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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 15 septembre 2023, n° 23/03428

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/03428

15 septembre 2023

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03428 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEXU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Octobre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bobigny - RG n° 22/01283

APPELANTE

S.A.R.L. BRALIM - ENSEIGNE POINT B SARL BRALIM, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Nazli ERSAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Mme [V] [U] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075 et assisté par Me Isabelle CELLIER substituée par Me Renée WELCMAN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Patrick BIROLLEAU, magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président et par Saveria MAUREL, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

*****

Mme [V] [U] [Z] a, par acte du 9 janvier 2021, donné à bail commercial à la société Bralim - Enseigne Point B- des locaux situés [Adresse 1], à [Localité 3], pour l'exercice d'une activité de restauration sur place, à emporter ou en livraison.

Le 18 mars 2022, Mme [Z] a fait délivrer à la société Bralim un commandement visant la clause résolutoire, d'avoir à payer l'arriéré locatif d'un montant en principal de 15.660 euros correspondant aux loyers de septembre 2021 à février 2022.

Ce commandement de payer étant demeuré infructueux, elle a, par acte du 1er juillet 2022, fait assigner la société Bralim devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins, notamment, de voir constater la résolution du bail par l'effet de la clause résolutoire,ordonner l'expulsion de la locataire et la voir condamner au paiement, à titre provisionnel, de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance réputée contradictoire du 10 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :

condamné la société Bralim - Enseigne Point B à payer à Mme [Z] la somme provisionnelle de 19.580,23 euros correspondant aux loyers impayés, terme de juin 2022 inclus ;

constaté l'acquisition du bénéfice de la clause résolutoire inscrite au bail commercial du 9 janvier 2021 et la résolution du bail à compter du 19 avril 2022 ;

ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Bralim - Enseigne Point B, ou de tous occupants de son chef, des locaux situés [Adresse 1] ;

condamné la société Bralim - Enseigne Point B au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à complète libération des lieux ;

dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

condamné la société Bralim - Enseigne Point B à payer à Mme [Z] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Bralim - Enseigne Point B à supporter la charges des dépens.

La société Bralim a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs du dispositif suivant déclarations d'appel en date des 13 février 2023 (procédure enregistrée sous le n° RG 23/03428) et 6 mars 2023 (procédure enregistrée sous le n°RG 23/04637).

Ces procédures ont été jointes le 18 avril 2023.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 21 juin 2023, elle demande à la cour de :

la recevoir en ses demandes et les déclarer bien fondées ;

infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; statuant à nouveau,

lui octroyer des délais de paiement rétroactifs jusqu'au 17 mars 2023 ;

prononcer la suspension rétroactive des effets de la clause résolutoire ;

constater que sa dette a été intégralement soldée au 17 mars 2023 ;

dire que la clause résolutoire n'a jamais joué ;

débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Ersan conformément aux dispositions de l'article 699 du même code ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses précédentes conclusions remises et notifiées le 14 juin 2023, la société Bralim avait formulé les mêmes demandes.

Par conclusions remises et notifiées le 15 juin 2023, Mme [Z] demande à la cour de :

la recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien fondée ;

dire qu'elle ne s'oppose pas à la jonction des instances enregistrées sous les numéros '23/05412' et 23/04637 ;

débouter la société Bralim - Enseigne Point B de ses prétentions, et notamment de sa demande de suspension rétroactive des effets de la clause résolutoire ;

dire que la société Bralim -Enseigne Point B a réglé sa dette arrêtée au mois de juin 2022 inclus ainsi que les frais de signification, d'exécution forcée et de procédure, par virement du 14 mars 2023 ;

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

condamner la société Bralim -Enseigne Point B à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Bralim - Enseigne Point B aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la société JRF & associés représentée par Maître Fertier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 22 juin 2023, elle sollicite le rejet des conclusions remises le 21 juin 2023 par la société Bralim.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 juin 2023. Rr

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

rara

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de rejet de conclusions et de pièces

Aux termes des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent. Selon l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il est constant que la société Bralim a remis ses conclusions n° 4 le 21 juin 2023 à 12h08, la clôture de l'instruction ayant été prononcée le même jour à 13h.

Ces conclusions développent un moyen nouveau, en ce que le bail ne permettrait pas d'exploiter une activité de restauration dans les lieux loués. En communiquant de telles conclusions à moins d'une heure de la clôture, la société Bralim a agi en méconnaissance délibérée du principe de la contradiction.

Aussi convient-il d'écarter des débats les conclusions et les pièces portant les numéros 19 à 23 remises par la société Bralim le 21 juin 2023 et, en conséquence, de se référer aux conclusions n°3 remises par cette dernière le 14 juin 2023.

Sur les conditions d'acquisition des effets de la clause résolutoire insérée au bail et ses

conséquences de droit

L'article 835 du code de procédure civile dispose : 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

L'article L 145-41, alinéa 1er, du code de commerce dispose : 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.'

Le bail du 9 janvier 2021 prévoit, en son article 11 'Résiliation' : 'A défaut d'exécution parfaite par le preneur de l'une quelconque, si minime soit-elle, de ses obligations issues du présent contrat, comme à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer, charges, taxes et/ou accessoires ainsi que des frais de commandement et autres frais de poursuite, celui-ci sera résilié de plein droit un mois après la délivrance d'un commandement d'exécuter resté infructueux (...)'

Il est constant que, le 18 mars 2022, Mme [Z] a fait délivrer à la société Bralim un commandement de payer les loyers d'un montant global de 15.851,48 euros, visant la clause résolutoire insérée au bail, et que les causes du commandement de payer n'ont été ni réglées ni contestées dans le délai d'un mois imparti par ledit acte conformément aux clauses conventionnelles et à l'article L145-41 du code de commerce.

La cour ne peut, dès lors, que confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 19 avril 2022.

Sur la demande de délais de paiement

L'article L 145-41, alinéa 2, du code de commerce prévoit : 'Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'

La société Bralim fait valoir qu'elle a réglé l'intégralité de sa dette le 17 mars 2023, qu'elle dispose d'une trésorerie suffisante et qu'elle ne souffre actuellement plus aucun retard dans le règlement des loyers.

Mme [Z] indique que, si la société Bralim a payé l'intégralité de sa dette, elle ne l'a pas fait spontanément, la dette n'ayant été apurée qu'après la signification d'un acte de saisie attribution.

Il résulte des éléments du dossier que la société Bralim a entrepris de réels efforts pour payer sa dette, alors qu'elle exerce une activité de restauration qui a été particulièrement touchée par la crise sanitaire. Il convient donc de lui accorder un délai de paiement rétroactif jusqu'au 17 mars 2023 et de constater que, ce délai ayant été respecté pour le règlement des causes du commandement et des loyers postérieurs, la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué.

L'ordonnance entreprise sera, en conséquence, infirmée en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de la société Bralim et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens de première instance a été exactement apprécié par le premier juge.

La procédure d'appel ayant été engagée dans l'intérêt de la société Bralim et celle-ci n'ayant réglé sa dette qu'au cours de l'instance d'appel, il convient de lui laisser supporter les dépens exposés devant la juridiction du second degré.

Pour le même motif, et ayant contraint l'intimée à engager des frais irrépétibles pour assurer sa défense, il y a lieu de la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette des débats les conclusions et les pièces portant les numéros 19 à 23 remises par la société Bralim le 21 juin 2023 ;

Infirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a :

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail étaient réunies à la date du 19 avril 2022 ;

- condamné la société Bralim à payer à la somme provisionnelle de 19.580,23 euros ;

- condamné la société Bralim aux dépens de première instance et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, vu l'évolution du litige,

Accorde à la société Bralim un délai expirant le 17 mars 2023 pour s'acquitter de sa dette locative et suspend les effets de la clause résolutoire pendant ce délai ;

Constate que la société Bralim s'est intégralement acquittée de son arriéré locatif dans ce délai ;

Dit en conséquence que la clause résolutoire est réputée n'avoir pas joué ;

Rejette la demande de résiliation du bail formée par Mme [Z], sa demande d'expulsion et sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation ;

Condamne la société Bralim aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct au bénéfice de la société JRF & associés représentée par Maître [B], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Mme [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT