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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 novembre 2023, n° 20/18348

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

TJD Transport (SAS), Selarl PJA (ès qual.)

Défendeur :

Etablissements Darty et Fils (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Brun-Lallemand, M. Richaud

Avocats :

Me Etevenard, Me Rondoux, Me Boccon Gibod, Me Chuiton

T. com. Paris, 13e ch., du 30 nov. 2020,…

30 novembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

En novembre 2012, la société Etablissements Darty et Fils (ci-après la société Darty) qui a pour activité la vente au grand public de matériels électroménagers, radios, télévision, électroacoustique ainsi que la livraison et la mise en service du matériel vendu, fait appel à la société TDJ, ayant pour activité le transport et la livraison de marchandises, en tant que prestataire externe afin d'assurer la livraison, l'installation et la mise en service de produits électroménagers sur trois plateformes en Ile-de-France, à savoir [Localité 5], [Localité 9] et [Localité 6]. Différents bons de commande ont été émis par la société Darty.

En mars 2013, trois contrats d'adhésion sont formalisés entre les parties pour les trois plateformes.

En décembre 2013, la société Darty convoque la société TDJ pour que celle-ci améliore ses prestations sur l'une des plateformes objet du contrat.

Entre janvier et mars 2014, la société TDJ adresse 7 courriers avec avis de réception à la société Darty dénonçant les conditions de transmission des instructions de livraison et d'exécution des contrats.

Le 4 avril 2014, la société TDJ sollicite la résiliation du contrat sur la plateforme de [Localité 5] avec un préavis de 6 mois jusqu'octobre 2014.

Le 7 avril 2014, la société TDJ sollicite de la société Darty la communication d'un bon de commande annuel. La société Darty répond ne pas être au fait de l'existence d'un tel document.

Le 27 mai 2014, confrontée à la dégradation de sa situation économique et financière, la société TDJ notifie à la plateforme de [Localité 5] sa volonté de ne pas faire intervenir le préavis prévu dans le courrier du 4 avril 2014.

Finalement, c'est l'ensemble des contrats conclus avec les plateformes de la société Darty qui sont résiliés.

Par jugement du 7 août 2014, la société TDJ est placée en redressement judiciaire avant sa mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Chartres le 8 janvier 2015.

Par acte du 18 février 2015, la société TDJ représentée par son liquidateur assigne la société Darty devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir le règlement du solde de bons de commandes passés pour les années 2013 et 2014, ainsi que la réparation de son préjudice résultant d'un abus de dépendance économique et d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des partenaires commerciaux.

Par jugement du 30 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris :

- Dit que la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS n'a contrevenu ni aux dispositions de l'article L 420-2 du code de commerce ni aux dispositions de l'article L. 446-2 du code de commerce ;

- Déboute en conséquence Me [S] [W], ès-qualités de liquidateur de la société TDJ TRANSPORT, de l'intégralité de ses demandes ;

- Fixe, au titre de l'article 700 du CPC, à la somme de 20.000 EUR la créance de la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS au passif de la société TDJ TRANSPORT en liquidation ;

- Mets les dépens en frais privilégiés de la liquidation, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,59 € dont 16,55 € de TVA.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 15 décembre 2020, la société TDJ représentée par son liquidateur interjette appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 février 2021, la société TDJ demande à la Cour de :

Vu les articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce,

Vu les articles 1134, 1147, 1150 et 1118 ancien du Code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces produites aux débats,

De déclarer recevable l'appel formé par la société TDJ, et PJA, et d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- "Dit que la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS n'a contrevenu ni aux dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce ni aux dispositions de l'article L. 446-2 du code de commerce ;

- Déboute en conséquence Me [S] [W], ès-qualité de liquidateur de la société TDJ TRANSPORT, de l'intégralité de ses demandes ;

- Fixe, au titre de l'article 700 du CPC, à la somme de 20.000 EUR la créance de la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS au passif de la société TDJ TRANSPORT en liquidation ;

- Mets les dépens en frais privilégiés de la liquidation, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100, 59 € dont 16, 55 € de TVA".

Et statuant à nouveau :

A TITRE PRINCIPAL

- DIRE que la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS n'a pas exécuté son obligation d'assurer une rentabilité minimum à la société TDJ et engage sa responsabilité sur le fondement de l'ancien article 1147 du code civil ;

- DIRE que la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS a abusé de la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait la Société TDJ et engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce ;

- DIRE que la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS a manqué à son obligation de bonne foi conformément à l'ancien article 1134 du code civil ;

En conséquence,

- CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS à payer à la société TDJ TRANSPORT, agissant en la personne de son liquidateur, la SELARL PJA, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société et à la SELARL PJA, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS TDJ TRANSPORTS, la somme de 1.050.991,20 € au titre du solde des bons de commande annuels pour les sites de [Localité 5], de [Localité 6] et de [Localité 9] ;

- CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS à payer à la société TDJ TRANSPORT, agissant en la personne de son liquidateur, la SELARL PJA, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société et à la SELARL PJA, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS TDJ TRANSPORTS, la somme de 200.000 € au titre de l'abus de dépendance économique ;

- CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS à payer à la Société TDJ TRANSPORT, agissant en la personne de son liquidateur, la SELARL PJA, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société et à la SELARL PJA, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS TDJ TRANSPORTS la somme de 556.845 € au titre du préjudice subi du fait de la perte d'exploitation pour les sites de [Localité 5], de [Localité 6] et de [Localité 9] ;

- CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS à payer à la Société TDJ TRANSPORT, agissant en la personne de son liquidateur, la SELARL PJA, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société et à la SELARL PJA, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS TDJ TRANSPORTS la somme de 100.000 € en réparation du préjudice subi en raison du manquement de la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS à ses obligations de loyauté et de bonne foi contractuelle ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

- DIRE que le contrat conclu entre la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS et la société TDJ TRANSPORTS est lésionnaire et nul conformément à l'ancien article 1118 du code civil ;

En conséquence,

- CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS à payer à la société TDJ TRANSPORT, agissant en la personne de son liquidateur, la SELARL PJA, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société et à la SELARL PJA, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS TDJ TRANSPORTS la somme de 1.050.991,20 € au titre de la perte de chance de bénéficier du résultat économique qui aurait dû résulter de l'exécution du contrat.

En tout état de cause,

- CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS à payer à la société TDJ TRANSPORT, agissant en la personne de son liquidateur, la SELARL PJA, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société et à la SELARL PJA, es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS TDJ TRANSPORTS la somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 17 février 2023, la société Etablissements Darty et Fils demande à la Cour de :

Vu les articles 1134 et suivants du Code Civil applicables aux faits de la cause,

Vu les articles L. 420-2, L. 441-6 et L. 442-6 du Code de Commerce, applicables aux faits de la cause,

Recevoir "DARTY" en ses écritures, l'y dire bien fondée, et ce faisant,

A TITRE PRINCIPAL,

- Confirmer le Jugement entrepris ;

Y ajoutant,

- Condamner la SELARL "PJA", es-qualités de Mandataire Liquidateur de "TDJ", à verser à " DARTY " la somme de 20.000 €, au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamner la SELARL "PJA", es-qualités de Mandataire Liquidateur de "TDJ", aux entiers dépens.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- Débouter la SELARL "PJA", es-qualités de Mandataire Liquidateur de "TDJ" de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens en tant qu'irrecevable et mal fondées ;

- Condamner la SELARL "PJA", es-qualités de Mandataire Liquidateur de "TDJ", à verser à "DARTY" la somme de 25.000 €, au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamner la SELARL "PJA", es-qualités de Mandataire Liquidateur de "TDJ", aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2023.

MOTIVATION

Sur le non-respect par la société Darty de ses engagements contractuels : l'obligation de chiffre d'affaires minimum.

La société TDJ soutient que :

- la société DARTY a verbalement pris l'engagement de passer commande pour un certain volume fixe annuel de livraisons, la transmission par mail des bons de commande annuels pour l'année 2013 emportant la qualification d'écrit conformément à l'article 1316-1 ancien du code civil, permettant de confirmer que l'engagement pris par cette société,

- ces documents constituent sur e fondement de l'article 1347 ancien du code civil, un commencement de preuve par écrit de l'obligation contractuelle de chiffre d'affaires minimum,

- les factures émises par la plateforme de [Localité 5] au titre d'une indemnité compensatrice des carences d'exploitation pour les mois de février et mars 2014 attestent de l'existence de cette obligation.

La société Darty conteste tout engagement sur un volume particulier, estimant que :

- il n'existe aucune certitude quant à l'identité de l'auteur réel des courriels étrangement entrés en possession de TDJ contenant les "bons de commande" que celle-ci lui oppose, au demeurant non signé par un représentant légal ni même revêtu du cachet de l'entreprise, contrairement aux prescriptions de l'article 1316-1 ancien du code civil,

- les bons de commandes invoqués ne rendent pas vraisemblable son engagement verbal au cours de l'année 2012, plus d'une année à l'avance de confier à TDJ les prestations visées, alors que les commandes lui ont toujours été passées la veille pour le lendemain,

- ainsi, les "bons de commande valant ordre de service" générés par son système informatique ne peuvent être assimilés à une commande ferme et définitive,

- il est impossible de déterminer de manière fiable le volume et le type de livraison devant être assurés par les livreurs au cours de l'année à venir,

Elle demande que la mauvaise foi de la société TDJ soit reconnue, puisqu'en effet les bons de commande n'auraient jamais dû lui être communiqués et ont été adressés à cette dernière par M. [Y], son ancien salarié devenu le directeur de la société TDJ.

Elle fait également remarquer que la société TDJ a sollicité la communication de ces bons de commande seulement en mai 2014, moins de trois mois avant le dépôt de sa déclaration de cessation des paiements.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes de la société TDJ.

Réponse de la Cour,

C'est par des motifs justes et pertinents que la Cour adopte que le tribunal a dénié au "bon de commande valant ordre de service" toute valeur contractuelle et a retenu que Darty ne s'était pas rendue coupable d'une réduction unilatérale des volumes commandés.

Il sera seulement ajouté que :

- en l'absence de dispositions contractuelles à cet égard, les bons de commande produits (pièces 3-2 à 3-4) par le liquidateur de la société TDJ, non signés par une personne habilitée de la société Darty et dont l'auteur du message électronique transmettant "la commande annuelle" n'est pas identifié (adresse générique "[Courriel 8]") ne peut valoir commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 ancien du code civil,

- de surcroît le caractère vraisemblable de l'engagement de la société Darty pour une telle commande annuelle fait défaut ainsi qu'il résulte notamment du bon de commande du 14 décembre 2012 (pièce 3-4) prévoyant la livraison dans cette journée de 13 000 livraisons proches et éloignées de la ville de [Localité 7].

Ainsi, la société TDJ par son liquidateur échoue à établir l'engagement de la société Darty à un chiffre d'affaires minimum et en conséquence, le manquement de cette dernière à son obligation.

Sur l'abus de dépendance économique, l'existence de déséquilibres significatifs dans les droits et obligation des parties, et l'imposition de conditions manifestement abusives exclusives de la bonne foi contractuelle

La société TDJ soutient que :

- le tribunal a rendu sa décision sur la base de l'article L. 420-2 alinéa 1 du code de commerce relatif à l'abus de position dominante, sans avoir analysé le moyen tiré de l'alinéa 2 dudit article sur lequel elle se fondait relatif à l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique ;

- doit être reconnu l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait effectivement vis-à-vis de la société Darty, qui a abusé de cette condition par des manoeuvres relevant des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, le marché pertinent étant celui de la livraison de l'installation des produits électroménagers ;

- il lui était impossible de développer une activité alternative nécessitant des investissements supplémentaires en raison de l'importance des pertes d'exploitation générés par l'activité consacrée à la société Darty ;

- elle a subi une diminution du volume des commandes malgré les engagements annuels de la société Darty, ce qui l'a conduite à devoir résilier le contrat, de sorte que doit être reconnue la rupture brutale partielle et fautive de la société Darty ;

- s'y ajoute un manquement de cette dernière à l'obligation d'information en temps utile, et de transparence l'empêchant ainsi de répondre à son obligation d'amélioration du taux de satisfaction client, outre l'imposition d'obligations non contractuellement prévues (taux minimum de 12% pour la vente d'accessoires, taux minimum de 90 % de récupération de matériel) conditionnant el nombre de livraisons confiées, générant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, mise à sa charge de la fourniture de vêtements Darty et formation imposée à ses salariés pour l'obtention d'une habilitation électrique et d'une manière générale manquement à son devoir de coopération en adoptant un comportement attentatoire aux intérêts de la société,

- l'interprétation du tribunal considérant qu'elle aurait dû démontrer la présence de menaces de résiliation de contrat de prestations est contestable, comme ajoutant une condition à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce de même que l'application faite la qualification de "droits et obligations déséquilibrées" qui ne devrait pas être rattachée à une circonstance contextuelle de fonctionnement d'un marché.

La société Darty dénie tout abus de dépendance économique sur le fondement de l'article L. 420-2 du code de commerce, faisant valoir que cet article régit uniquement les relations entre une entreprise cliente ou fournisseur avec une autre entreprise, alors que la société TDJ est exclusivement prestataire de services à son bénéfice.

Elle ajoute que la société appelante ne remplit pas plus les trois critères cumulatifs nécessaires à la reconnaissance d'un abus de dépendance économique, n'étant pas en situation de dépendance économique vis-à-vis d'elle, qu'elle n'était d'ailleurs aucunement leader dans le domaine du transport routier de marchandises, qui se trouve être le marché pertinent à prendre en compte et non pas celui de la livraison et de l'installation des produits qu'elle vend.

Elle fait valoir que la situation de dépendance que prétend avoir subie la société TDJ résulte d'une action délibérée de se part. Elle estime que le tribunal a justement rejeté l'application du second alinéa de l'article L. 420-2 du code de commerce relatif à l'abus de la situation de dépendance économique.

S'agissant des déséquilibres significatifs allégués dans les droits et obligations des parties sur le fondement de l'article L. 442-6 2° du code de commerce, elle invoque l'absence de preuve de la réunion des critères cumulatifs, à savoir la soumission ou tentative de soumission à l'encontre de la société TDJ et les obligations auxquelles celle-ci aurait été soumise créant un tel déséquilibre alors qu'aucune clause précise fondant leurs critiques n'est visée.

Elle dénie les retards récurrents dans le paiement des factures, faisant état d'un délai moyen de paiement des factures de 14 jours hormis quelques exceptions d'un montant mineur, tandis que les conditions du calcul du bonus qualité ont été contractuellement prévues entre les parties, et que la société TDJ n'a pas prouvé en quoi il en résultait un déséquilibre significatif.

S'agissant de la récupération des appareils usagers et la fourniture d'accessoires, elle soutient que le grief tendant à affirmer qu'il s'agit d'un ajout d'obligations non contractuellement prévues à la charge de la société TDJ doit être déclaré irrecevable sur le fondement délictuel, s'agissant d'une obligation non seulement prévue dans l'accord contractuel mais résultant aussi de la réglementation applicable, outre que cette obligation contribuait à améliorer le taux de satisfaction client et de surcroît le bonus qualité auquel la société TDJ pouvait prétendre.

Enfin, s'agissant de la diminution du volume des commandes, Darty dit que TDJ est irrecevable à se prévaloir de ce manquement sur un fondement délictuel de l'article L442-6 du code de commerce au titre de la rupture partielle des relations commerciales établies alors qu'elle invoque les mêmes faits sur le fondement de la responsabilité contractuelle, outre que les relations ne sont pas établies.

Par ailleurs, s'agissant de l'habilitation électrique et du port des couleurs Darty sous la menace de la rupture de leurs relations, l'intimée relève que ces griefs abordés sous l'angle de la bonne foi contractuelle ne sont justifiés par aucune pièce, outre que l'habilitation électrique résulte de la règlementation en vigueur s'agissant de brancher des appareils électriques.

Réponse de la Cour,

S'agissant de l'abus de dépendance économique, si les dispositions de l'article L 420-2 alinéa 2 du code de commerce applicable aux faits de l'espèce, prohibe l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, il sera relevé que la société TDJ, qui effectuait pour la société Darty une prestation de service (livraison et installation de matériels électroménagers) n'était pas cliente ou fournisseur de celle-ci.

En outre, l'existence d'une situation de dépendance économique n'est pas établie en l'absence d'exclusivité contractuelle ou d'impossibilité technique d'avoir d'autres donneurs d'ordre ainsi que l'a justement relevé le tribunal. L'exploitation abusive de cette situation susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence ne peut donc exister.

En l'espèce, il résulte de la pièce 27 de l'intimée que la société TDJ s'est réorientée dans le domaine du déménagement.

A cet égard, ainsi que le fait justement valoir l'intimée, le marché pertinent est le marché du transport routier de marchandises.

Aucune position dominante de la société Darty sur ce marché n'est établie.

Par conséquent, le liquidateur de la société TDJ échoue en ses demandes fondées sur l'abus de position dominante de la société Darty et l'exploitation abusive par cette dernière de l'état de dépendance économique invoquée de la société TDJ. Le jugement est confirmé de ce chef.

S'agissant du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sur le fondement de l'article L. 442-6 2° du code de commerce, il appartient au liquidateur de TDJ qui l'invoque ès qualités, de démontrer l'existence d'une soumission ou tentative de soumission à son égard ainsi que les obligations auxquelles elle aurait été soumise créant un tel déséquilibre.

La seule évocation d'un contrat type ne saurait suffire à établir une soumission ou tentative de soumission alors qu'il n'est justifié d'aucune tentative de négociation de certaines clauses.

A cet égard, la vente d'accessoires et la récupération des anciens matériels étaient contractuellement prévues et l'existence d'une soumission ou tentative de soumission consistant à lui imposer des sujétions supplémentaires n'est pas établie. En effet, la seule lettre de Darty du 4 avril 2014 (pièce 4.8) de l'appelante demandant à ce que la société TDJ s'investisse dans l'atteinte de la moyenne générale de 12 % minimum pour les ventes d'accessoires et de 90 % pour le taux de récupération des anciens produits ne saurait valoir soumission ou tentative de soumission à des obligations étant de suroit observé qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que ces obligations seraient de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

De la même manière, l'appelante ne démontre pas que la société Darty lui aurait imposé de porter à ses frais des tenues aux couleurs de la société ainsi qu'une formation de ses salariés, étant observé qu'une habilitation électrique résulte de la loi et qu'il n'est pas démontré que ces obligations seraient de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

S'agissant du taux de satisfaction client et du bonus qualité, l'existence d'une soumission ou tentative de soumission n'est pas davantage établie alors que le fonctionnement du bonus qualité résulte des dispositions contractuelles et que, ainsi que le tribunal l'a justement retenu, le taux de satisfaction des clients déterminé à partir des réponses reçues est conforme aux usages du commerce.

A cet égard, il sera observé que la mise en demeure sous peine de résiliation du contrat (lettre RAR du 17 février 2014- pièce 14 de l'intimée) d'avoir à améliorer le taux de satisfaction client adressée par la société Darty à la société TDJ était contractuellement prévue et comporte en annexe les statistiques détaillées des réponses aux questions des clients.

Enfin, s'agissant du volume annuel de commandes, il a été dit que la société Darty n'était tenue à aucune obligation à cet égard et, ainsi que le soutient justement l'intimée, cette demande invoquée sur un fondement contractuel ne peut être également invoqué sur un fondement délictuel, de sorte que la demande fondée sur l'article L. 442-6 (ancien) du code de commerce est irrecevable tant au titre du déséquilibre significatif qu'au titre de la rupture partielle des relations commerciales établies.

Par conséquent, le liquidateur ès qualités échoue à démontrer que la société Darty aurait soumis ou tenté de soumettre la société TDJ à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le jugement est confirmé de ce chef.

S'agissant du manquement à l'obligation de bonne foi, si la société TDJ par son liquidateur invoque une déloyauté contractuelle de la société Darty pour manquement à son devoir d'information, réduction du volume de commandes et modification unilatérale du contrat, aucun manquement de la société Darty n'est établi puisqu'en effet, ainsi qu'il a été dit aucun engagement au titre du volume de commandes n'a été pris et que la modification unilatérale d'engagements contractuels n'est pas démontrée, la seule invitation de la société TDJ à atteindre une moyenne générale dans la vente d'accroires et de taux de récupération de matériels étant à cet égard insuffisante.

Ainsi, le liquidateur de la société TDJ ès qualités est débouté de toutes ses demandes principales dirigées contre la société Darty au titre du paiement des bons de commande, d'une dépendance économique, de la perte d'exploitation et des manquements à l'obligation de loyauté et de bonne foi contractuelle.

Sur la demande subsidiaire,

La société TDJ demande à ce que le contrat soit reconnu lésionnaire au sens de l'ancien article 1118 du code civil du fait du déséquilibre excessif des prestations contractuelles respectives constitutive d'une violence économique.

Elle sollicite en conséquence la condamnation de la société Darty au paiement de la somme de 1.050.991,20 € correspondant à la perte de chance de bénéficier du résultat économique qui aurait dû résulter de l'exécution du contrat.

La société DARTY soutient que les prétentions relatives à l'annulation, et au préjudice résultant de la perte de chance, sont irrecevables et dénuées de fondement.

Réponse de la Cour,

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Néanmoins, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, les parties ne pouvant ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, le liquidateur sollicite la nullité pour cause de lésion et violence économique du contrat conclu avec la société Darty et à être indemnisé sur le fondement de la perte de chance de bénéficier du résultat économique qui aurait dû résulter de ce contrat.

Ces prétentions n'étaient pas formulées devant les premiers juges et ne tendent pas aux mêmes fins, s'agissant d'annuler un contrat et d'être indemnisé de la perte de chance ; elles seront déclarées irrecevables.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur ès qualités qui succombe en ses demandes est condamné aux dépens d'appel et est débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Il est condamné à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une somme supplémentaire de 8 000 € en cause d'appel, s'agissant d'une action introduite par le liquidateur dans l'intérêt de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables la demande de la société PJA représentée par son gérant, M [S] [U], en qualité de liquidateur de la société TDJ Transport tendant à voir dire lésionnaire et nul le contrat conclu entre la société Etablissements Darty Père et Fils et la société TDJ Transport et la demande consécutive de condamnation à paiement de la société Etablissements Darty Père et Fils au titre de la perte de chance de bénéficier du résultat économique qui aurait dû résulter de l'exécution du contrat ;

Déboute la société PJA représentée par son gérant, M [S] [U], en qualité de liquidateur de la société TDJ Transport de sa demande au titre l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel et à payer à la société Etablissements Darty Père et Fils la somme de 8 000 € au titre l'article 700 du code de procédure civile.