CA Rennes, 3e ch. com., 24 octobre 2023, n° 21/04305
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Breizhbuzz (SAS)
Défendeur :
Mind The Gap (SARL), Ouest Conseils Audit (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseillers :
Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac
Avocats :
Me Bourges, Me Delacarte, Me Morel, Me Lhermitte, Me Le Bras, Me Chaudet
La SAS BREIZHBUZZ est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 septembre 2012. Les activités indiquées sur l'imprimé K-bis sont :
- création, administration et promotion de portails web et de logiciels,
- conception, réalisation de supports de communication tangibles et virtuels,
- achat, vente d'espaces publicitaires, de noms de domaines, matériels informatiques.
Les associés fondateurs sont Mme [X] [P] (présidente), Mme [T] [S], M. [D] [P] et Mme [A] [Y].
Courant 2015, la SAS BREIZHBUZZ a recherché de nouveaux investisseurs afin de financer son activité recherche et développement.
En juillet 2015, son cabinet d'expertise comptable, OUEST CONSEILS AUDIT de [Localité 2] (par abréviation OCA) a mis en relation la SAS BREIZHBUZZ avec son client, M.[L] [I] et sa société holding MIND THE GAP.
M. [H] [V], expert-comptable et associé du cabinet OCA fut l'intervenant principal dans la gestion de cet éventuel rapprochement.
Le 9 mars 2016, a été finalisée une augmentation de capital de la SAS BREIZHBUZZ d'un montant de 60.000 €, entièrement souscrite par la holding de M. [I].
Durant l'été 2016, les relations se sont envenimées entre les parties, la SAS BREIZHBUZZ reprochant notamment à Monsieur [I] :
- de ne pas avoir apporté au capital les fonds promis et indispensables à son développement,
- d'exiger d'avoir accès à ses technologies innovantes,
- de mettre sous pression son salarié, monsieur [W], chef du développement logiciel et en charge de la recherche et développement, qui démissionnera à la fin de l'automne 2016,
- de conditionner tout nouvel apport de fonds à la levée de son obligation de non-concurrence inscrite dans le pacte d'associés.
Selon la société BREIZH BUZZ, le comportement de monsieur [I] aurait entrainé la suspension de l'activité développement R & D prévue.
La société BREIZHBUZZ a également dénoncé:
- le comportement ambivalent du cabinet OCA et de M. [V], conseils communs des parties,
- la création, le 5 décembre 2016, de la SAS WEB COAST, présidée par Mme [F] [I], fille de M. [L] [I], et dont l'activité serait très similaire à l'objet social de BREIZH BUZZ : création, développement de sites internet et webmarketing,
- la participation de M. [I], par le biais de sa holding, à hauteur de 33,33 % du capital de cette nouvelle société.
La SAS BREIZHBUZZ et ses associés fondateurs, considérant que ces agissements constituaient une violation de la clause de non-concurrence inscrite dans le pacte d'associés, ont initié une procédure de référé provision devant le président du tribunal de commerce de QUIMPER à l'encontre de M. [I] et de la société MIND THE GAP.
Par ordonnance du 12 juillet 2018, le juge des référés se déclarait incompétent et invitait les parties a mieux se pourvoir au fond.
Par acte du 14 février 2019, la société BREIZHBUZZ et ses associés fondateurs ont assigné M. [L] [I], Mme [F] [I] et la société MIND THE GAP, la société OCA et M. [V] devant le tribunal de commerce de Quimper.
Parallèlement, une procédure a été initiée par la société OCA pour obtenir le paiement d'honoraires restés impayés par BREIZHBUZZ.
Le tribunal de commerce de SAINT-BRIEUC, saisi de ce litige a ordonné par jugement du 20 janvier 2020 le renvoi de cette affaire devant 1e tribunal de commerce de QUIMPER, au regard de sa connexité avec la procédure initiée par la société BREIZHBUZZ.
Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal de commerce de Quimper a:
- joint les instances numéros 2019000991 et 2020000524 et les a déclarées communes.
- débouté la SAS BREIZHBUZZ et ses quatre associés fondateurs de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires exposées, tant à titre principal que subsidiaire, à l'encontre de M.[L] [I], Ia SARL MIND THE GAP, Mme [F] [I], la SA OUEST CONSEILSAUDIT et M. [V].
- ordonné à Mme [P] de procéder aux formalités juridiques relatives à l'approbation des comptes annuels pour les exercices 2017, 2018 et 2019, dans un délai de quatre mois à compter du prononcé du présent jugement et sous astreinte de 50 € par jour de retard.
- condamné la SAS BREIZHBUZZ à payer au cabinet OUEST CONSEILS AUDIT la somme 9187,16 €, au titre des honoraires impayés.
- dit qu'i1n'y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires.
- condamné la SAS BREIZHBUZZ, le cabinet OUEST CONSEILS AUDIT et monsieur [I]au paiement, par parts égales, des entiers dépens de la procédure.
Par décision du 30 juin 2021, l'Assemblée Générale de la société BREIZH BUZZ a prononcé l'exclusion de la société MIND THE GAP comme associée.
Appelantes de ce jugement, la société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [S], M. [P], Mme [Y], par conclusions du 13 avril 2023, ont demandé que la Cour:
- infirme le jugement du Tribunal de Commerce de QUIMPER du 25 juin 2021 en ce qu'il a débouté la société BREIZHBUZZ et ses quatre associés fondateurs de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires ;
- infirme le jugement du Tribunal de Commerce de QUIMPER du 25 juin 2021 en ce qu'il a condamné la société BREIZHBUZZ à payer à OUEST CONSEILS AUDIT la somme de 9.187,16 euros au titre des honoraires impayés ;
- confirme le jugement du Tribunal de Commerce de QUIMPER du 25 juin 2021 en ce qu'il a débouté l'ensemble des intimés de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Et, statuant de nouveau :
A TITRE PRINCIPAL :
- condamne solidairement la SARL MIND THE GAP et M. [L] [I] à payer à :
La SAS BREIZHBUZZ la somme de 10.000 € en application de la clause pénale pour violation de l'obligation de non-concurrence ;
Mme [X] [P] la somme de 10.000 € en application de la clause pénale pour violation de l'obligation de non-concurrence ;
Mme [T] [S] la somme de 10.000 € en application de la clause pénale pour violation de l'obligation de non-concurrence ;
M. [N] [P] la somme de 10.000 € en application de la clause pénale pour violation de l'obligation de non-concurrence ;
Mme [A] [Y] la somme de 10.000 € en application de la clause pénale pour violation de l'obligation de non-concurrence ;
- condamne solidairement Mme [F] [I] au paiement de ces sommes au titre de sa tierce complicité dans la violation de l'obligation de non-concurrence ;
- condamne solidairement la SARL MIND THE GAP, M. [L] [I] et Mme [F] [I] à payer la somme de 528.582 € au titre du préjudice matériel résultant de la concurrence déloyale ;
- condamne solidairement la SARL MIND THE GAP, M. [L] [I] et Mme [F] [I] à payer la somme de 15.000 € au titre du préjudice moral résultant de la concurrence déloyale ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 47.289,92 € au titre du préjudice matériel et financier résultant du redressement subi par leur faute ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral résultant du redressement subi par leur faute ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 1.200 € au titre du préjudice matériel pour manquement à l'obligation de soins et de diligences ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 20.000 € au titre du préjudice moral résultant de la violation de ses obligations d'indépendance et de loyauté ;
- assortisse la condamnation des intérêts légaux, à compter de la date de première présentation, à la société MIND THE GAP et à M. [L] [I], des mises en demeure réceptionnées le 19 avril 2018.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- condamne solidairement la SARL MIND THE GAP, M. [L] [I] et Mme [F] [I] à payer la somme de 528.582 € au titre du préjudice matériel résultant de la concurrence déloyale ;
- condamne solidairement la SARL MIND THE GAP, M. [L] [I] et Mme [F] [I] à payer la somme de 15.000 € au titre du préjudice moral résultant de la concurrence déloyale ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer à :
La SAS BREIZHBUZZ la somme de 10.000 € pour défaut à son devoir d'information et de conseil au regard de l'illicéité de la clause de non-concurrence ;
Mme [X] [P] la somme de 10.000 € pour défaut à son devoir d'information et de conseil au regard de l'illicéité de la clause de non-concurrence ;
Mme [T] [S] la somme de 10.000 € pour défaut à son devoir d'information et de conseil au regard de l'illicéité de la clause de non-concurrence ;
M.[N]e [P] la somme de 10.000 € pour défaut à son devoir d'information et de conseil au regard de l'illicéité de la clause de non-concurrence ;
Mme [A] [Y] la somme de 10.000 € pour défaut à son devoir d'information et de conseil au regard de l'illicéité de la clause de non-concurrence ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 47.289,92 € au titre du préjudice matériel et financier résultant du redressement subi par leur faute ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral résultant du redressement subi par leur faute ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 1.200 € au titre du préjudice matériel pour manquement à l'obligation de soins et de diligences ;
- condamne solidairement la société anonyme OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à payer la somme de 20.000 € au titre du préjudice moral résultant de la grave violation des obligations d'indépendance et de loyauté ;
- assortisse la condamnation des intérêts légaux, à compter de la date de première présentation, à la société MIND THE GAP et à M. [L] [I], des mises en demeure réceptionnées le 19 avril 2018.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- dise et juge irrecevable les demandes nouvelles de MIND THE GAP et M. [L] [I] concernant la prétendue nullité de l'exclusion prononcée le 30 juin 2021 et la convocation d'un comité de direction et d'une assemblée générale visant à approuver les comptes 2020 de la société
- A titre subsidiaire, les en débouter
- dise et juge irrecevable les demandes pécuniaires de MIND THE GAP et M. [L] [I] fondée sur la prétendue violation du pacte, faute de mise en demeure préalable ;
- A titre subsidiaire, les en débouter
- rejette la demande de forclusion et d'irrecevabilité formulée par OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à l'encontre de la SAS BREIZHBUZZ et l'en débouter ;
- rejette la demande d'irrecevabilité formulée par OUEST CONSEILS AUDIT et M. [H] [V] à l'encontre de Mme [X] [P], Mme [T] [S], M. [D] [L] [P] et Mme [A] [Y], et l'en débouter
- reçoive BREIZHBUZZ, Mme [X] [P], Mme [T]
[S], M. [N] [P] et Mme [A] [Y] en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- déboute OUEST CONSEILS AUDIT de toutes ses demandes au titre du paiement des honoraires et de l'article 700 du code de procédure civile .
- déboute MIND THE GAP et M. [L] [I] de toutes leurs autres demandes plus amples et contraires ;
- déboute Mme [F] [I] de toutes ses demandes ;
- condamne la SARL MIND THE GAP à verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [L] [I] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamne Mme [F] [I] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamne M. [H] [V] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamne OUEST CONSEILS AUDIT à verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamne solidairement la SARL MIND THE GAP, M. [L] [I], Mme [F] [I], M. [H] [V] et OUEST CONSEILS AUDIT en tous les dépens de la présente instance.
Par conclusions du 25 mai 2022, Mme [F] [I] a demandé que la Cour:
- confirme le jugement du Tribunal de Commerce de QUIMPER en date du 25 juin 2021,
- déboute la SAS BREIZHBUZZ, Madame [X] [P], Madame [T] [S], Monsieur [D] [P], Madame [A] [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamne solidairement la SAS BREIZHBUZZ, Madame [X] [P], Madame [T] [S], Monsieur [D] [P], Madame [A] [Y], à payer à Madame [F] [I] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamne les mêmes aux dépens.
Par conclusions du 24 mai 2023, la société MIND THE GAP et M. [L] [I] ont demandé que la Cour:
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société BREIZHBUZZ, Madame [X] [P], Madame [T] [S], Monsieur [N] [P] et Madame [A] [Y] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de Monsieur [L] [I] et la SARL MIND THE GAP,
- infirme le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau,
- prononce la nullité de la décision d'exclusion de la société MIND THE GAP en date du 30 juin 2021, pour défaut de motifs, les griefs invoqués étant ceux invoqués dans le cadre de la présente instance,
- condamne en conséquence Madame [X] [P], Présidente de la société BREIZHBUZZ, à verser à la société MIND THE GAP et également à Monsieur [L] [I] une somme à chacun de 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts, à raison :
- de son refus de réunir le comité de direction prévus par les statuts de la SAS BREIZHBUZZ et de faire mention de son existence sur l'extrait Kbis de la SAS BREIZHBUZZ,
- de son refus de réunir le comité de direction prévu par le pacte d'associés de la SAS BREIZHBUZZ depuis le mois de novembre 2016,
- de son refus d'avoir fait souscrire par la société BREIZHBUZZ les assurances prévues par le pacte d'associés,
- ordonne à Madame [X] [P], sous astreinte de 200,00 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :
- d'accomplir des formalités légales rendant opposable aux tiers la nomination des membres du comité de direction par mention sur l'extrait Kbis de la société,
- de convoquer les membres du comité de direction aux fins d'arrêter régulièrement les comptes annuels des années 2020 et 2021, de soumettre pour approbation ces comptes à l'assemblée générale de la société sans délai, puis de déposer ces comptes au greffe du Tribunal de commerce,
- de convoquer Monsieur [L] [I] au prochain comité stratégique hebdomadaire de la société BREIZHBUZZ,
- se réserve la liquidation des astreintes,
- rejette toutes demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [L] [I] et de la société MIND THE GAP,
- condamne chacun des demandeurs à verser à chacun des concluants une somme de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamne les demandeurs aux entiers frais et dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Eric DEMIDOFF, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 31 mai 2023, M. [H] [V] et la société OUEST CONSEILS AUDIT ont demandé que la Cour:
- juge la SAS BREIZH BUZZ, Madame [X] [P], Madame [T] [S], Monsieur [N] [P], Madame [A] [Y] irrecevables en leur appel et, à tout le moins, mal fondés,
EN CONSEQUENCE :
- déboute la SAS BREIZH BUZZ, Madame [X] [P], Madame [T] [S], Monsieur [N] [P], Madame [A] [Y] de leurs demandes, fins et conclusions
- confirme le jugement du Tribunal de Commerce de QUIMPER en ce qu'il a:
- joint les instances BREIZH BUZZ et associés C/ [I] et autres, et OUESTCONSEILS AUDIT C/ SAS BREIZH BUZZ et les a déclarées communes.
- débouté la SAS BREIZH BUZZ et ses quatre associés fondateurs de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires exposées, tant à titre principal que subsidiaire, à l'encontre de Monsieur [L] [I], la SARL MIND THE GAP, Madame [F] [I], la SA OUEST CONSEIL AUDIT et Monsieur [V].
- ordonné à Madame [P] de procéder aux formalités juridiques relatives à l'approbation des comptes annuels pour les exercices 2017, 2018 et 2019, dans un délai de quatre mois à compter du prononcé du présent jugement et sous astreinte de 50 € par jour de retard.
- condamné la SAS BREIZH BUZZ à payer au cabinet OUEST CONSEILS AUDIT la somme de 9.l87,l6 €, au titre des honoraires impayés.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- juge la société BREIZH BUZZ forclose à agir en responsabilité à l'encontre de la SA OUEST CONSEILS AUDIT et de Monsieur [H] [V]
- juge Madame [X] [P], Madame [T] [S], Monsieur[N]e [P], Madame [A] [Y] irrecevables en leurs demandes à l'encontre de la SA OUEST CONSEILS AUDIT et de Monsieur [H] [V]
- condamne la SAS BREIZH BUZZ, Madame [X] [P], Madame [T] [S], Monsieur [N] [P], Madame [A] [Y] au paiement d'une somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION:
Les demandes formées par la société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [T] [S], M. [P] et Mme [Y]:
Les demandes formées contre M. [L] [I] ès-nom, la société MIND THE GAP, et Mme [O] [I]:
La société BREIZHBUZZ et ses associés reprochent à M. [I] et à la société MIND THE GAP d'avoir violé la clause de non-concurrence insérée dans le pacte d'associés, ceci au motif que la société MIND THE GAP a pris une participation dans la société créée en décembre 2016 par la fille de M. [I], Mme [O] [I].
Cette société, dénommée WEBCOAST, a pour objet social la réalisation de sites internet et une activité de webmarketing, soit des activités qui seraient concurrentes de celles de la société BREIZHBUZZ.
La responsabilité de Mme [I] serait recherchée comme tiers complice à l'inexécution de l'obligation de son père.
Mme [I] est recherchée ès-nom, alors qu'elle était directeur général de la SAS WEB COAST, dans laquelle il est reproché à son père et à la société MIND THE GAP une prise de participation minoritaire.
En dehors de sa participation à une réunion de présentation de la société BREIHBUZZ, antérieure à la conclusion du pacte d'associés engageant M. [I] et la société MIND THE GAP, les appelants sont dans l'incapacité de décrire la moindre action de sa part démontrant d'une part qu'elle avait eu connaissance de la clause de non concurrence insérée dans le pacte d'associés de la société BREIZHBUZZ, d'autre part, un acte effectif favorisant la violation de ce pacte, ensuite, la moindre action caractérisée de concurrence déloyale, enfin l'existence d'un acte détachable de ses fonctions de dirigeante de la société WEB COAST.
Les demandes formées contre elle sont donc rejetées.
M. [I] est engagé dans le pacte d'associés de la société BREIZHBUZZ ès-nom et ès-qualités de représentant de la société MIND THE GAP, qui est une société holding dont l'objet social consiste dans des prises de participation.
Le pacte d'associés contient la clause suivante:
« Les associés fondateurs et les associés investisseurs s'interdisent sauf accord écrit et préalable du Comité de Direction:
- de créer ou de prendre part à une entreprise individuelle qui exerce des activités équivalentes ou concurrentes à celles de la société BREIZHBUZZ,
- de prendre directement ou indirectement toute participation dans le capital d'une société nouvelle ou existante qui exerce des activités équivalentes ou concurrentes à celles de la société BREIZHBUZZ, autrement que par l'intermédiaire de la société ».
Une clause de non-concurrence insérée dans un pacte d'associés est valide si elle est limitée dans le temps et dans l'espace et si elle est proportionnée aux intérêts de la personne qu'elle protège.
M. [I] et la société MIND THE GAP demandent à la Cour de prononcer la nullité de cette clause comme n'étant limitée ni dans le temps ni dans l'espace et comme étant disproportionnée aux intérêts de la société BREIZHBUZZ.
La clause est limitée dans le temps dans la mesure où le pacte d'associé est lui-même limité dans le temps, son article 11 prévoyant qu'il expire à l'issue d'un délai de sept années à compter de sa signature.
La clause, en revanche n'est pas limitée dans l'espace.
Contrairement à ce qu'indiquent la société BREIZHBUZZ et ses associés, l'activité dématérialisée de la création de sites internet ne justifie pas une telle amplitude géographique: les clients dont la société BREIZHBUZZ se prévaut pour justifier de son activité de création de site internet sont tous - à l'exception du lycée [16] - situés en Bretagne.
De la même façon, les clients que la société BREIZHBUZZ reproche à M. [I] d'avoir amené à la société de sa fille sont aussi situés en Bretagne.
Il en résulte la démonstration d'une activité très locale de la société BREIZHBUZZ sur la Bretagne qui ne justifie pas que, notamment, la société MIND THE GAP, qui est une société holding, ne puisse prendre des participations minoritaires dans des sociétés exerçant une activité concurrente sur d'autres régions, le risque de mise en concurrence avec la société BREIZHBUZZ apparaissant quasi nul.
La même analyse prévaut pour M. [I].
Disproportionnée aux intérêts de la société BREIZHBUZZ et non limitée dans l'espace, la clause de non-concurrence figurant à son pacte d'associés doit être annulée et aucun grief tiré de sa prétendue violation ne peut aboutir contre M. [I] et la société MIND THE GAP.
La société BREIZHBUZZ et ses associés reprochent aussi à M. [I] et à ses associés des actes de concurrence déloyale, sur un fondement délictuel: désorganisation de l'entreprise BREIZHBUZZ, violation du secret des affaires et du savoir-faire de la société BREIZHBUZZ.
La société BREIZHBUZZ exerce deux activités:
- une activité de création de sites internet tout à fait classique, qualifiée par sa gérante 'd'alimentaire',
- une activité d'innovation qui fait sa spécificité, justifiant les investissements réalisés par M. [I] et la société MIND THE GAP, visant à mettre au point une solution qui permettrait aux particuliers comme aux agences de communication de créer très facilement et sans aucune connaissance technique, un site internet: cette solution, en phase de recherche et développement à la date de la prise de participation de MIND THE GAP, est appelée "Clooziweb".
La désorganisation de la société BREIZHBUZZ proviendrait, selon la thèse des appelants, de manoeuvres entreprises par M. [I] auprès de M. [W], salarié de la société et principal développeur de la solution appelée Clooziweb.
Ayant soumis M. [W] à une pression importante, M. [I] aurait conduit ce dernier à démissionner, ce qui aurait handicapé la poursuite de la recherche sur la solution Clooziweb et conduit M. [I] à favoriser ensuite la société dirigée par sa fille.
Cette analyse est totalement démentie par le courriel adressé par M. [W] à Mme [X] [P] le 22 novembre 2016, dont il résulte que le motif de la prise de contact de M. [I] avec M. [W] est la possibilité d'un départ de ce dernier de l'entreprise BREIZHBUZZ, M. [W] n'ayant pas caché qu'il était à cette date au terme d'un processus d'embauche par une autre entreprise.
M. [W] ayant eu, selon les appelants, un rôle primordial dans le développement de l'innovation Clooziweb, le risque de son départ justifiait pleinement que M. [I] recherche quelles propositions (augmentation de ses responsabilités, de sa rémunération, prise de participation ...) pourraient le convaincre de renoncer à son projet de quitter la société BREIZHBUZZ.
En tout état de cause, le départ de M. [W] n'est pas dû à une quelconque action de M. [I] et le reproche est infondé.
S'agissant du partage de la solution innovante Clooziweb avec la société WEB COAST dirigée par sa fille, celle-ci ne repose sur aucune circonstance de fait tangible et, contrairement à ce que concluent les appelants, ne se déduit pas 'nécessairement' des connaissances de M. [I] du projet Clooziweb.
L'activité exercée pendant deux années par la société WEB COAST, désormais amiablement liquidée, a en effet été, au regard des pièces versées aux débats, une activité tout à fait classique de création de sites internet pour des sociétés ou à des évènements, et aucune pièce ne justifie les allégations des appelants.
Le reproche est aussi infondé.
En conséquence de ce qui précède, la société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [S], M. [P] et Mme [Y] sont déboutés de leurs prétentions contre M. [I] et la société MIND THE GAP.
Les demandes formées contre M. [V] et la société OUEST CONSEILS AUDIT:
La société BREIZHBUZZ a confié à la société OUEST CONSEILS AUDIT diverses missions sociales, comptables et juridiques.
Elle lui reproche:
- la rédaction d'une clause de non-concurrence nulle insérée dans le pacte d'associés,
- un manque d'indépendance vis à vis de M. [I], de Mme [I], de la société MIND THE GAP ainsi que de la société WEB COAST,
- un manquement à son obligation de soins et de diligences lors de l'exécution de la mission sociale,
- la gestion fautive du dossier fiscal de BREIZHBUZZ.
Sur la recevabilité des prétentions de Mme [P], de Mme [S], de M. [P], de Mme [Y]:
Mme [P], Mme [S], M. [P] et Mme [Y] sont les associés de la société BREIZHBUZZ.
Ils peuvent se prévaloir de préjudices personnels résultant de la rédaction d'une clause nulle dans le pacte d'associés, puisqu'ils étaient eux-mêmes signataires de ce pacte.
Les demandes en indemnisation qu'ils forment à ce titre ne sont donc pas irrecevables du seul chef de leur qualité d'associés de la société BREIZHBUZZ.
Sur la tardiveté de l'action :
Tous les griefs formulés par la société BREIZHBUZZ et ses associés, y compris l'éventualité que puisse être prononcée la nullité de la clause de non-concurrence insérée au pacte d'associés, ont fait l'objet d'une plainte de la société BREIZHBUZZ auprès du Conseil Régional de l'Ordre des experts comptables de Bretagne.
Quoique non datée, il se déduit de ses termes, visant la convention de séquestre des honoraires de la société OUEST CONSEILS AUDIT venant d'être constituée, qu'elle a été rédigée et adressée en recommandée au mois de juillet 2018.
Au demeurant les appelants ne contestent pas l'affirmation selon laquelle elle est datée du mois de juillet 2018.
L'assignation contre M. [V] et la société OUEST CONSEILS AUDIT date du 14 février 2019.
La société OUEST CONSEILS AUDIT se prévaut de ses conditions générales, qui contiennent la clause suivante:
« Le membre de l'Ordre assume dans tous les cas la responsabilité de ses travaux.
La responsabilité civile du membre de l'Ordre pouvant résulter de l'exercice de ses missions fait l'objet d'une assurance obligatoire dont le montant minimum est fixé par décret.
Tout évènement susceptible d'avoir des conséquences en matière de responsabilité doit être porté sans délai par le client à la connaissance de l'expert-comptable.
La responsabilité professionnelle du membre de l'Ordre, de l'un quelconque de ses associés, ou de ses intervenants ne pourra être engagée qu'en cas d'erreur, de négligence, ou d'omission intervenue et dûment prouvée dans la mise en œuvre du présent contrat.
Le membre de l'Ordre ne peut être tenu pour responsable ni des conséquences dommageables des fautes commises par des tiers intervenant chez le client, ni des retards d'exécution lorsque ceux-ci résultent d'une communication tardive des documents par le client.
Toute demande de dommages et intérêts ne pourra être produite que pendant une période de trois ans commençant à courir le premier jour de l'exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre. »
Elle considère que l'action des appelants est forclose comme n'ayant pas été introduite dans les trois mois ayant suivi le mois de juillet 2018.
Il doit être relevé que les quatre associés concluent expressément page 37 bénéficier d'une action contractuelle contre la société OUEST CONSEILS AUDIT et M. [V] au titre de la rédaction de la clause de non-concurrence, ce dont il résulte qu'ils considèrent nécessairement être engagés contractuellement par la mission lui ayant été confiée par la société BREIZHBUZZ.
La société BREIZHBUZZ a entretenu des relations contractuelles sur plusieurs années avec la société OUEST CONSEILS AUDIT et M. [V].
Elle a conclu une lettre de mission contractuelle en matière sociale le 24 octobre 2013, laquelle ne contenait pas de renvoi aux conditions générales.
Elle a signé une lettre de mission de présentation des comptes annuels le 1er avril 2014 qui ne contenait pas de renvoi aux conditions générales.
Elle a signé une lettre de mission de secrétariat juridique annuel le 1er avril 2014 contenant la reconnaissance des conditions générales figurant au verso, lesquelles contenaient la clause litigieuse, sans être toutefois signées de sa main.
Elle a signé le 27 avril 2017 une lettre de mission de secrétariat juridique annuel contenant renvoi aux conditions générales d'intervention contenant la clause susvisée, qu'elle a paraphées.
Elle a signé le 24 juillet 2016 une lettre de mission d'assistance à contrôle fiscal contenant renvoi à des conditions générales d'intervention contenant la clause susvisée qu'elle a paraphées, et dont il était précisé qu'elles étaient communes à toutes les missions.
Ces conditions générales et la clause susvisée ont donc été portées à la connaissance de la société BREIZHBUZZ et de ses associés. Elles ont aussi été acceptées pour toutes les missions confiées à partir du 24 juillet 2016, comme en témoignent les paraphes renouvelés portés par la représentante de la société BREIZHBUZZ.
Les appelants font valoir cette clause serait toutefois inopposable car ambiguë et peu claire, le client ne sachant pas quelle action doit être introduite dans un délai de trois mois: celle contre le membre du conseil de l'Ordre, celle contre l'expert-comptable, celle contre la société.
Cet argument n'est pas pertinent: la clause rappelle seulement dans son premier alinéa le caractère règlementé de l'activité exercée, qui conduit à la responsabilité personnelle du membre de l'Ordre des experts comptables faisant partie de la société OUEST CONSEILS AUDIT, y compris s'il devait être son préposé.
Elle vise ensuite la faute commise par l'un quelconque des préposés ou intervenants pour le compte de la société OUEST CONSEILS AUDIT, qui sont précisément décrits;
Elle se termine par 'toute action', terme clair qui envisage toute action quelle qu'elle soit.
Ils font ensuite valoir que cette clause serait révélatrice d'un déséquilibre significatif au sens des dispositions de l'article 1171 du code civil dans les relations entre les parties, le délai d'action du client étant très inférieur au délai d'action du professionnel (pour recouvrer ses honoraires), et ce, sans contrepartie.
Les conditions d'application de l'article 1171 sont remplies dans la mesure où les conditions générales de la société OUEST CONSEILS AUDIT sont des clauses déterminées à l'avance par la société OUEST CONSEILS AUDIT et non négociées.
Les relations entre la société BREIZHBUZZ et la société OUEST CONSEILS AUDIT ne sont pas celles de deux partenaires commerciaux, ni celles d'un consommateur et d'un professionnel, ce dont il résulte qu'aucune disposition spéciale relative au déséquilibre significatif ne fait obstacle à l'application des dispositions de l'article 1171 du code civil.
Pour autant, la clause litigieuse ne remet pas en question la possibilité d'engagement par le client de la responsabilité de la société OUEST CONSEILS AUDIT et de M. [V], ne faisant qu'instituer un délai pour introduire l'action, lequel est inséré dans des limites raisonnables et permettant un accès réel au juge.
Dès lors, le grief n'est pas fondé et l'action indemnitaire de la société BREIZHBUZZ et de ses associés contre M. [V] et la société OUEST CONSEILS AUDIT est irrecevable comme forclose.
Les demandes de M. [I] et de la société MIND THE GAP:
Sur la nullité de la décision d'exclusion:
Par décision du 30 juin 2021, l'assemblée générale mixte de la société BREIZHBUZZ a prononcé l'exclusion de la société MIND THE GAP comme associé, en invoquant l'article 16 des statuts de la société BREIHBUZZ et une réunion préalable, dont la date n'était pas précisée, où la société MIND THE GAP avait pu se voir exposer les griefs retenus contre elle ainsi que faire valoir ses moyens de défense.
A été versée aux débats par la société BREIZHBUZZ le courrier adressé en recommandé le 07 mai 2021 à la société MIND THE GAP et ayant pour objet 'l'ouverture d'une procédure d'exclusion à votre encontre.
Sa lecture permet de constater que les motifs de l'exclusion envisagée sont:
- l'exercice par MIND THE GAP d'une activité concurrente par son investissement financier et intellectuel dans la société WEB COAST,
- la mésentente durable et le défaut d'affection societatis : connexions suspectes à la société Clooziweb, remise en cause de l'autorité de la présidente alors hospitalisée, immixtion dans la gestion des ressources humaines (M. [W]), refus de monter au capital faute de levée de la clause de non-concurrence,
- le désaccord sur la gestion, les objectifs et la stratégie de la société, qui se manifesterait notamment dans 'vos écritures judiciaires',
- les manquements de MIND THE GAP à ses obligations, pour lesquelles il est écrit 'je vous renvoie aux conclusions prises en faveur de BREIZHBUZZ dans le contentieux judiciaire nous opposant'.
La demande d'annulation de l'exclusion, quoique nouvelle en appel, repose sur l'existence d'un fait nouveau, puisque l'exclusion a été prononcée cinq jours après le prononcé du jugement déféré.
La demande, aux termes des dispositions de l'article 564, ne peut donc se voir appliquer une quelconque irrecevabilité due à sa nouveauté.
Ensuite, elle présente un lien évident avec le litige dans la mesure où les griefs exposés contre la société MIND THE GAP sont précisément ceux examinés à l'occasion de la présente instance, à telle enseigne que la société BREIZHBUZZ renvoie pour leur expression à ses conclusions judicaires.
La prétention de la société MIND THE GAP visant à voir annuler la décision de l'assemblée générale est par conséquent recevable.
Outre les griefs faisant l'objet de la présente instance et dont la Cour et le premier juge ont dit qu'ils étaient infondés, l'article 16 des statuts de la société BREIZHBUZZ, visé dans la délibération du 30 juin 2021, prévoit les conditions d'exclusion d'un associé.
Les motifs en sont: le défaut d'affectio societatis, la mésentente durable entre associés, le désaccord persistant sur la gestion, les objectifs et la stratégie de la société, les manquements d'un associé à ses obligations, la dissolution, le redressement ou la liquidation judiciaire, le changement de contrôle au sens de l'article L233-3 du code de commerce, l'exercice d'une activité concurrente, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une filiale ou apparentée, la violation d'une disposition statutaire, l'opposition continue aux décision proposées par le président de la société pendant deux exercices consécutifs, un condamnation pénale ou une condamnation judiciaire susceptible de mettre en cause l'image de la société.
Il doit toutefois être relevé qu'entre le 10 janvier 2017 et 2021 ne s'est tenue aucune assemblée générale, ceci en violation des statuts comme de la législation, ce dont il se déduit que les griefs de défaut d'affectio societatis, de mésentente durable, de désaccord persistant sur la gestion de la société, reprochés à la société MIND THE GAP, n'ont pu se manifester formellement.
D'autre part, les échanges de courriels versés aux débats démontrent que dès l'intervention de M. [I] auprès de M. [W], en novembre 2016, dont il a été dit par la Cour qu'elle n'était pas fautive, les échanges se sont tendus entre Mme [P] et M. [I], la présidente de la société BREIZHBUZZ n'ayant pas supporté ce qu'elle considérait comme une remise en question de son autorité.
Toutefois, aucune pièce ne justifie la teneur des relations qu'ont entretenu les associés entre 2017 et le 30 juin 2021.
Il n'apparaît pas que durant ces quatre années, la société MIND THE GAP ait empêché d'une quelconque façon la société BREIZH BUZZ de fonctionner.
Il n'apparait pas non plus que la société MIIND THE GAP ait souhaité son retrait de la société BREIZHBUZZ : ayant proposé en novembre 2016 de céder sa participation à un nouvel investisseur, elle continuait son courriel en précisant qu'à défaut, elle se contenterait de prendre part aux assemblées générales et d'assumer comme les autres investisseurs l'avenir de l'entreprise.
Les griefs relevés dans la procédure d'exclusion sont relatifs à des faits de 2016 et 2017 et la procédure d'exclusion apparaît donc tardive, la société BREIZHBUZZ ayant fonctionné normalement durant les cinq années ayant précédé l'exclusion, sans qu'à aucun moment son activité ne soit entravée par la société MIND THE GAP.
Survenue cinq jours après une décision judiciaire assortie de l'exécution provisoire déclarant infondés les griefs invoqués, la décision d'exclusion apparaît relevée d'un abus de majorité visant, pour les associés fondateurs ayant voté l'exclusion, à échapper aux obligations tirées de l'article 2 du pacte d'associés, notamment quant à la détermination du prix des actions de l'associé investisseur.
En effet, le pacte d'associés contient une promesse de vente de ses parts sociales de la société MIND THE GAP aux autres associés, dont la levée devait être demandée par ces derniers entre le 04 mars 2021 et le 04 septembre 2021, soit précisément durant la période à laquelle la décision d'exclusion est intervenue.
La levée de la promesse entrainait toutefois obligation d'achat à un certain prix, déterminé à l'article 2-2-4 du pacte d'associés, distinct de l'évaluation à dire d'expert auquel serait fixé le prix des parts sociales en cas d'exclusion.
En tout état de cause, la simple application du pacte aurait permis que la société MIND THE GAP ne soit plus associée.
La décision d'exclusion apparaît dès lors ne pas avoir été prise dans l'intérêt de la société BREIZHBUZZ mais dans l'intérêt des seuls associés majoritaires.
Il est fait droit à la demande d'annulation.
Sur les demandes relatives au comité de direction :
Le pacte d'associés prévoit la création d'un comité de direction chargé d'effectuer des propositions.
Il est précisé que ce comité n'a qu'un avis consultatif.
Dès lors, il ne fait pas partie des organes assimilés à ceux listés par les dispositions de l'article R123-54 du code de commerce et n'a pas à être révélé au registre du commerce.
La demande visant à obliger la présidente de la société BREIZHBUZZ à procéder à cette révélation auprès du registre du commerce est rejetée.
Ensuite, compte tenu de son rôle purement consultatif, il n'y a pas lieu d'ordonner sous astreinte la réunion de ce comité.
La demande est rejetée.
Sur la demande relative aux comptes annuels 2020 et 2021:
Ces demandes sont recevables car fondées sur la survenance de faits nouveaux, soit l'absence de tenue des assemblée générales d'approbation des comptes annuels pour ces années.
Elles sont par ailleurs connexes aux demandes présentées devant le premier juge et relatives aux comptes des années antérieures.
S'agissant de formalités légales non respectées, la Cour fait droit aux demandes et il est enjoint à Mme [P] de procéder aux formalités juridiques relatives à l'approbation des comptes annuels pour les exercices 2020 et 2021 dans un délai de quatre mois à compter de la date du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai d'un mois à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit.
Aucun motif ne justifie que la Cour se réserve la liquidation des astreintes.
Sur les demandes de dommages et intérêts de M. [I] et de la société MIND THE GAP:
M. [I] et la société MIND THE GAP demandent que 'Mme [P] présidente de la société BREIZHBUZZ' soit condamnée à leur payer à chacun une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts indemnisant les préjudices consécutifs à son refus de réunir le comité de direction, de révéler son existence au registre du commerce, d'avoir fait souscrire par la société BREIZHBUZZ les assurances prévues par le pacte d'associé (assurance homme clé).
Une clause pénale de ce montant est prévue au pacte d'associés, à la charge de la partie n'ayant pas exécuté le pacte et au bénéfice de la partie victime de l'inexécution.
Pour autant, sont empressements demandés des dommages et intérêts réparant le préjudice causé et non l'application de la clause pénale insérée au pacte.
Le préjudice résultant du refus de réunir un comité à l'avis simplement consultatif n'est pas caractérisé par M. [I] et la société MIND THE GAP, qui en novembre 2016 avaient pris acte de la mésentente survenue avec la dirigeante de la société BREIZHBUZZ et indiqué s'en tenir à une participation aux assemblées générales.
Le risque résultant de l'absence de souscription de l'assurance 'homme clef' n'a pas été réalisé; une telle assurance a été souscrites en 2020, quoique d'un montant très inférieur à celui prévu par le pacte.
En tout état de cause, le préjudice n'est pas constitué.
La demande est rejetée.
Sur les demandes de la société OUEST CONSEILS AUDIT:
La société OUEST CONSEILS AUDIT demande le paiement de factures impayées.
Ces factures sont relatives aux missions confiées par la société BREIZHBUZZ à la société OUEST CONSEILS AUDIT.
Les factures relatives à l'établissement des comptes ne peuvent être contestées: les comptes annuels ont été établis.
Le contrôle fiscal dont a fait l'objet la société BREIZHBUZZ était relatif au Crédit Impôt Recherche.
Il résulte des pièces versées aux débats que pour les années 2013-2014 et 2015 ayant fait l'objet du contrôle fiscal, la société BREIZHBUZZ était assistée d'un conseil spécialisé, la société INICIATIVAS, pour les démarches y afférent, la société OUEST CONSEILS AUDIT se bornant à la transmission de pièces comptables.
A partir de mars 2016, la société BREIZHBUZZ a demandé à la société OUEST CONSEILS AUDIT de se substituer à la société INICIATIVAS pour les demandes futures, ce qu'elle a refusé, la renvoyant vers un conseil spécialisé.
Sa responsabilité ne peut être recherchée du fait du contrôle fiscal.
En revanche, elle a, conformément à la demande et la lettre de mission signée par la société BREIZHBUZZ, assisté cette dernière lors du contrôle fiscal, conjointement avec les conseils spécialisés de la société BREIZHBUZZ.
Les courriels versés aux débats témoignent de la réalité de cette assistance et des nombreuses demandes de Mme [P] auxquelles il a été répondu: si la société OUEST CONSEILS AUDIT n'a pas eu la responsabilité de la partie juridique de l'assistance, elle a fourni de nombreux éléments comptables et explications au vérificateur.
Les honoraires sont dus.
De la même façon, l'examen des courriels relatifs à la mission sociale, notamment quant au traitement de l'arrêt de travail de Mme [P] témoignent de réponses rapides à toutes ses interrogations.
Cette dernière ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de se faire indemniser et n'a jamais émis de grief particulier dans l'exécution de cette mission.
Les pièces versées aux débats ainsi que les éléments discutés dans le cadre du litige démontrent que la société BREIZHBUZZ a dénoncé les missions de la société OUEST CONSEILS AUDIT en raison de ses liens avec M. [I] et la société MIND THE GAP et non en raison de la qualité de ses prestations.
En tout état de cause les griefs sont infondés et les factures sont dues.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles:
La société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [S], M. [P], Mme [Y] qui succombent, sont solidairement condamnés aux dépens d'appel.
Sous la même solidarité, ils paieront à Mme [I] la somme de 3.000 euros de frais irrépétibles d'appel.
Les autres demandes sont rejetées.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [S], M. [P], Mme [Y], de leurs demandes contre la société OUEST CONSEILS AUDIT et contre M. [V].
Statuant à nouveau:
Déclare irrecevables comme forcloses les prétentions émises par la société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [S], M. [P], Mme [Y], contre la société OUEST CONSEILS AUDIT et contre M. [V].
Confirme pour le solde le jugement déféré.
Y ajoutant:
Prononce la nullité de la décision prise le 21 juin 2021 par l'Assemblée Générale de la société BREIZH BUZZ et ayant prononcé l'exclusion en tant qu'associée de la société MIND THE GAP.
Ordonne à Mme [X] [P] de procéder aux formalités juridiques relatives à l'approbation des comptes annuels pour les exercices 2020 et 2021, dans un délai de quatre mois à compter du prononcé du présent jugement et sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant un délai d'un mois à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit.
Rejette le solde des demandes de M. [L] [I] et de la société MIND THE GAP.
Condamne solidairement la société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [S], M. [P], Mme [Y] aux dépens d'appel.
Condamne solidairement la société BREIZHBUZZ, Mme [P], Mme [S], M. [P], Mme [Y] à payer à Mme [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette les autres demandes de frais irrépétibles.