Décisions
CA Caen, 2e ch. civ., 7 septembre 2023, n° 21/03032
CAEN
Arrêt
Autre
AFFAIRE :N° RG 21/03032 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3WV
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 13 Septembre 2021 du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX
RG n° 19/00965
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
Madame [U] [L] [B]
née le 22 Octobre 1957 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée et assistée de Me Xavier GRIFFITHS, avocat au barreau de LISIEUX, substitué par Me MAERTEN ULLMO, avocat au barreau de PARIS,
INTIMEE :
S.C.I. DES IMPRESSIONNISTES
N° SIRET : 485 036 859
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de la SCP DOREL-LECOMTE-MARGUERIE, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 25 mai 2023
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 07 septembre 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
Selon acte notarié du 22 mars 2000, les consorts [P]-[T], aux droits desquels vient la SCI Des impressionnistes, ont consenti à Mme [U] [B] un bail commercial sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 5] pour une durée de neuf années à compter du 23 mars 2000, moyennant un loyer annuel de 10.976,33 euros HT et hors charges.
Les locaux loués consistent notamment, au rez-de-chaussée, en une salle de café et, au premier étage, en un appartement composé d'une cuisine, d'une chambre, d'une salle d'eau et de toilettes.
Les biens loués sont affectés à l'usage de bar, restauration, vente à emporter, exposition et vente de tableaux, bimbeloterie et articles de [Localité 7] avec possibilité d'adjoindre des activités complémentaires ou connexes à celles prévues au bail ainsi que demander au bailleur l'autorisation de changer d'activité.
Au titre de la jouissance de l'appartement, le bail prévoit que, bien que la location soit dans son ensemble commerciale, le preneur pourra l'occuper bourgeoisement ou commercialement ainsi que l'escalier entre le rez-de-chaussée et le premier étage.
Au titre de la tranquillité, le bail énonce que le preneur ne pourra rien faire qui puisse nuire à la tranquillité de l'immeuble ou à celle des voisins ou occupants.
Le preneur y exploite une activité de bar-restaurant sous l'enseigne 'Le bistrot des artistes'.
Ce bail a été renouvelé à compter du 23 mars 2009 pour la même durée à la demande du preneur et le loyer annuel fixé à 11.173 euros HT et hors charges par arrêt de la cour d'appel de Caen du 4 juillet 2019.
Suivant acte d'huissier du 10 octobre 2017, le preneur a sollicité un nouveau renouvellement de son bail commercial.
Par acte d'huissier du 21 novembre 2017, le bailleur a fait notifier au preneur son refus de renouvellement du bail et son offre de paiement d'une indemnité d'éviction.
Par ordonnance du 29 mars 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lisieux a ordonné une expertise afin que soit chiffré le montant de l'indemnité d'éviction due au preneur, confiée à M. [G] [S], expert près la cour d'appel de Caen.
Le 8 avril 2019, l'expert judiciaire a remis son rapport.
Selon acte d'huissier du 30 octobre 2019, le preneur a fait assigner le bailleur devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins, notamment, de voir fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 310.000 euros outre indemnités à parfaire.
Par courriel officiel du 6 avril 2020, le bailleur a exercé son droit de repentir et sollicité la fixation de l'indemnité d'occupation et la revalorisation du loyer.
Par jugement du 13 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lisieux a :
- déclaré renouvelé à compter du 6 avril 2020 le bail commercial en cause,
- condamné le preneur à payer au bailleur, pour la période du 23 mars 2018 au 5 avril 2020, une indemnité d'occupation d'un montant de 17.846,40 euros HT par an, outre les charges,
- écarté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire relativement à la fixation du montant du loyer renouvelé à titre de demande accessoire,
- fixé à la somme de 22.308 euros HT et hors charges par an le loyer dû par le preneur au bailleur au titre du bail en cause renouvelé le 6 avril 2020,
- condamné le bailleur à payer au preneur la somme de 3.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens comprenant ceux de l'instance en référé, les frais d'expertise judiciaire et le coût de la signification de l'assignation (69,95 euros TTC),
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Selon déclaration du 5 novembre 2021, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 28 avril 2023, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a déclaré renouvelé à compter du 6 avril 2020 le bail commercial en cause et condamné le bailleur aux entiers dépens et, statuant à nouveau de ces chefs, de fixer l'indemnité d'occupation à 8.428,32 euros HT et hors charges par an, de fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 6 avril 2020 à 11.706 euros HT, de condamner en conséquence le bailleur à lui rembourser le trop-perçu de loyers y compris pour la période antérieure au présent renouvellement et hors charges par an, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, celle de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions du 5 mai 2023, la SCI demande à la cour de confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a condamné le preneur à lui payer, pour la période du 23 mars 2018 au 5 avril 2020, une indemnité d'occupation d'un montant de 17.846,40 euros HT par an, outre les charges, et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens, statuant à nouveau de ces chefs, de condamner le preneur au paiement d'une indemnité d'occupation entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020 sur la base d'une somme de 22.308 euros HT et hors charges par an, de débouter l'appelante de toutes ses prétentions, de condamner celle-ci à lui payer la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure et de faire masse des entiers dépens qui seront supportés pour 2/3 par la SCI et pour 1/3 par Mme [B].
La mise en état a été clôturée le 10 mai 2023.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la fixation du loyer du bail renouvelé
Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré,
2° la destination des lieux,
3° les obligations respectives des parties,
4° les facteurs locaux de commercialité,
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Ces éléments s'apprécient dans les conditions fixées aux articles R. 145-3 à R. 145-11.
Selon l'article L. 145-34, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'INSEE.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Aux termes de l'article l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Il résulte de ces dispositions qu'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne constitue un motif de déplafonnement du nouveau loyer qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur.
Pour fixer le loyer du bail renouvelé le 6 avril 2020 à la somme annuelle de 22.308 euros HT et hors charges comme proposé par l'expert judiciaire, le tribunal a retenu que l'aménagement des rues [Adresse 4], [Adresse 9] et [Adresse 8] en 2016 et 2018, l'ouverture du village des marques [Localité 5] normandy outlet en 2017 avec navettes depuis et vers le centre-ville, l'accroissement des escales de croisière maritime entre 2009 et 2019 et l'augmentation de 84 % des nuitées touristiques entre 2009 et 2019 relevés par M. [F] dans son expertise amiable établie en décembre 2020 à la demande du bailleur constituaient une modification notable des facteurs locaux de commercialité concernant la zone d'activité du preneur et ayant évolué dans un sens favorable à l'activité de bar-restaurant et vente à emporter exercée par ce dernier.
Le preneur fait valoir que la modification notable des facteurs locaux de commercialité relevée dans l'expertise amiable de M. [F] n'est pas établie matériellement, que la ville de [Localité 5] a connu une baisse de fréquentation des principaux sites, de la population, du nombre de résidences et d'hôtel et que cette modification des facteurs locaux de commercialité n'a pas bénéficié à son activité de bar-restaurant exercée dans un local ne permettant que 22 couverts par service et ayant vu son chiffre d'affaires resté stable entre 2016 et 2018, dès lors que les passagers de croisières bénéficient d'une offre tout inclus et que les améliorations ne concernent pas sa zone de chalandise.
Cependant, le preneur ne produit aucune pièce propre à démontrer l'inexactitude matérielle des modifications notables apportées aux facteurs locaux de commercialité durant la période concernée mentionnées par le rapport d'expertise amiable établi par M. [F] le 30 janvier 2021, étant relevé que le rapport d'expertise amiable établi par M. [E] en 2022 produit par le preneur lui-même mentionne comme modifications notables des facteurs locaux de commercialité l'augmentation du nombre de logements, l'augmentation depuis 2013 du nombre de locaux non résidentiels en construction, la construction d'une gare maritime en 2013, l'ouverture du village des marques et la mise en place de navettes desservant le centre-ville, l'extension du port de plaisance en 2018 et l'ouverture en 2020 de l'hôtel Éden
Le preneur n'établit pas davantage la baisse de fréquentation des principaux sites, de la population et du nombre de résidences et d'hôtel qu'il invoque.
Certes, l'augmentation du nombre d'escales de bateaux de croisière à [Localité 5] n'est pas susceptible d'avoir une influence significative sur l'activité de bar-restaurant du preneur compte tenu des offres tout inclus bénéficiant généralement aux passagers.
En revanche, les autres modifications notables des facteurs locaux de commercialité retenues par les rapports d'expertise amiables produits par les parties sont de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale de restauration exercée par le preneur en ce qu'elles accroissent l'attractivité touristique de la ville de [Localité 5], le nombre de clients potentiels, favorisent leur logement à [Localité 5] et facilitent leur accès à la zone la plus touristique du centre-ville où est précisément situé le local loué, entre l'église [10] et le bassin du [Adresse 11], ce nonobstant la capacité limitée de l'établissement concerné susceptible d'être exploitée de manière plus fructueuse par l'ajout d'un service.
Le déplafonnement du loyer du bail renouvelé le 6 avril 2020 et sa fixation au regard de sa valeur locative se trouvent ainsi justifiés.
Le bailleur sollicite la fixation de ce loyer à la somme annuelle de 22.308 euros HT et hors charges retenue comme valeur locative par l'expert judiciaire le 8 avril 2019 sur la base d'un prix de 650 euros/m2, tandis que le preneur demande sa fixation à la somme annuelle de 11.706 euros HT et hors charges sur la base d'un prix de 341 euros/m2, correspondant au prix du loyer plafonné.
Outre les facteurs locaux de commercialité, seuls les caractéristiques du local et les prix couramment pratiqués dans le voisinage sont discutés par les parties, la surface pondérée de 34,32 m2 n'étant pas contestée.
Il ressort des productions, notamment du procès-verbal de constat dressé le 6 février 2019, du rapport d'expertise judiciaire du 8 avril 2019 et du rapport amiable établi en 2022 à la demande du preneur, que l'état de l'immeuble abritant les locaux loués et appartenant au bailleur est en mauvais état d'entretien du clos et couvert incombant à ce dernier, de nombreuses fissures affectant les murs, des briques manquant en façade et les menuiseries de fenêtre étant en mauvais état.
En revanche, la configuration des lieux loués en ce qu'elle implique le passage des autres occupants de l'immeuble par l'entrée et l'escalier communs ne justifie pas une minoration du prix du loyer, dès lors que cette configuration des lieux était apparente et connue du preneur dès la prise de possession des lieux et la négociation du loyer, a été prise en compte dans la pondération de la superficie des locaux et ne nuit pas à l'exploitation de son activité.
Ainsi, les caractéristiques du local justifient un abattement de 10 %.
Selon le rapport d'expertise judiciaire, la surface pondérée du local est de 34,32 m2 non discutée par les parties et le prix moyen dans le secteur des locaux loués est compris entre 550 euros/m2 et 750 euros/m2, cet expert retenant un prix de 650 euros/m2, tandis que le rapport amiable établi en 2022 à la demande du preneur mentionne des loyers de référence entre 367 euros/m2 et 766 euros/m2, soit un prix moyen de 498 euros/m2 et retient un loyer de 433 euros/m2 tenant compte d'une majoration de 2 % pour la clause de destination large, de 2 % pour la clause autorisant la location-gérance et une minoration de 4 % pour la clause de souffrance, de 3 % pour la clause de mise aux normes et de 10 % pour le droit de passage des autres occupants de l'immeuble, cet expert appliquant en outre un abattement de 15 % au regard de l'état d'entretien de l'immeuble.
Contrairement à ce que soutient le preneur, les dispositions de l'article L. 145-34 in fine ne concernent que les modalités d'étalement de l'augmentation du loyer déplafonné relevant de l'office des parties.
Au regard de ces éléments, il convient de fixer le loyer du bail renouvelé le 6 avril 2020 sur la base d'une valeur locative de 650 euros/m2, au demeurant inférieure à celle de 654 euros/m2 retenue par l'expertise amiable réalisée 29 mars 2018 par M. [E] à la demande du preneur, en y appliquant une minoration de 10 %, soit à la somme annuelle de 20.077,20 euros HT et hors charges (34,32 m2 x 585 euros/m2).
2. Sur l'indemnité d'occupation entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020
Le renouvellement du bail litigieux à compter du 6 avril 2020, date du repentir du bailleur, conformément aux dispositions de l'article L. 145-12 du code de commerce, n'est pas discuté par les parties.
Selon l'article L. 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des section VI et VII, compte tenu de tous éléments d'appréciation.
Il résulte de ces dispositions que l'indemnité d'occupation doit correspondre à la valeur locative des locaux.
N'est pas discuté par les parties le principe de l'indemnité d'occupation due par le preneur entre la date d'expiration du précédent bail renouvelé, le 23 mars 2018, et celle du nouveau renouvellement du bail, le 6 avril 2020.
Pour fixer à la somme de 17.846,40 euros par HT et hors charges an l'indemnité d'occupation due par le preneur, le tribunal a retenu la valeur locative de 22.308 euros HT et hors charges par an déterminée par l'expert judiciaire, a appliqué un abattement de 20 % lié à la précarité subie par le preneur entre l'expiration du précédent bail et l'exercice de son droit de repentir par le bailleur mais a rejeté la moins-value liée aux conditions d'accès aux étages invoquée par le preneur.
Le bailleur fait grief au tribunal d'avoir appliqué un abattement pour précarité, alors que le preneur n'a subi aucune gêne dans son occupation des lieux durant la période litigieuse et qu'il avait été rassuré sur le renouvellement du bail depuis le dépôt du rapport d'expertise le 8 avril 2019 et par une lettre qu'il lui avait adressée le 3 mai 2019.
Le preneur fait grief au tribunal d'avoir retenu comme loyer de base le montant déterminé par l'expert judiciaire et d'avoir écarté un abattement pour la moins-value liée aux conditions d'accès aux étages, alors que les conditions du déplafonnement du loyer ne sont pas réunies, que le montant du loyer de base plafonné doit être de 11.706 euros HT et hors charges par an auquel doivent être appliqués un abattement de 20 % pour précarité et un abattement de 10 % pour les conditions d'accès aux locaux, si bien que l'indemnité d'occupation doit être fixée à la somme annuelle de 8.428,32 euros.
L'appelante fait valoir que l'expert judiciaire a déterminé le montant du loyer du bail renouvelé sans citer les références prises en compte, en retenant comme loyer de référence celui du 23 mars 2000 de 10.976 euros par an alors que le loyer à prendre en considération était celui de 11.173 euros fixé par arrêt de cette cour du 4 juillet 2019 pour le bail renouvelé le 23 mars 2009 et sans prendre en compte l'état d'entretien de l'immeuble abritant les locaux justifiant une minoration de 15 %, que le contexte contentieux de ses relations avec le bailleur lui a causé une gêne liée au risque d'éviction, que l'existence d'une servitude de passage des occupants des appartements situés au-dessus du sien constitue une restriction à la jouissance des lieux loués l'obligeant à condamner l'accès au bar du rez-de-chaussée en dehors des heures d'ouverture.
C'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a estimé que le preneur avait subi une gêne justifiant un abattement de 20 % tenant à la précarité de l'occupation des lieux loués en raison du refus de renouvellement du bail à compter du 23 mars 2018 opposé par le bailleur, cette incertitude n'ayant cessé qu'avec la notification par ce dernier, le 6 avril 2020, de l'exercice de son droit de repentir, sans que le dépôt du rapport d'expertise judiciaire évaluant l'indemnité d'éviction le 8 avril 2019 ni la lettre adressée le 3 mai 2019 et rédigée en termes hypothétiques n'aient pu faire cesser cette précarité.
S'agissant de l'abattement pour restriction à la jouissance des locaux, le preneur ne saurait invoquer un droit de passage qu'il subirait au profit des occupants des appartements situés aux étages supérieurs, dès lors que la configuration de l'immeuble, composé d'une entrée et d'un escalier uniques desservant le bar-restaurant exploité en rez-de-chaussée comme les appartements situés aux étages supérieurs dont celui objet du bail litigieux, était apparente dès la prise de possession des lieux par le preneur le 23 mars 2000, n'a fait l'objet d'aucune observation de la part de ce dernier lors de la négociation du bail ou lors de ses renouvellements successifs, ne gêne pas l'exercice de l'activité de restaurant exploitée et que le droit de jouir 'bourgeoisement ou commercialement' de l'escalier prévu au bail ne peut s'entendre comme excluant le droit de passage des autres occupants de l'immeuble, le bail précisant que le preneur ne pourra rien faire qui puisse nuire à la tranquillité de l'immeuble ou à celle des voisins ou occupants.
Le rejet de l'abattement pour restriction à la jouissance des lieux sera donc confirmé.
Pour fixer l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de 17.846,40 euros HT et hors charges, le tribunal a retenu la somme de 22.308 euros correspondant à l'indemnité d'occupation selon l'expertise judiciaire du 8 avril 2019, fondée sur un prix moyen des loyers de 650 euros/m2 pour une surface pondérée de 34,32 m2, en y appliquant l'abattement de 20 % susvisé.
L'appelante sollicite la fixation de l'indemnité d'occupation sur la base du loyer annuel plafonné de 11.706 euros HT et hors charges calculé sur la base du loyer annuel de 11.173 euros HT et hors charges fixé par arrêt de cette cour du 4 juillet 2019 pour le bail renouvelé le 23 mars 2009.
Il résulte des développements précédents que la valeur locative des locaux loués durant la période considérée correspond à la somme annuelle de 20.077,20 euros HT et hors charges (34,32 m2 x 585 euros/m2).
En conséquence, l'indemnité d'occupation due par le preneur entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020 doit être fixée à la somme annuelle de 16.061,76 euros HT et hors charges (20.077,20 euros x 0,80).
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
3. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
Le bailleur, qui succombe en ses principales prétentions, sera condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande d'indemnité de procédure et condamné à payer au preneur la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [U] [B] à payer à la SCI Des impressionnistes, pour la période du 23 mars 2018 au 5 avril 2020, une indemnité d'occupation d'un montant de 17.846,40 euros HT par an, outre les charges et en ce qu'il a fixé à la somme de 22.308 euros HT et hors charges par an le loyer dû par le preneur au bailleur au titre du bail en cause renouvelé le 6 avril 2020 ;
Statuant à nouveau dans les limites de l'appel du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
Condamne Mme [U] [B] à payer à la SCI Des impressionnistes la somme annuelle de 16.061,76 euros HT et hors charges au titre de l'indemnité d'occupation due entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020 ;
Fixe à la somme annuelle de 20.077,20 euros HT et hors charges le loyer dû par Mme [U] [B] à la SCI Des impressionnistes au titre du bail renouvelé le 6 avril 2020 ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SCI Des impressionnistes aux dépens d'appel et à payer à Mme [U] [B] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3WV
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 13 Septembre 2021 du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX
RG n° 19/00965
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
Madame [U] [L] [B]
née le 22 Octobre 1957 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée et assistée de Me Xavier GRIFFITHS, avocat au barreau de LISIEUX, substitué par Me MAERTEN ULLMO, avocat au barreau de PARIS,
INTIMEE :
S.C.I. DES IMPRESSIONNISTES
N° SIRET : 485 036 859
[Adresse 1]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de la SCP DOREL-LECOMTE-MARGUERIE, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 25 mai 2023
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 07 septembre 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
Selon acte notarié du 22 mars 2000, les consorts [P]-[T], aux droits desquels vient la SCI Des impressionnistes, ont consenti à Mme [U] [B] un bail commercial sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 5] pour une durée de neuf années à compter du 23 mars 2000, moyennant un loyer annuel de 10.976,33 euros HT et hors charges.
Les locaux loués consistent notamment, au rez-de-chaussée, en une salle de café et, au premier étage, en un appartement composé d'une cuisine, d'une chambre, d'une salle d'eau et de toilettes.
Les biens loués sont affectés à l'usage de bar, restauration, vente à emporter, exposition et vente de tableaux, bimbeloterie et articles de [Localité 7] avec possibilité d'adjoindre des activités complémentaires ou connexes à celles prévues au bail ainsi que demander au bailleur l'autorisation de changer d'activité.
Au titre de la jouissance de l'appartement, le bail prévoit que, bien que la location soit dans son ensemble commerciale, le preneur pourra l'occuper bourgeoisement ou commercialement ainsi que l'escalier entre le rez-de-chaussée et le premier étage.
Au titre de la tranquillité, le bail énonce que le preneur ne pourra rien faire qui puisse nuire à la tranquillité de l'immeuble ou à celle des voisins ou occupants.
Le preneur y exploite une activité de bar-restaurant sous l'enseigne 'Le bistrot des artistes'.
Ce bail a été renouvelé à compter du 23 mars 2009 pour la même durée à la demande du preneur et le loyer annuel fixé à 11.173 euros HT et hors charges par arrêt de la cour d'appel de Caen du 4 juillet 2019.
Suivant acte d'huissier du 10 octobre 2017, le preneur a sollicité un nouveau renouvellement de son bail commercial.
Par acte d'huissier du 21 novembre 2017, le bailleur a fait notifier au preneur son refus de renouvellement du bail et son offre de paiement d'une indemnité d'éviction.
Par ordonnance du 29 mars 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lisieux a ordonné une expertise afin que soit chiffré le montant de l'indemnité d'éviction due au preneur, confiée à M. [G] [S], expert près la cour d'appel de Caen.
Le 8 avril 2019, l'expert judiciaire a remis son rapport.
Selon acte d'huissier du 30 octobre 2019, le preneur a fait assigner le bailleur devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins, notamment, de voir fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 310.000 euros outre indemnités à parfaire.
Par courriel officiel du 6 avril 2020, le bailleur a exercé son droit de repentir et sollicité la fixation de l'indemnité d'occupation et la revalorisation du loyer.
Par jugement du 13 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lisieux a :
- déclaré renouvelé à compter du 6 avril 2020 le bail commercial en cause,
- condamné le preneur à payer au bailleur, pour la période du 23 mars 2018 au 5 avril 2020, une indemnité d'occupation d'un montant de 17.846,40 euros HT par an, outre les charges,
- écarté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire relativement à la fixation du montant du loyer renouvelé à titre de demande accessoire,
- fixé à la somme de 22.308 euros HT et hors charges par an le loyer dû par le preneur au bailleur au titre du bail en cause renouvelé le 6 avril 2020,
- condamné le bailleur à payer au preneur la somme de 3.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens comprenant ceux de l'instance en référé, les frais d'expertise judiciaire et le coût de la signification de l'assignation (69,95 euros TTC),
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Selon déclaration du 5 novembre 2021, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 28 avril 2023, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a déclaré renouvelé à compter du 6 avril 2020 le bail commercial en cause et condamné le bailleur aux entiers dépens et, statuant à nouveau de ces chefs, de fixer l'indemnité d'occupation à 8.428,32 euros HT et hors charges par an, de fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 6 avril 2020 à 11.706 euros HT, de condamner en conséquence le bailleur à lui rembourser le trop-perçu de loyers y compris pour la période antérieure au présent renouvellement et hors charges par an, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, celle de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions du 5 mai 2023, la SCI demande à la cour de confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a condamné le preneur à lui payer, pour la période du 23 mars 2018 au 5 avril 2020, une indemnité d'occupation d'un montant de 17.846,40 euros HT par an, outre les charges, et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens, statuant à nouveau de ces chefs, de condamner le preneur au paiement d'une indemnité d'occupation entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020 sur la base d'une somme de 22.308 euros HT et hors charges par an, de débouter l'appelante de toutes ses prétentions, de condamner celle-ci à lui payer la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure et de faire masse des entiers dépens qui seront supportés pour 2/3 par la SCI et pour 1/3 par Mme [B].
La mise en état a été clôturée le 10 mai 2023.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la fixation du loyer du bail renouvelé
Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré,
2° la destination des lieux,
3° les obligations respectives des parties,
4° les facteurs locaux de commercialité,
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Ces éléments s'apprécient dans les conditions fixées aux articles R. 145-3 à R. 145-11.
Selon l'article L. 145-34, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'INSEE.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Aux termes de l'article l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Il résulte de ces dispositions qu'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne constitue un motif de déplafonnement du nouveau loyer qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur.
Pour fixer le loyer du bail renouvelé le 6 avril 2020 à la somme annuelle de 22.308 euros HT et hors charges comme proposé par l'expert judiciaire, le tribunal a retenu que l'aménagement des rues [Adresse 4], [Adresse 9] et [Adresse 8] en 2016 et 2018, l'ouverture du village des marques [Localité 5] normandy outlet en 2017 avec navettes depuis et vers le centre-ville, l'accroissement des escales de croisière maritime entre 2009 et 2019 et l'augmentation de 84 % des nuitées touristiques entre 2009 et 2019 relevés par M. [F] dans son expertise amiable établie en décembre 2020 à la demande du bailleur constituaient une modification notable des facteurs locaux de commercialité concernant la zone d'activité du preneur et ayant évolué dans un sens favorable à l'activité de bar-restaurant et vente à emporter exercée par ce dernier.
Le preneur fait valoir que la modification notable des facteurs locaux de commercialité relevée dans l'expertise amiable de M. [F] n'est pas établie matériellement, que la ville de [Localité 5] a connu une baisse de fréquentation des principaux sites, de la population, du nombre de résidences et d'hôtel et que cette modification des facteurs locaux de commercialité n'a pas bénéficié à son activité de bar-restaurant exercée dans un local ne permettant que 22 couverts par service et ayant vu son chiffre d'affaires resté stable entre 2016 et 2018, dès lors que les passagers de croisières bénéficient d'une offre tout inclus et que les améliorations ne concernent pas sa zone de chalandise.
Cependant, le preneur ne produit aucune pièce propre à démontrer l'inexactitude matérielle des modifications notables apportées aux facteurs locaux de commercialité durant la période concernée mentionnées par le rapport d'expertise amiable établi par M. [F] le 30 janvier 2021, étant relevé que le rapport d'expertise amiable établi par M. [E] en 2022 produit par le preneur lui-même mentionne comme modifications notables des facteurs locaux de commercialité l'augmentation du nombre de logements, l'augmentation depuis 2013 du nombre de locaux non résidentiels en construction, la construction d'une gare maritime en 2013, l'ouverture du village des marques et la mise en place de navettes desservant le centre-ville, l'extension du port de plaisance en 2018 et l'ouverture en 2020 de l'hôtel Éden
Le preneur n'établit pas davantage la baisse de fréquentation des principaux sites, de la population et du nombre de résidences et d'hôtel qu'il invoque.
Certes, l'augmentation du nombre d'escales de bateaux de croisière à [Localité 5] n'est pas susceptible d'avoir une influence significative sur l'activité de bar-restaurant du preneur compte tenu des offres tout inclus bénéficiant généralement aux passagers.
En revanche, les autres modifications notables des facteurs locaux de commercialité retenues par les rapports d'expertise amiables produits par les parties sont de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale de restauration exercée par le preneur en ce qu'elles accroissent l'attractivité touristique de la ville de [Localité 5], le nombre de clients potentiels, favorisent leur logement à [Localité 5] et facilitent leur accès à la zone la plus touristique du centre-ville où est précisément situé le local loué, entre l'église [10] et le bassin du [Adresse 11], ce nonobstant la capacité limitée de l'établissement concerné susceptible d'être exploitée de manière plus fructueuse par l'ajout d'un service.
Le déplafonnement du loyer du bail renouvelé le 6 avril 2020 et sa fixation au regard de sa valeur locative se trouvent ainsi justifiés.
Le bailleur sollicite la fixation de ce loyer à la somme annuelle de 22.308 euros HT et hors charges retenue comme valeur locative par l'expert judiciaire le 8 avril 2019 sur la base d'un prix de 650 euros/m2, tandis que le preneur demande sa fixation à la somme annuelle de 11.706 euros HT et hors charges sur la base d'un prix de 341 euros/m2, correspondant au prix du loyer plafonné.
Outre les facteurs locaux de commercialité, seuls les caractéristiques du local et les prix couramment pratiqués dans le voisinage sont discutés par les parties, la surface pondérée de 34,32 m2 n'étant pas contestée.
Il ressort des productions, notamment du procès-verbal de constat dressé le 6 février 2019, du rapport d'expertise judiciaire du 8 avril 2019 et du rapport amiable établi en 2022 à la demande du preneur, que l'état de l'immeuble abritant les locaux loués et appartenant au bailleur est en mauvais état d'entretien du clos et couvert incombant à ce dernier, de nombreuses fissures affectant les murs, des briques manquant en façade et les menuiseries de fenêtre étant en mauvais état.
En revanche, la configuration des lieux loués en ce qu'elle implique le passage des autres occupants de l'immeuble par l'entrée et l'escalier communs ne justifie pas une minoration du prix du loyer, dès lors que cette configuration des lieux était apparente et connue du preneur dès la prise de possession des lieux et la négociation du loyer, a été prise en compte dans la pondération de la superficie des locaux et ne nuit pas à l'exploitation de son activité.
Ainsi, les caractéristiques du local justifient un abattement de 10 %.
Selon le rapport d'expertise judiciaire, la surface pondérée du local est de 34,32 m2 non discutée par les parties et le prix moyen dans le secteur des locaux loués est compris entre 550 euros/m2 et 750 euros/m2, cet expert retenant un prix de 650 euros/m2, tandis que le rapport amiable établi en 2022 à la demande du preneur mentionne des loyers de référence entre 367 euros/m2 et 766 euros/m2, soit un prix moyen de 498 euros/m2 et retient un loyer de 433 euros/m2 tenant compte d'une majoration de 2 % pour la clause de destination large, de 2 % pour la clause autorisant la location-gérance et une minoration de 4 % pour la clause de souffrance, de 3 % pour la clause de mise aux normes et de 10 % pour le droit de passage des autres occupants de l'immeuble, cet expert appliquant en outre un abattement de 15 % au regard de l'état d'entretien de l'immeuble.
Contrairement à ce que soutient le preneur, les dispositions de l'article L. 145-34 in fine ne concernent que les modalités d'étalement de l'augmentation du loyer déplafonné relevant de l'office des parties.
Au regard de ces éléments, il convient de fixer le loyer du bail renouvelé le 6 avril 2020 sur la base d'une valeur locative de 650 euros/m2, au demeurant inférieure à celle de 654 euros/m2 retenue par l'expertise amiable réalisée 29 mars 2018 par M. [E] à la demande du preneur, en y appliquant une minoration de 10 %, soit à la somme annuelle de 20.077,20 euros HT et hors charges (34,32 m2 x 585 euros/m2).
2. Sur l'indemnité d'occupation entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020
Le renouvellement du bail litigieux à compter du 6 avril 2020, date du repentir du bailleur, conformément aux dispositions de l'article L. 145-12 du code de commerce, n'est pas discuté par les parties.
Selon l'article L. 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des section VI et VII, compte tenu de tous éléments d'appréciation.
Il résulte de ces dispositions que l'indemnité d'occupation doit correspondre à la valeur locative des locaux.
N'est pas discuté par les parties le principe de l'indemnité d'occupation due par le preneur entre la date d'expiration du précédent bail renouvelé, le 23 mars 2018, et celle du nouveau renouvellement du bail, le 6 avril 2020.
Pour fixer à la somme de 17.846,40 euros par HT et hors charges an l'indemnité d'occupation due par le preneur, le tribunal a retenu la valeur locative de 22.308 euros HT et hors charges par an déterminée par l'expert judiciaire, a appliqué un abattement de 20 % lié à la précarité subie par le preneur entre l'expiration du précédent bail et l'exercice de son droit de repentir par le bailleur mais a rejeté la moins-value liée aux conditions d'accès aux étages invoquée par le preneur.
Le bailleur fait grief au tribunal d'avoir appliqué un abattement pour précarité, alors que le preneur n'a subi aucune gêne dans son occupation des lieux durant la période litigieuse et qu'il avait été rassuré sur le renouvellement du bail depuis le dépôt du rapport d'expertise le 8 avril 2019 et par une lettre qu'il lui avait adressée le 3 mai 2019.
Le preneur fait grief au tribunal d'avoir retenu comme loyer de base le montant déterminé par l'expert judiciaire et d'avoir écarté un abattement pour la moins-value liée aux conditions d'accès aux étages, alors que les conditions du déplafonnement du loyer ne sont pas réunies, que le montant du loyer de base plafonné doit être de 11.706 euros HT et hors charges par an auquel doivent être appliqués un abattement de 20 % pour précarité et un abattement de 10 % pour les conditions d'accès aux locaux, si bien que l'indemnité d'occupation doit être fixée à la somme annuelle de 8.428,32 euros.
L'appelante fait valoir que l'expert judiciaire a déterminé le montant du loyer du bail renouvelé sans citer les références prises en compte, en retenant comme loyer de référence celui du 23 mars 2000 de 10.976 euros par an alors que le loyer à prendre en considération était celui de 11.173 euros fixé par arrêt de cette cour du 4 juillet 2019 pour le bail renouvelé le 23 mars 2009 et sans prendre en compte l'état d'entretien de l'immeuble abritant les locaux justifiant une minoration de 15 %, que le contexte contentieux de ses relations avec le bailleur lui a causé une gêne liée au risque d'éviction, que l'existence d'une servitude de passage des occupants des appartements situés au-dessus du sien constitue une restriction à la jouissance des lieux loués l'obligeant à condamner l'accès au bar du rez-de-chaussée en dehors des heures d'ouverture.
C'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a estimé que le preneur avait subi une gêne justifiant un abattement de 20 % tenant à la précarité de l'occupation des lieux loués en raison du refus de renouvellement du bail à compter du 23 mars 2018 opposé par le bailleur, cette incertitude n'ayant cessé qu'avec la notification par ce dernier, le 6 avril 2020, de l'exercice de son droit de repentir, sans que le dépôt du rapport d'expertise judiciaire évaluant l'indemnité d'éviction le 8 avril 2019 ni la lettre adressée le 3 mai 2019 et rédigée en termes hypothétiques n'aient pu faire cesser cette précarité.
S'agissant de l'abattement pour restriction à la jouissance des locaux, le preneur ne saurait invoquer un droit de passage qu'il subirait au profit des occupants des appartements situés aux étages supérieurs, dès lors que la configuration de l'immeuble, composé d'une entrée et d'un escalier uniques desservant le bar-restaurant exploité en rez-de-chaussée comme les appartements situés aux étages supérieurs dont celui objet du bail litigieux, était apparente dès la prise de possession des lieux par le preneur le 23 mars 2000, n'a fait l'objet d'aucune observation de la part de ce dernier lors de la négociation du bail ou lors de ses renouvellements successifs, ne gêne pas l'exercice de l'activité de restaurant exploitée et que le droit de jouir 'bourgeoisement ou commercialement' de l'escalier prévu au bail ne peut s'entendre comme excluant le droit de passage des autres occupants de l'immeuble, le bail précisant que le preneur ne pourra rien faire qui puisse nuire à la tranquillité de l'immeuble ou à celle des voisins ou occupants.
Le rejet de l'abattement pour restriction à la jouissance des lieux sera donc confirmé.
Pour fixer l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de 17.846,40 euros HT et hors charges, le tribunal a retenu la somme de 22.308 euros correspondant à l'indemnité d'occupation selon l'expertise judiciaire du 8 avril 2019, fondée sur un prix moyen des loyers de 650 euros/m2 pour une surface pondérée de 34,32 m2, en y appliquant l'abattement de 20 % susvisé.
L'appelante sollicite la fixation de l'indemnité d'occupation sur la base du loyer annuel plafonné de 11.706 euros HT et hors charges calculé sur la base du loyer annuel de 11.173 euros HT et hors charges fixé par arrêt de cette cour du 4 juillet 2019 pour le bail renouvelé le 23 mars 2009.
Il résulte des développements précédents que la valeur locative des locaux loués durant la période considérée correspond à la somme annuelle de 20.077,20 euros HT et hors charges (34,32 m2 x 585 euros/m2).
En conséquence, l'indemnité d'occupation due par le preneur entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020 doit être fixée à la somme annuelle de 16.061,76 euros HT et hors charges (20.077,20 euros x 0,80).
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
3. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
Le bailleur, qui succombe en ses principales prétentions, sera condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande d'indemnité de procédure et condamné à payer au preneur la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [U] [B] à payer à la SCI Des impressionnistes, pour la période du 23 mars 2018 au 5 avril 2020, une indemnité d'occupation d'un montant de 17.846,40 euros HT par an, outre les charges et en ce qu'il a fixé à la somme de 22.308 euros HT et hors charges par an le loyer dû par le preneur au bailleur au titre du bail en cause renouvelé le 6 avril 2020 ;
Statuant à nouveau dans les limites de l'appel du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
Condamne Mme [U] [B] à payer à la SCI Des impressionnistes la somme annuelle de 16.061,76 euros HT et hors charges au titre de l'indemnité d'occupation due entre le 23 mars 2018 et le 5 avril 2020 ;
Fixe à la somme annuelle de 20.077,20 euros HT et hors charges le loyer dû par Mme [U] [B] à la SCI Des impressionnistes au titre du bail renouvelé le 6 avril 2020 ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SCI Des impressionnistes aux dépens d'appel et à payer à Mme [U] [B] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY