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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 14 septembre 2023, n° 22/20412

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lextenso (SAS)

Défendeur :

LVPRO (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

M. Rondeau, Mme Chopin

Avocats :

Me Domain, Me Leclerc, Me Pinheiro, Me Guyonnet, Me Dinety

T. com. Paris, du 9 déc. 2022, n° 202102…

9 décembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Lextenso a notamment pour activité l'exécution des formalités juridiques en droit des sociétés et annonces légales.

Soupçonnant la société concurrente LVPRO d'actes de concurrence déloyale à son encontre, et plus particulièrement de débauchage, de détournement de clientèle via ses anciens salariés, dont notamment Mme [V], Mme [R] et M. [Z], la société Lextenso a obtenu auprès du juge des requêtes une ordonnance le 11 mars 2021.

Par acte du 11 mai 2021, la société LVPRO, Mme [V], Mme [R] et M. [Z] ont assigné la société Lextenso devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, au visa des articles 16, 145 et 492 et suivants du code de procédure civile, aux fins de voir :

- rétracter l'ordonnance sur requête du 11 mars 2021 ;

- ordonner la restitution de l'ensemble des pièces saisies dans le cadre de la mesure d'instruction ordonnée à la société LVPRO ;

- ordonner la destruction des copies qui auraient pu être réalisées dans le cadre de la mesure d'instruction,

à titre subsidiaire,

- débouter la société Lextenso de sa demande visant à obtenir la levée de la mesure de séquestre ;

- fixer, en application de l'article R. 153-3 du code de commerce, un délai compatible avec l'étude de 29.054 pièces, pour remettre au juge :

la version confidentielle intégrale de la pièce,

une version non confidentielle ou un résumé,

un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires ;

en tout état de cause,

- condamner la société Lextenso à payer à la société LVPRO la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Lextenso aux entiers dépens.

La société Lextenso s'est opposée aux demandes, sollicitant en outre la levée du séquestre et la condamnation de la société LVPRO à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 09 décembre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- rétracté son ordonnance du 11 mars 2021 ;

- ordonné la restitution de l'ensemble des pièces saisies dans le cadre de la mesure d'instruction effectuée ;

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre la société Lextenso aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidé à la somme de 92,91 euros TTC dont 15,27 euros de TVA.

Par déclaration du 14 décembre 2022, la société Lextenso a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 23 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Lextenso demande à la cour, au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile, des articles 2 et 1240 du code civil, des articles R. 153-1 et suivants du code de commerce, de l'article 314-1 du code pénal et de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 9 décembre 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris (RG 2021023288) en ce qu'il a :

rétracté son ordonnance du 11 mars 2021,

ordonné la restitution de l'ensemble des pièces saisies dans le cadre de la mesure d'instruction effectuée,

dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné en outre, la société Lextenso aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 92,91 euros TTC dont 15,27 euros de TVA ;

et, statuant à nouveau,

- débouter la société LVPRO, Mme [V], Mme [R] et M. [Z] de leurs demandes de rétractation de l'ordonnance sur requête du 11 mars 2021 ;

- débouter la société LVPRO, Mme [V], Mme [R] et M. [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance sur requête du 11 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

- ordonner la levée totale de la mesure de séquestre et la remise de l'intégralité des pièces saisies dans le cadre des mesures d'instruction in futurum à la société Lextenso ;

- déclarer irrecevables car forcloses toutes demandes ou objections de la société LVPRO, de Mme [V], de M. [Z] ou de Mme [R] liées à la protection du secret des affaires dans le cadre de la levée de séquestre ;

- condamner la société LVPRO, Mme [V], Mme [R] et M. [Z] à lui payer in solidum la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société LVPRO, Mme [V], Mme [R] et M. [Z] au paiement des entiers dépens, in solidum, dont les frais de commissaires de justice et d'experts nécessaires à la réalisation de la mission.

La société Lextenso fait en substance valoir :

- que le recours à une procédure non contradictoire était nécessaire pour éviter le dépérissement de certaines preuves car la plupart de ces éléments sont faciles à détruire, ce d'autant plus que le contenu de ces échanges est par nature compromettant pour les requis, dans un contexte de dissimulations et de mensonges ;

- que le motif légitime est établi, au regard du débauchage massif de ses salariés, démissionnaires de son pôle formalités, et du détournement de clientèle manifestement orchestré ;

- que l'éventuelle action en responsabilité civile à l'encontre de LVPRO pour concurrence déloyale, débauchage, détournement de clientèle n'est pas manifestement vouée à l'échec ;

- que les arguments de sa concurrente pour expliquer le départ de ses salariés sont totalement fantaisistes ;

- que toutes les demandes se rapportant au secret des affaires sont forcloses dans la mesure où les requis n'ont pas soulevé ni visé le secret des affaires dans leur assignation en rétractation du 11 mai 2021, ni dans le délai d'un mois prévu à l'article R. 153-1 du code de commerce ;

- que les mesures étaient légitimes et proportionnées.

Dans leurs conclusions remises le 12 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société LVPRO, Mme [V], Mme [R] et M. [Z] demandent à la cour, au visa des articles 16, 145 et 492 et suivants du code de procédure civile, des articles R. 153-1 et suivants du code de commerce et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, de :

- confirmer l'ordonnance de référé du 9 décembre 2022 de M. le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société LVPRO de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

statuant à nouveau,

- condamner la société Lextenso à payer à la société LVPRO la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

y ajoutant,

- condamner la société Lextenso à payer à la société LVPRO la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- débouter la société Lextenso de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Lextenso aux entiers dépens.

La société LVPRO, Mme [V], Mme [R] et M. [Z] font en substance valoir :

- que la motivation de la requête, comme de l'ordonnance, doit être réelle et spéciale, c'est-à-dire qu'elle s'attache à exposer en quoi, au regard des circonstances précises de l'espèce, la nécessité commande de faire exception au principe du contradictoire ; que les affirmations de la société Lextenso sur ce point sont péremptoires ;

- que, concernant le motif légitime, la société appelante est naturellement incapable de justifier de façon crédible ne serait-ce que de l'apparence d'une prétendue désorganisation, se contentant de produire sur ce point des attestations qui émanent en totalité de ses propres salariés et dont la valeur probatoire est nulle, étant rappelé que les contrats de travail ne comportaient aucune clause de non-concurrence ; que le départ des salariés s'explique par les conditions de travail ;

- que l'ordonnance litigieuse n'est limitée ni dans le temps, ni dans l'espace, utilisant des mots-clés généraux sans rapport avec le litige ;

- que la saisie en cause est susceptible de porter une atteinte grave au secret des affaires ; que le nombre vertigineux de fichiers saisis rend impossible la protection du secret des affaires prévue à l'article R. 153-3 du code de commerce ; que le code de commerce prévoit que le séquestre est levé si le juge n'est pas saisi d'une demande de rétractation dans le mois de la signification de l'ordonnance sur requête et qu'en l'espèce, ce délai a été respecté.

SUR CE LA COUR

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur. De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée. Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

L'article 493 du code de procédure civile dispose lui que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Le juge doit donc également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

La mesure ordonnée doit être circonscrite aux faits dénoncés dans la requête dont pourrait dépendre la solution du litige et ne pas s'étendre au-delà. Elle ne peut porter une atteinte illégitime au droit d'autrui.

Enfin, il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

En l'espèce, il y a lieu de relever, en premier lieu, s'agissant d'abord du motif légitime :

- que LVPRO, société concurrente de l'appelante, emploie désormais huit salariés qui ont démissionné de la société Lextenso, parmi lesquels six formalistes, soit un personnel spécialisé pour accompagner les sociétés afin d'effectuer leurs formalités juridiques, cette circonstance de fait étant constante ;

- que les attestations produites par l'appelante font à tout le moins état de ce qu'il aurait été proposé à des salariés de Lextenso de rejoindre LVPRO, moyennant une rémunération attractive, ce avec leur portefeuille de clientèle actuel ;

- que la société Lextenso estime qu'il aurait résulté de ces départs incluant la clientèle attachée une perte importante de chiffre d'affaires, qu'elle évalue à plus de 360.000 euros (pièce 38) ;

- que, dès lors, la société Lextenso justifie d'éléments suffisamment crédibles pour pouvoir envisager une action fondée sur des actes de concurrence déloyale, notamment le débauchage et le détournement de clientèle à l'origine d'une désorganisation de l'entreprise, étant rappelé qu'au stade de la mesure d'instruction fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le requérant n'a pas à établir le bien-fondé de l'action envisagée ;

- que, contrairement à ce qu'exposent les intimés, l'appelante n'a pas à apporter la preuve des actes allégués, alors qu'aucun élément ne permet ici de considérer que l'action de la société Lextenso, fondé sur des éléments suffisamment crédibles, serait manifestement vouée à l'échec ;

- que LVPRO réplique notamment que le départ des salariés s'expliquerait par les qualités propres de cette société et par les mauvaises conditions de travail au sein de Lextenso ; que ces éléments, à les supposer établis, ne sont toutefois pas de nature à enlever sa légitimité à la mesure d'instruction, les arguments opposés par LVPRO relevant de l'éventuelle discussion sur le fond du litige entre les deux sociétés ;

- qu'importent peu aussi les tentatives de rapprochement entre les deux groupes par le passé, le secret des affaires, pour rappel, ne constituant pas en lui-même un obstacle à la mesure fondée sur l'article 145 du code de procédure civile.

Le motif légitime de la mesure sollicitée apparaît établi.

En deuxième lieu, concernant la dérogation au principe de la contradiction, il faut préciser, à titre liminaire, que les circonstances justifiant de ne pas procéder contradictoirement doivent être rappelées dans la requête ou dans l'ordonnance, l'ordonnance pouvant se limiter à viser les motifs rappelés dans la requête déposée.

Dès lors, c'est à tort que le premier juge a indiqué que le corps de l'ordonnance sur requête devait nécessairement détailler les circonstances pour lesquelles il a été dérogé au principe de la contradiction.

L'appelante observe d'ailleurs à juste titre que la requête déposée le 8 mars 2021 exposait les circonstances pour lesquelles Lextenso estimait nécessaire de déroger au principe de la contradiction, l'ordonnance du 11 mars 2021 y faisant référence.

Sur la teneur des éléments exposés, il faut constater :

- que les preuves, conservées sur support informatique, sont par nature fragiles et peuvent être facilement effacées, caractérisant un possible dépérissement des preuves, nonobstant la circonstance qu'une partie des documents peut correspondre à des documents comptables et financiers devant être conservés par la société requise ;

- que, de plus, la nature du litige entre les parties, à savoir des éventuels actes de concurrence déloyale qui auraient été commis au détriment de la société Lextenso, justifie aussi de la nécessité d'un effet de surprise, la démission des employés et l'éventuel usage de leur portefeuille de clientèle étant de nature à expliquer la dissimulation d'éléments, commandant donc la mesure sur requête.

Enfin, en troisième et dernier lieu, quant au caractère légalement admissible des mesures, il convient de préciser :

- que l'ordonnance sur requête présente un caractère proportionné en rapport avec le droit à la preuve de la société appelante, étant observé que les mesures sont limitées dans le temps et dans l'espace ;

- que les mesures concernent en effet la période entre le 1er janvier 2019 et le jour des constatations, l'ordonnance prenant même soin de prendre en compte la date de départ des salariés s'agissant des conditions de recrutement ; que la mesure doit se dérouler dans les locaux de la société LVPRO et au domicile de trois salariés s'ils n'étaient pas présents, de sorte que la mesure assure aussi la proportion dans l'espace, l'accès aux véhicules et aux serveurs étant commandé par la nature des pièces recherchées ;

- que les mesures sont en outre en rapport strict avec les supposés actes de concurrence déloyale, par le recours à des mots-clés, justement sélectionnés eu égard à l'objet de l'éventuel futur litige (notamment par l'emploi des intitulés des publications 'Gazette du Palais', 'La Loi', 'Le Quotidien juridique') et par la recherche des pièces relatives aux conditions de recrutement des salariés visés ;

- que, comme le rappelle l'appelante, l'ordonnance sur requête exclut la recherche des informations présentant un caractère personnel, étant également mise en place une mesure de séquestre ;

- que c'est en vain que les intimés exposent à cet égard que la mission confiée au commissaire de justice de s'assurer du caractère privé des informations confierait à ce dernier un pouvoir d'appréciation incompatible avec les dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile, alors qu'il s'agit justement de concilier le droit à la preuve de la requérante avec le droit à la vie privée des salariés concernés, équilibre qui commande justement de rechercher la mention du caractère personnel d'un message s'agissant de moyens de communication mis à disposition par l'employeur ;

- que, de même, la recherche des chiffres d'affaires ou des conditions de recrutement des salariés ne conduit pas le commissaire de justice à porter une appréciation ou une analyse d'ordre juridictionnel, ce dernier pouvant valablement se faire assister du technicien informatique de son choix, le respect par ce dernier de ses obligations déontologiques relevant du débat au fond ;

- qu'enfin, au stade de l'exécution de la mesure, la requête a pu prévoir une information des requis limitée à leur avocat, le contradictoire et la publicité étant rétablis dans le cadre de la présente procédure en rétractation.

Aussi, les mesures sollicitées apparaissent bien légalement admissibles, ayant été bien mis en balance le droit à la preuve de la société Lextenso avec les intérêts antagonistes des personnes morales et physiques requises sans que ne soit ici caractérisée une perquisition civile générale comme il est soutenu par les intimés, la circonstance qu'un nombre important de documents auraient été recueillis ne suffisant pas à empêcher de constater la proportionnalité des mesures, ni aux personnes requises de se prévaloir ultérieurement du secret des affaires.

Il y a donc lieu, par infirmation de la décision entreprise, de rejeter la demande en rétractation, les conditions de l'article 145 du code de procédure civile étant réunies, contrairement à ce qu'a jugé le premier juge.

S'agissant du séquestre, il sera rappelé que si l'ordonnance entreprise a ordonné la restitution des pièces saisies aux requis, la société appelante a obtenu un maintien sous séquestre provisoire, par une seconde ordonnance sur requête du 22 décembre 2022, la procédure en rétractation de cette ordonnance étant toujours pendante.

La société appelante estime qu'il y aurait lieu d'ordonner la levée totale du séquestre ainsi que la communication des pièces recueillies.

Cependant, l'article R. 153-1 du code de commerce dispose en son deuxième alinéa que si le juge n'est pas saisi dans d'une demande de rétractation dans le délai d'un mois, la mesure de séquestre provisoire est levée et les pièces sont transmises au requérant.

L'engagement du référé-rétractation dans le délai d'un mois permet aux demandeurs de se prévaloir du secret des affaires dans les conditions prévues par le code de commerce.

Or, la mesure a ici été exécutée le 12 avril 2021, les intimés ayant saisi le premier juge par assignation délivrée le 11 mai 2021, soit dans un délai inférieur à un mois.

Comme l'indiquent à juste titre les intimés, ils sont donc encore recevables à invoquer le secret des affaires, peu important que l'assignation introductive d'instance devant le premier juge ne mentionne pas les dispositions de l'article R. 153-1 du code de commerce, à partir du moment où le juge de la rétractation a bien été saisi dans le délai d'un mois.

La demande de levée de séquestre sera donc rejetée, étant rappelé au surplus que la cour n'est pas saisie de l'appel de l'ordonnance du 22 décembre 2022 qui a permis le maintien sous séquestre provisoire des pièces en cause, les intimés pouvant, le cas échéant, se prévaloir de la procédure visant à préserver le secret des affaires prévue par le code de commerce.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour rejettera la demande de rétractation et les autres demandes des parties, étant observé qu'il n'appartient pas au juge de la rétractation de "confirmer l'ordonnance sur requête".

Il y a enfin lieu de condamner in solidum les intimés aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à l'indemnisation des frais non répétibles exposés par l'appelante dans les conditions indiquées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de rétractation ;

Rejette les autres demandes des parties ;

Condamne in solidum la société LVPRO, Mme [T] [V], Mme [B] [R] et M. [O] [Z] à payer à la société Lextenso la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d'appel ;

Condamne in solidum la société LVPRO, Mme [T] [V], Mme [B] [R] et M. [O] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.