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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 2 novembre 2023, n° 23/00800

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/00800

2 novembre 2023

N° RG 23/00800 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LW45

C4

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Alain GONDOUIN

Me Marie CANTELE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 02 NOVEMBRE 2023

Appel d'une ordonnance (N° RG 21/01041)

rendue par le Juge de la mise en état de GRENOBLE

en date du 24 janvier 2023

suivant déclaration d'appel du 21 février 2023

APPELANTE :

S.A.S. BEST HOLIDAY exercant sous l'enseigne LA BELLE ETOILE, immatriculée au Registre du Commerce de GRENOBLE sous le numéro 537 567 950, représentée par son Président domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉ :

M. [C] [I]

né le 13 Septembre 1966 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Marie CANTELE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaele FAIVRE, Conseillère,

Assistés lors des débats de Frédéric STICKER, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 septembre 2023, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

1. [C] [I] a hérité de ses parents l'hôtel La Belle Etoile, situé dans la station des Deux Alpes. Le 11 août 2004, il a conclu un accord préliminaire avec la société Best Holiday Vacanze concernant la location-gérance du fonds de commerce pour une durée de trois années à compter du 1er octobre 2004, reconductible pour la même période, moyennant une redevance annuelle de 125.000 euros payable en sept termes. Le 25 novembre 2004, le contrat de location-gérance a été signé.

2. Un premier avenant à ce contrat a été régularisé le 9 juin 2006, afin de modifier le contrat initial concernant sa durée (prévue sur sept années) ainsi que le montant de la redevance, fixée à 140.000 euros HT, indexée chaque année sur la variation du coût de la construction publiée par l'Insee sur la base de l'indice du second trimestre de l'année 2008 et payable en 6 échéances variables.

3. Un second avenant a été conclu le 3 mai 2012, par lequel la société Best Holiday est venue se substituer au preneur initial la société Best Holiday Vacanze, le gérant demeurant le même à savoir monsieur [V]. Cet avenant a autorisé le bailleur preneur à faire réaliser, sur la parcelle de terrain non comprise dans la location-gérance mais jouxtant le fonds loué, la construction de deux chalets de 180 m² permettant la création de 20 lits supplémentaires, outre une piscine et un tennis. La durée de la fin du contrat de la location-gérance a été modifiée et fixée au 31 octobre 2018.

4. Cet avenant a stipulé que le début des travaux est fixé au mois de septembre 2012, avec une réception des chalets à l'occasion de l'ouverture de la saison d'hiver 2013/2014, et qu'afin de compenser la suppression de la piscine et du tennis existants sur la saison de l'été 2013, le prix de location annuel des lits des chalets sera réduit à 2.000 euros HT par lit et par an, soit un total de 40.000 euros HT par an pour les 20 lits, pendant deux ans ou quatre saisons.

5. L'avenant a indiqué qu'au 1er novembre 2011, la redevance annuelle est de 142.778,44 euros HT par application de l'indice du coût de la construction. Il a modifié les dates de paiement des six échéances comprises entre le 30 novembre 2011 et le 30 septembre 2012. Il a également prévu, à partir de l'échéance du 30 novembre 2013, de nouvelles modalités de paiement de la redevance annuelle, tenant compte de la redevance relative à la location des chalets, jusqu'au 30 septembre 2015, puis d'autres modalités concernant la période courant du 30 novembre 2015 jusqu'au 30 septembre 2018 afin de tenir compte de l'augmentation de la redevance annuelle concernant les chalets.

6. Un avenant de prorogation a été signé le 8 janvier 2019, prolongeant la durée du contrat pour une durée de trois ans, du 1er novembre 2018 au 31 octobre 2021.

7. Le 27 octobre 2020, monsieur [I] a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception la fin de la location-gérance à compter du 31 octobre 2021. La résiliation du contrat a été signifiée par voie d'huissier le 29 octobre 2020 pour un terme au 31 octobre 2021. Par acte d'huissier du 29 janvier 2021, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié à la Sas Best Holiday, visant la dette locative s'élevant au 20 janvier 2021 à 114.015,88 euros hors frais.

8. Selon assignation en opposition à commandement de payer signifiée le 26 février 2021, la Sas Best Holiday a saisi le tribunal judiciaire de Grenoble, sollicitant':

- l'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 29 janvier 2021;

- qu'il soit jugé que les échéances visées ont été payées par la société Best Holiday, et que le commandement de payer n'est en conséquence pas fondé';

- de constater l'absence de bonne foi de monsieur [I] dans le recouvrement des échéances, outre les difficultés financières de la société Best Holiday au regard de la situation sanitaire liée à la Covid 19 ;

- d'ordonner la suspension de la clause résolutoire pour les échéances du 30 novembre 2020 et du 20 janvier 2021;

- d'accorder à la société Best Holiday, compte tenu des conditions sanitaires et de la fermeture de la station de ski, des délais de paiement sur deux années';

- de déclarer le commandement de payer illégal pour avoir été délivré au visa de la clause résolutoire du bail, alors que les mesures de résolution avaient été suspendues par les textes pris en raison de la pandémie de Covid 19';

- de juger que la force majeure ainsi caractérisée justifie la réduction des loyers, et la suspension de leur paiement jusqu'à la reprise d'une exploitation normale';

- de réduire le montant des loyers dus pour l'année 2020 de 100.000 euros, et réduire ceux dus pour 2021 de 100.000 euros également';

- de juger que le contrat de location-gérance doit être requalifié en bail commercial et, en conséquence, de juger que la signification de la résiliation du contrat de location-gérance est nulle';

- de condamner monsieur [I] à verser à titre provisionnel à la société Best Holiday la somme de 150.000 euros, au titre de la réduction des loyers de 2020 et de 2021, et ordonner la compensation des créances réciproques et un compte entre les parties';

- d'ordonner une expertise judiciaire aux fins d'établir le montant des loyers futurs au vu de la modification de l'environnement commercial';

- de juger que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance et que la société Best Holiday oppose une exception d'inexécution au paiement des loyers';

- de désigner un expert pour déterminer le montant des mises au normes et des obligations d'entretien à la charge du bailleur';

- de condamner monsieur [I] à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

- de le condamner aux dépens.

9. Par ordonnance juridictionnelle du 24 janvier 2023, le juge chargé de la mise en état du tribunal judiciaire de Grenoble a':

- déclaré irrecevable les demandes de requalification du contrat et celles subséquentes formées par la société Best Holiday, comme prescrites';

- débouté les parties du surplus de leurs demandes';

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort du principal';

- condamné la société Best Holiday à verser à monsieur [I] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du 9 mars 2023, date à laquelle il est fait injonction à maître Gondouin, conseil de la Sas Best Holiday, d'avoir conclu au fond, en clarifiant juridiquement et en synthétisant les demandes maintenues.

10. La société Best Holiday a interjeté appel de cette décision le 21 février 2023, en ce qu'elle a':

- déclaré irrecevable les demandes de requalification du contrat et celles subséquentes formées par la société Best Holiday, comme prescrites';

- débouté les parties du surplus de leurs demandes';

- condamné la société Best Holiday à verser à monsieur [I] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 7 septembre 2023.

Prétentions et moyens de la société Best Holiday':

11. Selon ses conclusions remises le 6 septembre 2023, elle demande à la cour,

- de réformer l'ordonnance déférée , en ce que le juge de la mise en état a fait droit à la fin de non-recevoir de monsieur [C] [I] sur le fondement de I'article L145-60 du code de commerce';

- de réformer en toutes ses dispositions I'ordonnance qui a, à tort, jugé prescrites les demandes d'application immédiate du statut des baux commerciaux formulées par la société Best Holiday sur le fondement des dispositions des articles L145-1 et L145-5, L145-14 et L145-15 du code de commerce';

- de juger non écrites toutes les stipulations faisant échec aux dispositions d'ordre public des baux commerciaux';

- en conséquence, de réformer I'ordonnance et de renvoyer la discussion au fond devant le tribunal judiciaire qui reste saisi';

- de juger que les demandes de la concluante ne sont pas prescrites';

- de condamner [C] [I] à payer à la concluante une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'articIe 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient':

12. - que si l'intimé soutient avoir exploité personnellement le fond de commerce, ce qui est une condition de validité de toute location-gérance, il ne produit aucune pièce le démontrant'; qu'il s'est ainsi présenté à tort comme bailleur du fonds de commerce'; que sa déclaration effectuée postérieurement au contrat au registre du commerce est sans effet pour prouver cette exploitation'; que le libellé des factures émises est inopposable à la concluante'; que le fait que les contrats aient perduré depuis 2004 permet de constater qu'il s'est bien agi d'un bail commercial et non d'un contrat de location-gérance précaire';

13. - que l'avenant autorisant le bailleur à construire deux chalets, la piscine et un court de tennis, confirme l'absence d'exploitation, ces constructions étant nouvelles et n'ayant jamais été exploitées antérieurement par l'intimé, alors que seule la concluante a constitué la clientèle utilisant ces aménagements qu'elle seule a exploité jusqu'à la résiliation';

14. - que s'il s'était agi d'un contrat de location-gérance véritable, l'intimé aurait dû décliner la compétence du tribunal judiciaire, compétent en matière de baux commerciaux, au profit du tribunal de commerce, compétent en matière de location-gérance'; qu'il a conclu au fond sans soulever de moyen tiré de la prescription biennale de l'application du statut des baux commerciaux de sorte qu'il est irrecevable, par application de l'article 123 du code de procédure civile, à proposer cette exception, tout en ne contestant pas la compétence du tribunal judiciaire;

15. - que le juge de la mise en état n'a pu retenir que le contrat était simplement libellé comme étant une location-gérance, cette fausse qualification étant réputée non écrite selon les articles L145-15 et L145-16 du code de commerce, et en affirmant qu'il portait bien sur la location non de l'immeuble, mais du fonds de commerce';

16. - qu'il n'a pu déclarer prescrite toute demande de requalification à compter du contrat d'origine de 2004, puisque les parties n'étaient pas les mêmes'; qu'il appartenait au juge de tirer les conséquences du protocole d'accord du 24 novembre 2018 prolongeant de 15 ans la durée du contrat à compter du 1er novembre 2022, ce contrat remontant à moins de deux ans'; que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial en raison

du maintien dans les lieux à l'issue d'un bail dérogatoire n'est pas soumis à la prescription biennale'; que la fraude suspend toute prescription, ainsi en la cause concernant l'affirmation d'une exploitation personnelle du fonds de commerce';

17. - que l'intimé ne peut invoquer la prescription, dans la mesure où depuis la résiliation du contrat, il a continué à facturer des loyers qu'il qualifie d'indemnités d'occupation'et à encaisser les loyers, renonçant ainsi clairement à toute prescription;

18. - qu'en raison du maintien dans les lieux de la concluante et en raison du renouvellement du contrat, il s'est opéré de plein droit un nouveau bail, de sorte qu'il ne peut y avoir de prescription.

Prétentions et moyens de monsieur [I]':

19. Selon ses conclusions remises le 3 mai 2023, il demande à la cour, au visa de l'article 789 du code de procédure civile, des articles L145-60 et L144-1 et suivants du code du commerce, de l'article 14 de la loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, du décret du n° 2020-293 du 23 mars 2020, des articles 1218, 1195, 1719 et 1240 du code civil, des articles 122 et 123 du code de procédure civile':

- de juger que le contrat liant la Sas Best Holiday et le concluant est un contrat de location-gérance';

- de juger que la prescription est une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause';

- de juger que les demandes visant à la requalification du contrat de location-gérance en bail commercial sont prescrites';

- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable les demandes de requalification du contrat et celles subséquentes formées par la société Best Holiday comme prescrites'; en ce qu'elle a condamné la société Best Holiday à verser au concluant la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile'; en ce qu'elle a rejeté les autres demandes de la société Best Holiday y compris la demande d'expertise';

- d'infirmer cette ordonnance en ce que le concluant a été débouté de sa demande de condamnation de la société Best Holiday à lui régler à titre provisionnel la somme de 80.190,98 euros au titre des redevances et indemnités d'occupation impayées';

- statuant à nouveau, de juger que la créance de la société Best Holiday à l'endroit du concluant n'est pas sérieusement contestable';

- en conséquence, de condamner l'appelante à payer au concluant, à titre provisionnel, la somme de 80.190,98 euros au titre des redevances et indemnités d'occupation impayées';

- de condamner l'appelante à payer au concluant, à titre provisionnel, la somme de 5.820,02 au titre des pénalités de retard, arrêtées au 31 octobre 2021 à parfaire';

- de condamner l'appelante à payer au concluant la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

L'intimé soutient':

20. - que le contrat conclu le 25 novembre 2004 a porté sur la location-gérance du fonds de commerce comprenant l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel servant à son exploitation, le droit de jouir des locaux, la licence de 4ième catégorie, les locaux comprenant 29 chambres, une salle de réunion, une salle de restaurant, un espace bar, la réception, une piscine extérieure, un terrain de tennis, un sauna, un parking et les espaces dédiés aux services comme les cuisines et la lingerie';

21. - que courant 2016, l'appelante a indiqué au concluant que s'il ne renouvelait pas la location-gérance à l'issue du terme fixé au 31 octobre 2018, elle demanderait une indemnité d'éviction en revendiquant le statut des baux commerciaux; que le concluant a contesté cette position; que les parties ont alors signé un protocole d'accord transactionnel, portant le terme du contrat au 31 octobre 2021 et prévoyant qu'à compter du 1er novembre 2022, après la réalisation des travaux d'agrandissement et de rénovation, les parties conviendront d'un nouveau contrat de location-gérance pour une durée de 15 ans'; qu'un troisième avenant au contrat initial a été signé le 8 janvier 2019, prorogeant notamment le contrat pour trois ans jusqu'au 31 octobre 2021';

22. - que les travaux prévus par le concluant n'ont pu être réalisés en raison de la crise de la Covid 19, les banques refusant les prêts, alors que l'appelante n'a pas réglé les redevances, de sorte que le 27 octobre 2020, le concluant a notifié à l'appelante la fin du contrat à compter du 31 octobre 2021, avant de signifier cette résiliation par exploit du 29 octobre'; que les redevances continuant à être impayées, il a également fait signifier, le 29 janvier 2020, un commandement de payer visant la clause résolutoire auquel l'appelante a formé opposition';

23. - concernant la confirmation de l'ordonnance sur la prescription, que le juge de la mise en état a justement relevé que cette question peut être soulevée en tout état de cause et à tout moment jusqu'à la clôture de la procédure, par application des articles 122 et 123 du code de procédure civile'; que peu importe qu'elle ait pour objet une action tirée de l'application du statut des baux commerciaux'; que la fin de non-recevoir du concluant est ainsi recevable';

24. - concernant la prescription de la demande de requalification de l'appelante, que le délai biennal énoncé à l'article L145-60 du code de commerce court à compter du contrat, peu important qu'il ait été renouvelé';

25. - qu'en la cause, le contrat signé en 2004 et ses avenants ont bien concernés la location du fonds de commerce, et non de l'immeuble dans lequel il est exploité'; que le concluant exerçait bien une activité commerciale lors de la conclusion du contrat initial, l'hôtel étant inscrit au registre du commerce depuis le 8 juillet 1996, avant qu'il n'en hérite de ses parents selon acte de donation-partage intervenu en 2003; que l'appelante a accepté de signer des avenants dans le cadre de la location-gérance et a exploité le fonds à ce titre pendant 19 ans'; que ce n'est que lors de la notification de la fin du contrat et de la signification du commandement qu'elle a contesté la nature du contrat';

26. - que les deux nouveaux chalets et la piscine ont été intégrés au contrat par l'avenant n°2 du 3 mai 2012, alors qu'il n'est pas contestable que les sommes versées par l'appelante sont qualifiées depuis l'origine comme étant des redevances ;

27. - que le contrat initial a été signé pour trois ans, alors qu'un bail commercial est obligatoirement conclu pour neuf ans selon l'article L145-4 du code de commerce; que les avenants ne constituent pas des renouvellements au sens de l'article L145-10 ;

28. - que l'appelante est mal fondée à soutenir qu'il y a eu un changement de société, puisqu'elle a signé l'avenant n°2 en 2012, de sorte qu'elle disposait d'un délai de deux ans expirant en 2014 pour solliciter une requalification'; qu'en tout état de cause, le dernier avenant ayant été signé le 8 janvier 2019, l'appelante est également prescrite pour n'avoir pas sollicité une requalification avant le 8 janvier 2021';

29. - que la demande de requalification ayant été rejetée, le juge de la mise en état a justement rejeté également toute demande concernant une expertise';

30. - concernant la demande de provision, que si l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 a prévu que, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois courant à compter de la date à laquelle l'activité des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou des articles L3131-15'et L3131-17 du code de la santé publique, ces personnes ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux commerciaux où leur activité était ainsi affectée, alors que les procédures d'exécution sont suspendues, l'article 8 du décret du 23 mars 2020 concernant les établissements recevant du public a cependant autorisé la réception du public dans les hôtels et les hébergements similaires'; ainsi, que l'appelante n'a pas été contrainte à une fermeture et a pu continuer à exploiter le fonds, y compris concernant la restauration pouvant se faire en chambre'; que le commandement de payer visant la clause résolutoire est ainsi valable';

31. - que l'appelante reconnaît que l'échéance du 30 septembre 2020 a été réglée seulement le 20 février 2021, et en la morcelant, sans que le concluant ait donné son accord, alors que l'appelante ne justifie avoir sollicité les aides de l'État'; que les clients ne viennent pas seulement skier, mais viennent également pour pratiquer d'autres activités de sorte que la fermeture des remontées mécaniques n'a pas empêché la clientèle de se rendre dans la station, alors que c'est la fermeture volontaire de l'hôtel par l'appelante qui est la cause de la baisse de son chiffre d'affaires';

32. - que les échéances des 20 janvier et 20 mars 2021 demeurent impayées pour respectivement 33.967,85 euros et 46.223,13 euros'; que l'appelante reste ainsi débitrice de 80.190,98 euros, outre 5.820,02 euros au titre des pénalités de retard, de sorte que la créance du concluant n'est pas sérieusement contestable.

*****

33. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION':

1) Sur la recevabilité de la demande de requalification du contrat':

34. Selon les articles 122 et 123 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. L'article 123 précise que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. Il en résulte que la demande de l'intimé tendant à voir déclarer prescrite la demande de requalification du contrat est recevable devant le juge de la mise en état, compétent à compter de sa désignation pour statuer sur les fins de non-recevoir selon l'article 789.

35. Selon l'article L145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du chapitre concernant les baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

36. La cour constate que la demande qui tend à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale et que le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, peu important qu'il ait été tacitement reconduit (Com. 11 juin 2013 n°12-16.103) ou renouvelé par avenants successifs (Civ. 3ième, 3 déc. 2015, n°14-19.146).

37. En l'espèce, le contrat initial a été conclu entre monsieur [I] et la société Best Holiday Vacanze le 25 novembre 2004. En raison de l'identité du locataire-gérant à cette date, le délai biennal n'a pu courir contre l'appelante à compter de cette date. Ce délai n'a couru contre la société Best Holiday qu'à compter de la signature du second avenant le 3 mai 2012, par lequel la société Best Holiday est venue se substituer au preneur initial la société Best Holiday Vacanze. Il en résulte qu'à compter du 3 mai 2014, l'appelante n'était plus recevable à solliciter la requalification du contrat en vue de l'application du statut des baux commerciaux. Peu importe à cet égard que l'appelante se soit maintenue dans les lieux après l'expiration du contrat, ou que le bailleur ait continué à facturer des loyers qualifiés d'indemnités d'occupation. L'ordonnance déférée ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable les demandes de requalification du contrat et celles subséquentes formées par la société Best Holiday, comme prescrites.

2) Sur la demande de provision de monsieur [I]':

38. Selon l'ordonnance déférée, il n'appartient pas au juge de la mise en état de statuer sur le fond du dossier, les demandes subsistantes de la part de la société Best Holiday étant l'annulation du commandement de payer, mais également le constat de ce que les redevances auraient été payées, même avec retard, et la réduction ou la suppression des loyers dus sur la période visée en raison des circonstances sanitaires liées à la Covid 19.

39. La cour relève que selon l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

40. Il résulte de l'article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie, que certains établissements recevant du public ne peuvent plus accueillir du public jusqu'au 11 mai 2020, comme les restaurants et les débits de boissons, sauf concernant l'activité de vente à emporter, le room service des restaurants et les bars hôtel. L'annexe de ce décret a prévu que les hôtels et hébergements similaires à l'exclusion des villages vacances, maisons familiales et auberges collectives, peuvent continuer à recevoir du public.

41. Selon la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, le Premier ministre peut, par décret, réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l'accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé. Il peut également réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des locaux à usage d'habitation, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité. La fermeture provisoire d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions peut, dans ce cadre, être ordonnée lorsqu'ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu'ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus.

42. Selon l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative, les personnes morales exerçant une activité commerciale ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée, alors que les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues.

43. En l'espèce, le commandement de payer signifié le 29 janvier 2021 a concerné les redevances exigibles les 30 septembre 2020, 30 novembre 2020 et 30 janvier 2021. A ces dates, il n'existait pas de mesures de police administrative interdisant aux hôtels de recevoir du public. Il en résulte que l'intimé pouvait engager une procédure visant le défaut de paiement des redevances, aucun des textes susvisés n'imposant la suspension du paiement de ces redevances.

44. Il appartient au débiteur de rapporter la preuve qu'il s'est acquitté de son obligation. En l'espèce, s'il n'est pas contesté par l'appelante qu'elle n'a pas réglé les redevances visées par le commandement à leur échéance, puisqu'elle reconnaît que l'échéance du 30 septembre 2020 a été payée par six virements fractionnés entre le 3 octobre 2020 et le 10 février 2021, alors que celle du mois de novembre 2020 n'a été réglée que le 3 juin 2021 et que celle du 20 janvier 2021 n'a pas été payée, cependant, selon le tableau établi par l'appelante, diverses sommes ont ensuite été réglées ultérieurement. Il résulte à ce titre du grand livre de l'appelante qu'à la date du 22 mars 2022, le compte de monsieur [I] était créditeur de 80.270,98 euros, et ainsi, que l'appelante était débitrice de cette somme. Selon l'article L123-23 du code de commerce, la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. L'article 1378 du code civil prévoit que les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privé.

45. En conséquence, monsieur [I] justifie d'une obligation dont l'existence n'est pas sérieusement contestable, à hauteur du montant figurant dans le grand livre de l'appelante au titre des redevances et accessoires impayées. La cour infirmera ainsi l'ordonnance déférée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de provision, et statuant à nouveau, condamnera l'appelante au paiement de la somme de 80.190,98 euros, conformément à la demande faite devant le juge de la mise en état et maintenue par monsieur [I] devant la cour.

46. Pour le surplus, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions soumises à la cour, s'agissant notamment des pénalités de retard à parfaire, l'intimé ne justifiant pas d'une obligation non sérieusement contestable, la somme sollicitée ne figurant pas dans la comptabilité de l'appelante, alors que les documents n'ont pas stipulé le paiement de pénalités de retard.

47. Succombant en son appel, la société Best Holiday sera condamnée à payer à monsieur [I] la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 122 et 123, 789 du code de procédure civile, les articles L145-60 et L144-1 et suivants du code du commerce, l'article 14 de la loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, le décret du n° 2020-293 du 23 mars 2020, les articles 1218, 1195, 1719 et 1240 du code civil';

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision de monsieur [I]';

Confirme l'ordonnance déférée en ses autres dispositions soumises à la cour;

statuant à nouveau';

Condamne la société Best Holiday à payer à monsieur [I] la somme de 80.190,98 euros à titre de provision sur les redevances et indemnités d'occupation impayées';

y ajoutant';

Condamne la société Best Holiday à payer à monsieur [I] la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente