Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 5 octobre 2023, n° 22/09591
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 05 OCTOBRE 2023
N° 2023/279
Rôle N° RG 22/09591
N° Portalis DBVB-V-B7G-
BJVVZ
Société SGH LA COUPOLE
SCP BR ASSOCIES
C/
[F] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Pierre-yves IMPERATORE
MINISTERE PUBLIC
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal judiciaire de Toulon en date du 07 juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/02733
APPELANTES
SARL SGH LA COUPOLE
représenté par son gérant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCP BR ASSOCIES
prise en la personne de Maître [H] [L], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [F] [J]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Jérôme NOVEL, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès VADROT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Madame Agnès VADROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 octobre 2023,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, et Madame Laure METGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
En 1997, la SCI LA COUPOLE (devenue Société Méridionale d'investissement) a construit une résidence hôtelière pour personnes âgées autonomes divisée en lots dont l'acquisition était éligible au dispositif de défiscalisation Perissol.
La commercialisation des lots a été confiée à la société Capitole Investissement qui proposait les appartements à la vente. La Société de Gestion Hôtelière La Coupole (SGH La Coupole) a été constituée afin de pouvoir offrir les appartements à la location sous le régime de la résidence hôtelière.
Par acte authentique du 24 juillet 1997, Monsieur [F] [J] a fait l'acquisition de plusieurs lots en l'état futur d'achèvement et a, conformément à l'acte de réservation prévoyant la conclusion d'un bail commercial entre l'acquéreur et une société de gestion, consenti, en date du 18 décembre 1997, à la SGH La Coupole un bail commercial de 9 ans.
Par acte en date du 28 février 2007, le bailleur a fait délivrer à la SGH La Coupole, au visa de l'article L145-17 du code de commerce, un congé à effet du 29 septembre 2007 avec refus de l'indemnité de renouvellement et d'indemnité d'éviction, en invoquant notamment la conclusion de contrats de sous-location irréguliers en l'absence de participation du bailleur à l'acte.
Par exploit en date du 21 septembre 2009, la SGH La Coupole a assigné Monsieur [J] aux fins de faire constater notamment que le congé reposait sur des motifs erronés et que faute d'une mise en demeure préalable au congé, elle était en droit de percevoir une indemnité d'éviction.
En réponse, [F] [J] a notamment soulevé la nullité des baux pour dol, la validité du congé, la résiliation du bail commercial, l'expulsion de la locataire et la fixation de l'indemnité d'occupation.
Par jugement en date du 25 novembre 2010, le tribunal de grande de instance de Toulon a':
- déclaré prescrite l'action en nullité du bail pour dol,
- débouté Monsieur [J] de sa demande en validité du congé comportant refus de renouvellement du bail, pour motifs graves et légitimes, sans indemnité d'éviction,
- rejeté en conséquence toutes ses demandes,
- a déclaré Monsieur [J] redevable d'une indemnité d'éviction,
- ordonné avant dire droit une expertise aux fins d'être éclairé sur le montant de l'indemnité d'éviction,
Par arrêt en date du 18 janvier 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisie par l'appel principal interjeté par Monsieur [J], a infirmé le jugement déféré et a':
- validé le congé délivré pour motif grave et légitime ;
- déclaré la SGH La Coupole occupant sans droit ni titre depuis le 29 septembre 2007 et lui a ordonné de libérer les lieux ;
- débouté Monsieur [J] de sa demande d'astreinte ;
- condamné la SGH La Coupole à payer à Monsieur [J] une indemnité d'occupation trimestrielle de 2.000 euros HT ;
- débouté Monsieur [J] de sa demande au titre d'un préjudice moral ;
- condamné la SGH à payer à Monsieur [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par suite du pourvoi formé par la SGH La Coupole, cette décision a été cassée dans toutes ses dispositions, par arrêt de la cour de cassation en date du 15 avril 2015 qui a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
L'affaire a été réinscrite au rôle par suite de la déclaration de Monsieur [J] en date du 13 novembre 2015.
Par arrêt en date du 18 mai 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement déféré en date du 25 novembre 2010, en ce qu'il avait':
- débouté Monsieur [F] [J] de sa demande en validité du congé comportant refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes sans indemnité d'éviction ;
- déclaré Monsieur [J] redevable d'une indemnité d'éviction ;
- ordonné avant dire droit une expertise aux fins d'être éclairé sur le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation ;
Et y ajoutant, la cour a notamment :
- fixé provisoirement l'indemnité d'occupation due par la SGH La Coupole à Monsieur [J] à la somme de 1.887,57 euros par trimestre ;
- ordonné la compensation entre le solde de l'indemnité d'occupation due par la SGH La Coupole et l'indemnité due par Monsieur [J] à la SGH La coupole au titre de l'article 700 du code de procédure civile fixée par arrêt de la cour de cassation en date du 15 avril 2015 (3.000 euros) ;
- réservé les demandes formées par la SGH La coupole aux fins de compensation entre les deux indemnités et d'anatocisme ;
- réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile les frais et les dépens.
L'expert a déposé son rapport au greffe du tribunal de grande instance de Toulon le 4 novembre 2019.
Par ordonnance en date du 7 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de TOULON a, après avoir relevé l'absence de diligences des parties depuis au moins 2 ans, constaté d'office la péremption de l'instance.
Par déclaration en date du 4 juillet 2022, la SARL SGH La Coupole et la SCP BR Associés prise en la personne de Maître [H] [L] agissant en qualité de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ont interjeté appel de cette décision et intimé Monsieur [F] [J].
Par conclusions déposées et signifiées en date du 31 Août 2022 puis notifiées par le RPVA le 20 octobre 2023 à Maître [I] et le 5 avril 2023 au ministère public, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SARL SGH La Coupole et la SCP BR Associés ès qualités de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte par jugement du tribunal de commerce de Toulon en date du 2 octobre 2017, demandent à la cour de':
- déclarer l'appel recevable et bien fondé ;
- réformer l'ordonnance en tout point ;
Et statuant à nouveau,
- juger qu'il n'y a pas lieu à constater la péremption de l'instance ;
En conséquence,
- déclarer recevables les conclusions notifiées le 12 avril 2022 ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Ils exposent que depuis le prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 18 mai 2017, la SGH La Coupole a été placée en procédure de sauvegarde selon décision du tribunal de commerce en date du 2 octobre 2017; que Monsieur [J] a déclaré sa créance mais n'a pas attrait le mandataire judiciaire de sorte que la procédure s'est trouvée suspendue jusqu'à ce que la SCP BR & ASSOCIES donne son accord pour intervenir volontairement, en suite de quoi, la SGH La Coupole a sollicité le ré enrôlement de l'affaire et a notifié le 12 avril 2022 ses conclusions de «'reprise d'instance et d'intervention volontaire après expertise et ouverture d'une procédure de sauvegarde'».
Ils font valoir qu'il résulte des dispositions des articles L622-22 et suivants du code de commerce que les instances en cours, au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, sont interrompues de plein droit par le jugement d'ouverture par l'effet de l'article 369 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que l'instance a été suspendue de plein droit du fait de l'ouverture de la procédure collective et que ce n'est qu'à partir de l'intervention du mandataire judiciaire que l'instance a repris et que le délai de péremption a recommencé à courir.
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 12 octobre 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [F] [J] demande à la cour, au visa des articles 386 et suivants du code de procédure civile et L622-22 du code de commerce, de':
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon le 7 juin 2022 ;
- condamner la société SGH LA COUPOLE à verser 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société SGH LA COUPOLE aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE représentée par Maître Pierre-Yves IMPERATORE, avocat sur son affirmation de droit.
L'intimé expose qu'il se déduit des articles 369 du code de procédure civile et L 622-22 du code de commerce que le jugement qui ouvre la procédure de sauvegarde interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
Il soutient qu'en l'espèce l'instance en cours ne tend pas à la condamnation de la SGH La Coupole au paiement d'une somme d'argent mais porte sur l'évaluation d'une indemnité d'éviction au profit de cette dernière.
Il en déduit que l'instance n'a pas été interrompue et qu'en l'absence de diligences pendant au moins deux années, elle se trouve périmée.
Par avis en date du 30 mars 2023, le ministère public requiert la confirmation de la décision entreprise, relevant qu'il résulte des dispositions de l'article L622-12 du code de commerce que l'interruption des instances en cours ne s'appliquent qu'à celles qui tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions de l'article 386 et de l'article 388 alinéa 2 du code de procédure civile que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans et que le juge peut constater d'office la péremption après avoir invité les parties à s'expliquer.
Selon l'article 392 du code de procédure civile l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.
L'article 369 du code de procédure civile retient parmi les causes d'interruption de l'instance qu'il énumère limitativement, le jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.
L'article L622-22 du code de commerce dispose quant à lui que sous réserve des dispositions de l'article L625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et le cas échéant l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L626-25, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Il se déduit de ces dispositions légales et de la jurisprudence que :
- le régime des instances en cours ne s'applique pas aux créances dont le débiteur est bénéficiaire. L'instance doit être en cours contre le débiteur.
- l'instance en cours est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant d'une créance
- l'interruption de l'instance et conséquemment, du délai de péremption d'instance, ne vaut qu'à l'encontre du débiteur. Il en résulte qu'il appartient au créancier de faire toute démarche utile pour reprendre l'instance dans le délai de deux ans sous peine de péremption.
- le délai de péremption ne recommence à courir qu'à compter de la reprise d'instance.
Dans son arrêt du 18 mai 2017, la cour d'appel a confirmé le jugement querellé en ce qu'elle a ordonné avant dire droit une expertise aux fins d'être éclairé sur le montant de l'indemnité d'éviction dont la cour a jugé que Monsieur [J] était redevable envers la SGH La Coupole mais également aux fins d'être éclairé sur l'indemnité d'occupation due par la SGH La Coupole à Monsieur [J] et dont la cour a fixé provisoirement le montant à la somme de 1887,57 euros par trimestre tout en ordonnant la compensation entre le solde de cette indemnité et la somme due par Monsieur [J], en suite de l'arrêt de la cour de cassation, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instance qui tend à déterminer le montant de l'indemnité d'éviction due par [F] [J] à la SGH La coupole n'est pas en cours contre le débiteur objet de la mesure de sauvegarde. Elle se trouve par conséquent exclue du champ d'application de l'article L622-22 du code de commerce.
Il n'est pas contesté que le rapport d'expertise a été déposé au greffe du tribunal de grande instance de TOULON le 4 novembre 2019.
Il résulte des éléments de la procédure que les parties n'ont accompli, à compter de cette date et jusqu'à la notification par la SARL SGH LA COUPOLE et la SCP BR ASSOCIES es qualités de mandataire judiciaire, de leurs conclusions de «'reprise d'instance et d'intervention volontaire'» en date du 12 avril 2022, aucun acte de nature à faire progresser la procédure.
Il s'en suit que l'instance ayant pour objet la détermination du montant de la somme due par [F] [J] à la SGH LA COUPOLE au titre de l'indemnité d'éviction est périmée.
La demande reconventionnelle de [F] [J] aux fins de fixation de l'indemnité d'occupation à lui devoir par la SGH LA COUPOLE est une instance dirigée contre le débiteur ayant pour but l'obtention d'une décision définitive sur le montant de sa créance.
Il est constant que par jugement en date du 2 octobre 2017, et alors que l'expertise ordonnée était en cours, le tribunal de commerce de TOULON a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SGH LA COUPOLE ayant eu pour effet, en application de l'article L622-22 du code de commerce, d'interrompre l'instance et conséquemment le délai de péremption.
Cette interruption ne pouvant se faire qu'au profit de la personne soumise à la procédure, il appartenait dès lors au créancier d'effectuer toutes les diligences utiles pour reprendre l'instance dans le délai de deux ans.
S'il est établi que [F] [J] a déclaré, le 8 décembre 2017, à titre provisionnel entre les mains de Maître [H] [L], représentant la SCP BR ASSOCIES ès qualité, une créance d'un montant de 5.390,12 euros correspondant pour partie à l'arriéré d'indemnités d'occupation provisoire, il appert qu'il n'a pas procédé à la mise en cause du mandataire judiciaire dans le délai de deux ans.
Il s'en suit que l'instance ayant pour objet la détermination du montant de la somme due par la SGH LA COUPOLE à [F] [J] au titre de l'indemnité d'occupation est périmée.
L'ordonnance entreprise sera confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SARL SGH qui succombe sera condamnée aux dépens.
Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à la [F] [J] l'intégralité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
La SARL SGH LA COUPOLE sera condamnée à lui verser la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement après débats publics, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME l'ordonnance de péremption rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulon le 7 juin 2022,
CONDAMNE la SARL SGH LA COUPOLE a verser à [F] [J] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SARL SGH LA COUPOLE aux dépens, distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE représentée par Maître Pierre-Yves IMPERATORE, avocat sur son affirmation de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 05 OCTOBRE 2023
N° 2023/279
Rôle N° RG 22/09591
N° Portalis DBVB-V-B7G-
BJVVZ
Société SGH LA COUPOLE
SCP BR ASSOCIES
C/
[F] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Pierre-yves IMPERATORE
MINISTERE PUBLIC
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal judiciaire de Toulon en date du 07 juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/02733
APPELANTES
SARL SGH LA COUPOLE
représenté par son gérant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCP BR ASSOCIES
prise en la personne de Maître [H] [L], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [F] [J]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Jérôme NOVEL, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès VADROT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Madame Agnès VADROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 octobre 2023,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, et Madame Laure METGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
En 1997, la SCI LA COUPOLE (devenue Société Méridionale d'investissement) a construit une résidence hôtelière pour personnes âgées autonomes divisée en lots dont l'acquisition était éligible au dispositif de défiscalisation Perissol.
La commercialisation des lots a été confiée à la société Capitole Investissement qui proposait les appartements à la vente. La Société de Gestion Hôtelière La Coupole (SGH La Coupole) a été constituée afin de pouvoir offrir les appartements à la location sous le régime de la résidence hôtelière.
Par acte authentique du 24 juillet 1997, Monsieur [F] [J] a fait l'acquisition de plusieurs lots en l'état futur d'achèvement et a, conformément à l'acte de réservation prévoyant la conclusion d'un bail commercial entre l'acquéreur et une société de gestion, consenti, en date du 18 décembre 1997, à la SGH La Coupole un bail commercial de 9 ans.
Par acte en date du 28 février 2007, le bailleur a fait délivrer à la SGH La Coupole, au visa de l'article L145-17 du code de commerce, un congé à effet du 29 septembre 2007 avec refus de l'indemnité de renouvellement et d'indemnité d'éviction, en invoquant notamment la conclusion de contrats de sous-location irréguliers en l'absence de participation du bailleur à l'acte.
Par exploit en date du 21 septembre 2009, la SGH La Coupole a assigné Monsieur [J] aux fins de faire constater notamment que le congé reposait sur des motifs erronés et que faute d'une mise en demeure préalable au congé, elle était en droit de percevoir une indemnité d'éviction.
En réponse, [F] [J] a notamment soulevé la nullité des baux pour dol, la validité du congé, la résiliation du bail commercial, l'expulsion de la locataire et la fixation de l'indemnité d'occupation.
Par jugement en date du 25 novembre 2010, le tribunal de grande de instance de Toulon a':
- déclaré prescrite l'action en nullité du bail pour dol,
- débouté Monsieur [J] de sa demande en validité du congé comportant refus de renouvellement du bail, pour motifs graves et légitimes, sans indemnité d'éviction,
- rejeté en conséquence toutes ses demandes,
- a déclaré Monsieur [J] redevable d'une indemnité d'éviction,
- ordonné avant dire droit une expertise aux fins d'être éclairé sur le montant de l'indemnité d'éviction,
Par arrêt en date du 18 janvier 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisie par l'appel principal interjeté par Monsieur [J], a infirmé le jugement déféré et a':
- validé le congé délivré pour motif grave et légitime ;
- déclaré la SGH La Coupole occupant sans droit ni titre depuis le 29 septembre 2007 et lui a ordonné de libérer les lieux ;
- débouté Monsieur [J] de sa demande d'astreinte ;
- condamné la SGH La Coupole à payer à Monsieur [J] une indemnité d'occupation trimestrielle de 2.000 euros HT ;
- débouté Monsieur [J] de sa demande au titre d'un préjudice moral ;
- condamné la SGH à payer à Monsieur [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par suite du pourvoi formé par la SGH La Coupole, cette décision a été cassée dans toutes ses dispositions, par arrêt de la cour de cassation en date du 15 avril 2015 qui a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
L'affaire a été réinscrite au rôle par suite de la déclaration de Monsieur [J] en date du 13 novembre 2015.
Par arrêt en date du 18 mai 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement déféré en date du 25 novembre 2010, en ce qu'il avait':
- débouté Monsieur [F] [J] de sa demande en validité du congé comportant refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes sans indemnité d'éviction ;
- déclaré Monsieur [J] redevable d'une indemnité d'éviction ;
- ordonné avant dire droit une expertise aux fins d'être éclairé sur le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation ;
Et y ajoutant, la cour a notamment :
- fixé provisoirement l'indemnité d'occupation due par la SGH La Coupole à Monsieur [J] à la somme de 1.887,57 euros par trimestre ;
- ordonné la compensation entre le solde de l'indemnité d'occupation due par la SGH La Coupole et l'indemnité due par Monsieur [J] à la SGH La coupole au titre de l'article 700 du code de procédure civile fixée par arrêt de la cour de cassation en date du 15 avril 2015 (3.000 euros) ;
- réservé les demandes formées par la SGH La coupole aux fins de compensation entre les deux indemnités et d'anatocisme ;
- réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile les frais et les dépens.
L'expert a déposé son rapport au greffe du tribunal de grande instance de Toulon le 4 novembre 2019.
Par ordonnance en date du 7 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de TOULON a, après avoir relevé l'absence de diligences des parties depuis au moins 2 ans, constaté d'office la péremption de l'instance.
Par déclaration en date du 4 juillet 2022, la SARL SGH La Coupole et la SCP BR Associés prise en la personne de Maître [H] [L] agissant en qualité de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ont interjeté appel de cette décision et intimé Monsieur [F] [J].
Par conclusions déposées et signifiées en date du 31 Août 2022 puis notifiées par le RPVA le 20 octobre 2023 à Maître [I] et le 5 avril 2023 au ministère public, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SARL SGH La Coupole et la SCP BR Associés ès qualités de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte par jugement du tribunal de commerce de Toulon en date du 2 octobre 2017, demandent à la cour de':
- déclarer l'appel recevable et bien fondé ;
- réformer l'ordonnance en tout point ;
Et statuant à nouveau,
- juger qu'il n'y a pas lieu à constater la péremption de l'instance ;
En conséquence,
- déclarer recevables les conclusions notifiées le 12 avril 2022 ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Ils exposent que depuis le prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 18 mai 2017, la SGH La Coupole a été placée en procédure de sauvegarde selon décision du tribunal de commerce en date du 2 octobre 2017; que Monsieur [J] a déclaré sa créance mais n'a pas attrait le mandataire judiciaire de sorte que la procédure s'est trouvée suspendue jusqu'à ce que la SCP BR & ASSOCIES donne son accord pour intervenir volontairement, en suite de quoi, la SGH La Coupole a sollicité le ré enrôlement de l'affaire et a notifié le 12 avril 2022 ses conclusions de «'reprise d'instance et d'intervention volontaire après expertise et ouverture d'une procédure de sauvegarde'».
Ils font valoir qu'il résulte des dispositions des articles L622-22 et suivants du code de commerce que les instances en cours, au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, sont interrompues de plein droit par le jugement d'ouverture par l'effet de l'article 369 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que l'instance a été suspendue de plein droit du fait de l'ouverture de la procédure collective et que ce n'est qu'à partir de l'intervention du mandataire judiciaire que l'instance a repris et que le délai de péremption a recommencé à courir.
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 12 octobre 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [F] [J] demande à la cour, au visa des articles 386 et suivants du code de procédure civile et L622-22 du code de commerce, de':
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon le 7 juin 2022 ;
- condamner la société SGH LA COUPOLE à verser 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société SGH LA COUPOLE aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE représentée par Maître Pierre-Yves IMPERATORE, avocat sur son affirmation de droit.
L'intimé expose qu'il se déduit des articles 369 du code de procédure civile et L 622-22 du code de commerce que le jugement qui ouvre la procédure de sauvegarde interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
Il soutient qu'en l'espèce l'instance en cours ne tend pas à la condamnation de la SGH La Coupole au paiement d'une somme d'argent mais porte sur l'évaluation d'une indemnité d'éviction au profit de cette dernière.
Il en déduit que l'instance n'a pas été interrompue et qu'en l'absence de diligences pendant au moins deux années, elle se trouve périmée.
Par avis en date du 30 mars 2023, le ministère public requiert la confirmation de la décision entreprise, relevant qu'il résulte des dispositions de l'article L622-12 du code de commerce que l'interruption des instances en cours ne s'appliquent qu'à celles qui tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions de l'article 386 et de l'article 388 alinéa 2 du code de procédure civile que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans et que le juge peut constater d'office la péremption après avoir invité les parties à s'expliquer.
Selon l'article 392 du code de procédure civile l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.
L'article 369 du code de procédure civile retient parmi les causes d'interruption de l'instance qu'il énumère limitativement, le jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.
L'article L622-22 du code de commerce dispose quant à lui que sous réserve des dispositions de l'article L625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et le cas échéant l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L626-25, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Il se déduit de ces dispositions légales et de la jurisprudence que :
- le régime des instances en cours ne s'applique pas aux créances dont le débiteur est bénéficiaire. L'instance doit être en cours contre le débiteur.
- l'instance en cours est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant d'une créance
- l'interruption de l'instance et conséquemment, du délai de péremption d'instance, ne vaut qu'à l'encontre du débiteur. Il en résulte qu'il appartient au créancier de faire toute démarche utile pour reprendre l'instance dans le délai de deux ans sous peine de péremption.
- le délai de péremption ne recommence à courir qu'à compter de la reprise d'instance.
Dans son arrêt du 18 mai 2017, la cour d'appel a confirmé le jugement querellé en ce qu'elle a ordonné avant dire droit une expertise aux fins d'être éclairé sur le montant de l'indemnité d'éviction dont la cour a jugé que Monsieur [J] était redevable envers la SGH La Coupole mais également aux fins d'être éclairé sur l'indemnité d'occupation due par la SGH La Coupole à Monsieur [J] et dont la cour a fixé provisoirement le montant à la somme de 1887,57 euros par trimestre tout en ordonnant la compensation entre le solde de cette indemnité et la somme due par Monsieur [J], en suite de l'arrêt de la cour de cassation, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instance qui tend à déterminer le montant de l'indemnité d'éviction due par [F] [J] à la SGH La coupole n'est pas en cours contre le débiteur objet de la mesure de sauvegarde. Elle se trouve par conséquent exclue du champ d'application de l'article L622-22 du code de commerce.
Il n'est pas contesté que le rapport d'expertise a été déposé au greffe du tribunal de grande instance de TOULON le 4 novembre 2019.
Il résulte des éléments de la procédure que les parties n'ont accompli, à compter de cette date et jusqu'à la notification par la SARL SGH LA COUPOLE et la SCP BR ASSOCIES es qualités de mandataire judiciaire, de leurs conclusions de «'reprise d'instance et d'intervention volontaire'» en date du 12 avril 2022, aucun acte de nature à faire progresser la procédure.
Il s'en suit que l'instance ayant pour objet la détermination du montant de la somme due par [F] [J] à la SGH LA COUPOLE au titre de l'indemnité d'éviction est périmée.
La demande reconventionnelle de [F] [J] aux fins de fixation de l'indemnité d'occupation à lui devoir par la SGH LA COUPOLE est une instance dirigée contre le débiteur ayant pour but l'obtention d'une décision définitive sur le montant de sa créance.
Il est constant que par jugement en date du 2 octobre 2017, et alors que l'expertise ordonnée était en cours, le tribunal de commerce de TOULON a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SGH LA COUPOLE ayant eu pour effet, en application de l'article L622-22 du code de commerce, d'interrompre l'instance et conséquemment le délai de péremption.
Cette interruption ne pouvant se faire qu'au profit de la personne soumise à la procédure, il appartenait dès lors au créancier d'effectuer toutes les diligences utiles pour reprendre l'instance dans le délai de deux ans.
S'il est établi que [F] [J] a déclaré, le 8 décembre 2017, à titre provisionnel entre les mains de Maître [H] [L], représentant la SCP BR ASSOCIES ès qualité, une créance d'un montant de 5.390,12 euros correspondant pour partie à l'arriéré d'indemnités d'occupation provisoire, il appert qu'il n'a pas procédé à la mise en cause du mandataire judiciaire dans le délai de deux ans.
Il s'en suit que l'instance ayant pour objet la détermination du montant de la somme due par la SGH LA COUPOLE à [F] [J] au titre de l'indemnité d'occupation est périmée.
L'ordonnance entreprise sera confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SARL SGH qui succombe sera condamnée aux dépens.
Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à la [F] [J] l'intégralité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
La SARL SGH LA COUPOLE sera condamnée à lui verser la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement après débats publics, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME l'ordonnance de péremption rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulon le 7 juin 2022,
CONDAMNE la SARL SGH LA COUPOLE a verser à [F] [J] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SARL SGH LA COUPOLE aux dépens, distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE représentée par Maître Pierre-Yves IMPERATORE, avocat sur son affirmation de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT