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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 12 octobre 2023, n° 23/00033

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 23/00033

12 octobre 2023

N° RG 23/00033 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIF5

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 12 OCTOBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00422

Président du tribunal judiciaire du Havre du 13 décembre 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. POINT AUTO - NORAUTO

Centre Commercial CARREFOUR

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

S.A.S. CARMILA FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE, substituée par Me Roman GACEM, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 mai 2023 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS :

A l'audience publique du 11 mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 octobre 2023 puis prorogée à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 octobre 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte notarié du 24 janvier 2007 signé en l'étude de Maître [I] [G], notaire à Darnetal, la SCI DGG Invest a donné à bail commercial à la SARL Point Auto, exerçant sous l'enseigne Norauto, un bâtiment situé à [Localité 2], centre commercial Carrefour RD 173 et rue de l'abbaye pour un loyer annuel de 61.824 euros hors TVA, payable d'avance trimestriellement les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre. Le loyer étant indexé sur l'indice national du coût de la construction.

La société Carmila France vient aux droits de SCI DGG Invest.

Le bail a pris effet pour une durée de 9 années à compter du 30 juin 2007 pour se terminer le 29 juin 2016.

Aucun nouveau bail n'a été depuis formalisé entre les parties

Par acte du 21 janvier 2022, la société Carmila France a fait délivrer à la SARL Point Auto un commandement de payer la somme de 57 508,75 euros au titre de loyers et charges impayés échus au 31 janvier 2022.

Après contestation de cette somme par la société Point Auto, le bailleur a fait délivrer le 26 avril 2022 au preneur un commandement de payer les loyers et charges impayés, visant la clause résolutoire, pour la somme de 80 088,04 euros arrêtée au 22 avril 2022.

Le 15 septembre 2022, la société Carmila France a fait assigner en référé la société Point Auto.

Par ordonnance de référé du 13 décembre 2022, le président du tribunal judiciaire du Havre a :

- constaté le désistement de la SARL Point Auto de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la AS Carmila France,

- constaté la résiliation du bail commercial conclu le 24 janvier 2007, portant sur le terrain à construire situé à [Localité 2], Centre commercial Carrefour, RD 173 et rue de l'abbaye, du fait de l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit pour défaut de paiement des loyers au 26 mai 2022,

- ordonné l'expulsion de la SARL Point Auto ainsi que de tous occupants de son chef, en tant que de besoin avec le concours de la force publique, passé le délai d'un mois après la signification de la présente ordonnance,

- condamné la SARL Point Auto à payer à la SAS Carmila France la somme provisionnelle de 80 088,04 euros au titre des loyers et charges échus au 22 avril 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance.

- condamné la SARL Point Auto à payer à la SAS Carmila France une indemnité d'occupation trimestrielle provisionnelle équivalente aux montants actuels du loyer et des provisions sur charges à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés,

- débouté la SAS Carmila France du surplus de ses demandes.

- condamné la SARL Point Auto aux dépens en ce compris le coût des commandements de payer en dates des 21 janvier et 26 avril 2022,

- condamné la SARL Point Auto à payer à la SAS Carmila France, une indemnité de 1 200,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Point Auto ' Norauto a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 4 janvier 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 4 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SARL Point Auto-Norauto qui demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la SARL Point Auto à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13 décembre 2022 par le Président du tribunal judiciaire du Havre statuant en matière de référés,

Réformant la décision dont appel et statuant à nouveau,

- prononcer l'incompétence du juge des référés en raison de l'existence d'une contestation sérieuse,

- la renvoyer à mieux se pourvoir,

- débouter la SAS Carmila France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- débouter la SAS Carmila France de la condamnation de la SARL Point Auto au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance.

En tout état de cause,

- condamner la SAS Carmila France en sa qualité d'intimée aux entiers dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 696 et suivants du code de procédure civile,

- condamner la SAS Carmila France à la somme de 1 200 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de 2 500 euros au titre de l'appel.

Vu les conclusions du 10 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Carmila France qui demande à la cour de :

- déclarer Carmila France recevable et bien fondée dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Point Auto de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :

- constaté la résiliation du bail commercial conclu le 24 janvier 2007, portant sur le terrain à construire situé à [Localité 2], Centre commercial Carrefour, RD 173 et rue de l'abbaye, du fait de l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit pour défaut de paiement des loyers au 26 mai 2022,

- ordonné l'expulsion de la SARL Point Auto ainsi que de tous occupants de son chef, en tant que de besoin avec le concours de la force publique, passé le délai d'un mois après la signification de la présente ordonnance,

- condamné à titre de provision la SARL Point Auto au paiement des loyers et charges impayés des impayés à hauteur de 80 088,04 euros TTC, étant précisé qu'au 8 février 2023 la dette locative s'élève désormais à la somme de 55 377,91 euros TTC,

- condamné la SARL Point Auto aux dépens en ce compris le coût des commandements de payer en dates des 21 janvier et 26 avril 2022,

- condamné la SARL Point Auto à payer à la SAS Carmila France, une indemnité de 1 200,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer l'ordonnance du 13 décembre 2022 en ce qu'elle n'a pas condamné la SARL Point Auto à payer à la SAS Carmila France les pénalités au titre de la clause pénale, statuant à nouveau, condamner Point Auto à payer à Carmila France à titre provisionnel :

* la somme de 10 411,44 euros, arrêtée au 8 février 2023, sauf à parfaire, au titre de la clause pénale (80 088,04 euros x 13% des sommes dues),

- infirmer l'ordonnance du 13 décembre 2022 en ce qu'elle a condamné la SARL Point Auto à payer à la SAS Carmila France une indemnité d'occupation trimestrielle provisionnelle équivalente aux montants actuels du loyer et des provisions sur charges à compter du 1er juillet 2022 et jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés et, statuant à nouveau,

- condamner à titre provisionnel Point Auto à payer à Carmila France une indemnité d'occupation mensuelle fixée sur la base du loyer global de la dernière année de location majorée de 50%, tout mois commencé étant dû en totalité, à compter du 26 mai 2022, jusqu'à la libération effective des lieux par remise des clés, par expulsion en l'absence de meubles laissés dans les lieux ou à l'issue du délai de huit (8) jours à compter de la date d'expulsion en cas de maintien de meubles dans le local loué,

- infirmer l'ordonnance du 13 décembre 2022 en ce qu'elle a débouté la SAS Carmila France du surplus de ses demandes,

et statuant à nouveau,

- ordonner que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et, à défaut, seront laissés sur place ou entreposés aux frais, risques et périls du Preneur en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier en charge de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de huit (8) jours à l'expiration duquel il sera procédé à leur destruction ou à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, conformément aux dispositions du Code des procédures civiles d'exécution,

- ordonner la séquestration des biens et facultés mobilières se trouvant dans les Locaux Loués dans un garde-meuble aux choix de Carmila France, aux frais, risques et périls de Point Auto,

- dire et juger que Carmila France se réserve de toute réclamation ou demande complémentaire au titre du bail,

- condamner à titre provisionnel Point Auto au montant du dépôt de garantie, soit la somme de 21 019,56 euros par acquisition de ce montant à Carmila France.

En tout état de cause,

- débouter Point Auto de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Point Auto au paiement à Carmila France de la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Point Auto aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la société Point Auto ne critique pas, dans ses conclusions en cause d'appel, la disposition de l'ordonnance entreprise qui a constaté le désistement de la SARL Point Auto de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SAS Carmila France. Cette disposition sera confirmée.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Il résulte des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du code de procédure civile prévoit que ''le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.''

L'article L145-41 du code de commerce dispose que : ''Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. (').''

La condition d'urgence n'est pas nécessaire pour constater l'acquisition d'une clause résolutoire.

Le bail du 24 janvier 2007 prévoit une clause résolutoire aux termes de laquelle :

''A défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer ou à défaut de paiement dans les délais impartis de rappels de loyers pouvant notamment être dus après révision judiciaire du prix du bail renouvelé, ou encore, à défaut d'exécution d'une seule des conditions du présent bail, qui sont toutes de rigueur, et après un simple commandement de payer ou une mise en demeure adressée par acte extrajudiciaire resté sans effet pendant un mois, et exprimant la volonté du Bailleur de se prévaloir de la présente clause en cas d'inexécution dans le délai précité, le bail sera résilié immédiatement et de plein droit sans qu'il soit besoin de remplir aucun formalité judiciaire et nonobstant toutes offres ou consignations ultérieures. (')''

Sur la créance de loyer :

Moyens des parties

La SASU Point Auto soutient que :

* lors du renouvellement du bail, l'indice national du coût de la construction (ICC), supprimé par la loi Pinel en 2014, a été maintenu par le bailleur sans accord du locataire ;

* aucun accord n'est intervenu pour choisir un nouvel indice et la société Carmila a décidé de continuer à appliquer un indice inexistant, entraînant une augmentation du loyer et du dépôt de garantie ;

* le 3 mars 2018, un accord est intervenu entre les parties pour une revalorisation du loyer à hauteur de 18 413,26 euros hors taxe par trimestre, à compter du 1er octobre 2017 ; c'est ce montant que la société Point Auto verse depuis janvier 2018 ; le loyer ne peut être supérieur à cette somme ;

* le loyer contractuel s'élevait à la somme de 22.095,94 euros TTC ; or, sur le décompte versé aux débats par la société Carmila, le loyer réclamé s'élevait en 2018 à la somme de 23.078,03 euros ;

* elle n'a jamais cessé de régler le loyer mais de manière trimestrielle, comme le démontre le décompte versé aux débats par bailleur ; à compter de septembre 2020, la société Carmila va réclamer un loyer mensualisé ; le décompte devient alors incompréhensible quant aux sommes réclamées ;

* le bailleur a réindexé à plusieurs reprises le loyer la même année et un surcoût de 4.800 euros a été imputé dans le cadre d'une compensation sur les loyers suivants ; la régularisation de 2018 concerne une situation passée ;

* la demande au titre du dépôt de garantie correspond à son augmentation au regard de celle du loyer qui a été contestée en son temps.

La société Carmila réplique que :

* l'article L145-34 du code de commerce n'a pas supprimé l'ICC (coût de la construction des immeubles à usage d'habitation) et cet article n'est pas, non plus, d'ordre public ; la clause d'indexation du loyer fixée sur l'ICC démontre que les parties ont entendu déroger à l'application de l'ILC( indice des loyers commerciaux) et appliquer l'ICC ;

* prouvant sa bonne foi, Carmila France a proposé à Point Auto dans son courrier du 1er mars 2022 de régulariser un avenant au bail afin d'acter une indexation des loyers sur l'indice des loyers commerciaux, courrier resté sans réponse à ce jour ;

* Point Auto s'appuie sur une erreur d'indexation qui aurait engendré un surcoût de 4 800 euros pour justifier l'absence de règlement d'une dette locative qui s'élevait à 72 996,17 euros TTC au titre des loyers, charges et accessoires au 6 octobre 2022 ; Carmila France a pris en compte les demandes du preneur et elle lui a accordé un avoir le 24 décembre 2019 d'un montant de 4 319,96 euros au titre de l'indexation des loyers que Point Auto considérait erronée ;

* ainsi aucune erreur d'indice ou d'indexation ne peut être retenue qui serait de nature à constituer une contestation sérieuse à l'absence de paiement des loyers dus par Point Auto ; elle n'a pas connaissance d'une demande de Point Auto pour un nouvel indice qu'elle aurait refusé et la société Point Auto n'est pas en mesure d'en attester ;

* Point Auto considère que le loyer dû resterait identique au fil des années alors que l'indexation annuelle entraîne mécaniquement une augmentation du loyer trimestriel et du dépôt de garantie ;

* les facturations des loyers sont parfaitement régulières, le loyer augmentant chaque année du fait de l'indexation annuelle au mois d'août ; ainsi au titre de l'année 2020, le loyer trimestriel HT s'est élevé à 19 283,73 euros.

Réponse de la cour :

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite loi Pinel, a supprimé la référence à l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction, la remplaçant par l'indice trimestriel des loyers commerciaux qui doit servir de référence pour les révisions de loyer pour tout bail commercial qui a été signé ou renouvelé à compter du 1er septembre 2014. Toutefois les dispositions de l'article L 145-34 du code de commerce relatives au renouvellement du bail ne sont pas d'ordre public et les parties peuvent décider d'avoir recours contractuellement à d'autres indices tels que l'ICC.

Devant le juge des référés, juge de l'évidence :

Il apparaît du relevé de compte arrêté au 22 avril 2022 joint au commandement de payer ainsi que du relevé de compte arrêté au 3 mai 2023 que la société Point Auto paye régulièrement le loyer qu'elle estime devoir hors application de l'ICC soit la somme trimestrielle de 18 413,29 euros HT soit 22 095,94 euros TTC depuis le mois de janvier 2018, ce que la société Carmila ne conteste pas.

Le commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail du 24 janvier 2007 a été signifié à la société Point Auto le 26 avril 2022 pour paiement de la somme de 80 088, 04 euros au titre des loyers et charges échus au 22 avril 2022. Le commandement mentionne le délai légal d'un mois pour payer.

Le bail commercial initial du 27 janvier 2007 qui a pris effet à compter du 30 juin 2007 pour se terminer le 29 juin 2016 a mis à la charge du preneur un loyer annuel de 61.824 euros hors TVA, payable d'avance trimestriellement les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre. Le loyer est indexé à la hausse uniquement sur l'indice national du coût de la construction.

Il est prévu au paragraphe ''dépôt de garantie'' que celui-ci est du montant d'un terme du loyer et qu'à l'occasion de chaque indexation ou révision du loyer, il est révisé de manière à représenter à toute époque le montant d'un terme de loyer hors TVA.

Dans son courrier du 22 juin 2016 adressé à la société Carmila, la société Point Auto a proposé le renouvellement du bail ''dans les mêmes conditions que nous avons actuellement : soit un bail de 3/6/9 ans avec le même loyer ou revu avec 10% à la baisse ...''

Par courrier du 22 août 2016, la société Carmila a répondu être d'accord sur le principe du renouvellement, le nouveau bail prenant effet pour une durée de neuf années à compter du 2 août 2016. Elle ajoute '' nous demandons la fixation du loyer à compter de cette même date à la somme de 75 000 euros HT(...), par an, avec réajustement du dépôt de garantie, toutes autres clauses du bail restant inchangées.''

Des discussions se sont engagées entre les parties sur les conditions de renouvellement du bail.

Par deux courriers en date des 21 septembre et 31 octobre 2016, la société Point Auto a manifesté son désaccord sur les conditions de renouvellement du bail, le premier de ces courriers évoquant un loyer trop élevé s'élevant alors à 74 582,76 euros HT et le comparant au montant qu'il pourrait atteindre notamment avec l'indice des loyers commerciaux soit 68 777,22 euros.

Puis par un courrier du 28 septembre 2017, la société Point Auto rappelant ses refus de ''modifications unilatérales du bail (surface,type de bail, base de loyer...)'' a écrit '' faute d'accord entre les parties nous conservons selon votre volonté l'ICC bien que cet indice soit arrêté depuis le premier trimestre 2017''.(...). La locataire a poursuivi son courrier en relevant des anomalies d'indexation de bail dues à la revalorisation du 4ème trimestre 2015 faite sur les indices ICC 1er trimestre 2013/1er trimestre 2014 au lieu de ceux du 1er trimestre 2014/1er trimestre 2015. Elle a par ailleurs indiqué que '' ce loyer au 1er octobre 2017, évolue à 18 413,28 euros HT par revalorisation de l'indice ICC 1er trimestre 2017 (1650). Je vous rappelle que ce loyer ne pourra plus évoluer du fait de l'arrêt de l'indice ICC. C'est ce loyer que nous appliquerons à compter du 1er janvier 2018. (').

Par un message électronique du 22 janvier 2018, le bailleur a admis l'erreur dans le calcul de l'indexation à hauteur de 4268,80 euros HT, a précisé par ailleurs que la révision du loyer est effective le 3 août de chaque année et que ''le montant de votre loyer au trimestre pour 2018 est de 18 413,29 euros HT x 4 = 73 653,16 euros HT/HC annuel hors indexation 2018''. Il est encore indiqué '' enfin j'ai bien noté votre argumentation concernant l'arrêt de l'application de l'index sur votre loyer. Vous nous auriez proposé un changement d'index d' ICC en ILC, ce que nous aurions refusé, d'où la nullité de la clause. (') je n'ai pas trouvé d'historique de cet échange (').

Le 26 avril 2018, le bailleur a soumis à la société Point Auto un avenant ''concernant le problème d'indexation'' refusé le lendemain par le preneur sollicitant une négociation sur le ''coût du loyer en cours''.

Puis par des courriers du 31 août 2020, 20 octobre 2021, 25 janvier et 25 mars 2022, la société Point Auto a maintenu cette position.

Postérieurement à la délivrance du commandement de payer du 21 janvier 2022, le bailleur, par un courrier du 1er mars 2022 en réponse au dernier courrier du 21 octobre 2021 de la société Point Auto lui indique ''votre bail a été renouvelé aux mêmes charges et conditions de l'ancien bail, en ce compris le loyer, sur lequel il n'y a pas eu d'accord entre les parties pour appliquer l'indice des loyers commerciaux pour les indexations à compter du 3 août 2016, date d'effet du bail renouvelé. Cependant nous vous proposons de régulariser un avenant au bail pour acter une indexation des loyers sur l'indice des loyers commerciaux et ce depuis la date de renouvellement de votre bail.(...)''

Le 25 mars 2022, la société Point Auto a indiqué ne pas être opposée à l'usage d'un autre indice à compter du prochain renouvellement du bail.

Si les parties ne contestent pas que le bail s'est renouvelé à compter du 1er août 2017, aucun avenant de renouvellement n'a été signé formalisant la substitution comme indice de référence des loyers, de l'indice des loyers commerciaux à l'indice basé sur le coût de la construction.

Il est ainsi sérieusement contestable qu'un accord soit intervenu entre les parties sur la question relative à l'indice de référence du loyer. Par voie de conséquence, la créance de loyers présentée comme cause de résiliation du bail est sérieusement contestée.

Sur les charges

La société Point Auto fait valoir que :

* la société Carmila réclame des provisions sur charges alors que le mode de calcul de la provision n'est pas déterminé au bail ; la société Carmila n'a jamais justifié des factures ni fait de régularisation de charges ;

* le bailleur ne peut réclamer de la TVA sur des remboursements de factures déjà soumises à TVA ou sur des charges non soumises à TVA ;

* il résulte du bail que le bailleur ne peut réclamer que la taxe foncière, la TVA, les assurances, les taxes municipales et les charges découlant de services rendus liés à l'usage ou l'exploitation de la chose louée ; la société Carmila doit justifier du montant de l'assurance souscrite, de son objet et du prorata de SHON appliqué ; aucun élément n'est versé aux débats sur les charges correspondant à des services rendus à la concluante alors qu'elle paye l'ensemble des dépenses correspondant à sa surface commerciale ;

* la société Point Auto n'est pas concernée par les charges du Parc, lesquelles ne bénéficient pas à la société concluante qui n'est pas établie dans la galerie commerciale ; la société Point Auto règle elle-même l'ensemble des charges d'entretien du bâtiment qu'elle loue ;

* concernant la taxe foncière, les éléments ont été transmis et l'ensemble des taxes foncières sont réglées.

La société Carmila réplique que :

* la clause du bail intitulée « Charges Particulières ' Provision » prévoit que seront récupérables, les charges relatives aux services rendus liés à l'usage et à l'exploitation des différents éléments de la chose louée ; Point Auto ne précise pas quelles dépenses de travaux auraient été injustement facturées ;

* Carmila France a effectué des appels de provisions sur les taxes foncières 2019, 2020 et 2021 suivis de régularisations et Point Auto a bénéficié systématiquement d'un avoir ;

* la refacturation des postes provisions pour charges et la taxe foncière est soumise à la TVA ;

* d'une manière générale l'ensemble des justificatifs de charges, sont consultables sur demande par Point Auto mais cette dernière n'en a jamais fait la demande ;

* le mode de calcul des provisions pour charges a été rappelé à Point Auto par Carmila France dans son courrier du 1er mars 2022 ;

* les charges font l'objet chaque année d'une régularisation afin que seules les charges réelles soient imputées au locataire ; quel que soit le mode de calcul des provisions pour charges, Point Auto n'est finalement redevable que du coût exact des charges qui lui incombent et qui ont réellement été engendrées.

Réponse de la cour :

Il apparaît du paragraphe du bail intitulé « Charges Particulières ' Provision » que :

Le PRENEUR remboursera au BAILLEUR en sus du loyer ci-dessus, même à titre provisionnel, en même temps que chaque terme de loyer :

- La taxe sur la valeur ajoutée ;

- Les charges lui incombant en contrepartie des services rendus liés à l'usage et à l'exploitation des différents éléments de la chose louée, ainsi que les différents prestations et fournitures que les propriétaires sont en droit de récupérer contre les locataires ' et notamment celles visées à l'article 23 de la loi numéro 89-462 du 6 juillet 1989 à laquelle il n'est fait référence dans le présent bail que pour la présente clause

- Les taxes municipales afférentes au bien loué, notamment la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe de balayage, les droits de voirie, les frais de gestion s'y rapportant, les autres taxes de toutes natures payables en contrepartie des services dont le preneur profite directement qui existent à ce jour.

- Tous les autres impôts et taxes qui se substitueraient aux impôts et taxes sus-énoncés.

- La cotisation d'assurance multirisque souscrite par le bailleur pour l'immeuble présentement loué.

- Les taxes foncières afférentes au BIEN loué ainsi que tous impôts qui pourraient venir en remplacement

Etant ici précisé que :

- Si la cotisation d'assurance multirisque souscrite par le BAILLEUR, pour l'immeuble, présentement loué, fait partie d'un contrat garantissant d'autres immeubles appartenant au BAILLEUR, elle sera alors remboursée par le PRENEUR au BAILLEUR au prorata de la SHON qui lui est effectivement louée.

- De la même manière, si les taxes foncières ainsi que tous les impôts qui pourraient venir en remplacement font l'objet d'une imposition commune avec d'autres immeubles appartenant au BAILLEUR, ils seront alors remboursés par le PRENEUR au BAILLEUR au prorata de la SHON qui lui est effectivement louée.

L'ensemble de ces charges fera l'objet d'une régularisation annuelle, le bailleur s'engageant à produire à cette occasion toutes pièces justificatives.

- Il est ici précisé que toutes les charges seront réclamées au prorata de la SHON''

Et au sous-paragraphe intitulé « Conditions à la charge du preneur que :

« 2°) Entretien ' Réparations

(')

Les grosses réparations telles que prévues à l'article 606 du code civil seront à la charge du preneur.

En d'autres termes, le BAILLEUR ne sera tenu d'effectuer aucun travaux. (...) »

Les relevés locatifs (arrêtés au 6 octobre 2022, 3 mai 2023) produits aux débats par la société Carmila mentionnent des « appel budget » « rappel provision pour charges » « provisions travaux », « notre avoir actualisation charges » « notre avoir reddition charges ».

Il apparaît du courrier du 25 janvier 2022 adressé au bailleur, que la société Point Auto l'a interrogé sur la facturation d'une charge d'entretien de la toiture faisant observer qu'il assure la totalité de cet entretien.

Si le bailleur a, par son courrier du 1er mars 2022, invité son locataire à lui transmettre les factures concernées et à consulter les factures de ses prestataires en prenant rendez vous, force est de relever que nonobstant le maintien des contestations élevées par la société Point Auto, portant notamment sur l'absence d'appel de charges avant mars 2018 et sur les provisions pour travaux, la société Carmila ne verse aux débats aucune pièce justifiant des charges relatives aux travaux effectués sur le lot de sa locataire et imputées à son compte.

Il n'apparaît pas que le commandement de payer du 26 avril 2022 était accompagné d'un justificatif des sommes réclamées au titre des charges.

De plus et surtout la société Carmila ne produit aucun décompte individuel des charges poste par poste (comme notamment au titre des assurances, des taxes municipales, des charges découlant de services rendus liés à l'usage ou l'exploitation de la chose louée). Les relevés locatifs produits portent sur des appels de loyers, de provisions pour taxe foncière et travaux et sur des provisions pour charges qui ne sont pas détaillées et la colonne intitulée ''solde'' ne distingue pas selon que la somme notée au débit est une dette de charges ou de loyers.

Ainsi les relevés locatifs versés aux débats ne permettent pas à la cour avec l'évidence requise en référé de faire apparaître de la réalité d'une créance de charges locatives. Par voie de conséquence, cette créance présentée comme cause de résiliation du bail est sérieusement contestée.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail commercial du fait de l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit pour défaut de paiement des loyers au 26 mai 2022, en ses dispositions qui en sont la conséquence, et en ce qu'elle a condamné la SARL Point Auto à payer à la SAS Carmila France la somme provisionnelle de 80 088,04 euros au titre des loyers et charges échus au 22 avril 2022,

La SAS Carmila France sera déboutée de ces chefs de demande.

Sur l'appel incident de la société Carmila France :

Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance entreprise ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle a débouté la société Carmila France de ces chefs de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance entre prise en ce qu'elle a :

- constaté le désistement de la SARL Point Auto de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SAS Carmila France,

- débouté la SAS Carmila France de ses demandes relatives à la clause pénale et à l'acquisition du dépôt de garantie ;

Infirme l'ordonnance entreprise pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Déboute la société Carmila France du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant

Condamne la société Carmila France aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile en ce compris le coût des commandements de payer des 21 janvier et 26 avril 2022 ;

Condamne la société Carmila France à payer à la société Point Auto la somme de

3 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente,