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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 novembre 2023, n° 21/05490

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Tapis Saint Maclou (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Lallement, Me Fraisse, Me Teytaud, Me Druesne

T. com. Lyon, du 15 févr. 2021, n° 2017J…

15 février 2021

FAITS ET PROCEDURE

La société Tapis Saint Maclou, créée en 1963, a pour activité le commerce de détails de tapis, moquettes, revêtements de murs et de sols.

Par contrat du 11 octobre 1973, elle a concédé à M. [R] [C] , propriétaire d'un magasin de 240 m² à [Localité 3], la licence d'exposer et de présenter à la vente tous les articles de sa gamme.

Par la suite, le 31 janvier 1984, les parties ont signé un protocole d'accord qui expose, en préambule, que les parties ont décidé de remplacer la convention du 11 octobre 1973 afin d'actualiser les accords antérieurs et de les placer dans le nouveau contexte commercial. Ce protocole renferme un nouveau contrat, intitulé convention de cession de licence, par lequel la société Tapis Saint Maclou a concédé à M. [R] [C] le droit d'exploiter son implantation commerciale de [Localité 6], dont la surface de vente est de 1.000 m², sous l'enseigne Saint Maclou, moyennant une commission de 18 % sur le chiffre d'affaires TTC, soit 21,35 % sur le chiffre d'affaires HT. La durée de ce contrat a été fixée à un an, prorogée d'année en année par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée six mois avant l'échéance annuelle.

En 1987, M. [R] [C] a créé la société Etablissements [R] [C] dont il a été désigné gérant. Par avenant du 2 novembre 1987, la société Tapis Saint Maclou a autorisé M. [R] [C] à exercer l'activité commerciale sous licence au nom des Etablissements [R] [C].

Par acte sous seing privé du 12 novembre 1987, M. [R] [C] a donné à bail à la société Etablissements [R][C], à titre de gérance libre, son fonds de commerce, en ce inclus le bénéfice du contrat du 31 janvier 1984.

En 1996, l'exploitation du fonds de commerce a été transférée dans la zone commerciale du Plateau des couleurs à [Localité 8], dans un local présentant une surface de vente de 1.100 m² et un dépôt d'une superficie de 100 m². Le 12 septembre 1996, M. [R] [C], agissant en sa qualité de gérant de la sci Label [Localité 8] a consenti un bail commercial sur ce local à la société Etablissements [R][C].

En 1999, le taux de commission a été porté à 20% sur le chiffre d'affaires TTC, soit 24,12 % sur le chiffre d'affaires HT.

Au cours des années 2011 à 2013, la société Etablissements [R][C] a demandé l'augmentation de ce taux de commission, mais aucun accord n'est ensuite intervenu entre les parties sur ce point.

Le 12 octobre 2015, la société Etablissements [R][C] a informé la société Tapis Saint Maclou que [E] [C] était son nouveau gérant au lieu et place de son père [R] [C]. La société Tapis Saint Maclou a donné son agrément à ce changement.

Par lettre recommandée du 20 juillet 2016 avec avis de réception, la société Etablissements A [C] a averti la société Tapis Saint Maclou de sa décision de mettre un terme au contrat du 31 janvier 1984. La société Tapis Saint Maclou, le 29 novembre 2016, a pris acte de cette résiliation et de la fin du contrat au 31 janvier 2017.

C'est dans ces circonstances que le 15 septembre 2017, M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] ont fait assigner la société Tapis Saint Maclou devant le tribunal de commerce de Lyon pour voir, à titre principal désigner un expert, subsidiairement dire que la défenderesse a soumis la société Etablissements [R][C] à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et l'entendre condamner à des dommages-intérêts au profit de M. [R] [C] et de la société Etablissements [R][C].

Par jugement du 15 février 2021, le tribunal a :

- débouté M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] de leur demande de désignation d'un expert,

- dit que le contrat de concession de licence a été conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- débouté M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] de leur demande relative à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- dit que M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] n'établissaient pas la preuve d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résultant de l'application du contrat les liant,

- dit qu'ils ne démontraient pas l'existence d'une exploitation abusive d'une dépendance économique par la société Tapis Saint Maclou,

- débouté M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] de toutes leurs demandes d'indemnisation,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné solidairement M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] aux entiers dépens ainsi qu'à payer la somme de 5.000 € à la société Tapis Saint Maclou par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 22 mars 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 11 septembre 2023, les appelants demandent à la cour, au visa des articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce ainsi que de l'article 1134 du code de commerce, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

Juger :

- que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce sont bien applicables en l'espèce,

- que la société Tapis Saint Maclou, en soumettant M.[C] et la société Etablissements [R][C] à des obligations qui n'ont pas été acceptées et qui ont créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, a engagé sa responsabilité,

- que la société Tapis Saint Maclou, en abusant de la dépendance économique de M. [C] et de la société Etablissements [R][C], a engagé sa responsabilité,

- que la société Tapis Saint Maclou a fait preuve d'une mauvaise foi manifeste en refusant de faire droit à la demande de M. [C] et de la société Etablissements [R][C] de revalorisation du taux de commission et a engagé sa responsabilité,

En conséquence :

- condamner la société Tapis Saint Maclou à payer à M. [R] [C] la somme forfaitaire de 336.103 € en réparation du préjudice résultant pour lui de la perte de son fonds de commerce et de ses abandons de créances,

- condamner la société Tapis Saint Maclou à payer à la société Etablissements [R] [C] la somme de 837.889 € en réparation du préjudice résultant des indemnités versées à ses salariés

(69.356 €) et résultant des résultats négatifs de l'exploitation, comprenant la commission perdue (565.208 €) et le non-paiement des loyers (203.325 €),

- débouter la société Tapis Saint Maclou de l'intégralité de ses demandes,

- assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire,

- condamner la société Tapis Saint Maclou aux dépens et à payer à M. [R] [C] et à la société Etablissements [R][C], chacun, la somme de 20.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 septembre 2023, la société Tapis Saint Maclou demande à la cour, au visa des articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce ainsi que de l'article 1134 du code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner M. [R][C] et la société Etablissements [R][C], solidairement, à lui verser la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023.

MOTIVATION

Les appelants ne formulant aucune critique à l'encontre du chef de dispositif du jugement qui a rejeté leur demande d'expertise, et doit donc être confirmée.

Sur le déséquilibre significatif,

Les appelants reprochent à la société Tapis Saint Maclou de les avoir soumis à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties; ils invoquent l'article L. 442-6 I,2° du code de commerce issu de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2019.

La société Tapis Saint Maclou soutient que ce texte n'est pas applicable à la relation contractuelle aux motifs que le contrat a été conclu le 31 janvier 1984, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 intervenue le 6 août suivant et que l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel de Paris n'est pas transposable en l'espèce, aucun déséquilibre significatif qui serait intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi n'ayant alors été invoqué.

Mais les appelants répliquent à juste raison :

- que le contrat du 31 janvier 1984, conclu pour une durée d'un an, était renouvelable d'année en année par tacite reconduction et que la reconduction tacite d'un contrat donne naissance à un nouveau contrat,

- que dans son arrêt du 17 février 2021, cette Cour a fait application de l'article L. 442-6 I,2° du code de commerce à un contrat renouvelé par tacite reconduction, peu important que leurs stipulations n'aient pas été modifiées ou qu'il n'y ait pas eu de renégociation, et qu'il n'a pas opéré de distinction sur l'antériorité ou non du déséquilibre significatif,

- qu'en tout état de cause, les agissements fautifs reprochés à la société Tapis Saint Maclou ont perduré après l'entrée en vigueur de l'article L. 442-6 I,2° du code de commerce.

En conséquence, les dispositions de l'article L. 442-6 I,2° du code de commerce sont applicables à la relation contractuelle renouvelée à compter du 31 janvier 2009.

Les appelants font valoir que l'analyse des stipulations contractuelles comme des conditions d'exécution du contrat démontre manifestement un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, imposé par la société Tapis Saint Maclou. Ils allèguent d'abord en ce sens que la convention de concession de licence du 31 janvier 1984 a été imposée à M. [C], qu'elle n'a fait l'objet d'aucune discussion entre les parties et qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion. Ils prétendent ensuite qu'ils se sont vu imposer une obligation d'exclusivité d'approvisionnement par l'article 6 du contrat, sans la moindre contrepartie. Citant ensuite l'article 8 du contrat aux termes duquel le concessionnaire s'engage à choisir tous les produits proposés à la vente dans la gamme des articles de la société Tapis Saint Maclou, cette dernière assurant le renouvellement du stock correspondant à ses critères de gestion par rapport au chiffre d'affaires, ils reprochent à la société Tapis Saint Maclou de ne pas avoir rempli son obligation de renouveler le stock qui s'est trouvé alors composé de produits obsolètes ou vieillissants, d'un très faible attrait commercial.

Les appelants reprochent encore à la société Tapis Saint Maclou, à partir de 2011, d'avoir imposé un classement des magasins de 1à 4, les plaçant dans la catégorie 1 la plus basse de façon arbitraire, alors que leur magasin ne pouvait l'être au regard de sa surface de vente et de sa zone de chalandise ainsi que du potentiel de l'équipe de vente. Ils soulignent que ce classement de niveau 1, injustifié, entraînait un faible stock et un faible nombre d'échantillons, ce qui contribuait à limiter les ventes et à baisser le montant des commissions, alors que les frais de gestion restaient les mêmes. Ils précisent avoir dû intervenir en mai 2012 pour obtenir que des tapis de qualité soient livrés. Se référant à l'article 13 du contrat prévoyant que lors des campagnes publicitaires de pose gratuite, le concessionnaire respecterait les modalités et limites de ces opérations, telles que définies par la société Tapis Saint Maclou, les appelants exposent qu'ils ont été contraints d'appliquer les réductions de prix à l'intégralité des produits vendus, dont les produits plastiques appartenant à la société Etablissements [R][C] qui n'auraient pas dû être concernés, sans aucune contrepartie.

Les appelants font aussi grief à la société Tapis Saint Maclou :

- de leur avoir imposé des prix de vente et des remises, par exemple des frais de pose à 1 € le m² en 2015 et une promotion intitulée "1m² acheté, 1m² offert", ce qui avait un impact direct sur le chiffre d'affaires de la société Etablissements [R][C], sans aucune compensation,

- d'avoir décidé de façon unilatérale en 2016 que les clients importants, tels qu'Intersport, seraient gérés au niveau national par l'unité dédiée "Saint Maclou Pro", ce qui excluait la société Etablissements [R][C] des chantiers locaux concernant ce client.

En dernier lieu, les appelants reprochent à la société Tapis Saint Maclou d'avoir refusé de revaloriser le taux de commissionnement qui était très faible au regard de l'augmentation des charges qu'elle leur imposait ; ils précisent :

- que le magasin de [Localité 8] était le seul magasin indépendant du réseau Tapis Saint Maclou percevant une véritable commission sur vente et que pour tous les autres magasins ce taux correspondait à leur masse salariale,

- que pour l'exercice 2012, la société Tapis Saint Maclou a dégagé un taux de rentabilité de 10,34 % sur le magasin de [Localité 8], alors que dans le même temps elle dégageait des pertes de 11,14 % au niveau national, ce qui prouve que grâce à un taux de commission extrêmement faible, elle obtenait une rentabilité exceptionnelle sur [Localité 8],

- qu'en parfaite connaissance de cause, la société Tapis Saint Maclou imposait à la société Etablissements [R][C] des sacrifices insupportables (impayés de loyers, faibles salaires, résultats négatifs répétés) en refusant de revaloriser le taux de commission.

La société Tapis Saint Maclou conclut à l'absence de preuve d'une soumission ou tentative de soumission et d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; elle conteste toutes les allégations des appelants.

Sur ce,

Il convient de rappeler que l'article L. 442-6 I du code de commerce dispose :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...)

2° De soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; »

C'est aux appelants de rapporter la preuve de la soumission ou tentative de soumission ainsi que du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il ressort de l'examen des pièces versées aux débats les éléments suivants :

- Le préambule du contrat du 31 janvier 1984 mentionne que M. [R] [C], désireux d'accroître sa collaboration avec la société Tapis Saint Maclou et de la rendre plus efficace, a agrandi sa surface de vente pour la porter à 1.000 m²; les appelants ne démontrent pas que la société Tapis Saint Maclou les aurait contraints à augmenter leur surface de vente en 1984, ni ensuite à transférer leur établissement en 1996 dans la zone commerciale du Plateau des couleurs à [Localité 8].

- M. [R] [C], qui était lié par contrat avec la société Tapis Saint Maclou depuis 10 ans ne peut valablement prétendre que le contrat du 31 janvier 1984 lui a été imposé ; il avait toute latitude pour en discuter les conditions et, en cas de désaccord, de ne pas poursuivre la relation commerciale.

- L'article 6 du contrat du 31 janvier 1984 stipule que le concessionnaire s'approvisionnera exclusivement à 100 % chez la société Tapis Saint Maclou pour tous les produits référencés dans cette société, en dehors des fournitures de pose et des revêtements plastiques ; les appelants gardaient ainsi la possibilité de s'adresser à d'autres partenaires pour les fournitures de pose et de revêtements plastique.

- Dans son courriel du 4 février 2013 relatif au classement des magasins, la société Tapis Saint Maclou a expliqué que les magasins ont été classés selon des niveaux correspondant à des capacités de zone de chalandise, de surface de vente, des résultats des années précédentes et du potentiel de l'équipe, tout en rappelant que le niveau 1 correspond à un magasin qui n'a pas de rayon décoration et qui a juste quelques outils pour un client éventuel permettant à l'équipe de traiter la demande ou de renvoyer sur un magasin à proximité, le niveau 2 correspondant à un magasin ayant un rayon décoration mais qui n'a pas un potentiel très développé; les appelants, qui ne justifient pas que leur magasin comportait un rayon décoration ou que le classement de leur magasin aurait été arbitraire sont mal fondés à se plaindre de son classement en catégorie 1, laquelle s'appliquait à une trentaine d'autres magasins.

- S'agissant de la gestion des stocks et de leur renouvellement, les appelants produisent en pièce 98 une liste de produits daté du 7 février 2017 intitulé 'Benne à sortir du stock', pour en déduire une grande quantité de produits obsolètes ou invendables; mais la société Tapis Saint Maclou verse quant à elle, sous sa pièce 9, une liste de produits qu'elle dit transférés ou retournés, majoritaires par rapport à ceux mis à la benne, sans que les appelants contestent ce document.

- S'agissant des campagnes publicitaires et des réductions de prix décidées dans ce cadre par la société Tapis Saint Maclou les appelants conservaient toute leur liberté pour fixer les prix concernant leurs propres fournitures; ils n'apportent aucun élément de nature à démontrer ce qu'ils allèguent, à savoir que le logiciel de facturation de Saint Maclou ne leur permettait pas de facturer la remise client au prorata de chacune des fournitures et qu'ils auraient été ainsi contraints de l'appliquer à leurs propres fournitures et prestations de revêtements de sol plastiques ; si l'article 13 du contrat du 31 janvier 1984 leur imposait, lors des campagnes publicitaires de respecter les modalités et limites de ces opérations telles que définies par la société Tapis Saint Maclou, il n'en résulte pas pour autant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, alors que les appelants bénéficiaient de ces campagnes promotionnelles sur la marque Tapis Saint Maclou, destinées à attirer l'ensemble de leur clientèle.

- Il était loisible à la société Tapis Saint Maclou de gérer directement des clients importants, tel que le groupe Intersport, au niveau national, sa décision ayant été prise à l'égard de tous ses partenaires travaillant sous son enseigne et ne concernant pas seulement les appelants.

- S'agissant du taux de commission jugé insuffisant par M. [C] et la société Etablissements [R][C], il apparaît qu'en dépit de leurs demandes d'augmentation formulées les 5 janvier 2011, 26 janvier 2012, 20 février et 13 avril 2013 qui n'ont pas abouti, le contrat a été renouvelé par tacite reconduction jusqu'à sa résiliation à effet au 31 janvier 2017, alors qu'il pouvait être dénoncé chaque année par le concessionnaire, lequel était parfaitement à même d'apprécier la rentabilité de son activité et l'intérêt de la poursuivre ou non.

En conséquence, les appelants ne justifient en aucune façon que la société Tapis Saint Maclou les a soumis ou a tenté de les soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Sur l'abus de dépendance économique,

Les appelants reprochent à la société Tapis Saint Maclou une exploitation abusive de leur état de dépendance économique sur le fondement de l'article L. 420-2 du code de commerce ; ils en veulent pour preuve :

- les stipulations de l'article 6 du contrat du 31 janvier 1984 leur imposant de s'approvisionner exclusivement à 100 % chez Tapis Saint Maclou pour tous les produits référencés dans cette société, ce qui leur interdisait d'obtenir des produits équivalents auprès d'autres fournisseurs,

- le fait qu'ils réalisaient une part très importante de leur chiffre d'affaires avec la société Tapis Saint Maclou : à titre d'exemple 63,12 % de leur chiffre d'affaires global en 2014, la clientèle ne venant qu'attirée par la notoriété très importante de la marque Tapis Saint Maclou,

- les fautes précédemment imputées à la société Saint Maclou et, notamment, son refus de toute discussion sur la révision du taux de commission,

- la clause d'exclusivité qui leur a été imposée pendant plus de 43 ans et qui a eu pour effet de leur interdire l'accès à la concurrence,

- l'affectation du fonctionnement de la concurrence ou de sa structure qui peut n'être que potentielle et ne concerner qu'une partie du marché comme précisé par l'Autorité de la Concurrence par décision n° 20-D-04 du 16 mars 2020.

La société Tapis Saint Maclou réplique qu'aucune des conditions déterminantes et cumulatives de l'article L. 420-2 du code de commerce ne sont démontrées par les appelants, à savoir l'existence d'une situation de dépendance économique, l'exploitation abusive de cette dépendance par elle et l'affectation réelle ou potentielle du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché.

Sur ce,

Il convient de rappeler que l'état de dépendance économique pour un distributeur se définit comme la situation d'une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables.

En l'espèce, la clause d'exclusivité ne visait que les produits de la gamme Saint Maclou et les appelants gardaient toute liberté d'approvisionnement pour les produits vinyle ; ils disposaient de la possibilité de substituer d'autres fournisseurs à la société Tapis Saint Maclou en choisissant de ne pas renouveler le contrat à chaque échéance annuelle.

Dès lors, leur état de dépendance économique n'étant pas caractérisé, c'est en vain que M. [C] et la société Les Etablissements [R] [C] prétendent que la société Tapis Saint Maclou aurait exploité abusivement cet état.

Sur la mauvaise foi,

Les appelants reprochent à la société Tapis Saint Maclou d'avoir fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat, au mépris des dispositions de l'article 1134 du code civil applicable en la cause. Ils lui font grief d'avoir refusé de revoir le taux de commission, ce qui a contraint la société Etablissements [R] [C] à cesser son activité début 2017 et à licencier ses salariés pour motif économique, la société Tapis Saint Maclou lui ayant fait savoir qu'il n'existait pas de postes disponibles au plan national comme local pour les reclasser. Ils ajoutent que, quelques mois plus tard, la société Tapis Saint Maclou a implanté un nouveau magasin près du leur et a embauché ses anciens salariés; ils en déduisent que le but poursuivi par la société Saint Maclou était de les asphyxier pour reprendre à son profit tout ou partie de l'équipe de la société Etablissements [R][C].

Mais la société Tapis Saint Maclou objecte à juste raison qu'elle n'a pas agi de mauvaise foi en refusant de revaloriser la commission et qu'elle n'avait aucun intérêt à ce que son cocontractant cesse ses activités. Elle n'a pas non plus fait preuve de mauvaise foi en ouvrant un nouveau magasin et en embauchant d'anciens salariés de la société Etablissements [R] [C] après la fermeture du magasin de cette dernière, suite à sa décision de résilier le contrat.

La mauvaise foi imputée à la société Tapis Saint Maclou n'est pas démontrée.

Il résulte de tout ce qui précède que l'intégralité des demandes de dommages-intérêts des appelants doivent être rejetées et le jugement confirmé.

Sur les dépens et l'application de l'article 70 du code de procédure civile

Les appelants qui succombent doivent supporter les dépens.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il sera alloué la somme supplémentaire de 10.000 € à la société Tapis Saint Maclou et les appelants seront déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la Cour,

Déboute M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] de toutes leurs demandes,

Condamne M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C] aux dépens d'appel,

Condamne in solidum M. [R] [C] et la société Etablissements [R][C], à payer la somme supplémentaire de 10.000 € à la société Tapis Saint Maclou par application de l'article 700 du code de procédure civile.