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Décisions

CA Orléans, ch. com., 2 novembre 2023, n° 21/01239

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 21/01239

2 novembre 2023

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/11/2023

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

la SELARL 2BMP

ARRÊT du : 02 NOVEMBRE 2023

N° : 208 - 23

N° RG 21/01239

N° Portalis DBVN-V-B7F-GLIB

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 17 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265260229826059

S.A.S. TOURANGERIE

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es-qualité de droit audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Me Georges PIRES, membre de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265265855945563

Société COMMERCES RENDEMENT, Société par actions simplifiée

Agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Vincent BRAULT- JAMIN, membre de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Dominique COHEN TRUMER, membre de la SELASU SELAS COHEN-TRUMER, avocat au barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Avril 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 Juillet 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 07 SEPTEMBRE 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 02 NOVEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte reçu le 23 mai 2003 par Maître [B], notaire à [Localité 6], la SCI du [Adresse 5], aux droits de laquelle se trouve la société Commerces rendement, a renouvelé au profit de la société Tourangerie le bail qui lui avait été consenti par acte sous signature privée du 26 avril 1996 par la société L'Orangerie, portant sur des locaux dépendant d'un centre commercial situé à [Localité 2], dénommé « [Adresse 5] », pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2003, ce pour exercer une activité de supermarché à prédominance alimentaire.

Suivant acte d'huissier de justice en date du 16 février 2012, la société Tourangerie a sollicité du bailleur le renouvellement de son bail.

Par acte d'huissier de justice du 14 mai 2012, la société Commerces rendement a refusé de renouveler le bail expiré au 31 mars 2012 et offert le paiement d'une indemnité d'éviction.

Par acte d'huissier de justice du 18 octobre 2012 visant la clause résolutoire du bail, la société Commerces rendement a fait sommation à la société Tourangerie de procéder à l'enlèvement complet des chariots stockés dans la [Adresse 5], de produire tous documents justifiant de la levée des non-conformités établies par les rapports de la commission communale de sécurité, de Véritas et Socotec, ainsi que de procéder au raccordement et à l'entretien « du désemfumage au système de sécurité incendie du centre », dans un délai d'un mois.

Par actes des 22 et 24 octobre 2012, la société Tourangerie a fait assigner le bailleur en référé devant le président tribunal de grande instance de Tours qui, par ordonnance du 8 janvier 2013, a ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [U] [F], avec mission de proposer une estimation de l'indemnité d'éviction susceptible d'être due à la société Tourangerie, ainsi que de l'indemnité d'occupation pouvant être due pour les locaux objet du bail, puis a fixé à 45 558,25 euros hors taxes par trimestre le montant de l'indemnité provisionnelle d'occupation due par la société Tourangerie à la société Commerce rendement depuis le 1er avril 2022.

L'expert a déposé son rapport le 2 octobre 2013.

Par acte du 5 décembre 2013, la société Tourangerie a fait assigner la société Commerces rendement devant le tribunal de grande instance de Tours pour voir fixer l'indemnité d'éviction.

Parallèlement, la société Commerces rendement a fait assigner la société Tourangerie par acte du 31 décembre 2013 pour la voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement du 17 décembre 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Tours a :

- dit que le bail en date du 25 mai 2003 est renouvelé à ses clauses et conditions à compter du 26 mars 2014,

- condamné la société SAS Tourangerie à payer à la société Commerces Rendement, à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er avril 2012 et jusqu'au 25 mars 2014, une somme annuelle de 136 000 euros hors taxes et hors charges par an,

- dit que cette indemnité d'occupation n'a pas être indexée annuellement,

- dit que cette indemnité d'occupation supportera un abattement de 10 % en raison de la précarité attachée au refus de renouvellement du bail,

- condamné la société SAS Tourangerie à payer en sus de cette indemnité d'occupation à la société Commerces Rendement, à compter du 1er avril 2012 et jusqu'au 25 mars 2014, les charges correspondantes visées à l'article 6 du titre II du

bail, les accessoires, ainsi que la TVA visée à l'article 4.7 du titre I du bail,

- condamné la SAS Commerces Rendement à verser à la SAS Tourangerie une somme de 9 101,69 euros au titre des frais d'instance exposés pour la procédure de refus de renouvellement,

- condamné la SAS Commerces Rendement à verser à la SAS Tourangerie une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Commerces Rendement aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,

- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes.

La société Tourangerie a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 19 avril 2021, en ce qu'elle l'a condamnée à payer en sus de l'indemnité d'occupation les charges locatives entre le 1er avril 2012 et le 25 mars 2014, et n'a pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour trouble commercial.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2022 par voie électronique, la société Tourangerie demande à la cour, au visa des articles L.145-18 et suivants du code de commerce, 1240 du code civil, de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société par actions simplifiée Tourangerie et en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Tourangerie à régler en sus de l'indemnité d'occupation, les charges locatives entre le 1er avril 2012 et le 25 mars 2014,

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à 136 000 euros par an, soit 34 000 euros par trimestre,

- constater que la SAS Tourangerie a réglé la somme de 45 558,25 euros HT au titre de l'indemnité d'occupation fixée par le juge des référés le 8 janvier 2013 et qu'il y a donc un trop versé à rembourser ou à compenser avec les sommes éventuellement due par le preneur,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Tourangerie de sa demande de dommages et intérêts pour trouble commercial et, s'y substituant, condamner la société Commerces Rendement au versement de la somme de 86 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter la société Commerces Rendement de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Commerces Rendement à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Commerces Rendement aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2021 par voie électronique, la société Commerces rendement demande à la cour, au visa des articles L. 145-58 et L.145-28 du code de commerce, de :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

' dit que le bail en date du 25 mai 2003 est renouvelé à ses clauses et conditions à compter du 26 mars 2014,

' condamné la société SAS Tourangerie à payer en sus de cette indemnité d'occupation à la société Commerces Rendement, à compter du 1er avril 2012 et jusqu'au 25 mars 2014, les charges correspondantes visées à l'article 6 du Titre II du bail, les accessoires, ainsi que la TVA visée à l'article 4.7 du Titre I du bail,

' débouté la société Tourangerie de sa demande de dommages et intérêts,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

' condamné la société SAS Tourangerie à payer à la société Commerces Rendement, à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2012 et jusqu'au 25 mars 2014, une somme annuelle de 136 000 euros hors taxes et hors charges par an,

' dit que cette indemnité d'occupation n'a pas à être indexée annuellement,

' dit que cette indemnité d'occupation supportera un abattement de 10% en raison de la précarité attachée au refus de renouvellement du bail,

' condamné la SAS Commerces Rendement à verser à la SAS Tourangerie une somme de 9 101,69 euros au titre des frais d'instance exposés pour la procédure de renouvellement,

' condamné la SAS Commerces Rendement à verser à la SAS Tourangerie une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SAS Commerces Rendement aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,

Et statuant à nouveau, de :

- condamner la société Tourangerie à payer à la société Commerces rendement, à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er avril 2012 et jusqu'au 25 mars 2014, une somme annuelle de 151 478 euros hors taxes et hors charges par an,

- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Tourangerie à payer à la société Commerces rendement, à titre d'indemnité d'occupation, à compter du 1er avril 2012 et jusqu'au 25 mars 2014, à une indemnité d'occupation annuelle, charges comprises, de 182 233 € HT par an, prorata temporis pour la période comprise entre le 1er avril 2012 et le 25 mars 2014,

- dire que l'indemnité d'occupation sera indexée annuellement dans les termes du bail,

- dit que cette indemnité d'occupation ne supportera aucun abattement en raison du refus de renouvellement du bail,

- limiter la condamnation de la société Commerces rendement à payer à la société Tourangerie au titre des frais exposés pour un montant de 7 901,69 euros TTC,

- condamner la société Tourangerie à payer à la société Commerces rendement une somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Tourangerie aux entiers dépens.

En toute hypothèse :

- condamner la société Tourangerie à payer à la société Commerces Rendement une somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

-condamner la société Tourangerie aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel, dont distraction est requise au profit de la Selarl 2BMP, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 juillet 2023, pour l'affaire être plaidée le 7 septembre suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Il est constant que, compte tenu de l'exercice du droit de repentir du bailleur, le bail a été renouvelé à effet du 26 mars 2014, à ses clauses et conditions, y compris de loyer, mais qu'il reste à fixer l'indemnité d'occupation due par le preneur du 1er avril 2012 au 25 mars 2014, sur le montant de laquelle les parties n'ont pas réussi à s'accorder.

Il résulte de l'article L. 145-28 du code de commerce que, en cas de refus du bailleur de renouveler le bail commercial, le locataire qui peut prétendre à une indemnité d'éviction a le droit de rester dans les lieux loués jusqu'au paiement de celle-ci et que, en contrepartie de ce droit, il est redevable d'une indemnité d'occupation.

Lorsque, comme en l'espèce, le bailleur revient sur sa décision et accepte le renouvellement du bail en exerçant son droit de repentir, l'indemnité due entre la date d'expiration du bail et l'exercice du droit de repentir est également déterminée en application de l'article L. 145-28 (v. par ex. Civ. 3, 11 juin 1997, n° 95-18.873).

L'indemnité d'occupation doit en conséquence être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII du chapitre 5, du titre 4, du livre 1er du code de commerce, compte tenu de tous éléments d'appréciation, et doit donc correspondre, à défaut de convention contraire, à la valeur locative.

Sur la valeur locative :

A défaut d'accord entre les parties, cette valeur locative doit être déterminée, ainsi qu'il est dit à l'article L. 145-33 du code de commerce auquel renvoie l'article L. 145-28, compte tenu de tous éléments d'appréciation, d'après :

1° les caractéristiques du local considéré

2° la destination de lieux

3° les obligations respective des parties

4° les facteurs locaux de commercialité

5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage

En l'espèce, en considération de l'ensemble de ces critères, l'expert judiciaire a proposé de fixer la valeur locative en principal, charges annexes en sus, à 80 euros le m2 pour une surface pondérée de 1 702 m2, soit à une somme annuelle arrondie à 136 000 euros.

Comme devant le premier juge, la bailleresse accepte la surface pondérée retenue par l'expert, mais demande que la valeur locative du m2 pondéré soit fixée, hors taxes et hors charges, à 89 euros, sur la base du loyer payé par La Grande Récré, située à proximité, en se prévalant en ce sens d'un rapport d'expertise extra-judiciaire qu'elle a fait établir par le cabinet Blois Val de Loire expertises, en avril 2012.

Outre que ce rapport d'expertise extra-judiciaire n'est corroboré par aucun autre élément, la situation de la Grande Récré n'est pas comparable à celle de la société Tourangerie, puisque, alors que le local de la société Tourangerie est situé au fond de la galerie commerciale du [Adresse 5], à proximité de cellules qui sont vides, la Grande Récré est située à l'entrée de cette galerie, et bénéficie d'une vitrine directe sur la [Adresse 7] située dans l'hypercentre de la ville de [Localité 2].

C'est à raison, dans ces circonstances, que le premier juge a retenu une valeur locative égale à celle qui avait été proposée par l'expert, de 136 000 euros par an, hors charges et hors taxes.

Sur l'application d'un abattement pour précarité :

En cas d'exercice du droit de repentir, il convient de tenir compte de la précarité de la période d'occupation pendant la période intermédiaire entre l'expiration du bail et l'exercice du droit de repentir pour appliquer le cas échéant un abattement sur la valeur locative.

Cet abattement est à la mesure du préjudice causé par la précarité de la situation dans laquelle le locataire s'est trouvé, et de sa durée.

En l'espèce, la société Commerces Rendement a notifié son droit de repentir presque deux ans après avoir refusé le renouvellement du bail, et plus de cinq mois après le dépôt du rapport d'expertise ayant fourni les éléments permettant la fixation de l'indemnité d'éviction.

Durant cette longue période, la société Tourangerie s'est trouvée dans une situation d'incertitude assurément préjudiciable, dont le premier juge a justement pris la mesure en fixant, dans la limite de ce qui lui était demandé, un abattement de précarité de 10 %.

Sur la demande d'indexation :

Si contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, rien n'interdit de prévoir que l'indemnité d'occupation statutaire prévue à l'article L. 145-28 sera indexée, la société Commerces Rendement ne peut cependant réclamer, en l'espèce, que l'indemnité d'occupation soit indexée annuellement dans les termes du bail, en omettant qu'au bail renouvelé, le loyer avait été fixé en fonction d'une clause-recettes (2 % HT du chiffre d'affaires TTC annuel), avec un loyer minimum garanti qui, seul, avait été stipulé révisable.

Dans ces circonstances, étant en outre observé que la valeur locative à laquelle correspond le montant de l'indemnité d'occupation dont est redevable la société Tourangerie a été évaluée en 2013 et que cette indemnité est due pour une période comprise entre 1er avril 2012 au 25 mars 2014, de sorte que la révision n'apparaît pas opportune, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu que l'indemnité d'occupation ne serait pas indexée annuellement.

Sur la demande de paiement des charges :

Selon l'article L. 145-28 du code de commerce, le locataire évincé a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré.

Si, comme le fait valoir l'appelante, le bailleur ne peut réclamer le paiement des charges lorsque le jugement fixant l'indemnité d'occupation n'a pas prévu que s'ajouterait au montant de l'indemnité d'occupation les charges et autres accessoires, cela ne signifie nullement que le bailleur ne peut réclamer au juge, en même temps que la fixation de l'indemnité d'occupation, le paiement des charges ou des taxes qui étaient prévues au bail.

Si la contrepartie financière du droit au maintien dans les lieux du locataire évincé n'est pas le loyer tel qu'il était pratiqué jusqu'à l'échéance du bail, mais une indemnité d'occupation qui se distingue du loyer par sa nature et son mode de fixation, il reste que le maintien dans les lieux de la société Tourangerie jusqu'à la notification, par le bailleur, de son droit de repentir, s'est opéré aux conditions et clauses du bail expiré.

L'indemnité d'occupation ayant été fixée hors charges et taxes, la société Tourangerie ne saurait en conséquence s'exonérer du paiement des charges et de la TVA prévues au bail expiré (v. par ex. Civ. 3, 13 décembre 2018, n° 17-28.055).

C'est dès lors à raison, et sans qu'il puisse lui être reproché d'avoir modifié l'économie du contrat, que le premier juge a condamné la société Tourangerie à payer les charges et autres accessoires prévus au bail expiré, en sus de l'indemnité d'occupation.

Sur la demande tendant à voir « constater » un trop-perçu de 45 558,25 euros HT par la société Commerces rendement « à rembourser ou à compenser » :

La société Tourangerie indique à raison que le premier juge a omis de statuer sur sa demande tendant à voir ordonner compensation entre le montant de l'indemnité d'occupation fixée au fond et celui de l'indemnité d'occupation fixée par le juge des référés.

Dès lors que l'appel n'a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, la cour aurait pu la réparer, en application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, mais à hauteur d'appel la société Tourangerie ne demande plus à la cour que de « constater » qu'elle a réglé la somme de 45 558,25 euros HT au titre de l'indemnité d'occupation fixée par le juge des référés « et qu'il y a donc un trop versé à rembourser ou à compenser avec les sommes éventuellement dues ».

La cour, qui n'a pas à procéder à un constat qui ne renferme aucune prétention, c'est-à-dire aucune contestation à trancher, ne peut que rappeler, en tant que de besoin, d'une part que la compensation n'a pas à être ordonnée lorsque les conditions de la compensation légale, qui opère de plein droit, sont réunies ; d'autre part que l'indemnité d'occupation fixée par le juge des référés n'a été fixée qu'à titre provisionnel et qu'un compte devra donc être fait entre les parties pour déduire des indemnités d'occupation qui viennent d'être fixées, augmentées des charges et

accessoires, les indemnités qui ont pu être versées par provision.

Sur les frais de l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction :

Aux termes de l'article L. 145-58 du code de commerce, le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité [d'éviction], à charge pour lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué un autre immeuble destiné à sa réinstallation.

Au soutien de la demande qu'elle réitère à hauteur d'appel à la somme totale de 9101,69 euros TTC qui lui a été accordée par le premier juge, la société Tourangerie fait valoir que la facture de 1 200 euros contestée par la société Commerces rendement n'est pas une facture d'honoraires de son comptable, mais une facture de son commissaire aux comptes, et correspond aux honoraires réglés à ce dernier pour le lancement d'une procédure d'alerte, à laquelle il était tenu compte tenu des événements qui étaient susceptibles de mettre en cause la pérennité de l'entreprise.

Dès lors qu'elle n'a pas cru utile de produire en cause d'appel la facture litigieuse, qui n'est pas non plus communiquée par la société Commerces rendement, la cour n'est pas en mesure de vérifier que cette facture porte sur des frais occasionnés par l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction.

Dans ces circonstances, par infirmation du jugement entrepris, les frais que la société Commerces rendement sera condamnée à supporter seront limités à 7 901,69 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts tirée d'un trouble commercial :

Selon l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le bailleur qui a refusé de renouveler un bail commercial en proposant une indemnité d'éviction dispose d'un droit de repentir dont l'exercice ne peut donner lieu à dommages et intérêts (v. par ex. Civ. 3, 29 novembre 2005, n° 04-16.147), sauf éventuel abus non allégué.

Même à admettre, comme le fait valoir l'appelante, que le comportement de la société Commerces rendement lui ait causé un préjudice commercial que l'expert a évalué à 86 000 euros, la situation de précarité dans laquelle l'a placée la longue période d'incertitude durant laquelle elle explique qu'elle n'a pu procéder à aucun investissement et dû faire face à la démotivation générale de son personnel l'autorisait à solliciter un abattement de précarité sur le montant de l'indemnité d'occupation à la mesure du préjudice qu'elle estime avoir subi, mais la société Tourangerie ne peut solliciter la condamnation de la société intimée au paiement de dommages et intérêts sans démontrer ni même indiquer quelle faute délictuelle, au sens de l'article 1240 précité, elle reproche à la société Commerces rendement d'avoir commise.

Par confirmation du jugement entrepris, l'appelante sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires :

Les parties, qui succombent respectivement en leurs prétentions au sens de l'article 696 du code de procédure civile, conserveront chacune la charge des dépens de l'instance d'appel dont elles ont fait l'avance et seront respectivement déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge ayant justement statué sur la charge des dépens et des frais irrépétibles de première instance, le jugement déféré sera confirmé sur ces chefs.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a condamné la société Commerces rendement à verser à la société Tourangerie une somme de 9 101,69 euros au titre des frais d'instance exposés pour le refus de renouvellement,

Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé :

Condamne la société Commerces rendement à payer à la société Tourangerie, au titre des frais de l'instance tendant initialement à la fixation de l'indemnité d'éviction, la somme de 7 901,69 euros,

Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

Déboute la société Tourangerie de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Commerces rendement formée sur le même fondement,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens de l'instance d'appel dont elle a fait l'avance,

Dit n'y avoir lieu d'accorder à la SELARL 2BMP le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT