juillet 2021,reproduisant les dispositions de l'article L. 411-31, I, 1° du code rural, M. [K] [O] et Mme [M] [O] ont mis en demeure M. [V] [S] et Mme [P] [Y] de leur payer sous huit jours la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018 à 2020, et les ont informés, à défaut de paiement, de leur intention de solliciter la résiliation du bail.
Le 12 avril 2021, M. [V] [S] et Mme [P] [Y] avaient payé au bailleur la somme de 389,20 euros.
Par requête adressée le 13 septembre 2021 au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux siégeant au tribunal de proximité de Montélimar (Drôme), M. [V] [S] et Mme [P] [Y] demandent que soit jugé que la demande des bailleurs en paiement de la somme de 2 831,50 euros est irrecevable comme contraire aux dispositions du bail et subsidiairement que le loyer soit fixé à dire d'expert.
Cette procédure enregistrée sous le N° RG 51 21-9.
Par assignation du 23 novembre 2021 adressée le 2 décembre 2021 au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux siégeant au tribunal de proximité de Montélimar (Drôme), M. [K] [O] et Mme [M] [O] demandent que soit prononcée la résiliation du bail du 5 novembre 2009 consenti à M. [V] [S] et Mme [P] [Y] et sollicitent leur expulsion ainsi que leur condamnation solidaire au paiement de :
- 2 837,50 euros correspondant aux fermages impayés de 2018, 2019 et 2020,
- 500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- l 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils sollicitent la condamnation de M. [V] [S] et Mme [P] [Y] aux dépens en ce compris le coût des sommations de payer.
Cette procédure enregistrée sous le N° RG 51 22-1.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montélimar a :
- ordonné la jonction de la procédure enregistrée sous le n° 51 22-1 à celle portant le n° 51 21-9 ;
- prononcé la résiliation du bail à ferme conclu le 5 novembre 2009 entre M. [K] [O] et Mme [M] [O], bailleurs, et M. [V] [S] et Mme [P] [Y], preneurs, portant sur les parcelles de terre situées à [Localité 6], commune de [Localité 5] (Drôme), cadastrées section H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4] et leur expulsion ainsi que celle de tout occupant de leur chef ;
- dit M. [K] [O] et Mme [M] [O] recevables et partiellement fondés en leur demande de paiement des fermages pour les années 2018, 2019 et 2020 ;
- condamné M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme de 318,88 euros correspondant au solde des fermages des années 2018, 2019 et 2020 ;
- débouté M. [K] [O] et Mme [M] [O] de leurs plus amples demandes ;
- débouté M. [V] [S] et Mme [P] [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [V] [S] et Mme [P] [Y] aux dépens de l'instance ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit et dit n'y avoir lieu de l'écarter.
Par déclaration du 9 mars 2023, Mme [P] [Y] et M. [V] [S] ont interjeté appel de la décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2023, Mme [P] [Y] et M. [V] [S] demandent à la cour de :
- juger les consorts [S]-[Y] bien fondés en leur appel ;
- juger y avoir lieu à le déclarer recevable ;
En conséquence,
- juger y avoir lieu à réformer le jugement entrepris ;
Statuant de nouveau,
Sur la demande de résiliation du bail rural en date du 5.11.2009,
- juger n'y avoir lieu à prononcer la résiliation du bail rural en date du 5.11.2009 ;
A titre subsidiaire,
Si par impossible il n'était pas fait droit à la demande principale des consorts [S]- [Y],
- juger y avoir lieu à suspendre l`application de la clause résolutoire ;
En tout état de cause,
Sur la demande en paiement des fermages,
Il est demandé à la cour de réformer le jugement,
Et statuant de nouveau,
- juger que les consorts [S]-[Y] ont parfaitement rempli leurs obligations de paiement des loyers :
* 2018/2019 en nature,
* 2019/2020 : pas de récolte donc pas de loyer dû,
* 2020/2021 : en nature sur demande des consorts [O] dans un 1er temps et en faisant un versement auprès de l'huissier en paiement des loyers dus ;
A défaut la cour devra :
- juger que les consorts [S]-[Y] ont régularisé le paiement des loyers suite à la sommation dans les délais requis ;
- juger que le calcul retenu par les 1ers juges pour fixer en argent le montant du fermage est parfaitement conforme aux dispositions réglementaires en application ;
- juger que les loyers auraient dû être en argent de 231,08 euros en 2018, 233,73 euros en 2019, 243,27 euros en 2020 ;
- juger que la clause résolutoire ne saurait s'appliquer faute d'avoir plus de deux loyers impayés consécutifs en considération des valeurs retenues par les 1ers juges ;
- juger que la clause résolutoire dont il est fait application par les 1ers juges ne sauraient être valablement recevable dans la mesure ou les montants sollicités ne correspondaient pas à ce qui était dus être rendant inapplicable l'application de la clause résolutoire dont les consorts [O] se prévalent ;
Dès lors, il est demandé à la présente juridiction de bien vouloir,
- juger y avoir lieu à débouter les consorts [O] de leur demande tendant à voir condamner M. [S] et Mme [Y] du paiement de la somme de 2 831,50 euros comme étant infondées ;
- juger y avoir lieu à débouter les consorts [O] de toutes demandes faites à l'encontre des consorts [S]-[Y] ;
Sur l'exécution provisoire,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait application de l'exécution provisoire ;
Statuant de nouveau,
Il est demandé à la cour si par impossible la résiliation du bail était prononcé,
- juger que la restitution des parcelles aura lieu à l'issue de la récolte 2022/2023 ;
- juger y avoir lieu à condamner les consorts [O] au paiement de la somme de 3 000 euros pour procédure abusive ;
- condamner les consorts [O] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu`aux entiers dépens de 1re instance et d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, ils exposent les principaux éléments suivants :
- ils rappellent les faits et la procédure ;
- ils ont apporté le 28 décembre 2018 aux bailleurs 12 caisses soit 180 kg d'olives correspondant au 1/4 de la récolte 2018/2019 ;
- il n'y a pas eu de récolte 2019/2020 pour des raisons climatiques et de maladie ;
- en raison du refus des bailleurs de recevoir le fermage en nature pour raisons médicales, les olives de la récolte 2020/2021 ont été déposées à la coopérative pour ne pas les perdre et payer le bailleur en produits compensés ;
- ils indiquent avoir adressé un chèque de 389,20 euros correspondant au prix de la récolte 2020/2021 ;
- ils estiment avoir ainsi rempli leur obligation de paiement ;
- ils contestent les demandes formulées et les évaluations du fermage par les bailleurs ;
- il ressort des indications du syndicat de l'olive de [Localité 7] que le rendement moyen par an et par arbre et de l'ordre de 9,05 kg/arbre, et non 25 kg comme le prétendent les époux [O] ;
- les arrêtés préfectoraux estiment que la location d'un ha d'oliviers est de l'ordre de 459 euros ;
- un ha d'oliviers comporte environ 220 arbres ;
- les parcelles concernées représentent environ 1/4 d'ha ;
- en conséquence, le loyer maximum qui pourrait être dû serait de 115 € environ ;
- le montant réclamé est donc sans aucune mesure avec la réalité économique.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mai 2023, M. [K] [O] et Mme [M] [O] demandent à la cour de :
- juger les époux [O] bien fondés en leur appel incident et déclarer ce dernier parfaitement recevable ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à ferme conclut le 5 novembre 2009, ordonné l'expulsion de M. [V] [S] et Mme [P] [Y] des parcelles cadastrées H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4], situées sur la commune de [Localité 5], soit une surface de 74a 90ca , débouté M. [V] [S] et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dit n'y avoir à écarter l'exécution provisoire ;
- annuler le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les consorts [S] & [Y] à verser la somme de 318,88 euros correspondant aux fermages impayés de 2018, 2019 et 2020, débouté les époux [O] de leurs plus amples demandes et rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et en conséquence, statuant de nouveau,
- condamner solidairement M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à verser aux époux [O] la somme de 2 837,50 euros au titre des fermages impayés pour les années 2018, 2019 et 2020 ;
- condamner solidairement M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à verser aux époux [O] la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- rejeter les demandes formulées par M. [S] et Mme [Y] ;
- juger n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;
- condamner solidairement M. [S] et Mme [Y] à payer aux époux [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. [S] et Mme [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les sommations de payer les loyers par commissaire de justice.
Ils exposent les principaux éléments suivants au soutien de leurs écritures :
- ils rappellent les faits et la procédure ;
- ils ont effectué un calcul de rendement ;
- les preneurs ne se sont pas acquittés (en nature ou en équivalent en euros) des fermages des années 2018, 2019 et 2020 ;
- le rendement moyen d'un olivier est de 25 kg d'olives ;
- les parcelles données à bail sont plantées de 56 oliviers ;
- ainsi, chaque année, ce sont en moyenne 1 400 kg d'olives récoltés ;
- les époux [O] devraient percevoir 1/4 de cette récolte, soit 350 kilos ;
- le cours est fixé par arrêté préfectoral ;
- la non-rétrocession des d'olives dues aux époux [O] représente une somme de 924 euros pour 2018, 934,50 euros pour 2019 et 973 euros pour 2020 (350 kg x 2,78 €), soit un total global pour les années 2018, 2019 et 2020 de 2 831,50 euros ;
- aucune olive n'a été déposée au moulin ;
- la mauvaise foi et les nombreuses procédures amiables imposent des dommages-intérêts.
Les parties reprennent leurs conclusions écrites à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de résiliation :
Les dispositions de l'article L. 411-31, I, 1° du code rural et de la pêche maritime sont d'ordre public et précisent que le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie notamment de deux défauts de paiement du fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance.
À peine de nullité, la mise en demeure doit reproduire les termes de l'article sus-évoqué.
Le bailleur est donc fondé à demander la résiliation si le preneur ne s'est pas libéré de sa dette dans les trois mois de la seconde mise en demeure.
Les manquements éventuels du preneur doivent être appréciés au jour de la demande de résiliation.
C'est au preneur qui se prétend libéré d'apporter la preuve du paiement, par tous moyens s'agissant d'un fait juridique.
En l'espèce, les conditions particulières du bail signé le 5 novembre 2009 entre les parties prévoient que le loyer annuel a été fixé par les cocontractants à 1/4 de la récolte d'olives opérée sur les parcelles louées.
M. [V] [S] et Mme [P] [Y] se sont vu notifier une sommation par huissier le 25 mars 2021, reproduisant les dispositions de l'article L. 411-31 , I, 1° du code rural, les mettant en demeure de payer la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018, 2019 et 2020.
De même, par itérative sommation délivrée par huissier le 8 juillet 2021, reproduisant également les dispositions du même article, ils ont été à nouveau mis en demeure par les bailleurs de leur payer sous 8 jours la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018, 2019 et 2020.
Ils ont également été informés qu'à défaut de paiement, il serait sollicité la résiliation du bail.
S'agissant de la récolte 2018/2019, M. [V] [S] et Mme [P] [Y] soutiennent avoir apporté 12 caisses, soit 180 kg d'olives, représentant le 1/4 de la récolte et avoir ainsi satisfait à leur obligation de paiement du fermage pour cette période.
Néanmoins, les preneurs sur qui pèse la charge de la preuve de s'être libérés de leur obligation de paiement du fermage, ne produisent aucun élément probant non équivoque au soutien de leur affirmation de paiement.
Ils échouent donc dans l'administration de la preuve.
S 'agissant de la récolte 2019/2020, les preneurs conviennent de n'avoir pas payé de fermage en se fondant sur une absence totale de production d'olives.
Cependant il résulte de l'examen des propres pièces produites par les consorts [S]-[Y] et notamment du compte rendu de l'assemblée générale ordinaire du 26 octobre 2021 du syndicat de l'olive de [Localité 7] et des Baronnies que, si la récolte d'olives a effectivement été faible (145 t d'olives AOP et 96 t d'olives de [Localité 7] pour la saison 2019/2020 contre 381 t d'olives AOP et 652 t d'olives de [Localité 7] en 2020/2021), elle n'a pas été inexistante.
De plus, Mme [Y] produit une facture de remise de 337 kg d'olives AOP [Localité 7] au Moulin Dozol-Autrand en date du 8 janvier 2021.
En l'état des justificatifs et pièces produits, les consorts [S]-[Y] ne justifient pas de l'absence totale de récolte qu'ils invoquent pour expliquer l'absence totale de paiement d'un fermage pour cette récolte 2019/2020.
Ils échouent donc une nouvelle fois dans l'administration de la preuve.
Enfin, s'agissant du fermage pour l'année 2020/2021, M. [S] et Mme [Y] font valoir que les bailleurs ont refusé de recevoir le fermage, soit 1/4 de la récolte 2020-2021 et qu'ils se sont ainsi vu contraints de déposer au Moulin cette production refusée pour produire la part d'huile due aux bailleurs lorsqu'ils la demanderaient.
Cependant, il n'est pas justifié du refus des bailleurs de recevoir la récolte 2020/2021.
Il convient de préciser que la lettre de M. et Mme [O] du 23 décembre 2021 ne peut concerner le fermage 2020, mais concerne en réalité la récolte 2021/2022 et donc le fermage 2021.
Il n'est pas non plus justifié que le 1/4 de la récolte ait fait l'objet d'une remise au Moulin pour le compte de M. et Mme [O] en paiement du fermage 2020.
M. [S] et Mme [Y] échouent donc une nouvelle fois dans l'administration de la preuve.
L'ensemble des développements qui précèdent permet de conclure qu'à la date des sommations qui leur ont été délivrées, les preneurs avaient laissé impayées trois échéances de fermage.
De plus, le paiement, le 12 avril 2021, par M. [V] [S] et Mme [P] [Y] d'une somme de 389,20 euros qu'ils estiment être le fermage dû pour l'année 2020 (récolte 2020/2021), s'il peut être considéré comme un paiement partiel d'un des fermages visés aux sommations délivrées, n'est cependant pas libératoire des fermages des autres années, lesquelles demeurent entièrement impayés.
Ainsi, M. et Mme [O] justifient :
- de deux défauts de paiement de la part de produits leur revenant en leur qualité de bailleurs ;
- de la persistance de ces défaut de paiement à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance.
En conséquence, ils sont bien fondés en leur demande de résiliation du bail à ferme.
La résiliation du bail du 5 novembre 2009 à compter de la date du jugement entrepris sera prononcée, et il sera, au besoin, procédé à l'expulsion de M. [V] [S] et Mme [P] [Y] preneurs des parcelles de terre situées à [Localité 6], commune de [Localité 5] (26), cadastrées section H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4].
Le jugement entrepris sera confirmé de l'ensemble de ces chefs.
Sur la demande de paiement des fermages :
En l'absence de remise par les preneurs du 1/4 des récoltes 2018/2019, 2019/2020 et 2020/2021 correspondant au prix du fermage contractuellement arrêté aux termes du bail, les bailleurs sont recevables à solliciter que soit fixé judiciairement le prix du fermage pour les années 2018, 2019 et 2020.
En l'espèce, le loyer annuel sera déterminé en tenant compte du cours des olives récoltées dans le cadre d'un bail antérieur au 30/11/2012.
En l'absence d'états précis et fiables concernant les quantités d'olives effectivement produites sur les parcelles en cause durant les périodes concernées, il convient d'approcher les quantités produites par comparaison notamment avec les parcelles voisines.
En effet, le recours à la valeur locative des parcelles (évaluation à 53 points en l'espèce) contrevient à l'esprit de l'accord passé entre les parties, accord qui consistait ab initio à asseoir le fermage sur la réalité des quantités produites.
De plus, un tel recours à la valeur locative a pour conséquence de privilégier les preneurs qui sont de mauvaise foi dans la présente procédure en s'étant abstenus volontairement de tout versement en nature dont le montant est supérieur à la simple valeur locative qu'ils réclament de voir appliquée aujourd'hui.
Ainsi, dans le voisinage, les époux [O] louent une parcelle d'oliviers « bio » de 58 ares (plus petite) à un autre producteur qui a récolté 1 108 kg, ce qui correspondrait à environ 1 400 kg pour 70 ares, étant rappelé que les oliviers dits « bio » ont de facto un moindre performance que les oliviers classiques.
Le rendement moyen d'un olivier peut donc légitimement être estimé à 25 kg d'olives et les parcelles données à bail comportent 56 oliviers, soit une production moyenne annuelle évaluée à 25x56 = 1 400 kg.
Le fermage dû en nature est donc de 1/4x1 400 = 350 kg.
Pour le fermage 2018, le cours moyen des olives était de 2,64 € par kg selon arrêté du Préfet de la Drôme, pour le fermage 2019, le cours moyen des olives était de 2,67 € par kg et pour le fermage 2020, le cours moyen des olives était de 2,78 € par kg selon arrêté préfectoral.
Ainsi, les consorts [S]-[Y] devront donc payer aux époux [O] les sommes suivantes au titre des fermages impayés :
- pour 2018 : 350x2,64 = 924 €,
- pour 2019 : 350x2,67 = 934,50 €,
- pour 2020 : 350x2,78 = 973 €,
- déduction du versement réalisé le 12 avril 2021 pour 389,20 €,
soit un total net de 2 831,50-389,20 = 2 442,30 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur les dommages-intérêts :
1) La demande des époux [O] :
Selon l'article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
En l'espèce, même si les consorts [S]-[Y] sont de mauvaise foi, M. et Mme [O] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice indépendant du simple retard de paiement;
Leur demande de dommages-intérêts sera rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2) La demande des consorts [S]-[Y] :
Les demandes de M. et Mme [O] étant recevables et fondées, M. [V] [S] et Mme [P] [Y] seront déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [V] [S] et Mme [P] [Y], qui sont condamnés en cause d'appel, supporteront in solidum les dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.
Pour la même raison, ils seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [O] et Mme [M] [O] les frais engagés pour la défense de ses intérêts. M. [V] [S] et Mme [P] [Y] seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
« condamné M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme de 318,88 euros correspondant au solde des fermages des années 2018, 2019 et 2020 » ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne solidairement M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme nette de 2 442,30 euros (deux mille quatre cent quarante-deux euros et trente centimes) correspondant au solde des fermages des années 2018, 2019 et 2020 ;
Condamne in solidum M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [V] [S] et Mme [P] [Y] aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par la greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
N° Minute :
C2
Notification par LRAR
aux parties :
le :
copies exécutoires délivrées
aux avocats :
le :
la SELARL SEDEX
la SARL BONNET FLORENT AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ème CHAMBRE CIVILE
STATUANT EN MATIÈRE DE BAUX RURAUX
ARRET DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023
Appel d'une décision (N° RG 51-21-0009)
rendue par le Tribunal paritaire des baux ruraux de MONTELIMAR
en date du 18 janvier 2023
suivant déclaration d'appel du 09 Mars 2023
APPELANTS :
Madame [P] [Y]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Monsieur [V] [S]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentés par Me Anne LE PIVERT LEBRUN de la SELARL SEDEX, avocat au barreau de VALENCE
INTIMES :
Monsieur [K] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Madame [M] [O] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Anthony FLORENT de la SARL BONNET FLORENT AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÈRE :
Mme Emmanuèle CARDONA, présidente,
Mme Anne-Laure PLISKINE, conseiller,
Monsieur Laurent GRAVA, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2023, Monsieur Laurent GRAVA, conseiller, a été entendu en son rapport,
Assisté lors des débats de Caroline BERTOLO, greffière,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ont été entendus en leurs explications ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 5 novembre 2009, M. [K] [O] et Mme [M] [L] épouse [O] ont donné à bail à M. [V] [S] et Mme [P] [Y] les parcelles de terre situées à [Localité 6], commune de [Localité 5] (26), cadastrées section H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4], pour une durée de neuf années à compter du 9 novembre 2009, moyennant un loyer annuel fixé à 1/4 de la récolte d'olives.
A son échéance du 5 novembre 2018, le bail s'est renouvelé par tacite reconduction.
Par sommation d'huissier du 25 mars 2021, reproduisant les dispositions de l'article L. 411-31, I, 1° du code rural, M. [K] [O] et Mme [M] [O] ont mis en demeure M. [V] [S] et Mme [P] [Y] de leur payer la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018, 2019 et 2020.
Par itérative sommation d'huissier du 8 juillet 2021,reproduisant les dispositions de l'article L. 411-31, I, 1° du code rural, M. [K] [O] et Mme [M] [O] ont mis en demeure M. [V] [S] et Mme [P] [Y] de leur payer sous huit jours la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018 à 2020, et les ont informés, à défaut de paiement, de leur intention de solliciter la résiliation du bail.
Le 12 avril 2021, M. [V] [S] et Mme [P] [Y] avaient payé au bailleur la somme de 389,20 euros.
Par requête adressée le 13 septembre 2021 au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux siégeant au tribunal de proximité de Montélimar (Drôme), M. [V] [S] et Mme [P] [Y] demandent que soit jugé que la demande des bailleurs en paiement de la somme de 2 831,50 euros est irrecevable comme contraire aux dispositions du bail et subsidiairement que le loyer soit fixé à dire d'expert.
Cette procédure enregistrée sous le N° RG 51 21-9.
Par assignation du 23 novembre 2021 adressée le 2 décembre 2021 au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux siégeant au tribunal de proximité de Montélimar (Drôme), M. [K] [O] et Mme [M] [O] demandent que soit prononcée la résiliation du bail du 5 novembre 2009 consenti à M. [V] [S] et Mme [P] [Y] et sollicitent leur expulsion ainsi que leur condamnation solidaire au paiement de :
- 2 837,50 euros correspondant aux fermages impayés de 2018, 2019 et 2020,
- 500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- l 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils sollicitent la condamnation de M. [V] [S] et Mme [P] [Y] aux dépens en ce compris le coût des sommations de payer.
Cette procédure enregistrée sous le N° RG 51 22-1.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montélimar a :
- ordonné la jonction de la procédure enregistrée sous le n° 51 22-1 à celle portant le n° 51 21-9 ;
- prononcé la résiliation du bail à ferme conclu le 5 novembre 2009 entre M. [K] [O] et Mme [M] [O], bailleurs, et M. [V] [S] et Mme [P] [Y], preneurs, portant sur les parcelles de terre situées à [Localité 6], commune de [Localité 5] (Drôme), cadastrées section H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4] et leur expulsion ainsi que celle de tout occupant de leur chef ;
- dit M. [K] [O] et Mme [M] [O] recevables et partiellement fondés en leur demande de paiement des fermages pour les années 2018, 2019 et 2020 ;
- condamné M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme de 318,88 euros correspondant au solde des fermages des années 2018, 2019 et 2020 ;
- débouté M. [K] [O] et Mme [M] [O] de leurs plus amples demandes ;
- débouté M. [V] [S] et Mme [P] [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [V] [S] et Mme [P] [Y] aux dépens de l'instance ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit et dit n'y avoir lieu de l'écarter.
Par déclaration du 9 mars 2023, Mme [P] [Y] et M. [V] [S] ont interjeté appel de la décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2023, Mme [P] [Y] et M. [V] [S] demandent à la cour de :
- juger les consorts [S]-[Y] bien fondés en leur appel ;
- juger y avoir lieu à le déclarer recevable ;
En conséquence,
- juger y avoir lieu à réformer le jugement entrepris ;
Statuant de nouveau,
Sur la demande de résiliation du bail rural en date du 5.11.2009,
- juger n'y avoir lieu à prononcer la résiliation du bail rural en date du 5.11.2009 ;
A titre subsidiaire,
Si par impossible il n'était pas fait droit à la demande principale des consorts [S]- [Y],
- juger y avoir lieu à suspendre l`application de la clause résolutoire ;
En tout état de cause,
Sur la demande en paiement des fermages,
Il est demandé à la cour de réformer le jugement,
Et statuant de nouveau,
- juger que les consorts [S]-[Y] ont parfaitement rempli leurs obligations de paiement des loyers :
* 2018/2019 en nature,
* 2019/2020 : pas de récolte donc pas de loyer dû,
* 2020/2021 : en nature sur demande des consorts [O] dans un 1er temps et en faisant un versement auprès de l'huissier en paiement des loyers dus ;
A défaut la cour devra :
- juger que les consorts [S]-[Y] ont régularisé le paiement des loyers suite à la sommation dans les délais requis ;
- juger que le calcul retenu par les 1ers juges pour fixer en argent le montant du fermage est parfaitement conforme aux dispositions réglementaires en application ;
- juger que les loyers auraient dû être en argent de 231,08 euros en 2018, 233,73 euros en 2019, 243,27 euros en 2020 ;
- juger que la clause résolutoire ne saurait s'appliquer faute d'avoir plus de deux loyers impayés consécutifs en considération des valeurs retenues par les 1ers juges ;
- juger que la clause résolutoire dont il est fait application par les 1ers juges ne sauraient être valablement recevable dans la mesure ou les montants sollicités ne correspondaient pas à ce qui était dus être rendant inapplicable l'application de la clause résolutoire dont les consorts [O] se prévalent ;
Dès lors, il est demandé à la présente juridiction de bien vouloir,
- juger y avoir lieu à débouter les consorts [O] de leur demande tendant à voir condamner M. [S] et Mme [Y] du paiement de la somme de 2 831,50 euros comme étant infondées ;
- juger y avoir lieu à débouter les consorts [O] de toutes demandes faites à l'encontre des consorts [S]-[Y] ;
Sur l'exécution provisoire,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait application de l'exécution provisoire ;
Statuant de nouveau,
Il est demandé à la cour si par impossible la résiliation du bail était prononcé,
- juger que la restitution des parcelles aura lieu à l'issue de la récolte 2022/2023 ;
- juger y avoir lieu à condamner les consorts [O] au paiement de la somme de 3 000 euros pour procédure abusive ;
- condamner les consorts [O] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu`aux entiers dépens de 1re instance et d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, ils exposent les principaux éléments suivants :
- ils rappellent les faits et la procédure ;
- ils ont apporté le 28 décembre 2018 aux bailleurs 12 caisses soit 180 kg d'olives correspondant au 1/4 de la récolte 2018/2019 ;
- il n'y a pas eu de récolte 2019/2020 pour des raisons climatiques et de maladie ;
- en raison du refus des bailleurs de recevoir le fermage en nature pour raisons médicales, les olives de la récolte 2020/2021 ont été déposées à la coopérative pour ne pas les perdre et payer le bailleur en produits compensés ;
- ils indiquent avoir adressé un chèque de 389,20 euros correspondant au prix de la récolte 2020/2021 ;
- ils estiment avoir ainsi rempli leur obligation de paiement ;
- ils contestent les demandes formulées et les évaluations du fermage par les bailleurs ;
- il ressort des indications du syndicat de l'olive de [Localité 7] que le rendement moyen par an et par arbre et de l'ordre de 9,05 kg/arbre, et non 25 kg comme le prétendent les époux [O] ;
- les arrêtés préfectoraux estiment que la location d'un ha d'oliviers est de l'ordre de 459 euros ;
- un ha d'oliviers comporte environ 220 arbres ;
- les parcelles concernées représentent environ 1/4 d'ha ;
- en conséquence, le loyer maximum qui pourrait être dû serait de 115 € environ ;
- le montant réclamé est donc sans aucune mesure avec la réalité économique.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mai 2023, M. [K] [O] et Mme [M] [O] demandent à la cour de :
- juger les époux [O] bien fondés en leur appel incident et déclarer ce dernier parfaitement recevable ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à ferme conclut le 5 novembre 2009, ordonné l'expulsion de M. [V] [S] et Mme [P] [Y] des parcelles cadastrées H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4], situées sur la commune de [Localité 5], soit une surface de 74a 90ca , débouté M. [V] [S] et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dit n'y avoir à écarter l'exécution provisoire ;
- annuler le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les consorts [S] & [Y] à verser la somme de 318,88 euros correspondant aux fermages impayés de 2018, 2019 et 2020, débouté les époux [O] de leurs plus amples demandes et rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et en conséquence, statuant de nouveau,
- condamner solidairement M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à verser aux époux [O] la somme de 2 837,50 euros au titre des fermages impayés pour les années 2018, 2019 et 2020 ;
- condamner solidairement M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à verser aux époux [O] la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- rejeter les demandes formulées par M. [S] et Mme [Y] ;
- juger n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;
- condamner solidairement M. [S] et Mme [Y] à payer aux époux [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. [S] et Mme [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les sommations de payer les loyers par commissaire de justice.
Ils exposent les principaux éléments suivants au soutien de leurs écritures :
- ils rappellent les faits et la procédure ;
- ils ont effectué un calcul de rendement ;
- les preneurs ne se sont pas acquittés (en nature ou en équivalent en euros) des fermages des années 2018, 2019 et 2020 ;
- le rendement moyen d'un olivier est de 25 kg d'olives ;
- les parcelles données à bail sont plantées de 56 oliviers ;
- ainsi, chaque année, ce sont en moyenne 1 400 kg d'olives récoltés ;
- les époux [O] devraient percevoir 1/4 de cette récolte, soit 350 kilos ;
- le cours est fixé par arrêté préfectoral ;
- la non-rétrocession des d'olives dues aux époux [O] représente une somme de 924 euros pour 2018, 934,50 euros pour 2019 et 973 euros pour 2020 (350 kg x 2,78 €), soit un total global pour les années 2018, 2019 et 2020 de 2 831,50 euros ;
- aucune olive n'a été déposée au moulin ;
- la mauvaise foi et les nombreuses procédures amiables imposent des dommages-intérêts.
Les parties reprennent leurs conclusions écrites à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de résiliation :
Les dispositions de l'article L. 411-31, I, 1° du code rural et de la pêche maritime sont d'ordre public et précisent que le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie notamment de deux défauts de paiement du fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance.
À peine de nullité, la mise en demeure doit reproduire les termes de l'article sus-évoqué.
Le bailleur est donc fondé à demander la résiliation si le preneur ne s'est pas libéré de sa dette dans les trois mois de la seconde mise en demeure.
Les manquements éventuels du preneur doivent être appréciés au jour de la demande de résiliation.
C'est au preneur qui se prétend libéré d'apporter la preuve du paiement, par tous moyens s'agissant d'un fait juridique.
En l'espèce, les conditions particulières du bail signé le 5 novembre 2009 entre les parties prévoient que le loyer annuel a été fixé par les cocontractants à 1/4 de la récolte d'olives opérée sur les parcelles louées.
M. [V] [S] et Mme [P] [Y] se sont vu notifier une sommation par huissier le 25 mars 2021, reproduisant les dispositions de l'article L. 411-31 , I, 1° du code rural, les mettant en demeure de payer la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018, 2019 et 2020.
De même, par itérative sommation délivrée par huissier le 8 juillet 2021, reproduisant également les dispositions du même article, ils ont été à nouveau mis en demeure par les bailleurs de leur payer sous 8 jours la somme de 2 831,50 euros au titre des fermages impayés des années 2018, 2019 et 2020.
Ils ont également été informés qu'à défaut de paiement, il serait sollicité la résiliation du bail.
S'agissant de la récolte 2018/2019, M. [V] [S] et Mme [P] [Y] soutiennent avoir apporté 12 caisses, soit 180 kg d'olives, représentant le 1/4 de la récolte et avoir ainsi satisfait à leur obligation de paiement du fermage pour cette période.
Néanmoins, les preneurs sur qui pèse la charge de la preuve de s'être libérés de leur obligation de paiement du fermage, ne produisent aucun élément probant non équivoque au soutien de leur affirmation de paiement.
Ils échouent donc dans l'administration de la preuve.
S 'agissant de la récolte 2019/2020, les preneurs conviennent de n'avoir pas payé de fermage en se fondant sur une absence totale de production d'olives.
Cependant il résulte de l'examen des propres pièces produites par les consorts [S]-[Y] et notamment du compte rendu de l'assemblée générale ordinaire du 26 octobre 2021 du syndicat de l'olive de [Localité 7] et des Baronnies que, si la récolte d'olives a effectivement été faible (145 t d'olives AOP et 96 t d'olives de [Localité 7] pour la saison 2019/2020 contre 381 t d'olives AOP et 652 t d'olives de [Localité 7] en 2020/2021), elle n'a pas été inexistante.
De plus, Mme [Y] produit une facture de remise de 337 kg d'olives AOP [Localité 7] au Moulin Dozol-Autrand en date du 8 janvier 2021.
En l'état des justificatifs et pièces produits, les consorts [S]-[Y] ne justifient pas de l'absence totale de récolte qu'ils invoquent pour expliquer l'absence totale de paiement d'un fermage pour cette récolte 2019/2020.
Ils échouent donc une nouvelle fois dans l'administration de la preuve.
Enfin, s'agissant du fermage pour l'année 2020/2021, M. [S] et Mme [Y] font valoir que les bailleurs ont refusé de recevoir le fermage, soit 1/4 de la récolte 2020-2021 et qu'ils se sont ainsi vu contraints de déposer au Moulin cette production refusée pour produire la part d'huile due aux bailleurs lorsqu'ils la demanderaient.
Cependant, il n'est pas justifié du refus des bailleurs de recevoir la récolte 2020/2021.
Il convient de préciser que la lettre de M. et Mme [O] du 23 décembre 2021 ne peut concerner le fermage 2020, mais concerne en réalité la récolte 2021/2022 et donc le fermage 2021.
Il n'est pas non plus justifié que le 1/4 de la récolte ait fait l'objet d'une remise au Moulin pour le compte de M. et Mme [O] en paiement du fermage 2020.
M. [S] et Mme [Y] échouent donc une nouvelle fois dans l'administration de la preuve.
L'ensemble des développements qui précèdent permet de conclure qu'à la date des sommations qui leur ont été délivrées, les preneurs avaient laissé impayées trois échéances de fermage.
De plus, le paiement, le 12 avril 2021, par M. [V] [S] et Mme [P] [Y] d'une somme de 389,20 euros qu'ils estiment être le fermage dû pour l'année 2020 (récolte 2020/2021), s'il peut être considéré comme un paiement partiel d'un des fermages visés aux sommations délivrées, n'est cependant pas libératoire des fermages des autres années, lesquelles demeurent entièrement impayés.
Ainsi, M. et Mme [O] justifient :
- de deux défauts de paiement de la part de produits leur revenant en leur qualité de bailleurs ;
- de la persistance de ces défaut de paiement à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance.
En conséquence, ils sont bien fondés en leur demande de résiliation du bail à ferme.
La résiliation du bail du 5 novembre 2009 à compter de la date du jugement entrepris sera prononcée, et il sera, au besoin, procédé à l'expulsion de M. [V] [S] et Mme [P] [Y] preneurs des parcelles de terre situées à [Localité 6], commune de [Localité 5] (26), cadastrées section H[Cadastre 3] et H[Cadastre 4].
Le jugement entrepris sera confirmé de l'ensemble de ces chefs.
Sur la demande de paiement des fermages :
En l'absence de remise par les preneurs du 1/4 des récoltes 2018/2019, 2019/2020 et 2020/2021 correspondant au prix du fermage contractuellement arrêté aux termes du bail, les bailleurs sont recevables à solliciter que soit fixé judiciairement le prix du fermage pour les années 2018, 2019 et 2020.
En l'espèce, le loyer annuel sera déterminé en tenant compte du cours des olives récoltées dans le cadre d'un bail antérieur au 30/11/2012.
En l'absence d'états précis et fiables concernant les quantités d'olives effectivement produites sur les parcelles en cause durant les périodes concernées, il convient d'approcher les quantités produites par comparaison notamment avec les parcelles voisines.
En effet, le recours à la valeur locative des parcelles (évaluation à 53 points en l'espèce) contrevient à l'esprit de l'accord passé entre les parties, accord qui consistait ab initio à asseoir le fermage sur la réalité des quantités produites.
De plus, un tel recours à la valeur locative a pour conséquence de privilégier les preneurs qui sont de mauvaise foi dans la présente procédure en s'étant abstenus volontairement de tout versement en nature dont le montant est supérieur à la simple valeur locative qu'ils réclament de voir appliquée aujourd'hui.
Ainsi, dans le voisinage, les époux [O] louent une parcelle d'oliviers « bio » de 58 ares (plus petite) à un autre producteur qui a récolté 1 108 kg, ce qui correspondrait à environ 1 400 kg pour 70 ares, étant rappelé que les oliviers dits « bio » ont de facto un moindre performance que les oliviers classiques.
Le rendement moyen d'un olivier peut donc légitimement être estimé à 25 kg d'olives et les parcelles données à bail comportent 56 oliviers, soit une production moyenne annuelle évaluée à 25x56 = 1 400 kg.
Le fermage dû en nature est donc de 1/4x1 400 = 350 kg.
Pour le fermage 2018, le cours moyen des olives était de 2,64 € par kg selon arrêté du Préfet de la Drôme, pour le fermage 2019, le cours moyen des olives était de 2,67 € par kg et pour le fermage 2020, le cours moyen des olives était de 2,78 € par kg selon arrêté préfectoral.
Ainsi, les consorts [S]-[Y] devront donc payer aux époux [O] les sommes suivantes au titre des fermages impayés :
- pour 2018 : 350x2,64 = 924 €,
- pour 2019 : 350x2,67 = 934,50 €,
- pour 2020 : 350x2,78 = 973 €,
- déduction du versement réalisé le 12 avril 2021 pour 389,20 €,
soit un total net de 2 831,50-389,20 = 2 442,30 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur les dommages-intérêts :
1) La demande des époux [O] :
Selon l'article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
En l'espèce, même si les consorts [S]-[Y] sont de mauvaise foi, M. et Mme [O] ne démontrent pas l'existence d'un préjudice indépendant du simple retard de paiement;
Leur demande de dommages-intérêts sera rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2) La demande des consorts [S]-[Y] :
Les demandes de M. et Mme [O] étant recevables et fondées, M. [V] [S] et Mme [P] [Y] seront déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [V] [S] et Mme [P] [Y], qui sont condamnés en cause d'appel, supporteront in solidum les dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.
Pour la même raison, ils seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [O] et Mme [M] [O] les frais engagés pour la défense de ses intérêts. M. [V] [S] et Mme [P] [Y] seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
« condamné M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme de 318,88 euros correspondant au solde des fermages des années 2018, 2019 et 2020 » ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne solidairement M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme nette de 2 442,30 euros (deux mille quatre cent quarante-deux euros et trente centimes) correspondant au solde des fermages des années 2018, 2019 et 2020 ;
Condamne in solidum M. [V] [S] et Mme [P] [Y] à payer à M. [K] [O] et Mme [M] [O] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [V] [S] et Mme [P] [Y] aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par la greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE