Décisions
CA Chambéry, 1re ch., 12 septembre 2023, n° 22/01925
CHAMBÉRY
Autre
Autre
HP/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 12 Septembre 2023
N° RG 22/01925 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD5G
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 23 Septembre 2022
Appelante
S.A.R.L. ADRG, représentée par son Mandataire judiciaire, la SELARL BOUVET ET GUYONNET, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Georges PEDRO, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
S.C.I. LES VIGNES, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 03 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 mai 2023
Date de mise à disposition : 12 septembre 2023
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et Procédure
Par acte sous seing privé du 14 juin 2017, la SCI Les vignes donnait à bail commercial à la société ADRG (SARL) un local à usage commercial sis [Adresse 2] à [Localité 4] pour une durée de 9 années et comprenant une surface à usage d'atelier et de stockage, deux bureaux et un local sanitaire pour une superficie totale au sol de 195 m².
Par acte d'huissier du 2 octobre 2019, la société ADRG assignait la SCI Les Vignes devant la chambre civile du tribunal judiciaire de Chambéry afin notamment de faire juger que les travaux qu'elle avait entrepris étaient conformes avec les dispositions du contrat de bail et faire débouter les demandes tendant à la constatation de la résiliation du bail.
Par jugement rendu le 23 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- Constatait la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 ;
- Constatait la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 ;
- Constatait la résiliation du bail commercial du 14 juin 2017 liant la société ADRG et la SCI Les vignes à la date du 7 mai 2019 ;
- Constatait qu'à compter du 7 mai 2019, la société ADRG est devenue occupant sans droit ni titre des lieux loués ;
- Ordonnait que la société ADRG restitue les lieux loués dans le délai de trois mois suivant la signification de la présente décision sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, courant pendant trois mois ;
- Ordonnait, à défaut de libération volontaire des lieux loués par la société ADRG selon le bail en date du 14 juin 2017, sis [Adresse 2] à [Localité 4] de ses biens et de sa personne et de tous occupants de son chef, à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision, l'expulsion de la SARL ADRG, de ses biens et de tous occupants de son chef, avec, au besoin, le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier ;
- Fixait l'indemnité d'occupation due par la société ADRG depuis le 7 mai 2019 à la somme de 3 383,80 euros TTC par trimestre, payable au jour le jour ;
- Condamnait la société ADRG au paiement de cette indemnité à compter du 7 mai 2019 et jusqu'à parfaite libération des lieux loués de sa personne et de ses biens et de tous occupants de son chef ;
- Condamnait la SCI Les vignes à payer à la société ADRG la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;
- Ordonnait la remise en état des lieux par le société ADRG selon description faite au bail du 14 juin 2017 outre l'état des lieux et le plan des locaux cosignés le 4 juillet 2017, à ses frais, et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, courant pendant trois mois ;
- Condamnait la société ADRG et la SCI Les vignes à supporter les dépens par moitié chacune ;
- Déboutait chacune des parties de leur demande au titre des frais irrépétibles ;
- Rejetait toute demande plus ample ou contraire.
Au visa principalement des motifs suivants :
La société ADRG ne démontrait ni l'acceptation orale par la SCI Les vignes des travaux entamés ni le refus abusif du bailleur afin d'autoriser les travaux indispensables à la poursuite régulière de l'activité de la preneuse ;
La preneuse avait entrepris des travaux, notamment de démolition sans autorisation écrite préalable de la bailleresse contrevenant ainsi à la clause 5.11 « travaux d'aménagement » ;
La sommation valant commandement de remettre les lieux en l'état dans un délai d'un mois délivré le 7 mai 2019 visait la clause résolutoire insérée au contrat de bail était valide ;
La preneuse n'avait pas remis en état les lieux à l'issue du délai imparti d'un mois si bien que le bail conclu entre les parties était résilié de plein droit le 7 juin 2019 ;
Le fait pour la bailleresse d'avoir installé sans motif démontré des plots en béton reliés par des chaines à proximité des locaux loués était constitutif d'un préjudice de jouissance pour la preneuse qui se trouvait contrainte d'avoir à déplacer lesdits plots lors du passage de ses fournisseurs et était gêné dans la circulation de ses salariés.
Par jugement en date du 25 octobre 2022, le tribunal de commerce de Chambéry ouvrait une procédure de sauvegarde, sans administrateur, à l'encontre de la société ADRG et désignait la société Bouvet et Guyonnet (SELARL) en qualité de mandataire judiciaire, avec une période d'observation au titre de la poursuite d'activité.
Par déclaration au greffe en date du 10 novembre 2022, la société ADRG interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions, hormis les dispositions constatant la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 et qui déboutait chacune des parties de leur demande au titre des frais irrépétibles.
La Selarl Bouvet&Guyonnet intervenait volontairement à l'instance.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 8 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société ADRG et la société Bouvet et Guyonnet, ès qualités de mandataire judiciaire de la société ADRG, sollicitait :
- Déclarer recevable et bien fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Chambéry le 23 septembre 2022 ;
- Confirmer ledit jugement en ce qu'il a annulé la sommation du 28 novembre 2018 et en ce qu'il a jugé que la société ADRG avait subi un préjudice du fait des plots installés par le bailleur,
- Infirmer ledit jugement dans toutes ses autres dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- Prononcer la nullité de la sommation du 7 mai 2019 ;
- Débouter, en conséquence, la SCI Les vignes de l'intégralité de ses demandes tendant notamment à voir constater la résiliation de plein droit ou judiciaire du bail commercial et à ordonner son expulsion des locaux, et à la remise en état des locaux ainsi qu'à la fixation d'une indemnité d'occupation ;
- Condamner la SCI Les vignes à lui payer une indemnité de 150 euros par jour ouvrable à compter du 5 octobre 2018 en réparation du préjudice subi par l'impossibilité de poursuivre les travaux dans les locaux ;
- Autoriser la société ADRG à poursuivre les travaux dans les locaux comme étant notamment indispensables à leur mise aux normes notamment d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et handicapées, et permettre ainsi le respect de l'obligation de délivrance à la charge du bailleur et de jouir des locaux ;
- Ordonner à la SCI Les vignes d'effectuer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les vérifications nécessaires pour déterminer la présence éventuelle d'amiante dans les joints des fenêtres des locaux et lui ordonner de réaliser à ses frais exclusifs, le cas échéant, les travaux nécessaires pour l'enlèvement de l'amiante ou pour en empêcher la dégradation et/ou la friabilité ;
- Condamner la SCI Les vignes à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'installation des plots en béton devant les locaux ;
- Débouter la SCI Les vignes de toute demande de condamnation pécuniaire pour toutes causes qui antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 25 octobre 2022 ;
- Débouter la SCI Les vignes de son appel incident tendant à l'infirmation du jugement sur la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » du 28 novembre 2018 et en ce qu'il condamnait la SCI Les vignes à payer à la société ADRG la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice, et rejeter la demande de l'article 700 du code de procédure civile formée par la SCI Les vignes;
- Condamner la SCI Les vignes à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cour d'appel ;
- Condamner la SCI Les vignes aux entiers dépens de première instance et d'appel en application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile en cour d'appel.
Au soutien de ses prétentions, la société ADRG et la société Bouvet et Guyonnet faisaient valoir notamment que :
Les actes délivrés les 28 novembre 2018 et 7 mai 2019 n'étaient pas intitulés « commandement » mais respectivement « itérative sommation » et « signification de lettre de sommation », or, les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce imposent d'utiliser le terme de « commandement » ;
Il n'existait pas de commune intention des parties pour une résolution de plein droit du bail par la seule volonté unilatérale de la bailleresse ;
La bailleresse avait implicitement accepté les travaux en ayant adressé les plans des lieux loués à la preneuse et ces travaux permettait la mise aux normes et ne remettait nullement en cause la solidité du bâtiment ;
Il existait également une exception d'inexécution au bénéfice de la preneuse qui devait pouvoir exécuter des travaux de mise aux normes des locaux. Par son refus d'exécuter ou de laisser exécuter, la bailleresse ne respectait pas son obligation de délivrance résultant de l'article 1719 du code civil.
Par dernières écritures en date du 15 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Les vignes sollicitait de la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait :
- Constaté la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 ;
- Condamné la SCI Les vignes à payer à la société ADRG la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;
- Rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile de la SCI Les vignes ;
En y ajoutant :
- Rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société ADRG ;
- Condamner la société ADRG à régler à la Sci Les vignes la somme de 6 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société ADRG aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Les vignes faisait valoir notamment que :
Elle n'avait jamais donné son accord écrit pour les travaux qui étaient entrepris par la preneuse et avait même refusé les projets de travaux qui lui avait transmis la société ADRG ; il ne pouvait donc être déduit une quelconque acceptation tacite du bailleur sur les travaux litigieux ;
La société ADRG n'avait toujours pas communiqué une attestation d'assurance portant sur les travaux de construction qui avaient été réalisés au sein des locaux appartenant à la SCI Les vignes malgré l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire ;
La mise en conformité n'était pas nécessaire étant donné que les locaux loués n'avaient pas vocation à accueillir du public ; il s'agissait d'un entrepôt avec bureau dédié à une activité artisanale ;
La sommation du 7 mai 2019 était bien valide en ce qu'elle traduisait la volonté de la bailleresse de mettre fin au contrat et indiquait de façon très précise les manquements auxquels il devait être remédié par la preneuse à savoir la remise en leur état d'origine des locaux ;
La pose des plots n'était aucunement fautive et était faite précisément dans l'intérêt des locataires afin d'éviter des stationnements sauvages de poids lourds et d'engin de travaux publics ;
La demande de dommages intérêts aux fins de réparer le préjudice de jouissance causé par l'interruption des travaux était mal fondée et non sérieuse ;
S'agissant des vérifications afin de déterminer la présence d'amiante ce type de repérage ne devait intervenir qu'avant travaux et avant démolition, ce qui n'était en l'espèce pas le cas.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 3 avril 2023 clôturait l'instruction de la procédure. L'affaire était plaidée à l'audience du 9 mai 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
I - Sur la résiliation de plein droit du bail commercial
A - Sur l'existence d'une résiliation de plein droit
Lla société ADRG estime d'une part que la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail est équivoque à raison des termes 'si le propriétaire le souhaitait (résiliation de plein droit après un commandement resté infructueux), d'autre part qu'aucun des actes d'huissier délivrés par la bailleresse n'a valablement mis en oeuvre cette clause, et encore d'autre part que sa bailleresse est de mauvaise foi dans cette mise en oeuvre.
La Sci Les vignes conteste le caractère équivoque de la clause résolutoire, estime que l'acte d'huissier en date du 28 novembre 2018 et celui du 7 mai 2019 valaient commandement avec clause résolutoire. Elle fait valoir que sa bonne foi ne peut pas être contestée dès lors qu'elle a toujours refusé les travaux entrepris sans son accord dans son bâtiment par sa preneuse, accord expressément prévu dans le contrat de bail.
Sur ce,
Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.»
1 - sur le caractère non équivoque de la clause résolutoire
Le contrat de bail, signé entre les parties le 14 juin 2017, contient un article 8 intitulé « clause résolutoire » qui énonce dans son paragraphe 1 :
« Il est expressément stipule qu'à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme ou fraction de terme de loyer, des charges ou accessoires y compris les Frais de commandement ou en cas d' inexécution d'une seule des conditions du présent bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter demeurée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit, si le propriétaire le souhaite, qu'il y ait préjudice ou non pour ce dernier et sans qu'il soit besoin dc remplir aucune formalité judiciaire même dans le cas de paiement ou d'exécution postérieure à l'expiration du délai ci-dessus.
A cet égard, il est précise que sont sanctionnables, par le jeu de la clause résolutoire, les charges et conditions du bail mais aussi le non-respect des clauses insérées sous les divers paragraphes. Si le locataire se refusait à quitter les lieux, il suffirait pour l'y contraindre d'une simple ordonnance de référé rendue par Monsieur le juge des référés, laquelle sera exécutoire par provision, nonobstant appel et sans constitution de garantie ».
Cette clause n'est pas équivoque, le bailleur ayant toujours la faculté de ne pas se prévaloir de la clause résolutoire de plein droit qui lui bénéficie et comme l'a justement motivé le premier juge, il s'agit d'une formulation classique permettant au bailleur d'avoir le choix de la solution la mieux adaptée et d'empêcher le preneur de se prévaloir de cette clause en cas de non respect de ses obligations locatives.
2 - sur la mise en oeuvre de la clause résolutoire
En vertu de l'article 5-11 al 1 du contrat de bail, « tout projet d'aménagement, envisagé et à la charge exclusive du preneur, entraînant changement de distribution, démolition (même de cloison), percement de murs ou de voûtes, construction ou addition devra, avant réalisation, etre autorisé par écrit par le bailleur au vu des documents permettant d'apprécier l'importance et la consistance des travaux (plans, descriptifs de travaux, notices techniques...). IL en sera de même pour toute autre modification des locaux loués (installation sanitaire, électrique...) ».
La bailleresse a adressé à sa preneuse trois exploits d'huissier respectivement en date du 5 octobre 2018, 28 novembre 2018 et 7 mai 2019 en raison de travaux d'ampleur entrepris dans les locaux loués, qui l'ont été sans son accord écrit.
La portée de l'exploit d'huissier délivré le 5 octobre 2018 n'est plus en cause devant la cour.
En revanche, la Sci Les vignes soutient que l'acte du 28 novembre 2018 avait valablement mis en oeuvre la clause résolutoire de plein droit et à l'inverse, la société ADRG estime que ni cet acte ni le dernier avaient permis sa mise en oeuvre en raison de leur imprécision sur les manquements reprochés.
La motivation du premier juge s'agissant de l'exploit du 28 novembre 2028 qu'il a considéré comme nul, est pertinente puisqu'effectivement, le preneur ne pouvait pas, compte tenu de la rédaction des injonctions, en apprécier la teneur précise et donc n'était pas en mesure d'y apporter une réponse appropriée dans le délai imparti, avec la sanction à défaut de voir mettre en oeuvre la clause résolutoire par sa bailleresse. En effet, trois injonctions y figuraient : la cessation immédiate des travaux, la sollicitation d'un accord écrit du bailleur avec production de documents relatifs aux travaux, et enfin la remise en état des lieux à défaut de la poursuite des travaux.
S'agissant du troisième exploit d'huissier, délivré le 7 mai 2019, intitulé 'signification de lettre et sommation', il faisait sommation à la preneuse d'avoir à remettre en état les locaux loués conformément à l'état des lieux d'entrée du 4 juillet 2017 dans le délai d'un mois, 'à défaut de remettre en état les lieux, le requérant entend se prévaloir de la clause résolutoire inséré au bail ...', il reproduisait la clause résolutoire et il comportait en annexe notamment une copie d'un courrier en date du 23 avril 2019 précédemment adressé par la bailleresse à sa preneuse.
Bien que le terme commandement ne figure pas sur l'acte d'huissier, il s'agit d'un commandement avec une demande précise : remettre en état les lieux conformément à l'état des lieux d'entrée dans le délai d'un mois.
Par ailleurs, la jurisprudence exige de façon constante que l'infraction invoquée par le bailleur figure dans le bail et qu'elle soit clairement visée dans le commandement qui doit aussi mettre en demeure le preneur de cesser ladite infraction (civ 21 juillet 1993, civ 3ème 28 mars 1995). En l'espèce, le bailleur sollicitait très précisément la remise en état des lieux, alors que la preneuse avait entrepris des travaux que la bailleresse avait rappelé dans son courrier joint, sans son accord écrit. La Preneuse n'allègue pas d'autres travaux de sorte qu'il n'y avait aucune méprise possible. Par ailleurs, ce commandement doit être apprécié à la lumière des deux premiers actes d'huissier dans lesquels étaient expressément visés l'article 5-11 du bail imposant l'accord écrit du bailleur pour effectuer des travaux, article rappelé dans le courrier du 23 avril 2019 joint au commandement, actes d'huissier précédents qui faisaient déjà sommation à la société ADRG notamment de cesser ces travaux.
En conséquence, c'est à bon droit et par des motifs pertinents que le premier juge a retenu ce commandement comme valable.
3 - sur la bonne foi de la bailleresse
La société ADRG estime que la Sci Les vignes n'a pas mis en oeuvre la clause résolutoire de bonne foi, dans la mesure où elle avait fait preuve d'une position ambigüe, notamment dans les deux actes d'huissier délivrés en 2018. Elle soutient avoir eu l'accord verbal de sa bailleresse pour entreprendre les travaux rendus nécessaires pour l'accessibilité des personnes à mobilité réduite, travaux effectués dans les règles de l'art, et lui avoir implicitement demandé son accord après la première sommation en lui ayant adressé des plans.
Cependant, les nombreux échanges entre les parties démontrent au contraire que la Sci Les vignes n'a jamais autorisé les travaux entrepris. Elle a même fait preuve de compréhension en proposant à sa preneuse de lui demander son autorisation écrite comme prévu au bail et de lui adresser des documents relatifs aux travaux envisagés, mais elle n'a jamais indiqué qu'elle donnerait son accord.
Il emporte peu, comme l'a d'ailleurs justement relevé le premier juge, que les travaux aient été réalisés dans les règles de l'art ce qui au demeurant doit être une évidence et qu'ils apportent ou non une plus-value aux locaux. Il y a lieu toutefois de noter que ce sont des travaux d'importance, avec création d'une mezzanine de stockage, l'espace de stokage du rez de chaussée étant a priori réduit par la création d'un show-room destiné à accueillir du public, ce qui manifestement n'était pas le cas auparavant et qu'il est compréhensible que le propriétaire souhaite, compte tenu des implications possibles (sur la structure existante, sur la surface louée, sur les normes à respecter), pouvoir s'opposer ou au contraire donner son accord. S'agissant de l'argument selon lequel la société ADRG était obligée de faire de travaux de mise aux normes, il sera renvoyé à la motivation du premier juge. Il en sera de même sur les documents que la Sci Les vignes avait légitimement sollicités, étant ajouté que dans son attestation, la société La Fabrique des petits Archi a précisé être architecte d'intérieur et ne pas avoir établi de plans techniques ou d'exécution, ni avoir eu une mission de maîtrise d'oeuvre et dans sa facture, elle n'évoque pas la création d'une mézanine, alors que dans un courrier du 24 janvier 2019, la société ADRG soutient que les travaux de dalle ont été prévus en respect 'du cahier des charges préconisé par l'architecte' et que 'les travaux engagés ont donc été réalisés par un architecte', sans pourtant évoquer l'intervention d'un autre architecte.
Ainsi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la bonne foi de la Sci Les vignes dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire.
4 - sur la non délivrance des locaux
La société ADRG soutient que sa bailleresse n'a pas respecté l'obligation de délivrance dont elle a la charge en vertu de l'article 1719 du code civil, dès lors qu'elle n'a pas donné son accord pour des travaux de mise aux normes. Toutefois, la société ADRG n' a donné aucun élément sur les normes qu'elle se devait de respecter. L'accueil du public, non prévu par le bail initial (locaux loués : bureaux et local de stockage), ne nécessite pas l'application des mêmes normes en fonction du seuil des personnes accueillis. Il n'est pas non plus justifié que les normes PMR imposaient les travaux effectués, d'autant que le local est de plein pied.
En conséquence, la société ADRG ne démontre pas que les travaux auraient dû être autorisés en vertu de l'obligation de délivrance.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que le bail conclu entre les parties avait été résilié de plein droit à compter du 7 juin 2019, dès lors que le locataire avait contrevenu aux dispositions de l'article 5-11 en réalisant des travaux impliquant notamment de la démolition, sans obtenir l'accord écrit préalable de sa bailleresse et qu'il n'avait pas remis les lieux dans leur état initial dans le délai d'un mois imparti, malgré le commandement valablement délivré le 7 mai 2019, contenant la clause résolutoire prévue au bail. L'argument de la société ADRG selon lequel elle ne pourra pas établir de pan de continuation en cas de résiliation alors qu'elle a demandé à bénéficier d'une mesure de sauvegarde est inopérant et il convient de noter qu'elle a sollicité une telle mesure le mois suivant le jugement entrepris, sans qu'elle n'indique la nature de ses difficultés financières.
B - Sur les conséquences de la résiliation de plein droit du bail commercial
Les conséquences énoncées dans le jugement entrepris seront confirmées : obligation de restituer les lieux loués dans les trois mois sous astreinte de 50 euros par jour de retrard, courant pendant trois mois, expulsion à défaut de libération volontaire dans le délai, indemnité d'occupation fixée à 3 383,80 euros par trimestre, remise en état des lieux dans selon les conditions prévues.
La société ADRG souligne le fait qu'elle a été placée sous le régime de la procédure de sauvegarde à compter du 25 octobre 2022 et qu'elle ne peut donc être condamnée pécuniairement pour une cause ou un motif antérieur à cette date. Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société ADRG à payer une indemnité d'occupation à compter du 7 mai 2019 jusqu'à la parfaite libération des lieux loués à sa personne et des biens et de tous occupant de son chef et au lieu et place, il y a lieu de fixer la créance de la Sci Les vignes à l'égard de la société ADRG au montant de l'indemnité d'occupation telle que fixée (3 383,80 euros TTC par trismestre) à compter du 7 juin 2019, date de résiliation du bail, jusqu'au 25 octobre 2022 au passif de la procédure collective de la société ADRG et de condamner la société ADRG à payer cette indemnité à compter du 25 octobre 2022 jusqu'à la complète libération des lieux loués par sa personne et des biens et de tous occupant de son chef, s'agissant d'une contrepartie d'une prestation à elle fournie après le jugement d'ouverture.
II - Sur les mesures de réparation des préjudices subis par la preneuse
La société ADRG soutient avoir subi un préjudice lié au non respect de l'obligation de délivrance en lien avec l'arrêt des travaux, à la non vérification de la présence d'amiante et à la présence de plots en béton.
A - Sur le préjudice lié au non respect de l'obligation de délivrance
La société ADRG sollicite d'une part d'être autorisée à poursuivre les travaux comme étant indispensables à leur mise aux normes notamment d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et la condamnation de la Sci Les vignes à lui payer une indemnité de 150 euros par jour ouvrable y compris le samedi à compter du 5 octobre 2018.
Cependant, le bail a été résilié à compter du 7 mai 2019 et comme déjà motivé, la société ADRG n'a pas indiqué avec précision les normes qu'elle se devait de respecter, ni n'a démontré que les travaux entrepris étaient nécessaires au respect des normes notamment d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite.
En conséquence, le jugement qui l'a déboutée de ces prétentions sera confirmé.
B- Sur le préjudice lié à la non vérification de la présence d'amiante
La société ADRG sollicite la condamnation de la Sci Les vignes à effectuer sous astreinte de 100 euros par jour de retard les vérifications nécessaires pour déterminer la présence éventuelle d'amiante dans les joints des fenêtres et de réaliser les travaux nécessaires en cas de présence d'amiante.
La société ADRG se fonde sur un rapport qu'elle a sollicité d'une société en date du 11 octobre 2021 qui mentionne l'existence de probables joints en amiante au niveau du contour des fenêtres.
Cependant, ce rapport non contradictoire, est très laconique, puisqu'il indique uniquement sans autre constatation, explication ou même photographie : compte tenu de la date du bâtiment, nous alertons sur la possible présence d'amiante dans les joints d'étanchéité des menuiseries'. Le rédacteur du dit rapport ne donne même pas la date de la construction du bâtiment et la nature des joints. Par ailleurs, la société ADRG n'établit aucun préjudice, étant précisé qu'aucun travaux de démontage des fenêtres n'a été entrepris.
En outre, comme l'a justement retenu le premier juge, le bail a été résilié au 7 juin 2019.
Au vu de ces éléments, ces prétentions ne peuvent qu'être rejetées et le jugement confirmé.
C- Sur le préjudice lié à la présence de plots en béton
La société ADRG sollicite la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, faisant valoir que les plots en béton posés par la Sci Les vignes empêchent les véhicules d'accéder correctement à son local.
La Sci Les vignes soutient avoir placé ces plots pour éviter le stationnement sauvage et estime que la société ADRG ne démontre pas son préjudice.
Sur ce,
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que le fait pou rss d'acoir instalé sans motif démontré des plots en béton reliés par des chaînes à proximité des locaux loués, gênant la circulation alentour constituait un comportement fautif de la part de la bailleresse qui se devait d'assurer la jouissance paisible des lieux loués, créant un préjudice à sa preneuse, fixé à la somme de 3 000 euros.
III - Sur les mesures accessoires
La créance de dépens et de frais irrépétibles prend naissance dans le présent arrêt mais la cour ne peut prononcer de condamnation de ces chefs que si les conditions prévues par l'article L 622-17 du code de commerce sont réunies : être postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et être utile au déroulement de cette procédure ou être due par le débiteur en contrepartie d'une prestation à lui fournie après le jugement d'ouverture. En l'espèce, si l'arrêt de la cour est postérieur au jugement d'ouverture, il ne peut être considéré que la créance de dépens et d'indemnité procédurale obéissent en l'espèce à l'un des deux autres critères. S'agissant des dépens de première instance, ils seront fixés à cette procédure dans les conditions prévues par le jugement entrepris (moitié des dépens).
La société ADRG succombe. Les dépens de l'instance seront fixés à la procédure collective de la société ADRG.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de la Sci Les vignes à hauteur de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société ADRG à payer une indemnité d'occupation à compter du 7 mai 2019 jusqu'à la parfaite libération des lieux loués à sa personne et des biens et de tous occupant de son chef,
Statuant de ce chef,
Fixe la créance de la Sci Les vignes à l'égard de la société ADRG au montant de l'indemnité d'occupation telle que fixée (3 383,80 euros TTC par trimestre) à compter du 7 juin 2019 jusqu'au 24 octobre 2022 au passif de la procédure collective de la société ADRG,
Condamne la société ADRG à payer l'indemnité d'occupation telle que fixée (3 383,80 euros TTC par trimestre) du 25 octobre 2022 jusqu'à la complète libération des lieux loués par sa personne et des biens et de tous occupant de son chef,
Y ajoutant,
Fixe au passif de la procédure collective de la société ADRG la moitié des dépens de première instance et la totalité des dépens d'appel,
Fixe au passif de la procédure collective de la société ADRG la créance de la Sci Les vignes à la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnité procédurale.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 12 septembre 2023
à
Me Georges PEDRO
la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée le 12 septembre 2023
à
la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 12 Septembre 2023
N° RG 22/01925 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HD5G
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 23 Septembre 2022
Appelante
S.A.R.L. ADRG, représentée par son Mandataire judiciaire, la SELARL BOUVET ET GUYONNET, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Georges PEDRO, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
S.C.I. LES VIGNES, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 03 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 mai 2023
Date de mise à disposition : 12 septembre 2023
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et Procédure
Par acte sous seing privé du 14 juin 2017, la SCI Les vignes donnait à bail commercial à la société ADRG (SARL) un local à usage commercial sis [Adresse 2] à [Localité 4] pour une durée de 9 années et comprenant une surface à usage d'atelier et de stockage, deux bureaux et un local sanitaire pour une superficie totale au sol de 195 m².
Par acte d'huissier du 2 octobre 2019, la société ADRG assignait la SCI Les Vignes devant la chambre civile du tribunal judiciaire de Chambéry afin notamment de faire juger que les travaux qu'elle avait entrepris étaient conformes avec les dispositions du contrat de bail et faire débouter les demandes tendant à la constatation de la résiliation du bail.
Par jugement rendu le 23 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- Constatait la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 ;
- Constatait la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 ;
- Constatait la résiliation du bail commercial du 14 juin 2017 liant la société ADRG et la SCI Les vignes à la date du 7 mai 2019 ;
- Constatait qu'à compter du 7 mai 2019, la société ADRG est devenue occupant sans droit ni titre des lieux loués ;
- Ordonnait que la société ADRG restitue les lieux loués dans le délai de trois mois suivant la signification de la présente décision sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, courant pendant trois mois ;
- Ordonnait, à défaut de libération volontaire des lieux loués par la société ADRG selon le bail en date du 14 juin 2017, sis [Adresse 2] à [Localité 4] de ses biens et de sa personne et de tous occupants de son chef, à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision, l'expulsion de la SARL ADRG, de ses biens et de tous occupants de son chef, avec, au besoin, le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier ;
- Fixait l'indemnité d'occupation due par la société ADRG depuis le 7 mai 2019 à la somme de 3 383,80 euros TTC par trimestre, payable au jour le jour ;
- Condamnait la société ADRG au paiement de cette indemnité à compter du 7 mai 2019 et jusqu'à parfaite libération des lieux loués de sa personne et de ses biens et de tous occupants de son chef ;
- Condamnait la SCI Les vignes à payer à la société ADRG la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;
- Ordonnait la remise en état des lieux par le société ADRG selon description faite au bail du 14 juin 2017 outre l'état des lieux et le plan des locaux cosignés le 4 juillet 2017, à ses frais, et ce dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, courant pendant trois mois ;
- Condamnait la société ADRG et la SCI Les vignes à supporter les dépens par moitié chacune ;
- Déboutait chacune des parties de leur demande au titre des frais irrépétibles ;
- Rejetait toute demande plus ample ou contraire.
Au visa principalement des motifs suivants :
La société ADRG ne démontrait ni l'acceptation orale par la SCI Les vignes des travaux entamés ni le refus abusif du bailleur afin d'autoriser les travaux indispensables à la poursuite régulière de l'activité de la preneuse ;
La preneuse avait entrepris des travaux, notamment de démolition sans autorisation écrite préalable de la bailleresse contrevenant ainsi à la clause 5.11 « travaux d'aménagement » ;
La sommation valant commandement de remettre les lieux en l'état dans un délai d'un mois délivré le 7 mai 2019 visait la clause résolutoire insérée au contrat de bail était valide ;
La preneuse n'avait pas remis en état les lieux à l'issue du délai imparti d'un mois si bien que le bail conclu entre les parties était résilié de plein droit le 7 juin 2019 ;
Le fait pour la bailleresse d'avoir installé sans motif démontré des plots en béton reliés par des chaines à proximité des locaux loués était constitutif d'un préjudice de jouissance pour la preneuse qui se trouvait contrainte d'avoir à déplacer lesdits plots lors du passage de ses fournisseurs et était gêné dans la circulation de ses salariés.
Par jugement en date du 25 octobre 2022, le tribunal de commerce de Chambéry ouvrait une procédure de sauvegarde, sans administrateur, à l'encontre de la société ADRG et désignait la société Bouvet et Guyonnet (SELARL) en qualité de mandataire judiciaire, avec une période d'observation au titre de la poursuite d'activité.
Par déclaration au greffe en date du 10 novembre 2022, la société ADRG interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions, hormis les dispositions constatant la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 et qui déboutait chacune des parties de leur demande au titre des frais irrépétibles.
La Selarl Bouvet&Guyonnet intervenait volontairement à l'instance.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 8 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société ADRG et la société Bouvet et Guyonnet, ès qualités de mandataire judiciaire de la société ADRG, sollicitait :
- Déclarer recevable et bien fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal Judiciaire de Chambéry le 23 septembre 2022 ;
- Confirmer ledit jugement en ce qu'il a annulé la sommation du 28 novembre 2018 et en ce qu'il a jugé que la société ADRG avait subi un préjudice du fait des plots installés par le bailleur,
- Infirmer ledit jugement dans toutes ses autres dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- Prononcer la nullité de la sommation du 7 mai 2019 ;
- Débouter, en conséquence, la SCI Les vignes de l'intégralité de ses demandes tendant notamment à voir constater la résiliation de plein droit ou judiciaire du bail commercial et à ordonner son expulsion des locaux, et à la remise en état des locaux ainsi qu'à la fixation d'une indemnité d'occupation ;
- Condamner la SCI Les vignes à lui payer une indemnité de 150 euros par jour ouvrable à compter du 5 octobre 2018 en réparation du préjudice subi par l'impossibilité de poursuivre les travaux dans les locaux ;
- Autoriser la société ADRG à poursuivre les travaux dans les locaux comme étant notamment indispensables à leur mise aux normes notamment d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et handicapées, et permettre ainsi le respect de l'obligation de délivrance à la charge du bailleur et de jouir des locaux ;
- Ordonner à la SCI Les vignes d'effectuer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les vérifications nécessaires pour déterminer la présence éventuelle d'amiante dans les joints des fenêtres des locaux et lui ordonner de réaliser à ses frais exclusifs, le cas échéant, les travaux nécessaires pour l'enlèvement de l'amiante ou pour en empêcher la dégradation et/ou la friabilité ;
- Condamner la SCI Les vignes à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'installation des plots en béton devant les locaux ;
- Débouter la SCI Les vignes de toute demande de condamnation pécuniaire pour toutes causes qui antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 25 octobre 2022 ;
- Débouter la SCI Les vignes de son appel incident tendant à l'infirmation du jugement sur la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » du 28 novembre 2018 et en ce qu'il condamnait la SCI Les vignes à payer à la société ADRG la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice, et rejeter la demande de l'article 700 du code de procédure civile formée par la SCI Les vignes;
- Condamner la SCI Les vignes à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cour d'appel ;
- Condamner la SCI Les vignes aux entiers dépens de première instance et d'appel en application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile en cour d'appel.
Au soutien de ses prétentions, la société ADRG et la société Bouvet et Guyonnet faisaient valoir notamment que :
Les actes délivrés les 28 novembre 2018 et 7 mai 2019 n'étaient pas intitulés « commandement » mais respectivement « itérative sommation » et « signification de lettre de sommation », or, les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce imposent d'utiliser le terme de « commandement » ;
Il n'existait pas de commune intention des parties pour une résolution de plein droit du bail par la seule volonté unilatérale de la bailleresse ;
La bailleresse avait implicitement accepté les travaux en ayant adressé les plans des lieux loués à la preneuse et ces travaux permettait la mise aux normes et ne remettait nullement en cause la solidité du bâtiment ;
Il existait également une exception d'inexécution au bénéfice de la preneuse qui devait pouvoir exécuter des travaux de mise aux normes des locaux. Par son refus d'exécuter ou de laisser exécuter, la bailleresse ne respectait pas son obligation de délivrance résultant de l'article 1719 du code civil.
Par dernières écritures en date du 15 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Les vignes sollicitait de la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait :
- Constaté la nullité de l'acte d'huissier intitulé « itérative sommation » et délivré à la société ADRG le 28 novembre 2018 ;
- Condamné la SCI Les vignes à payer à la société ADRG la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;
- Rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile de la SCI Les vignes ;
En y ajoutant :
- Rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société ADRG ;
- Condamner la société ADRG à régler à la Sci Les vignes la somme de 6 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société ADRG aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Les vignes faisait valoir notamment que :
Elle n'avait jamais donné son accord écrit pour les travaux qui étaient entrepris par la preneuse et avait même refusé les projets de travaux qui lui avait transmis la société ADRG ; il ne pouvait donc être déduit une quelconque acceptation tacite du bailleur sur les travaux litigieux ;
La société ADRG n'avait toujours pas communiqué une attestation d'assurance portant sur les travaux de construction qui avaient été réalisés au sein des locaux appartenant à la SCI Les vignes malgré l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire ;
La mise en conformité n'était pas nécessaire étant donné que les locaux loués n'avaient pas vocation à accueillir du public ; il s'agissait d'un entrepôt avec bureau dédié à une activité artisanale ;
La sommation du 7 mai 2019 était bien valide en ce qu'elle traduisait la volonté de la bailleresse de mettre fin au contrat et indiquait de façon très précise les manquements auxquels il devait être remédié par la preneuse à savoir la remise en leur état d'origine des locaux ;
La pose des plots n'était aucunement fautive et était faite précisément dans l'intérêt des locataires afin d'éviter des stationnements sauvages de poids lourds et d'engin de travaux publics ;
La demande de dommages intérêts aux fins de réparer le préjudice de jouissance causé par l'interruption des travaux était mal fondée et non sérieuse ;
S'agissant des vérifications afin de déterminer la présence d'amiante ce type de repérage ne devait intervenir qu'avant travaux et avant démolition, ce qui n'était en l'espèce pas le cas.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 3 avril 2023 clôturait l'instruction de la procédure. L'affaire était plaidée à l'audience du 9 mai 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
I - Sur la résiliation de plein droit du bail commercial
A - Sur l'existence d'une résiliation de plein droit
Lla société ADRG estime d'une part que la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail est équivoque à raison des termes 'si le propriétaire le souhaitait (résiliation de plein droit après un commandement resté infructueux), d'autre part qu'aucun des actes d'huissier délivrés par la bailleresse n'a valablement mis en oeuvre cette clause, et encore d'autre part que sa bailleresse est de mauvaise foi dans cette mise en oeuvre.
La Sci Les vignes conteste le caractère équivoque de la clause résolutoire, estime que l'acte d'huissier en date du 28 novembre 2018 et celui du 7 mai 2019 valaient commandement avec clause résolutoire. Elle fait valoir que sa bonne foi ne peut pas être contestée dès lors qu'elle a toujours refusé les travaux entrepris sans son accord dans son bâtiment par sa preneuse, accord expressément prévu dans le contrat de bail.
Sur ce,
Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.»
1 - sur le caractère non équivoque de la clause résolutoire
Le contrat de bail, signé entre les parties le 14 juin 2017, contient un article 8 intitulé « clause résolutoire » qui énonce dans son paragraphe 1 :
« Il est expressément stipule qu'à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme ou fraction de terme de loyer, des charges ou accessoires y compris les Frais de commandement ou en cas d' inexécution d'une seule des conditions du présent bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter demeurée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit, si le propriétaire le souhaite, qu'il y ait préjudice ou non pour ce dernier et sans qu'il soit besoin dc remplir aucune formalité judiciaire même dans le cas de paiement ou d'exécution postérieure à l'expiration du délai ci-dessus.
A cet égard, il est précise que sont sanctionnables, par le jeu de la clause résolutoire, les charges et conditions du bail mais aussi le non-respect des clauses insérées sous les divers paragraphes. Si le locataire se refusait à quitter les lieux, il suffirait pour l'y contraindre d'une simple ordonnance de référé rendue par Monsieur le juge des référés, laquelle sera exécutoire par provision, nonobstant appel et sans constitution de garantie ».
Cette clause n'est pas équivoque, le bailleur ayant toujours la faculté de ne pas se prévaloir de la clause résolutoire de plein droit qui lui bénéficie et comme l'a justement motivé le premier juge, il s'agit d'une formulation classique permettant au bailleur d'avoir le choix de la solution la mieux adaptée et d'empêcher le preneur de se prévaloir de cette clause en cas de non respect de ses obligations locatives.
2 - sur la mise en oeuvre de la clause résolutoire
En vertu de l'article 5-11 al 1 du contrat de bail, « tout projet d'aménagement, envisagé et à la charge exclusive du preneur, entraînant changement de distribution, démolition (même de cloison), percement de murs ou de voûtes, construction ou addition devra, avant réalisation, etre autorisé par écrit par le bailleur au vu des documents permettant d'apprécier l'importance et la consistance des travaux (plans, descriptifs de travaux, notices techniques...). IL en sera de même pour toute autre modification des locaux loués (installation sanitaire, électrique...) ».
La bailleresse a adressé à sa preneuse trois exploits d'huissier respectivement en date du 5 octobre 2018, 28 novembre 2018 et 7 mai 2019 en raison de travaux d'ampleur entrepris dans les locaux loués, qui l'ont été sans son accord écrit.
La portée de l'exploit d'huissier délivré le 5 octobre 2018 n'est plus en cause devant la cour.
En revanche, la Sci Les vignes soutient que l'acte du 28 novembre 2018 avait valablement mis en oeuvre la clause résolutoire de plein droit et à l'inverse, la société ADRG estime que ni cet acte ni le dernier avaient permis sa mise en oeuvre en raison de leur imprécision sur les manquements reprochés.
La motivation du premier juge s'agissant de l'exploit du 28 novembre 2028 qu'il a considéré comme nul, est pertinente puisqu'effectivement, le preneur ne pouvait pas, compte tenu de la rédaction des injonctions, en apprécier la teneur précise et donc n'était pas en mesure d'y apporter une réponse appropriée dans le délai imparti, avec la sanction à défaut de voir mettre en oeuvre la clause résolutoire par sa bailleresse. En effet, trois injonctions y figuraient : la cessation immédiate des travaux, la sollicitation d'un accord écrit du bailleur avec production de documents relatifs aux travaux, et enfin la remise en état des lieux à défaut de la poursuite des travaux.
S'agissant du troisième exploit d'huissier, délivré le 7 mai 2019, intitulé 'signification de lettre et sommation', il faisait sommation à la preneuse d'avoir à remettre en état les locaux loués conformément à l'état des lieux d'entrée du 4 juillet 2017 dans le délai d'un mois, 'à défaut de remettre en état les lieux, le requérant entend se prévaloir de la clause résolutoire inséré au bail ...', il reproduisait la clause résolutoire et il comportait en annexe notamment une copie d'un courrier en date du 23 avril 2019 précédemment adressé par la bailleresse à sa preneuse.
Bien que le terme commandement ne figure pas sur l'acte d'huissier, il s'agit d'un commandement avec une demande précise : remettre en état les lieux conformément à l'état des lieux d'entrée dans le délai d'un mois.
Par ailleurs, la jurisprudence exige de façon constante que l'infraction invoquée par le bailleur figure dans le bail et qu'elle soit clairement visée dans le commandement qui doit aussi mettre en demeure le preneur de cesser ladite infraction (civ 21 juillet 1993, civ 3ème 28 mars 1995). En l'espèce, le bailleur sollicitait très précisément la remise en état des lieux, alors que la preneuse avait entrepris des travaux que la bailleresse avait rappelé dans son courrier joint, sans son accord écrit. La Preneuse n'allègue pas d'autres travaux de sorte qu'il n'y avait aucune méprise possible. Par ailleurs, ce commandement doit être apprécié à la lumière des deux premiers actes d'huissier dans lesquels étaient expressément visés l'article 5-11 du bail imposant l'accord écrit du bailleur pour effectuer des travaux, article rappelé dans le courrier du 23 avril 2019 joint au commandement, actes d'huissier précédents qui faisaient déjà sommation à la société ADRG notamment de cesser ces travaux.
En conséquence, c'est à bon droit et par des motifs pertinents que le premier juge a retenu ce commandement comme valable.
3 - sur la bonne foi de la bailleresse
La société ADRG estime que la Sci Les vignes n'a pas mis en oeuvre la clause résolutoire de bonne foi, dans la mesure où elle avait fait preuve d'une position ambigüe, notamment dans les deux actes d'huissier délivrés en 2018. Elle soutient avoir eu l'accord verbal de sa bailleresse pour entreprendre les travaux rendus nécessaires pour l'accessibilité des personnes à mobilité réduite, travaux effectués dans les règles de l'art, et lui avoir implicitement demandé son accord après la première sommation en lui ayant adressé des plans.
Cependant, les nombreux échanges entre les parties démontrent au contraire que la Sci Les vignes n'a jamais autorisé les travaux entrepris. Elle a même fait preuve de compréhension en proposant à sa preneuse de lui demander son autorisation écrite comme prévu au bail et de lui adresser des documents relatifs aux travaux envisagés, mais elle n'a jamais indiqué qu'elle donnerait son accord.
Il emporte peu, comme l'a d'ailleurs justement relevé le premier juge, que les travaux aient été réalisés dans les règles de l'art ce qui au demeurant doit être une évidence et qu'ils apportent ou non une plus-value aux locaux. Il y a lieu toutefois de noter que ce sont des travaux d'importance, avec création d'une mezzanine de stockage, l'espace de stokage du rez de chaussée étant a priori réduit par la création d'un show-room destiné à accueillir du public, ce qui manifestement n'était pas le cas auparavant et qu'il est compréhensible que le propriétaire souhaite, compte tenu des implications possibles (sur la structure existante, sur la surface louée, sur les normes à respecter), pouvoir s'opposer ou au contraire donner son accord. S'agissant de l'argument selon lequel la société ADRG était obligée de faire de travaux de mise aux normes, il sera renvoyé à la motivation du premier juge. Il en sera de même sur les documents que la Sci Les vignes avait légitimement sollicités, étant ajouté que dans son attestation, la société La Fabrique des petits Archi a précisé être architecte d'intérieur et ne pas avoir établi de plans techniques ou d'exécution, ni avoir eu une mission de maîtrise d'oeuvre et dans sa facture, elle n'évoque pas la création d'une mézanine, alors que dans un courrier du 24 janvier 2019, la société ADRG soutient que les travaux de dalle ont été prévus en respect 'du cahier des charges préconisé par l'architecte' et que 'les travaux engagés ont donc été réalisés par un architecte', sans pourtant évoquer l'intervention d'un autre architecte.
Ainsi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la bonne foi de la Sci Les vignes dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire.
4 - sur la non délivrance des locaux
La société ADRG soutient que sa bailleresse n'a pas respecté l'obligation de délivrance dont elle a la charge en vertu de l'article 1719 du code civil, dès lors qu'elle n'a pas donné son accord pour des travaux de mise aux normes. Toutefois, la société ADRG n' a donné aucun élément sur les normes qu'elle se devait de respecter. L'accueil du public, non prévu par le bail initial (locaux loués : bureaux et local de stockage), ne nécessite pas l'application des mêmes normes en fonction du seuil des personnes accueillis. Il n'est pas non plus justifié que les normes PMR imposaient les travaux effectués, d'autant que le local est de plein pied.
En conséquence, la société ADRG ne démontre pas que les travaux auraient dû être autorisés en vertu de l'obligation de délivrance.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que le bail conclu entre les parties avait été résilié de plein droit à compter du 7 juin 2019, dès lors que le locataire avait contrevenu aux dispositions de l'article 5-11 en réalisant des travaux impliquant notamment de la démolition, sans obtenir l'accord écrit préalable de sa bailleresse et qu'il n'avait pas remis les lieux dans leur état initial dans le délai d'un mois imparti, malgré le commandement valablement délivré le 7 mai 2019, contenant la clause résolutoire prévue au bail. L'argument de la société ADRG selon lequel elle ne pourra pas établir de pan de continuation en cas de résiliation alors qu'elle a demandé à bénéficier d'une mesure de sauvegarde est inopérant et il convient de noter qu'elle a sollicité une telle mesure le mois suivant le jugement entrepris, sans qu'elle n'indique la nature de ses difficultés financières.
B - Sur les conséquences de la résiliation de plein droit du bail commercial
Les conséquences énoncées dans le jugement entrepris seront confirmées : obligation de restituer les lieux loués dans les trois mois sous astreinte de 50 euros par jour de retrard, courant pendant trois mois, expulsion à défaut de libération volontaire dans le délai, indemnité d'occupation fixée à 3 383,80 euros par trimestre, remise en état des lieux dans selon les conditions prévues.
La société ADRG souligne le fait qu'elle a été placée sous le régime de la procédure de sauvegarde à compter du 25 octobre 2022 et qu'elle ne peut donc être condamnée pécuniairement pour une cause ou un motif antérieur à cette date. Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société ADRG à payer une indemnité d'occupation à compter du 7 mai 2019 jusqu'à la parfaite libération des lieux loués à sa personne et des biens et de tous occupant de son chef et au lieu et place, il y a lieu de fixer la créance de la Sci Les vignes à l'égard de la société ADRG au montant de l'indemnité d'occupation telle que fixée (3 383,80 euros TTC par trismestre) à compter du 7 juin 2019, date de résiliation du bail, jusqu'au 25 octobre 2022 au passif de la procédure collective de la société ADRG et de condamner la société ADRG à payer cette indemnité à compter du 25 octobre 2022 jusqu'à la complète libération des lieux loués par sa personne et des biens et de tous occupant de son chef, s'agissant d'une contrepartie d'une prestation à elle fournie après le jugement d'ouverture.
II - Sur les mesures de réparation des préjudices subis par la preneuse
La société ADRG soutient avoir subi un préjudice lié au non respect de l'obligation de délivrance en lien avec l'arrêt des travaux, à la non vérification de la présence d'amiante et à la présence de plots en béton.
A - Sur le préjudice lié au non respect de l'obligation de délivrance
La société ADRG sollicite d'une part d'être autorisée à poursuivre les travaux comme étant indispensables à leur mise aux normes notamment d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et la condamnation de la Sci Les vignes à lui payer une indemnité de 150 euros par jour ouvrable y compris le samedi à compter du 5 octobre 2018.
Cependant, le bail a été résilié à compter du 7 mai 2019 et comme déjà motivé, la société ADRG n'a pas indiqué avec précision les normes qu'elle se devait de respecter, ni n'a démontré que les travaux entrepris étaient nécessaires au respect des normes notamment d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite.
En conséquence, le jugement qui l'a déboutée de ces prétentions sera confirmé.
B- Sur le préjudice lié à la non vérification de la présence d'amiante
La société ADRG sollicite la condamnation de la Sci Les vignes à effectuer sous astreinte de 100 euros par jour de retard les vérifications nécessaires pour déterminer la présence éventuelle d'amiante dans les joints des fenêtres et de réaliser les travaux nécessaires en cas de présence d'amiante.
La société ADRG se fonde sur un rapport qu'elle a sollicité d'une société en date du 11 octobre 2021 qui mentionne l'existence de probables joints en amiante au niveau du contour des fenêtres.
Cependant, ce rapport non contradictoire, est très laconique, puisqu'il indique uniquement sans autre constatation, explication ou même photographie : compte tenu de la date du bâtiment, nous alertons sur la possible présence d'amiante dans les joints d'étanchéité des menuiseries'. Le rédacteur du dit rapport ne donne même pas la date de la construction du bâtiment et la nature des joints. Par ailleurs, la société ADRG n'établit aucun préjudice, étant précisé qu'aucun travaux de démontage des fenêtres n'a été entrepris.
En outre, comme l'a justement retenu le premier juge, le bail a été résilié au 7 juin 2019.
Au vu de ces éléments, ces prétentions ne peuvent qu'être rejetées et le jugement confirmé.
C- Sur le préjudice lié à la présence de plots en béton
La société ADRG sollicite la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, faisant valoir que les plots en béton posés par la Sci Les vignes empêchent les véhicules d'accéder correctement à son local.
La Sci Les vignes soutient avoir placé ces plots pour éviter le stationnement sauvage et estime que la société ADRG ne démontre pas son préjudice.
Sur ce,
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que le fait pou rss d'acoir instalé sans motif démontré des plots en béton reliés par des chaînes à proximité des locaux loués, gênant la circulation alentour constituait un comportement fautif de la part de la bailleresse qui se devait d'assurer la jouissance paisible des lieux loués, créant un préjudice à sa preneuse, fixé à la somme de 3 000 euros.
III - Sur les mesures accessoires
La créance de dépens et de frais irrépétibles prend naissance dans le présent arrêt mais la cour ne peut prononcer de condamnation de ces chefs que si les conditions prévues par l'article L 622-17 du code de commerce sont réunies : être postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et être utile au déroulement de cette procédure ou être due par le débiteur en contrepartie d'une prestation à lui fournie après le jugement d'ouverture. En l'espèce, si l'arrêt de la cour est postérieur au jugement d'ouverture, il ne peut être considéré que la créance de dépens et d'indemnité procédurale obéissent en l'espèce à l'un des deux autres critères. S'agissant des dépens de première instance, ils seront fixés à cette procédure dans les conditions prévues par le jugement entrepris (moitié des dépens).
La société ADRG succombe. Les dépens de l'instance seront fixés à la procédure collective de la société ADRG.
L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale de la Sci Les vignes à hauteur de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société ADRG à payer une indemnité d'occupation à compter du 7 mai 2019 jusqu'à la parfaite libération des lieux loués à sa personne et des biens et de tous occupant de son chef,
Statuant de ce chef,
Fixe la créance de la Sci Les vignes à l'égard de la société ADRG au montant de l'indemnité d'occupation telle que fixée (3 383,80 euros TTC par trimestre) à compter du 7 juin 2019 jusqu'au 24 octobre 2022 au passif de la procédure collective de la société ADRG,
Condamne la société ADRG à payer l'indemnité d'occupation telle que fixée (3 383,80 euros TTC par trimestre) du 25 octobre 2022 jusqu'à la complète libération des lieux loués par sa personne et des biens et de tous occupant de son chef,
Y ajoutant,
Fixe au passif de la procédure collective de la société ADRG la moitié des dépens de première instance et la totalité des dépens d'appel,
Fixe au passif de la procédure collective de la société ADRG la créance de la Sci Les vignes à la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnité procédurale.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 12 septembre 2023
à
Me Georges PEDRO
la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée le 12 septembre 2023
à
la SELARL EME & CUTTAZ AVOCATS ASSOCIES