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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 1, 28 septembre 2023, n° 21/01770

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 21/01770

28 septembre 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 28/09/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/01770 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ6O

Jugement (N° 19/05734)

rendu le 15 février 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

La SAS Sergic (société d'études et de réalisation de gestion immobilière de construction)

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Kathia Beulque, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 8],

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 2]

représenté par son syndic en exercice la société Equit immobilier- SAS Lauredana immobilier, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Hugues Febvay, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉ

Le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10]

ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 2]

représenté par son syndic en exercice la SAS Sergic, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 11]

[Localité 3]

représenté par Me Ludovic Denys, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 06 mars 2023, après rapport oral de l'affaire par Bruno Poupet.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023 après prorogation du délibéré en date du 08 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller, en remplacement de Bruno Poupet, président empêché, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 février 2023

****

L'ensemble immobilier nommé [Adresse 9], situé [Adresse 6] à [Localité 2], est composé de deux résidences construites en 1985 et 1987, comptant respectivement cinquante et soixante logements, dotées chacune d'un règlement de copropriété mais ayant eu, jusqu'en 2018, le même syndic, à savoir la Société d'études et de réalisation de gestion immobilière et de construction (Sergic).

Le 12 juin 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8] a décidé de ne pas renouveler le mandat de la Sergic et l'a confié à une autre société. En revanche, la Sergic est demeurée le syndic de la résidence [Adresse 10].

Les deux résidences ont eu en outre, de 1986 au 30 août 2017, le même concierge qui bénéficiait d'un logement de fonction dans un appartement situé dans la résidence [Adresse 8] (appartement 301 correspondant au lot n° 20).

Par actes d'huissier du 11 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8] (ci-après «'[Adresse 8]'») a fait assigner la Sergic et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 10] (ci-après «'[Adresse 10]'») devant le tribunal de grande instance de Lille afin, principalement, de voir juger que la Sergic, en tant que syndic des deux résidences, avait commis une faute à son préjudice en s'abstenant de faire supporter par [Adresse 10] sa quote-part des dépenses relatives au logement du concierge du 1er'décembre 1987 au 31 août 2017 puis en concédant à la société MEI la jouissance de ce même local sans contrepartie et de la voir condamner à lui verser la somme de 187'197,63'euros en réparation de son préjudice, dont 36'877,62 euros par condamnation solidaire avec [Adresse 10].

Par jugement du 15 février 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

- déclaré irrecevables, comme prescrites, les demandes relatives à la période allant du 1er'décembre 1987 au 11 juillet 2014,

- condamné la Sergic à payer à [Adresse 8] la somme de 2 573,98 euros au titre de la perte de chance de réclamer avec succès une contribution d'[Adresse 10] aux charges de copropriété afférentes au lot affecté au logement du concierge commun depuis le 11 juillet 2014,

- rejeté le surplus des demandes d'[Adresse 8] formées à l'encontre de la Sergic et d'[Adresse 10],

- condamné la Sergic à payer à [Adresse 8] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de cet article et condamné la Sergic aux dépens.

La Sergic a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 2 février 2023, demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes présentées par [Adresse 8] relatives à la période allant du 1er décembre 1987 au 11 juillet 2014,

- de l'infirmer pour le surplus,

- à titre principal, de déclarer irrecevables l'intégralité des demandes présentées par [Adresse 8] formulées à son encontre, non couvertes par la prescription, c'est-à-dire à compter du 11 juillet 2017, en tout état de cause de ses demandes postérieures au 11 juillet 2014 ou, à défaut, de débouter ledit syndicat de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre, en tout état de cause de ses demandes postérieures au 11 juillet 2014 et de rejeter l'appel incident du syndicat.

- à titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait recevables les demandes non couvertes par la prescription, donc postérieures au 11 juillet 2014, et sa responsabilité engagée, de confirmer le jugement ou, à défaut, de cantonner les demandes du syndicat à la somme de 4'817,40 euros,

- en toute hypothèse, de condamner ledit syndicat à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers frais et dépens de première instance et d'appel, avec la possibilité pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 22 septembre 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 10] demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de débouter [Adresse 8] et la Sergic de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre et de les condamner, l'un ou l'autre ou ensemble, à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de conclusions du 22 mars 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 8] demande pour sa part à la cour, abstraction faite de demandes de constat et de rappels de ses motifs qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile :

- de juger recevable et bien fondé l'appel incident interjeté par lui à l'encontre de la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes relatives à la période allant du 1er décembre 1987 au 11 juillet 2014, condamné la société Sergic à lui payer la somme de 2'573,98 euros, rejeté le surplus de ses demandes formulées à l'encontre de la société Sergic, ainsi que celles formulées à l'encontre d'[Adresse 10],

- d'infirmer le jugement,

- de fixer l'indemnité mensuelle (en lieu et place des loyers devant être versés par le concierge) à la somme de 443,07 euros, représentant 55,45 % du montant de la valeur locative de l'appartement qu'il occupait, fixée à 725 euros, et des charges de copropriété mensuelles afférentes à ce bien, majorée de la somme mensuelle de 29,72 euros représentant la quote-part des dépenses relatives à l'occupation de l'immeuble telles que l'électricité, le gaz, le chauffage et l'eau,

- de condamner la Sergic au paiement des sommes de :

* 186 279,26 euros, arrêtée au 30 septembre 2020, en indemnisation de son préjudice, dont la somme de 35 459,25 euros par condamnation solidaire avec [Adresse 10] en application de l'ancien article 1134 du code civil,

* 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- de débouter les parties adverses de leurs demandes formulées à son encontre.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La réponse aux demandes des parties et l'examen des moyens soulevés au soutien de celles-ci, en ce compris les fins de non-recevoir, supposent une analyse préalable des règlements des deux copropriétés en cause et des obligations qu'ils instaurent.

Le règlement de copropriété d'[Adresse 8] comporte :

- un article 40, relatif au concierge, qui stipule notamment ceci : « Il sera logé gratuitement dans les locaux spécialement affectés à cet effet, selon les usages, et sera éclairé et chauffé ; l'ensemble de la copropriété réglera au propriétaire du lot n° 9 le montant du loyer'» ;

- un article 11, relatif aux charges communes générales, stipulant que celles-ci comprendront notamment « le montant du loyer correspondant au logement du gardien et concierge (lot n° 70), lequel loyer sera fixé par le syndic et ratifié par l'assemblée générale des copropriétaires et supporté par la copropriété'».

Mais dans l'état descriptif de division, il est mentionné, à propos du lot n° 20 (un appartement de trois pièces) que « ce lot constituera le logement du concierge'».

Le règlement de copropriété d'[Adresse 10], copié sur le précédent, comporte :

- un article 40 identique à l'article 40 d'[Adresse 8],

- un article 11, relatif aux charges communes générales, stipulant que celles-ci comprendront notamment « le montant du loyer correspondant au logement du gardien et concierge (lot n° 20 D2), lequel loyer sera fixé par le syndic et ratifié par l'assemblée générale des copropriétaires et supporté par la copropriété'; le concierge sera commun aux bâtiments C1, C2, D1, D2 ».

Il est avéré que c'est le lot n° 20, situé dans l'immeuble D2 dépendant d'[Adresse 8], qui a été effectivement affecté au concierge, lequel a assuré le service des deux copropriétés (la mention d'un lot n° 70 dans l'article 11 d'[Adresse 8] résultant à l'évidence d'une erreur de plume).

Il y a tout lieu de penser que le lot n° 9 avait été initialement envisagé pour le logement du concierge et l'usage de loge, que l'on a omis de modifier l'article 40 d'un projet de règlement de copropriété d'[Adresse 8] après le choix, en définitive, du lot n°20, que ledit article 40 a été repris tel quel dans le règlement d'[Adresse 10] établi deux ans plus tard mais que l'on y a bien corrigé, en revanche, l'article 11 en mentionnant le lot n° 20 comme logement du concierge.

Il s'observe que l'article 11, dans les deux cas, mentionne seulement parmi les charges communes générales, à propos de ce logement, «'le montant du loyer'». Cependant, il précise in fine que la liste des charges qu'il établit n'est pas limitative. Or, l'article 40 stipule que le concierge sera « éclairé et chauffé'».

Il n'est pas téméraire de déduire de l'ensemble de ces considérations la volonté, de la part des rédacteurs des règlements, d'un partage, entre les deux syndicats de copropriétaires, de l'ensemble des charges afférentes au logement du concierge commun, situé concrètement dans le lot n°'20 d'[Adresse 8], se manifestant a priori par le versement de sa quote-part par [Adresse 10] à [Adresse 8].

C'est le défaut de versement de cette quote-part qui est l'objet essentiel du litige, défaut dont [Adresse 8] impute la responsabilité à la Sergic dès lors qu'elle était le syndic des deux copropriétés.

Il n'a pas été conclu pour autant, par les deux syndicats, de convention pour articuler les stipulations de leurs règlements respectifs relatives aux charges afférentes au logement du concierge et définir précisément ces charges ainsi que les modalités de leur imputation et de leur règlement.

De ces stipulations et des pièces versées aux débats, on peut néanmoins tirer encore les conclusions suivantes.

En premier lieu, il peut être tenu pour acquis que le lot n° 20 appartenait pendant la période litigieuse à [Adresse 8]. En effet, l'état descriptif de division affecte ce lot au logement du concierge et à l'usage de loge. L'article 11 du règlement de copropriété indique que le syndic en fixera le loyer. On ne voit pas comment le syndic pourrait fixer le loyer d'un local dont un tiers serait propriétaire. Il est établi que le syndicat versait une taxe foncière, or une copropriété n'est assujettie à une telle taxe que pour des locaux à usage commun ou d'utilité commune, autres que les entrées, couloirs etc., notamment les loges de concierge, et il n'est pas soutenu par l'appelante que cette taxe ait été générée par d'autres locaux. Enfin, [Adresse 8] justifie par une attestation notariée de ce qu'il a vendu ce local le 11 mars 2022. La Sergic se contente, au demeurant, de faire valoir qu'[Adresse 8] n'apporte pas la preuve de ce qu'il était propriétaire du lot n° 20 mais n'affirme pas qu'il ne l'était pas ni, a fortiori, ne prouve qu'il ne l'était pas, ce qu'il lui était pourtant aisé de faire pour avoir été le syndic de cette copropriété pendant trente ans.

En second lieu, c'est sans doute parce que le règlement d'[Adresse 10] a été calqué sur celui d'[Adresse 8] sans être totalement adapté que son article 11, tout en précisant que le logement du concierge sera le lot n° 20 dépendant d'[Adresse 8], conserve la mention selon laquelle «'le loyer sera fixé par le syndic et ratifié par l'assemblée générale des copropriétaires'», car, là encore, on ne voit pas comment le syndic d'[Adresse 10] pourrait fixer le loyer d'un local n'appartenant pas à ce syndicat, à moins qu'il faille comprendre que le loyer devait être fixé par le syndic d'[Adresse 8], peut-être après négociation, et soumis à l'approbation de l'assemblée générale d'[Adresse 10] ou bien qu'il ait déjà été envisagé, au moment de la rédaction de ces textes, que les deux copropriétés auraient le même syndic.

Il s'en déduit que chacun des deux syndicats devait assumer sa part, déterminée sans doute au prorata des heures de travail du concierge au profit de l'un et de l'autre, des charges afférentes au logement de ce dernier comprenant a priori, en l'état de ces règlements, un loyer et les charges courantes.

Cela supposait que la Sergic, après fixation d'un loyer approuvé par les assemblées générales, établisse un compte de ces charges et recouvre, pour le compte d'[Adresse 8], la part incombant à [Adresse 10].

SUR CE

Sur les fins de non-recevoir

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La fin de non-recevoir tirée par la Sergic du défaut d'intérêt ou de qualité à agir d'[Adresse 8]

Le défaut de qualité allégué par la Sergic résultait de l'absence de preuve par [Adresse 8] de ce qu'il était propriétaire du lot n° 20 ; la fin de non-recevoir soulevée ne peut prospérer sur ce moyen dont il a été exposé supra qu'il était mal fondé.

La Sergic invoque en outre une absence d'intérêt à agir d'[Adresse 8] en raison du quitus donné chaque année à sa gestion par l'assemblée générale des copropriétaires.

Si [Adresse 8] conteste dans le corps de ses conclusions la recevabilité de cette fin de non-recevoir au motif que le moyen serait nouveau dans les dernières conclusions de l'appelante et contraire au principe de concentration des moyens, il ne formule pas, dans le dispositif desdites conclusions, de demande tendant à voir déclarer cette fin de non-recevoir irrecevable, de sorte que, conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est pas saisie de cette contestation, étant ici rappelé au demeurant qu'aux termes de l'article 123 du même code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.

Il est constant que lorsque le syndicat des copropriétaires donne quitus au syndic sans réserve, il ratifie tous les actes de gestion qui lui ont été soumis et ne peut rechercher la responsabilité contractuelle de celui-ci.

Cependant, la Sergic ne justifie d'un quitus donné à sa gestion que pour les années 2008 et 2010 à 2013 (le quitus ayant été refusé en 2009), de sorte que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir n'est susceptible d'être retenue que pour ces années, sous réserve de la question de la prescription qu'il convient maintenant d'aborder.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La Sergic soutient en conséquence que, l'assignation introductive d'instance lui ayant été signifiée le 11 juillet 2019, les demandes d'[Adresse 8] relatives à la période antérieure au 11 juillet 2014 sont irrecevables comme se heurtant à la prescription.

Le syndicat [Adresse 8] soutient pour sa part en substance que, faute de disposer du règlement de copropriété d'[Adresse 10] et d'avoir été informé par la Sergic des stipulations de celui-ci, il n'a jamais pu en avoir connaissance avant que le nouveau syndic désigné en 2018, s'interrogeant sur les conditions dans lesquelles le lot n° 20 avait été mis à la disposition de la société de nettoyage MEI après le départ en retraite du concierge présent depuis l'origine, fasse des recherches et obtienne les informations lui permettant d'exercer la présente action ; qu'il ne peut être soutenu qu'il aurait dû avoir connaissance de la situation bien avant cette date dès lors qu'il avait eu recours à un professionnel, la Sergic, à laquelle il a accordé sa confiance et qui était de surcroît le gestionnaire des deux copropriétés.

Toutefois, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que, si la Sergic ne démontrait pas avoir attiré l'attention de son mandant sur le logement du concierge, il n'avait pu échapper ni aux copropriétaires ni au conseil syndical élu par ceux-ci - dont la cour rappelle qu'il a un rôle d'assistance mais aussi de contrôle du syndic et de ses comptes, particulièrement important dans une copropriété d'une certaine ampleur - qu'il existait un unique concierge pour les deux résidences, que celui-ci était logé dans la résidence [Adresse 8] et que les comptes établis par la Sergic, dont l'approbation, pour les années dont il en est justifié, donne à penser qu'ils étaient suffisamment clairs et précis, ne faisaient apparaître aucune perception de loyer et/ou de charges de la part d'[Adresse 10] alors qu'eux-mêmes assumaient lesdites charges ; que le syndicat savait donc ou aurait dû savoir, depuis l'origine ou à tout le moins les quelques années suivant la création d'[Adresse 10], qu'aucune somme n'était réclamée à ce dernier au titre du logement du concierge ou que la somme due n'était pas réclamée dans son intégralité, s'interroger sur cette situation et être en mesure d'exercer l'action objet de la présente instance, de sorte que la prescription lui est opposable.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur le fond

Ainsi que cela a été exposé en préambule, il résulte de leurs règlements de copropriété respectifs et de la combinaison de ceux-ci une obligation de chacun des deux syndicats d'assumer une part des charges afférentes au logement du concierge commun et donc une obligation d'[Adresse 10] de verser sa part à [Adresse 8].

Il appartenait donc à la Sergic, syndic des deux syndicats, de veiller au respect de ces obligations.

Il ressort d'ailleurs des relevés des dépenses des exercices 2016 et 2017 d'[Adresse 10] versés aux débats par celui-ci que ce principe était acquis puisqu'on y relève, à propos d'achats de matériel pour le concierge et des charges de téléphone de la loge, ainsi que pour la taxe foncière, la mention «'quote-part [Adresse 10]'».

Cette participation apparaît limitée à ces dépenses.

Néanmoins, malgré la stipulation d'un loyer parmi les charges de la loge, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'il ne pouvait pas être reproché au syndic de ne pas avoir réclamé à [Adresse 10] le remboursement à [Adresse 8] d'une partie d'un loyer que ce dernier ne réglait pas lui-même. D'ailleurs, si le syndic avait fixé un loyer pour la loge et intégré dans les charges d'[Adresse 8] une quote-part de ce loyer, la somme versée à ce titre par ses copropriétaires serait apparue au crédit des comptes de la copropriété et l'opération aurait donc, en réalité, été neutre.

Par ailleurs, [Adresse 8], qui demande à titre subsidiaire l'indemnisation par [Adresse 10] d'un préjudice qu'il aurait subi du fait de la mise gratuite à la disposition du concierge du lot n°'20, ne peut soutenir en ce sens que si ce lot n'avait pas été affecté à la loge, il aurait pu le louer et en aurait tiré un loyer dont il a donc été privé car il y a tout lieu de penser que s'il n'avait pas été affecté à la loge, le lot n° 20 aurait été vendu à un tiers comme les autres lots. En effet, comme cela a été évoqué supra, il est probable, au vu de la situation de fait et des incohérences des règlements de copropriété, que les promoteurs de cet ensemble immobilier ont en réalité décidé de prévoir un concierge au profit des deux copropriétés et la mise à la disposition de celui-ci d'un logement servant également de loge, envisagé dans un premier temps de louer à cette fin l'un des lots (le'n°'9''), d'où la stipulation dans le premier règlement de copropriété rédigé du versement d'un loyer au propriétaire du lot n° 9, puis choisi finalement d'affecter au logement du concierge, dans l'état descriptif de division, un des lots que l'on n'a donc pas vendu, avec partage des charges entre les deux syndicats de copropriétaires.

[Adresse 10] affirme avoir toujours réglé sa quote-part des charges liées au concierge, hors loyer non dû, conformément aux règlements de copropriété susvisés, dans une proportion non discutée, ce dont il résulte qu'il n'en discute pas le principe. Il est acquis, cela a été vu ci-dessus, qu'[Adresse 10] a au moins réglé à [Adresse 8] une quote-part de la taxe foncière afférente à la loge, des factures de téléphone du concierge et des achats de matériel à son usage, qui lui ont été «'facturées'» par la Sergic. Reste la question des autres charges résultant de l'occupation du lot n° 20 (chauffage, eau, électricité et/ou gaz) dont on ne comprend pas très bien pourquoi elles n'auraient pas également donné lieu à une demande de contribution. Cependant, la Sergic n'affirme pas vraiment avoir intégré une telle contribution dans les comptes d'[Adresse 10] et elle ne prouve nullement, ce qui lui incombe en sa qualité de mandataire, l'avoir fait alors qu'étant toujours le syndic d'[Adresse 10], elle est en mesure d'en produire les comptes et que les rares comptes de propriété produits par [Adresse 10] ne font rien apparaître de tel.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'une faute de la Sergic à l'égard de son mandant, [Adresse 8], consistant dans le fait de ne pas avoir pris et mis en oeuvre les dispositions permettant le recouvrement sur [Adresse 10] de sa contribution aux charges afférentes au logement du concierge, éventuellement par l'établissement d'une convention, et la cour adopte la motivation par laquelle le tribunal a caractérisé et estimé le préjudice en résultant, consistant en une perte de chance pour [Adresse 8] de percevoir ladite contribution. Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement sur ce point.

Il est en outre reproché à la Sergic d'avoir mis le lot n° 20 à la disposition de l'employé de la société MEI avec laquelle a été conclu, après le départ en retraite du concierge, un contrat de prestation de service ne prévoyant pas cet avantage mais le tribunal a relevé à juste titre que la résolution prévoyant le recours à cette société mentionnait que «'le syndic a proposé au conseil syndical de confier cette mission [celle que remplissait le concierge] à une société sur une durée d'un an renouvelable afin d'évaluer si ce service pourrait convenir ; une économie pourrait être ainsi réalisée tout en essayant de conserver un service de conciergerie'», que l'on ne voit pas comment l'assemblée générale espérait faire une économie et conserver en même temps un service de conciergerie autrement qu'en affectant le logement du concierge à la société MEI pour qu'elle y loge son salarié et qu'il s'en infère une autorisation implicite donnée par l'assemblée générale au syndic pour cette mise à disposition.

Quant à la demande en paiement dirigée par [Adresse 8] contre [Adresse 10], elle ne peut prospérer en ce qu'elle est expressément fondée sur l'ancien article 1134 du code civil alors que les deux syndicats, ainsi que cela a été dit, n'ont pas conclu de convention pour articuler les stipulations de leurs règlements respectifs relatives aux charges afférentes au logement du concierge et définir précisément ces charges ainsi que les modalités de leur imputation et de leur règlement. Le montant ne pourrait au demeurant en être retenu puisque, outre qu'il n'en est pas fourni de décompte précis, il intègre, à la lecture des conclusions, une contribution à un loyer dont il a été jugé qu'il n'était pas dû.

Le jugement mérite encore confirmation sur ce point.

Ces considérations conduisent à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, étant tout de même observé qu'en définitive, si l'implantation en son sein de la loge du concierge commun a peut-être conduit [Adresse 8] à assumer une part de charges indue, cette situation l'amène également, seul, à tirer un profit de la vente de ce local dont il n'est pas précisé, d'ailleurs, si [Adresse 10] y a consenti alors que ce bien était destiné à abriter son concierge.

Les considérations qui précèdent justifient de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et autres frais.

PAR CES MOTIFS

La cour

confirme le jugement entrepris,

déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

dit que chacune d'elles conservera la charge de ses dépens.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

pour le président

Céline Miller