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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 septembre 2023, n° 21/05061

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Naviland Cargo (SAS)

Défendeur :

Greenmodal Transport (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Regnier, Me Fleury, Me Boccon Gibod, Me Margotton

T. com. Marseille, du 16 févr. 2021, n° …

16 février 2021

FAITS ET PROCEDURE

La Société Naviland Cargo (ci-après « la société Naviland ») a pour activité le transport ferroviaire et routier et assure, à ce titre, des prestations de manutention et de stockage d'unités de transport. Elle fournit également à ses clients des prestations de prise de slots.

La Société Greenmodal Transport (ci-après « la société Greenmodal ») a pour activité des opérations de transport par chemin de fer, route, mer et fleuve.

A compter du 1er semestre 2017, la société Naviland assurait deux types de prestations pour la société Greenmodal :

- des prestations de manutention et de stockage d'unités de transports intermodal (ci-après désignées « UTI »), sur le terminal du [Localité 5], pour les liaisons ferroviaires « [Localité 8] ' [Localité 1] » et « [Localité 7] ' [Localité 1] » ;

- des réservations de créneaux (appelés slots) sur la liaison ferroviaire liant les communes de [Localité 9] et de [Localité 6],

Courant 2017, les parties ont échangé sur la formalisation d'un contrat concernant les prestations de manutention et de stockage sur le terminal du [Localité 5].

Par lettre du 3 octobre 2018, la société Greenmodal a annoncé à la société Naviland mettre fin aux prestations sur le terminal du [Localité 5] à compter du 12 décembre 2018 en ces termes : "Nous vous notifions par la présente notre volonté de mettre un terme aux relations commerciales relatives aux prestations de manutention sur le Terminal du [Localité 5] avec effet au lundi 10/12/2018".

Estimant que cette rupture était brutale, la société Naviland a demandé le versement de dommages-intérêts en application des termes du contrat discuté à l'été 2017 auquel la société Greenmodal s'est opposée.

Puis par courriel du 10 décembre 2018, la société Greenmodal a annoncé mettre un terme définitif à son partenariat avec la société Naviland en ces termes : "Compte tenu de la situation économique de ce partenariat nous sommes malheureusement dans l'obligation d'arrêter notre partenariat à compter du 31/12/2018. Nous tenons à vous remercier 19 mois de collaboration mais notre organisation ne nous permettait pas de remplir correctement notre engagement."

Par acte du 6 février 2019, la société Naviland a assigné la société Greenmodal devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir des sommes en indemnisation du non-respect de stipulation contractuelle et de la brutalité des relations commerciales.

Par jugement du 16 février 2021 le tribunal de commerce de Marseille a :

Vu les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce,

Dit et jugé que le régime de responsabilité applicable aux demandes d'indemnisation formées par la Société Naviland Cargo au titre de la rupture des relations commerciales relatives aux prestations fournies sur le terminal du [Localité 5] est nécessairement celui de la responsabilité délictuelle pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

Déclaré la Société Naviland Cargo recevable en ses demandes ;

Dit et jugé que la Société Naviland Cargo n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation du chiffre d'affaires qui aurait dû être réalisé jusqu'au terme du contrat de « prestations annexes de transport » l'indemnisation du chiffre d'affaires qui aurait dû être réalisé jusqu'au terme du contrat ou de la marge sur coût variable sur la même période, mais est seulement fondée à solliciter l'indemnisation de l'éventuel préjudice subi suite à la brutalité de la rupture des relations commerciales relatives à ces prestations ;

En conséquence,

Débouté la Société Naviland Cargo de sa demande indemnitaire formée au titre de la réparation du chiffre d'affaires qui aurait dû être réalisé jusqu'au terme du contrat relatif à la fourniture de prestations terminalistiques de manutention et de stockage d'Unités de Transports Intermodal (UTI) sur le terminal du [Localité 5] pour les liaisons ferroviaires « [Localité 8] ' [Localité 1] » et « [Localité 7] '[Localité 1] », ou de la marge sur coût variable sur la même période ;

Débouté la Société Naviland Cargo de ses demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies tant pour la fourniture de prestations terminalistiques de manutention et de stockage d'Unités de Transports Intermodal (UTI) sur le terminal du [Localité 5] pour les liaisons ferroviaires « [Localité 8] ' [Localité 1] » et « [Localité 7] ' [Localité 1] », que pour la fourniture de prestations de slots sur le train liant les communes de [Localité 9] et de [Localité 6] ;

Débouté la Société Naviland Cargo de sa demande d'expertise judiciaire ;

Condamné la Société Greenmodal Transport à payer à la Société Naviland Cargo la somme de 4 710 euros TTC au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure de paiement pour la facture n° 17058947 et à compter du 6 février 2019, date de l'assignation, valant mise en demeure pour la facture n° 18080646 ainsi que la somme de 80 euros de pénalités de retard au titre de ces deux factures impayées ;

Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile,

Condamné la Société Greenmodal Transport S.A.S. aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncé par l'article 695 du Code de Procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 euros ;

Conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile, ordonne pour le tout l'exécution provisoire ;

Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ;

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 16 mars 2021 la société Naviland a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 5 mai 2023, la société Naviland demande à la Cour de':

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Marseille le 16 février 2021, sauf en ce qu'il a jugé recevables les demandes formulées par la société Naviland Cargo et condamné la société Greenmodal Transport à payer à la société Naviland Cargo les sommes suivantes :

- 4 710 euros au titre des factures impayées, avec application d'un intérêt légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure ;

- 80 euros au titre des pénalités de retard des factures impayées.

Puis, statuant à nouveau :

Déclarer recevables les demandes indemnitaires formulées par la société Naviland Cargo à l'encontre de la société Greenmodal Transport,

Condamner la société Greenmodal Transport à payer à la société Naviland Cargo les sommes suivantes :

- 107 112 euros (35 704 euros x 3 mois) au titre de la rupture brutale de la prestation fournie sur le Terminal du [Localité 5], correspondant à 3 mois de préavis supplémentaire ;

- 292 356,48 euros (68 900 euros x 81,6 % x 5,2 mois) au titre de la rupture brutale de la prestation de slots, correspondant à 5,2 mois complémentaires ;

- 551 000 euros au titre de l'indemnisation du chiffre d'affaires qui aurait dû être réalisé en exécution du contrat de « prestations annexes au contrat de transport » ; ou subsidiairement 357 040 euros correspondant à la marge sur coûts variables qui aurait été réalisée sur cette même période, si par extraordinaire la Cour d'appel de céans estimait la marge plus pertinente que le chiffre d'affaires comme assiette d'indemnisation de la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée ;

- 4 710 euros au titre des factures impayées, avec application d'un intérêt légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure ;

- 400 euros au titre des pénalités de retard des factures impayées (80 x 5 = 400 euros).

Débouter la société Greenmodal Transport de sa demande de condamnation de la société Naviland à lui verser la somme de 20 000 euros en indemnisation d'une procédure prétendument abusive,

Condamner la société Greenmodal Transport à payer à la société Naviland Cargo la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 9 mai 2023, la société Greenmodal demande à la Cour de :

A titre principal,

Infirmer le jugement rendu le 16 février 2021 par le tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

- dit et jugé que le régime de responsabilité applicable aux demandes d'indemnisation formées par la société Naviland Cargo au titre de la rupture des relations commerciales relatives aux prestations fournies sur le terminal du [Localité 5] est nécessairement celui de la responsabilité délictuelle pour rupture des relations commerciales établies ;

- déclaré la société Naviland Cargo recevable en ses demandes ;

- condamné la société Greenmodal Transport à payer à la société Naviland Cargo la somme de 4 710 euros TTC au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la mise en demeure de paiement pour la facture n° 17058947 et à compter du 6 février 2019, date de l'assignation, valant mise en demeure pour la facture n° 18080646 ainsi que la somme de 80 euros de pénalités de retard au titre de ces deux factures impayées, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Greenmodal Transport à hauteur de la somme de 456 euros TTC au titre d'une facture du 30 novembre 2018 émise par la société Naviland Cargo dans la mesure où elle a été préalablement réglée par virement du 10 janvier 2019 ;

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement mais seulement en ce qu'il a débouté la société Greenmodal Transport de ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande au titre de la réparation du préjudice né de la procédure abusive initiée et poursuivie par la société Naviland Cargo.

Statuant à nouveau,

Déclarer la société Naviland Cargo irrecevable en ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société Greenmodal Transport, à tout le moins, l'en débouter ;

Débouter la société Naviland Cargo de toute demande de condamnation au titre de la facture du 30 novembre 2018 dans la mesure où elle a été préalablement réglée par virement du 10 janvier 2019 ;

Condamner la société Naviland à payer à la société Greenmodal la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 16 février 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires formées par la société Naviland sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales et sur le fondement de la rupture abusive du prétendu contrat de prestations terminalistiques liant les parties,

A titre infiniment subsidiaire,

Déclarer que la marge sur coûts variables pour les Slots ne saurait être supérieure à 68,10 % ; l'indemnisation encourue par la société Greenmodal pour la rupture brutale des relations commerciales établies ne pouvant excéder la somme de 9 025,40 euros (45 127 euros x 0.2 mois),

Déclarer que la marge sur coûts variables pour les prestations terminalistiques ne saurait être supérieure à 30,5 % ; l'indemnisation encourue par la société Greenmodal pour la rupture anticipée du contrat ne pouvant excéder la somme de 150 900 euros (montant mensuel de 15 900 euros x 10 mois),

En tout état de cause,

Débouter la société Naviland de l'intégralité des demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Greenmodal,

Condamner la société Naviland à payer à la société Greenmodal la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la même en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes indemnitaires de la société Naviland

Exposé des moyens des parties,

La société Greenmodal soutient que sur le fondement du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, les demandes indemnitaires de la société Naviland sont irrecevables en ce qu'elles reposent sur les mêmes faits mais pour lesquels deux fondements distincts sont invoqués, à savoir la rupture brutale des relations commerciales établies et une résiliation fautive du contrat avant son terme.

La société Naviland réplique que ses demandes reposent sur des fautes distinctes et visent à la réparation de préjudices distincts liés à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée et à la rupture brutale des relations commerciales.

Réponse de la Cour,

Le principe de non-cumul entre responsabilités contractuelle et délictuelle interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n'interdit pas la présentation d'une demande distincte, fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, qui tend à la réparation d'un préjudice résultant non pas d'un manquement contractuel mais de la rupture brutale d'une relation commerciale établie ( en ce sens Com., 24 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.672, publié).

L'appelante fait justement valoir que ses demandes ne portent pas atteinte au principe du non cumul, dès lors que les fautes invoquées sont distinctes, à savoir d'abord la rupture abusive d'un engagement à durée déterminée, puis la rupture brutale en raison d'un préavis trop court, et que ces fautes tendent à la réparation de préjudices distincts avec leur évaluation propre, à savoir celui résultant d'un manquement contractuel et celui résultant d'une rupture brutale de la relation commerciale établie.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes indemnitaires de la société Naviland.

Sur les demandes de la société Naviland au titre d'une rupture brutale des relations commerciales

Exposé des moyens des parties

La société Naviland fait principalement valoir que les parties ont noué une relation commerciale établie de 19 mois sur les deux types de prestations, dès lors que ces prestations devaient s'inscrire dans la durée par la formalisation d'un contrat concernant les prestations du terminal du [Localité 5] et la mise en place des prestations de slots pour une durée indéterminée et un fort investissement de la part de la société Naviland. Elle précise que ces prestations représentaient une véritable valeur économique pour représenter un chiffre d'affaires mensuel moyen de 62 914 euros HT au titre de la prestation de slots et 54 938 euros HT au titre de la prestation de manutention sur le site du [Localité 5]. Elle soutient que les préavis de fin de relation de 5,5 mois et 3 semaines ont été insuffisants et caractérisant une rupture brutale. Elle invoque un préavis nécessaire de 6 mois au regard des investissements réalisés pour ces prestations, mais également de la spécificité des prestations de manutention et de slots pour lesquelles le délai de recherche de nouveaux est substantiel en raison d'une clientèle locale et spécialisée et par conséquent limitée.

La société Greenmodal réplique pour l'essentiel que les relations nouées entre les parties étaient de courte durée au moment de la rupture, qu'il n'est nullement démontré des investissements spécifiques dédiés aux relations autres que les frais de gestion courante de l'exploitation du site du [Localité 5], et que les prestations entre les parties ne représentaient que 1,2 % du chiffres d'affaires global de la société Naviland. Elle en déduit que les relations nouées entre les parties n'étaient pas établies et que les préavis de rupture étaient suffisants. Par ailleurs, elle insiste sur le fait que c'est la société Naviland qui est à l'origine de la rupture de la relation commerciale pour la fourniture de slots pour avoir unilatéralement modifié les tarifs de la prestation.

Réponse de la Cour,

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions susvisées, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné

Il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats que les parties ont d'abord noué une relation commerciale à compter de mi-février 2017 portant sur la réservation de créneaux (slots) sur la liaison ferroviaire liant les terminaux de [Localité 9] et de [Localité 6] pour un volume d'affaires d'environ 63 000 euros HT par mois. Par courriel du 10 décembre 2018, la société Greenmodal a mis fin à se partenariat commercial au 31 décembre 2018.

Les parties ont également noué une relation commerciale à compter de juin 2017 portant sur des prestations de manutention et de stockage d'unité de transport intermodal sur le terminal du [Localité 5] ayant représenté un volume d'affaires d'environ 55 000 euros HT par mois. Courant juin-août 2017, les parties ont échangé pour la formalisation d'un contrat concernant cette relation commerciale. Par lettre du 3 octobre 2018, la société Greenmodal a mis un terme à cette relation commerciale avec effet au 10 décembre 2018.

Ces relations commerciales nouées sur une période d'environ 19 mois, suivant un volume d'affaires significatif et avec un projet de contrat pour les prestations terminalistiques, étaient établies au sens des dispositions de l'article précité au moment de la notification de leur rupture par la société Greenmodal,

Pour l'appréciation du délai de préavis, la Cour retient que la société Naviland ne justifie pas d'investissement spécifique à la réalisation de ces prestations, mais fait seulement état, à l'appui de ses notes techniques et factures (notamment pièces n° 15,16 et 24), de ses charges d'exploitation courantes pour son activité, telles les dépenses d'entretien de portique et d'un ajustement de ses moyens au regard du transit de son client. Par ailleurs, il ressort des bilans annuels clos au 31 décembre 2017 et 2018 de la société Naviland et de l'analyse du rapport Finexsi ( pièce n° 9) que le courant d'affaires réalisé avec la société Greenmodal représente moins de 4 % du chiffre d'affaires global de la société Naviland. Enfin, la société Naviland n'apporte pas d'élément tangible démontrant les difficultés susceptibles d'être rencontrées pour retrouver un partenaire commercial pour de telles activités.

Aussi, compte tenu de l'ancienneté très relative des relations commerciales, de l'absence d'investissement particulier pour l'activité en cause, et la part peu significative du courant d'affaires dans le chiffre d'affaires global de la société Naviland, les préavis de rupture de 3 semaines et 2,5 mois doivent être considérés comme suffisants.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Naviland de l'ensemble de ses demandes au titre d'une rupture brutale des relations commerciales.

Sur la demande de la société Naviland au titre d'une rupture abusive du contrat

Exposé des moyens des parties

La société Naviland fait valoir qu'un contrat est formé dès lors que l'offre formulée par l'une des parties est acceptée par l'autre partie et qu'aucun formalisme n'est imposé. Elle relève que, malgré l'absence de signature, l'acceptation du projet de contrat concernant le site du [Localité 5] envoyé par Greenmodal à Naviland le 31 août 2017 ne fait aucun doute. Elle explique que, la stipulation d'une durée de deux ans de la convention a été inscrite dans le projet de contrat renvoyé par Greenmodal, elle-même, à Naviland le 31 août 2017 et Greenmodal ayant spontanément inclus cette requête de Naviland dans le projet de contrat amendé par ses soins. Elle en déduit que les parties se sont expressément accordées sur une durée de deux années en contrepartie d'investissements dûment exposés par Naviland ainsi que sur le prix de la prestation et que ces éléments contractualisés constituent des engagements contraignants pour les parties. Elle soutient que, par lettre du 3 octobre 2018, la société Greenmodal a mis fin unilatéralement au contrat 10 mois avant son échéance au 1er octobre 2019, sans la démonstration d'une faute imputable à Naviland. Dans ces conditions, cette dernière s'estime fondée à réclamer la somme de 551 000 euros représentant le chiffre d'affaires escompté jusqu'au terme du contrat, ou à titre subsidiaire la somme de 357 040 euros représentant la marge non réalisée sur la période contractuelle.

La société Greenmodal réplique que le prétendu contrat invoqué par la société Naviland n'est qu'un document de travail échangé entre les parties, ne peut faire l'objet d'aucun accord entre les parties ni les engager. Elle relève que ce document est barré d'un filigrane « PROJET » sur toutes les pages. En outre, son intitulé est « Draft ST 2017-05 Naviland (') ». Le terme « draft » en anglais signifie « projet ». Un mail entre les parties évoque également que ce n'est qu'un projet et que la société Naviland devait de toute façon revenir vers Greenmodal pour valider les points en attente. Elle ajoute qu'en l'absence de retour sur le projet, les parties ont convenu d'un accord portant uniquement sur le prix de la prestation.

Réponse de la Cour,

Comme l'a justement relevé le tribunal, il ressort des échanges entre les parties ( pièces Naviland n° 4,5 et 6) que les propositions de contrat échangées au cours du mois d'août 2017 sont restées au stade de projet, complétées de plusieurs annotations. S'agissant des échanges sur la durée du contrat, il y a lieu de relever que si la société Greenmodal a inséré à l'article 7 la proposition d'un contrat à durée déterminée de deux années, elle a dans le même temps supprimé les stipulations du même article faisant référence aux engagements de dépenses (travaux portiques, recrutement) effectués par Naviland et d'une indemnité en sa faveur en cas de résiliation du contrat. Aussi, la dernière version du projet de contrat, présentant de nombreuses annotations, était en attente d'une acceptation de la société Naviland qui n'a pas donné de suite et aucun contrat n'a été signé entre les parties.

Si des relations commerciales se sont tout de même instaurées entre les parties et qu'il n'est pas contesté que celles-ci se sont entendues sur un tarif de 42 euros la manutention principale, aucune référence de contrat ne figure sur les factures versées aux débats (notamment pièce Naviland n° 7), ni dans les échanges ultérieurs des parties.

Il en résulte que la société Naviland n'apporte pas la preuve d'un engagement contractuel des parties sur une durée déterminée de deux années concernant les prestations de manutention et de stockage sur le terminal du [Localité 5] et sera déboutée de ses demandes en indemnisation de la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Naviland de ses demandes relatives à l'indemnisation du chiffre d'affaires ou de la marge devant être réalisés jusqu'au terme du contrat de "prestations annexes de transport".

Sur le paiement de la facture n° 180 80646 émise le 30 novembre 2018

La société Greenmodal sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 456 € TTC au titre de la facture émise le 30 novembre 2018 par un virement effectué le 10 janvier 2019. En revanche, elle n'entend pas contester le jugement au titre de la facture de 4 254 euros émise le 31 juillet 2017 et précise avoir procédé à son paiement par virement du 20 juillet 2021.

La société Greenmodal verse aux débats une pièce n°6 faisant état d'un virement de 160 907,84 euros à la société Naviland le 11 janvier 2019 en paiement de diverses factures dont la facture n° 18080646 de 456 euros du 30 novembre 2018, qui n'est pas sérieusement contestée par la société Naviland.

Dès lors, la société Naviland sera déboutée de sa demande en paiement de la facture n° 18080646 de 456 euros du 30 novembre 2018 et le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Greenmodal au paiement de cette facture.

Sur la demande de la société Naviland au titre d'une procédure abusive.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de l'intimée pour procédure abusive, dès lors que si la société Naviland s'est méprise sur l'étendue de son droit, elle n'a fait dégénérer en abus son droit à l'exercice de son action en justice ni en première instance ni en appel.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel

La société Naviland, succombant en son appel, sera condamnée aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Naviland sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Greenmodal la somme de 15 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a condamné la société Greenmodal Transport à payer à la société Naviland Cargo la somme de 456 euros TTC en paiement de la facture n° 18080646 du 30 novembre 2018 ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déboute la société Naviland Cargo de sa demande en paiement de la somme de 456 euros TTC au titre de la facture n° 18080646 du 30 novembre 2018 ;

Condamne la société Naviland Cargo aux dépens d'appel ;

Condamne la société Naviland Cargo à payer à la société Greenmodal Transport la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.