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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ., 12 octobre 2023, n° 22/00137

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 22/00137

12 octobre 2023

AFFAIRE :N° RG 22/00137 - N° Portalis DBVC-V-B7G-G5C5



ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION en date du 12 Janvier 2022 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2021004515

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2023

APPELANTE :

S.A.S. SELIMA

N° SIRET : 411 495 369

[Adresse 8]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me MOSQUET-LEVENEUR, avocats au barreau de CAEN,

Assistée de Me François KOPF et de Me Mathieu DELLA VITTORIA, avocats au barreau de PARIS

INTIMES :

Maître [S] mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL SOVALVIP de la SARL SOVALVIP

[Adresse 1]

[Localité 2]

S.A.R.L. SOVALVIP

N° SIRET : 517 993 069

[Adresse 5]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

défaillante

assistée de Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN

S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE, prise en la personne de Me [V], administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL SOVALVIP

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

Représentés et assistés de Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS : A l'audience publique du 29 juin 2023

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 12 octobre 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

*

* *

Le 28 septembre 2009, les époux [P] et la société Selima, filiale du groupe Carrefour, ont créé la SARL Sovalvip dans le but d'exploiter en location-gérance un fonds de commerce sous l'enseigne Marché Plus appartenant au groupe Carrefour, situé à [Localité 6].

La majorité du capital social de la SARL Sovalvip à hauteur de 74% est détenue par les époux [P], associés , et une minorité de blocage, à hauteur de 26%, par la société Selima, filiale à 100% de la société Profidis, détenue elle-même à 100% par la société Carrefour SA. La gérance est assurée par M. [P].

Au cours de l'année 2011, le contrat de location-gérance portant sur le fonds de commerce situé à [Localité 6] a été résilié, puis, le 12 septembre 2011, la SARL Sovalvip et la société Carrefour proximité France (CPF), filiale du groupe Carrefour, ont conclu un contrat de location-gérance portant sur un fonds de commerce exploité sous l'enseigne Carrefour City, situé [Adresse 5] à [Localité 3] .

Par acte authentique en date du 4 juillet 2014, la société Carrefour proximité France a cédé à la société Sovalvip le fonds de commerce situé à [Localité 3], moyennant un prix de 370.000 euros, sous la condition expresse que Sovalvip poursuive son exploitation sous l'enseigne Carrefour pour une période de dix ans.

L'objet social a été modifié pour consister en l'exploitation d'un fonds de commerce de type supermarché sous enseigne Carrefour ou toute autre enseigne appartenant au groupe Carrefour à l'exclusion de toute autre.

Par acte du même jour, un pacte d'associés est intervenu entre les époux [P], associés majoritaires, et la société Selima, associé minoritaire, dont l'objet principal était de stipuler un droit de préemption en cas de cession du fonds ou des titres, de fixer un mode de détermination du prix et de stipuler une obligation de non-concurrence d'une durée de 7 années dans un rayon de 15 kilomètres à compter de la cession des titres.

Dans le cadre de l'exploitation de ce fonds de commerce, la société Sovalvip a conclu, le 25 juin 2014, un contrat de franchise avec la société Carrefour Proximité France (CPF) et un contrat d'approvisionnement avec CSF pour une durée de 7 années, renouvelable par tacite reconduction à défaut de dénonciation intervenue 1 an avant l'échéance de chaque période.

Ces contrats ont été dénoncés par la société Sovalvip le 17 juin 2020 avec effet au 24 juin 2021.

Le 24 septembre 2020, la société Sovalvip a demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à son profit.

Par jugement en date du 30 septembre 2020, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL Sovalvip et désigné la SELARL Trajectoire, prise en la personne de Me [M] [V] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [I] [S] en qualité de mandataire judiciaire.

Par requête en date du 21 mai 2021, la société Sovalvip et son administrateur judiciaire ont saisi le juge commissaire d'une demande aux fins d'être autorisés à accomplir un acte étranger à la gestion courante de la société.

Par ordonnance en date du 8 juin 2021, le juge commissaire a fait droit à cette demande et :

- autorisé la conclusion de nouveaux contrats d'enseigne et d'approvisionnement avec la société Segurel,

- autorisé le changement de l'enseigne du fonds de commerce de 'Carrefour City' en 'Coccinelle supermarché' à compter du 25 juin 2021,

- autorisé la constitution d'un dépôt de garantie de 40. 000 euros entre les mains de la société Segurel,

- passé les dépens en frais privilégiés de procédure.

Par décision du 16 juin 2021, le tribunal de commerce de Caen a autorisé, sur le fondement de l'article L. 626-3 du code de commerce, l'assemblée générale extraordinaire des associés de Sovalvip à modifier l'objet social à la majorité simple.

L'assemblée générale extraordinaire de Sovalvip en date du 19 juillet 2021 a voté l'élargissement de l'objet social qui n'est plus limité exclusivement à l'exploitation d'un fonds de commerce sous enseigne Carrefour.

Par déclaration faite au greffe en date du 13 juillet 2021, la SAS Selima a formé un recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 8 juin 2021.

Par jugement contradictoire en date du 12 janvier 2022, le tribunal de commerce de Caen a :

- reçu la SAS Selima en la forme en son recours ;

- confirmé en tous points l'ordonnance du juge commissaire rendue le 8 juin 2021 ;

- confirmé en tous points l'ordonnance du juge-commissaire aux opérations de la procédure de sauvegarde de la SARL Sovalvip rendue le 08 juin 2021 portant le numéro 2021 002861 ;

- débouté la SAS Selima de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouté la SARL Sovalvip en sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SAS Selima à payer à la SARL Sovalvip la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le demandeur supportera les dépens de la présente instance.

Par déclaration en date du 19 janvier 2022, la société Selima a fait appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 23 mai 2023, la société Selima demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Sovalvip de sa demande de dommages et intérêts et statuant à nouveau de :

- annuler en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire du 8 juin 2021 ;

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire du 8 juin 2021 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sovalvip de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouter la société Sovalvip, la SELARL Trajectoire ès qualités et Maître [I] [S] ès qualités de leur appel incident et de leur demande tendant à la condamnation de la société Selima à verser à la société Sovalvip une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- débouter la société Sovalvip, la SELARL Trajectoire ès qualités et Maître [I] [S] ès qualités de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner la société Sovalvip au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.

Par dernières conclusions du 16 mai 2023, la SARL Sovalvip, la SELARL Trajectoire, ès qualités d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Sovalvip, et Maître [I] [S] ès qualités de mandataire judiciaire , demandent à la cour de :

- rejeter l'appel de la société Selima et le dire mal fondé ;

En conséquence,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle déboute la société Sovalvip de sa demande indemnitaire ;

La réformant de ce chef et statuant à nouveau,

- condamner la société Selima à verser à la société Sovalvip une indemnité de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

En tout état de cause,

- condamner la société Selima à verser à la société Sovalvip une indemnité qu'il n'apparaît pas inéquitable de fixer à 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Selima aux entiers dépens.

Le dossier a été communiqué au ministère public qui s'en rapporte par conclusions du 28 juin 2023.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 14 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures.

SUR CE, LA COUR

Sur l'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire pour inobservation du contradictoire

Selon l'article R662-1 du code de commerce, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, les règles du code de procédure civile sont applicables dans les matières régies par le livre VI du code de commerce.

Selon l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Aux termes de l'article R 621-21 du code de commerce, le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l'exécution du plan. Le juge-commissaire est saisi par requête, sauf s'il en est disposé autrement.

Si le juge-commissaire n'a pas statué dans un délai raisonnable, le tribunal peut être saisi à la demande d'une partie ou du ministère public.

Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public.

Ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe.

Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l'ordonnance.

L'examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires de justice étant avisés.

Selon l'article L622-7 II du code de commerce, dans sa version applicable à la cause, le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou transiger. Néanmoins, si cet acte est susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'issue de la procédure, le juge-commissaire ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public.

Aux termes de l'article R622-6 du code de commerce, lorsque le juge-commissaire statue sur une demande d'autorisation présentée par le débiteur en application du II de l'article L. 622-7, le greffier convoque le débiteur, l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné, le mandataire judiciaire et, s'il y a lieu, les créanciers titulaires de sûretés spéciales sur les biens dont la vente est envisagée.

La demande d'autorisation portant sur un acte susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'issue de la procédure est formée par requête du débiteur et, s'il en a été nommé, de l'administrateur judiciaire sauf s'il n'a qu'une mission de surveillance. Sur la demande du juge-commissaire, le greffe du tribunal adresse copie de la requête au ministère public au plus tard huit jours avant la date de l'audience.

La société Selima fait valoir la nullité de plein droit de l'ordonnance du juge-commissaire du 8 juin 2021, faute de justification apportée à la dérogation au principe du contradictoire et alors qu'au contraire,la décision affectant ses droits, elle aurait dû être appelée à l'audience afin de présenter sa défense, aucun texte du code de commerce ne permettant au juge-commissaire de s'affranchir du principe du contradictoire, lequel est applicable à toutes les juridictions et 'en toutes circonstances',conformément à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et à l'article 16 du code de procédure civile. Elle soutient que le rétablissement du contradictoire à travers l'ouverture d'une voie de recours n'est envisageable que si les circonstances justifient initialement qu'il y soit dérogé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et que l'atteinte portée au principe du contradictoire est d'autant plus grave que l'ordonnance du juge-commissaire ne lui a pas été notifiée, les intimés ayant tenté de la priver de son droit à être entendue et à faire valoir ses droits concernant une mesure portant pourtant atteinte à ses intérêts.

Les intimés soutiennent que la jurisprudence relative à la nécessité de justifier du recours à l'ordonnance sur requête ne s'applique pas en l'espèce, le juge commissaire ayant été saisi sur requête spéciale imposée par la loi comme seul mode de saisine, que le juge-commissaire ne serait tenu de justifier d'éventuelles dérogations au principe du contradictoire qu'en cas de saisine relative à une demande de désignation d'un technicien, pour lequel l'article R. 621-23 du code de commerce prévoit un régime spécifique similaire au droit commun des ordonnances sur requête, qu'en revanche, le régime de droit commun des ordonnances du juge commissaire régi par les dispositions de l'article R 621-21 code de commerce ne prévoit pas de dispositions similaires, toutes les ordonnances de la période d'observation étant, du fait de la loi, rendues sur requête non contradictoire, que le contradictoire est préservé par les dispositions de l'article R. 621-21 du code de commerce qui organise les voies de recours ouvertes au bénéfice des personnes dont les droits et obligations sont affectés.

L'article R621-1 du code de commerce prévoit que la saisine de droit commun du juge- commissaire est la requête.

Comme le soulignent justement les intimés, il n'est pas prévu pour l'application des dispositions de l'article L622-7 du code de commerce un mode de saisine dérogatoire.

Dès lors que la requête est spécifiquement prévue comme mode de saisine du juge-commissaire, il n'est pas nécessaire de procéder à l'examen des circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit prise contradictoirement au sens de l'article 493 du code de procédure civile.

L'article R622-6 du code de commerce désigne précisément les personnes devant être convoquées devant le juge-commissaire lors de l'examen d'une requête formée sur le fondement de l'article L622-7 II à savoir: le débiteur, l'administrateur , lorsqu'il en a été désigné, le mandataire judiciaire et s'il y a lieu , les créanciers titulaires de sûretés spéciales sur les biens dont la vente est envisagée.

En l'espèce dans le cadre de la requête déposée par la société Sovalvip et l'administrateur judiciaire le 21 mai 2021 devant le juge-commissaire afin d'autoriser la conclusion d'un acte étranger à la gestion courante, la société Selima, associée de la société Sovalvip, ne peut prétendre qu'elle était une partie et qu'elle devait de ce fait être appelée sur la cause en vertu du principe du contradictoire.

Elle est un tiers dont les droits et obligations sont affectés par la décision du juge-commissaire et à qui la décision du juge-commissaire est notifiée conformément aux dispositions de l'article R 621-21, ce qui lui ouvre un recours lui permettant de faire valoir ses arguments et de faire rétracter ou réformer la décision le cas échéant, recours qu'elle a d'ailleurs exercé.

La décision du juge-commissaire n'est donc contraire ni à l'article 16 du code de procédure civile ni à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a jugé que l'ordonnance du juge-commissaire n'était pas nulle.

Sur les autorisations du juge-commissaire

Selon l'article L622-7 II du code de commerce, dans sa version applicable à la cause, Le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou transiger. Néanmoins, si cet acte est susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'issue de la procédure, le juge-commissaire ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public.

Le juge-commissaire peut aussi l'autoriser à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l'activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d'option est justifiée par la poursuite de l'activité.

III.-Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.

Sur l'autorisation de constituer un dépôt de garantie entre les mains de la société Ségurel, il n'est pas développé de moyens sur la nullité de cette décision pour excès de pouvoir étant précisé que cet acte peut être autorisé par le juge-commissaire en vertu des dispositions de l'article L622-7 II du code de commerce.

Il est relevé que la société Sovalvip a saisi le juge-commissaire pour qu'il autorise le changement des contrats d'enseigne et d'approvisionnement au motif qu'il s'agissait d'actes étrangers à la gestion courante de l'entreprise.

Elle ne peut donc en vertu du principe de l'estoppel, soutenir devant la cour que ce sont des actes de gestion courante.

Sur l'autorisation de conclure un nouveau contrat d'approvisionnement, il n'est pas contesté que le contrat d'approvisionnement signé le 25 juin 2014 avec la société CSF et conclu pour une durée de 7 années a été dénoncé par la société Sovalvip un an avant l'échéance de la période par lettre recommandée avec accusé de réception, comme prévu à l'article 5 dudit contrat, avec effet au 25 juin 2021.

Il est constant que la conclusion d'un nouveau contrat d'approvisionnement était nécessaire pour permettre à la société de maintenir son activité.

Il s'agissait d'un acte urgent, inévitable et indispensable pour que la société puisse continuer une activité, le précédent contrat d'approvisionnement arrivant à échéance le 25 juin 2021.

L'article 15 des statuts de la société édicte que le gérant peut faire tous les actes de gestion dans l'intérêt de la société.

Les statuts ne prévoient pas de restriction des pouvoirs du gérant pour la conclusion d'un contrat d'approvisionnement.

Comme le soulignent justement les intimés, aucune disposition statutaire n'interdit au gérant de conclure un contrat d'approvisionnement avec la société de son choix à l'échéance du contrat d'approvisionnement conclu avec Carrefour.

Il n'est pas soutenu que le contrat de franchise prévoyait une clause d'approvisionnement exclusif.

Il s'en déduit que la conclusion d'un nouveau contrat d'approvisionnement avec une autre société que Carrefour après la résiliation du contrat conclu en 2014 n'était pas interdit par les statuts, ni contraire à l'objet social.

Dès lors, l'autorisation donnée par le juge- commissaire dans le cadre de l'article L622-7 du code de commerce, conforme à l'objectif de sauvegarde de la société, et préservant les intérêts en présence et notamment ceux des associés puisqu'elle permettait la continuité de l'activité, est régulière et ne constitue pas un excès de pouvoir.

Concernant l'autorisation de conclure un nouveau contrat d'enseigne et de changer d'enseigne, il doit être rappelé que l'objet social de la société Sovalvip est l'exploitation d'un fonds de commerce de supermarché sous enseigne Carrefour City ou toute autre enseigne appartenant au groupe Carrefour à l'exclusion de toute autre.

Par ailleurs, l'article 15 des statuts limite les pouvoirs du gérant en matière de modification de l'enseigne puisqu'il est prévu à titre de règlement intérieur que la gérance ne pourra modifier l'enseigne sans y être autorisée par une décision des associés représentant plus des 3/4 des parts sociales.

Ces dispositions ont été examinées par l'Autorité de la concurrence qui dans un avis du 27 septembre 2021 a considéré que Carrefour exerçait une influence déterminante sur la société et qu'il y avait donc un contrôle conjoint sur la société.

Selon l'Autorité de la concurrence, il s'agit d'une opération de concentration qui ne peut être appréhendée sous l'angle de l'article L420-1 du code du commerce qui vise les pratiques anticoncurrentielles.

Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les intimés, la référence à l'enseigne Carrefour dans l'objet social n'est pas accessoire au vu du montage de l'opération et du rôle de Carrefour qui exerce une influence déterminante au sein de la société.

Les termes des statuts sont clairs et il n'y a pas lieu de distinguer entre modification de l'enseigne en cours de contrat et changement de l'enseigne après résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Carrefour proximité France.

Le gérant ne pouvait donc modifier l'enseigne du fonds de commerce dans le cadre de ses pouvoirs d'accomplir les actes de gestion dans l'intérêt de la société.

La société Sovalvip soutient que le règlement intérieur n'est pas opposable aux tiers et donc à la société Ségurel.

Les statuts s'imposent pour autant au juge-commissaire qui n'a pas qualité pour autoriser ou imposer leur modification et qui ne peut prendre de décision sur le fondement de l'article L622-7 du code de commerce contraire à l'objet social et aux statuts fût-ce en arguant de l'urgence ou de la necessité d'assurer la pérennité de l'activité.

Il ne peut non plus être argué de ce que la décision était régulière au vu de la nécessité de la modification des statuts prévue dans le projet de plan de sauvegarde.

En effet, selon l'article L626-3 du code de commerce, lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital ou des statuts, l'assemblée générale extraordinaire ou l'assemblée des associés ainsi que, lorsque leur approbation est nécessaire, les assemblées spéciales mentionnées aux articles L. 225-99 et L. 228-35-6 ou les assemblées générales des masses visées à l'article L. 228-103 sont convoquées dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Le tribunal peut décider que l'assemblée compétente statuera sur les modifications statutaires, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, il est fait application des dispositions de droit commun relatives au quorum et à la majorité.

La modification des statuts relève du pouvoir des associés de la société et seul le tribunal de commerce peut le cas échéant autoriser un vote à la majorité des voix.

L'autorisation donnée en l'espèce par le juge-commissaire était contraire à l'objet social et aux statuts de la société à la date à laquelle elle a été donnée.

Le fait que cette autorisation était donnée à compter du 25 juin 2021 est sans conséquence dès lors qu'à cette date, aucune modification des statuts n'était intervenue, cette modification n'ayant été décidée que le 19 juillet 2021.

Elle ne peut être non plus considérée comme ayant été donnée 'à terme' à charge pour les parties de s'assurer de la conformité des actes régularisés suite à l'octroi de l'autorisation.

Au moment où le juge-commissaire a statué, aucune modification de statuts n'était intervenue. Le tribunal de commerce n'avait pas encore statué, au vu de l'article L626-3 du code de commerce, sur le vote à la majorité simple de l'assemblée générale des modifications statutaires portant sur l'objet social puisque cette décision est intervenue le 16 juin 2021.

Il ne peut être retenu que la décision querellée était fondée au vu du projet de plan de sauvegarde circularisé le 2 juin 2023 et qu'elle a été ratifiée par la réunion et le vote de l'assemblée générale du 19 juillet 2021 ainsi que par l'adoption du plan de sauvegarde le 4 août 2021 puisque la régularité d'une décision de justice s'apprécie au moment où le juge statue.

Dès lors, il s'en déduit que le juge-commissaire a commis un excès de pouvoir en autorisant la conclusion d'un nouveau contrat d'enseigne et en autorisant le changement d'enseigne.

Sa décision de ce chef doit être annulée, peu important que la société Sovalvip soit in bonis et quelle que soit la responsabilité du gérant.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

Les intimés forment une demande de dommages et intérêts au motif que le recours de la société Selima est abusif.

Toutefois, la cour faisant partiellement droit à la demande de l'appelante, il ne peut être retenu que celle-ci a agi de manière abusive ou dilatoire et que son comportement est consitutif d'une faute.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires

Il n'apparaît pas inéquitable que chacune des parties, qui succombe partiellement en ses prétentions, supporte ses frais irrépétibles.

Il n'y a donc pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris est infirmé en ce sens et les parties sont déboutées de leur demande d'indemnité de procédure en cause d'appel.

Le jugement est infirmé sur la condamnation aux dépens et les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe ;

Infirme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 8 juin 2021 sur l'autorisation de conclure un nouveau contrat d'enseigne et sur l'autorisation de changement d'enseigne ainsi que sur la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs de disposition infirmés ;

Annule l'ordonnance du juge-commissaire en date du 8 juin 2021 en ce qu'elle a autorisé la conclusion d'un nouveau contrat d'enseigne et a autorisé le changement d'enseigne en Coccinelle supermarché ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de première instance seront supportés par moitié par chacune des parties ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus et y ajoutant ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY