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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 14 septembre 2023, n° 23/00559

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/00559

14 septembre 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 14/09/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/00559 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UXRI

Ordonnance de référé (N° 22/00620) rendue le 10 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [H] [Z]

né le 14 octobre 1962 à [Localité 6], de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

SARL Intérieur Créatif, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentés par Me Louisa Dahmani, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [F] [J]

né le 11 novembre 1919 à [Localité 7], de nationalité française

et

Madame [N] [J] née [Y]

née le 17 juin 1932 à [Localité 5], de nationalité française

demeurant ensemble, [Adresse 1]

représentés par Me Delphine Chambon, avocat constitué, substituée par Me Apolline Maire, avocats au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 16 mai 2023, tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2023

****

Suivant acte sous seing privé des 5 et 14 mai 2021, Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] ont consenti à la société Intérieur créatif, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 3] pour une durée de neuf années à compter du 15 mai 2021, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 18 240 euros, payable par quart et d'avance, outre provisions pour charges et versement d'un dépôt de garantie de 3 040 euros.

Monsieur [H] [Z] s'est porté caution solidaire de la société Intérieur créatif dans le cadre de l'exécution du bail.

Les loyers étant impayés, Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] ont fait signifier le 25 février 2022 à la société Intérieur créatif un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, puis par acte du 10 mai 2022, ils ont fait assigner la société Intérieur créatif et Monsieur [H] [Z] devant le président du tribunal judiciaire de Lille, statuant en référé, aux fins notamment de constater que la clause résolutoire insérée au bail liant les parties était acquise depuis le 25 mars 2022.

Par ordonnance contradictoire et en premier ressort en date du 10 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a statué en ces termes :

« Constatons l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date des 5 et 14 mai 2021, portant sur les locaux situés à [Adresse 3] depuis le 25 mars 2022 ;

Condamnons in solidum la société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] à payer à Monsieur [F] [J], et Madame [N] [J], la somme provisionnelle de 33 129,21 euros (trente-trois mille cent vingt-neuf euros et vingt et un centimes), au titre de l'arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d'occupation, selon décompte arrêté au 3 novembre 2022, terme de novembre 2022 inclus ;

Suspendons rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle, à condition que la société INTERIEUR CREATIF se libère de la provision ci-dessus allouée en 24 acomptes successifs et mensuels d'un montant de 1 380 euros (mille trois cent quatre-vingts euros) sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde restant dû (soit la somme de 1 389,21 euros), payables le 10 de chaque mois et pour la première fois, le 10 février 2023, en sus des loyers, charges et accessoires courants prévus au bail ;

Disons qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers, charges et accessoires courants à leurs échéances :

- l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,

- les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,

- la clause résolutoire produira son plein et entier effet,

- il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique, à l'expulsion de la société INTERIEUR CREATIF et de tous occupants de son chef hors des lieux loués situés [Adresse 3]

- la société INTERIEUR CREATIF devra payer mensuellement à Monsieur [F] [J], et Madame [N] [J] à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges à compter de la date de prise d'effet de la clause résolutoire, indemnité révisable annuellement à la date anniversaire de la présente ordonnance,

-le sort des meubles trouvés sur place sera régi par les dispositions des articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la clause pénale et la conservation du dépôt de garantie ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la demande d'accès aux locaux sous astreinte par Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] ;

Déboutons la société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboutons Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamnons in solidum la société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] aux dépens de l'instance en ce compris les frais de commandement de payer en date du 25 février 2022 ;

Rappelons que l'exécution provisoire est de droit.».

Par déclaration en date du 2 février 2023, l'EURL Intérieur créatif et M. [Z] ont interjeté appel de la décision, reprenant l'ensemble des chefs les concernant dans leur acte d'appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 06 mai 2023, l'EURL Intérieur créatif et M. [Z] demandent à la cour de :

« Vu l'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile

Vu les articles 1101 et 1104 du Code civil

Vu l'article 1343-5 du Code civil

Vu le principe selon lequel « Nul ne peut se préconstituer de preuves à lui-même »

Vu le bail commercial

Vu l'instance en cours par-devant le Tribunal judiciaire de Lille

Vu l'article 700 du Code de procédure civile

- SUR L'APPEL PRINCIPAL FORME PAR LA SOCIETE INTERIEUR CREATIF ET MONSIEUR [H] [Z]

' DECLARER RECEVABLE ET BIEN FONDE la société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] en leur appel de l'ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par le Juge des référés près le Tribunal judiciaire de Lille ;

Y faisant droit,

' INFIRMER l'ordonnance sus énoncée et datée en ce qu'il a prononcé les chefs de dispositifs suivants :

« Constatons l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date des 5 et 14 mai 2021, portant sur les locaux situés à [Adresse 3] depuis le 25 mars 2022 ;

Condamnons in solidum la société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] à payer à Monsieur [F] [J], et Madame [N] [J], la somme provisionnelle de 33 129,21 euros (trente-trois mille cent vingt-neuf euros et vingt et un centimes), au titre de l'arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d'occupation, selon décompte arrêté au 3 novembre 2022, terme de novembre 2022 inclus ;

Suspendons rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle, à condition que la société INTERIEUR CREATIF se libère de la provision ci-dessus allouée en 24 acomptes successifs et mensuels d'un montant de 1 380 euros (mille trois cent quatre-vingts euros) sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde restant dû (soit la somme de 1 389,21 euros), payables le 10 de chaque mois et pour la première fois, le 10 février 2023, en sus des loyers, charges et accessoires courants prévus au bail ;

Disons qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers, charges et accessoires courants à leurs échéances :

- l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,

- les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,

- la clause résolutoire produira son plein et entier effet,

- il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique, à l'expulsion de la société INTERIEUR CREATIF et de tous occupants de son chef hors des lieux loués situés [Adresse 3],

- la société INTERIEUR CREATIF devra payer mensuellement à Monsieur [F] [J], et Madame [N] [J] à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges à compter de la date de prise d'effet de la clause résolutoire, indemnité révisable annuellement à la date anniversaire de la présente ordonnance,

- le sort des meubles trouvés sur place sera régi par les dispositions des articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution »

« Déboutons la société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; »

« Condamnons in solidum la société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] aux dépens de l'instance en ce compris les frais de commandement de payer en date du 25 février 2022 ; »

« Rappelons que l'exécution provisoire est de droit. »

ET STATUANT A NOUVEAU :

In limine litis, sur l'exception d'incompétence soulevée,

' SE DECLARER INCOMPETENT pour statuer sur le litige en présence de contestations sérieuses et renvoyer Madame [N] [J] et Monsieur [F] [J] à mieux se pourvoir ;

' PAR CONSEQUENT, DEBOUTER Madame [N] [J] et Monsieur [F] [J] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

' PRONONCER LA NULLITE du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 25 février 2022 et anéantir tous ses effets à l'égard de la société INTÉRIEUR CREATIF et de Monsieur [H] [Z] ;

' PAR CONSEQUENT, DEBOUTER Madame [N] [J] et Monsieur [F] [J] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société INTERIEUR CREATIF et de Monsieur [H] [Z] ;

Subsidiairement, si par impossible la Cour n'infirmait pas l'ordonnance dont appel,

' CONFIRMER le chef de dispositif suivant :

« ECHELONNER la somme de 33 129,21 € sur une période de 24 mois à compter de la signification de la décision à intervenir au titre du paiement des loyers et charges moyennant une échéance mensuelle de 1380,38 € ; »

En tout état de cause,

' CONFIRMER POUR LE SURPLUS la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes dont les chefs de dispositif suivant :

« Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la clause pénale et la conservation du dépôt de garantie ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la demande d'accès aux locaux sous astreinte par Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] ;

Déboutons Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. »

' DEBOUTER Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leurs demandes, fins et conclusions ;

' CONDAMNER IN SOLIDUM Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] à payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel respectivement à la société INTÉRIEUR CREATIF et à Monsieur [H] [Z] au titre du présent appel principal et reconventionnellement aux dépens de première instance.

- SUR L'APPEL INCIDENT FORME PAR MADAME ET MONSIEUR [J]

' DECLARER MAL FONDE l'appel incident de Madame et Monsieur [J] à l'encontre des chefs de dispositifs de l'ordonnance du 10 janvier 2023 suivants :

« Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la clause pénale et la conservation du dépôt de garantie ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la demande d'accès aux locaux sous astreinte par Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] ; »

Déboutons Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; »

Par conséquent,

' CONFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a retenu les chefs suivants :

« Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la clause pénale et la conservation du dépôt de garantie ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la demande d'accès aux locaux sous astreinte par Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] ;

Déboutons Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. »

' DEBOUTER Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leurs demandes, fins et conclusions ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE ET Y AJOUTANT,

' DEBOUTER Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leurs demandes, fins et conclusions ;

' CONDAMNER IN SOLIDUM Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens à la société INTÉRIEUR CREATIF et à Monsieur [H] [Z] au titre de l'appel incident ».

Les appelants reviennent sur les négociations intervenues en vue de la conclusion d'un second bail, à proximité du local donné précédemment à bail, sur les termes convenus et l'absence de réalisation des travaux d'électricité pourtant à la charge du bailleur, en vue de permettre une délivrance du bien, lequel était loué selon la clause de destination insérée en vue d'une activité commerciale, et non de simples bureaux.

Les démarches amiables ont été vaines et des relances de loyers et de charges ont été adressées sans pour autant qu'une date pour la réalisation des travaux ne soit planifiée. Il a été également fait état de difficultés avec un autre locataire, qui ne seront pas résolues par les bailleurs, ces derniers préférant adresser une sommation interpellative de laisser l'accès à la société Fil Bleu sous 48 h le 1er décembre 2021.

Ils estiment que les bailleurs ont agi de mauvaise foi en signifiant un commandement de payer visant la clause résolutoire le 22 février 2022, en dépit du contexte particulièrement litigieux de ce dossier et de l'impossibilité totale d'exploiter les lieux depuis le mois de mai 2021, privant le preneur de la possibilité de dégager un chiffre d'affaires depuis près de deux ans. Il en est de même de leur assignation en référé qui dissimule ce contexte.

Les appelants critiquent la motivation retenue par l'ordonnance de référé, ce juge ayant retenu sa compétence, sur le fondement erroné de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, en lieu et place de l'alinéa 2, et précisent que cette motivation est contradictoire, le juge des référés ayant exclu puis retenu sa compétence alors qu'il constatait des divergences sérieuses d'interprétation des clauses du bail.

Il existait des contestations sérieuses, tenant à la saisine concomitante du tribunal judiciaire et à l'interprétation des clauses du bail (clause relative à l'exécution des travaux d'électricité ; conséquence des manquement du bailleurs à son obligation de délivrance et de bonne foi ; la clause « Destination du bail », la clause « Désignation »).

Les appelants concluent que l'impayé relatif aux loyers et charges invoqué trouve sa seule origine dans les fautes des bailleurs en raison de l'inexécution des obligations stipulées au sein du contrat de bail, objet d'une procédure au fond, le juge des référés ne disposant pas du pouvoir d'apprécier ces fautes à l'origine de l'impayé invoqué.

Si par impossible le moyen tiré de l'incompétence du juge des référés n'était pas retenu, ils soulèvent à titre principal les moyens relatifs à la nullité du commandement de payer signifié de mauvaise foi. Le preneur ne peut pas matériellement respecter ce commandement en raison de l'absence de réalisation des travaux d'électricité, les impayés résultant des propres fautes des bailleurs. La signification d'un tel commandement est particulièrement déloyale et compromet toute perspective d'exploitation des lieux.

Ils sollicitent la confirmation des délais de paiement accordés à titre subsidiaire, soulignant que la dette locative résulte exclusivement de l'absence totale de chiffre d'affaires en raison de l'impossibilité de s'installer dans les locaux. L'absence d'échelonnement exposerait le preneur à un risque de cessation des paiements et à l'ouverture d'une procédure collective qui atteindrait les locaux voisins, exploités par la société Intérieur créatif.

La confirmation des chefs de la décision déboutant M. et Mme [J] de leurs demandes au titre de la clause pénale, au titre de la conservation du dépôt de garantie, au titre de l'accès aux locaux ou encore au titre de l'indemnité procédurale ainsi que le débouté de l'appel incident formé de ces chefs par les bailleurs s'impose.

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 24 avril 2023, Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] demandent à la cour de :

« Vu le bail du 05 mai 2021,

Vu le commandement visant la clause résolutoire du 25 février 2022

Vu l'article 809 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles L.145-1 et suivants du Code de Commerce et en particulier, l'article L.145-41,

- CONFIRMER l'Ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par le Tribunal Judiciaire de Lille des chefs suivants

o « CONSTATONS l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date des 5 et 14 mai 2021, portant sur des locaux situés [Adresse 3] depuis le 25 mars 2022

o DEBOUTONS la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

o CONDAMNONS in solidum la Société INTERIEUR CREATIF et M. [P] aux dépens de l'instance en ce compris les frais de commandement de payer en date du 25 février 2022 »

Outre le chef suivant, sauf à en actualiser le montant :

o « CONDAMNONS in solidum la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [Z] à payer à Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] la somme provisionnelle de 33.129,21 € au titre de l'arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d'occupation, selon décompte arrêté au 3 novembre 2022, terme de 2022 inclus « .

- INFIRMER l'Ordonnance des chefs suivants :

o « SUSPENDONS rétroactivement les poursuites et effets de laclause résolutoire contractuelle, à condition que la Société INTERIEUR CREATIF se libère de la provision ci-dessus allouée en 24 acomptes successifs et mensuels d'un montant de 1.380 euros sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde restant dû, soit la somme de 1.389,21 €, payables le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 février 2023, en sus des loyers, charges et accessoires courants prévus au contrat de bail.

o DISONS qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers, charges et accessoires courants à leurs échéances :

L'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,

Les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt ;

La clause résolutoire produira son plein et entier effet ;

Il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique, à l'expulsion de la Société INTERIEUR CREATIF et de tous occupants de son chef hors les lieux loués situés [Adresse 3]

La Société INTERIEUR CREATIF devra payer mensuellement à Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges à compter de la date de prise d'effet de la clause résolutoire, indemnité révisable annuellement à la date anniversaire de la présente ordonnance,

Le sort des meubles trouvés sur place sera régi par les dispositions des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

o DISONS n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la clause pénale et la conservation du dépôt de garantie

o DISONS n'y avoir lieu à référé sur la demande visant la demande d'accès aux locaux sous astreinte par Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J]

o DEBOUTONS Monsieur [F] [J] et Madame [N] [J] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile »

- STATUANT A NOUVEAU :

Sur le constat du jeu de la clause résolutoire :

DIRE la Société INTERIEUR CREATIF occupant sans droit ni titre depuis le 25 mars 2022,

ORDONNER en conséquence, l'expulsion de la Société INTERIEUR CREATIF, ainsi que de tous occupants de leur chef, des locaux sis à [Adresse 3], avec si besoin l'aide d'un serrurier et le concours de la force publique,

DIRE que les bailleurs pourront procéder à l'enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux soit dans l'immeuble, soit chez un garde-meubles au choix de la demanderesse aux frais, risques et périls du preneur,

En tout état de cause que la clause résolutoire joue au stade du référé ou non :

ACTUALISER la condamnation en principal et CONDAMNER solidairement ou l'un à défaut de l'autre la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] à régler aux époux [J], une provision d'un montant de 36 206,05 € correspondant aux loyers/ indemnités d'occupation provisoirement arrêtés au 17 avril 2023,

CONDAMNER solidairement ou l'un à défaut de l'autre par provision la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] à régler aux époux [J] la majoration de 10 % (dix pour cent) prévue au bail à titre d'indemnité forfaitaire de frais contentieux et indépendamment de tous autres frais, soit provisionnellement la somme de 3 620,6 € ;

CONDAMNER solidairement ou l'un à défaut de l'autre par provision la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] à régler aux époux [J] les intérêts prorata temporis à compter de la date d'exigibilité de chaque échéance, au taux de base bancaire majoré de trois points, conformément aux dispositions du bail,

DIRE ET JUGER le cas échéant que le dépôt de garantie restera acquis aux bailleurs, conformément aux dispositions du bail,

CONDAMNER le cas échéant solidairement ou l'un à défaut de l'autre par provision la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] à régler aux époux [J] une indemnité d'occupation établie forfaitairement sur la base du double du loyer contractuel de la dernière année de location, charges et taxes en sus, à compter de la date de l'occupation sans droit ni titre soit à la date du 25 mars 2022 et jusqu'à parfait délaissement, conformément aux dispositions du bail et subsidiairement confirmer l'Ordonnance sur le montant de l'indemnité d'occupation,

CONDAMNER la Société INTERIEUR CREATIF à laisser l'accès aux locaux aux bailleurs ceci sans exiger de condition préalable, conformément à la clause du bail permettant un droit de visite, ceci sous astreinte de 3 000 € par infraction constatée.

DEBOUTER la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins, et conclusions et notamment de sa demande de délais

SUBSIDIAIREMENT, sur la demande de délais, CONFIRMER l'Ordonnance sur les conditions du délai et la suspension de la clause résolutoire

CONDAMNER solidairement ou l'un à défaut de l'autre la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la première instance

ET CONDAMNER solidairement ou l'un à défaut de l'autre la Société INTERIEUR CREATIF et Monsieur [H] [Z] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'en tous les frais et dépens d'appel ».

Les bailleurs font valoir que :

- l'historique présenté par le preneur est inexact ;

- les locaux donnés à bail au preneur ne sont pas reliés aux locaux d'exploitation (vente des marchandises), aucune autorisation de la bailleresse n'étant intervenue aux fins de relier les deux locaux, les nouveaux locaux étant donnés à usage de bureaux ;

- les locaux ont été délivrés à la date convenue et si les bailleurs devaient effectuer quelques travaux, aucun délai n'était prévu pour leur exécution ;

- ces travaux étaient de plus tout à fait limités et il est établi que le preneur empêche délibérément l'accès aux locaux, et refuse toute intervention des bailleurs, de sorte que ces derniers ne peuvent pas réaliser lesdits travaux ;

- les motifs d'opposition du preneur sont parfaitement fallacieux, puisque les bailleurs bénéficient d'un droit de visite contractuel qui n'est conditionné ni à l'accord du preneur, ni à un quelconque délai de prévenance, rendant le refus du preneur parfaitement injustifié ;

- en refusant l'accès aux locaux pour la réalisation des travaux, le preneur est à l'origine de son propre préjudice et en situation d'inexécution contractuelle.

Ils estiment que la faute à l'origine du contentieux est donc celle du preneur. Si le preneur avait laissé les ouvriers missionnés par le bailleur entrer, les travaux auraient été effectués depuis longtemps. Le preneur ne paie pas les loyers, ce qui constitue une contravention à l'obligation essentielle du contrat de bail, qui doit en tout état de cause être sanctionnée.

Ils font valoir que :

- le débat amené par le preneur sur l'application de l'alinéa 1 ou 2 de l'article 835 du code de procédure civile n'est pas pertinent, puisque en tout état de cause, le défaut de paiement des loyers constitue un trouble manifestement illicite, rendant l'existence d'une contestation sérieuse en ce cas inopposable ;

- la question est encore moins pertinente puisque les parties ont expressément attribué compétence au juge des référés pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire ;

- le défaut de paiement des loyers n'est pas sérieusement contestable pas plus que ne l'est l'acquisition de la clause résolutoire ;

- les clauses d'indemnité, d'intérêts et relative au dépôt de garantie ne sont pas sérieusement contestables, constituant la loi des parties, qui doit trouver à s'appliquer.

Ils répliquent à l'argumentation adverse que :

- la franchise de loyer pendant deux mois n'était pas prévue à raison de l'absence d'électricité, non démontrée, mais de travaux de part et d'autre à faire par le locataire et le bailleur ;

- la nature des travaux n'a pas été contractualisée et il n'a jamais été prévu une reprise totale de l'électricité ni la possibilité pour le preneur de donner ses instructions pour réaliser les travaux ;

- aucun élément ne permet de se convaincre que le preneur était bloqué dans sa rénovation ;

- la sommation interpellative a été délivrée non pas 48 h avant le début des travaux, mais le 1er décembre pour une préparation du chantier le 6 décembre, et un début des travaux le 13 décembre jusqu'au 17 décembre ;

- l'accès au local ne se limitait pas à la période de deux mois de franchise, puisque la clause du bail relative aux travaux autorise la visite du bailleur pour tous travaux rendus nécessaires, le preneur manquant ainsi à ses obligations et étant la cause de son propre préjudice ;

- le commandement de payer a été délivré de bonne foi, le preneur faisant obstruction à la réalisation des travaux qu'il prétend vouloir obtenir et dont il se sert pour ne pas payer les loyers ;

- pour les travaux à la charge du bailleur, il ne peut s'agir que des travaux limités, envisagés lors des négociations, d'autant que le bailleur n'a à sa charge que les travaux de l'article 606 du code civil ;

- la demande d'accès au local sous astreinte est justifiée au vu du comportement du locataire, ce qui justifie la réformation de l'ordonnance entreprise.

Les bailleurs plaident qu'ils ont respecté leur obligation de délivrance, soulignant que le contrat comporte une clause de prise en l'état des lieux. Les travaux d'eau chaude ou de soufflerie ne figurent pas au contrat, seuls les travaux d'électricité l'étaient. Il n'est pas démontré que les locaux aient été livrés sans électricité. Il n'est pas plus établi que les locaux ne seraient pas conformes à leur destination de bureau, et non de commerce.

Ils reviennent sur la clause de désignation et la notion de local commercial à usage de bureaux. Il n'est nullement prouvé que le preneur a informé les bailleurs de ce que les locaux seraient utilisés comme extension de son commerce pour la vente de biens meubles.

Les bailleurs s'opposent à toute demande de délai de paiement, l'argument d'une absence de chiffre d'affaires étant totalement fallacieux puisque la société dispose d'un autre local. Il n'est pas justifié de sa situation financière.

****

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

À l'audience du 16 mai 2023, le dossier a été mis en délibéré au 14 septembre 2023.

MOTIVATION :

- Sur les contestations élevées par la société Intérieur créatif et M. [Z]

Au préalable, il convient de rappeler que contester la saisine du juge des référés en faisant valoir qu'il n'y a pas urgence, que le fait dénoncé ne constitue pas un trouble manifestement illicite, ou que la mesure demandée se heurte à une contestation sérieuse, est un moyen de défense, particulier en ce qu'il dénie au juge des référés le pouvoir de prononcer les mesures qui lui sont demandées, et non une question de compétence.

1) sur la contestation du fondement retenu

Aux termes des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il en ressort que, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, voire un trouble manifestement illicite, lequel s'entend de 'toute perturbation résultant d'un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit'.

L'alinéa 2 du texte précité n'exige pas la constatation de l'urgence mais seulement celle de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable comme condition à l'octroi d'une provision par le juge des référés, le demandeur devant justifier de l'existence de la créance invoquée tandis que le défendeur pour s'y opposer utilement devoir établir que cette dernière est sérieusement contestable.

Il est constant que l'octroi d'une provision et la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire relèvent des pouvoirs du juge des référés, faute de contestations sérieuses, en l'absence de paiement des loyers. Ce non-paiement des loyers constitue par ailleurs une violation d'obligations contractuelles et/ou légales qui peut donc constituer un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge de faire cesser par la mise en œuvre de la clause résolutoire, d'autant que le présent bail prévoit expressément qu' « il suffira d'une simple ordonnance rendue par le magistrat des référés auquel les parties attribuent en tant que de besoin expressément compétence, prescrivant l'expulsion du preneur, pour poursuivre cette dernière ».

Dès lors, le débat entretenu par les appelants quant au fondement même sur lequel le juge des référés s'est basé, seul l'alinéa 2 pouvant selon eux être invoqué au soutien d'une demande de provision et d'acquisition de la clause résolutoire, est vain, d'autant que les intimées invoquent l'article 835, en son ensemble, quand bien même est mis en gras l'alinéa 2 de cette disposition et que la cour dispose, conformément à l'article 12 du code de procédure civile, du pouvoir de trancher le litige conformément aux règles applicables et de restituer aux faits et aux actes leurs exactes qualifications.

Ce grief ne saurait donc prospérer.

2) sur la contestation tenant à l'existence d'une saisine de la juridiction du fond

Le seul fait qu'une assignation au fond ait été délivrée par le preneur en date du 10 mai 2021 quant à l'interprétation des clauses du contrat et au respect par le bailleur des obligations mises à sa charge par celles-ci n'est pas en soi un obstacle à l'examen par le juge des référés du litige, qui lui était antérieurement soumis, par les bailleurs, dans le cadre de l'assignation en référé délivrée le 25 février 2021 et visant à obtenir la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail.

Dans ce dernier cadre, il appartient au juge des référés de prendre les mesures qui s'imposent, et qui ne se heurtent, pour celles fondées sur l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile, à aucune contestation sérieuse, l'allégation et la preuve d'une telle contestation pesant sur le preneur qui l'invoque, contrairement à ce que sous-entendent les appelants.

La délivrance d'une assignation au fond ne dispense dès lors pas la société Intérieur créatif et M. [Z] de démontrer avec précision l'existence de contestations sérieuses s'opposant à l'obligation de payer le loyer prévue par l'article IV du bail, qui, en résumé, seraient constituées par les manquements des bailleurs à leur obligation de délivrance des locaux conformément à la destination contractuelle et à leur obligation contractuelle d'exécuter les travaux d'électricité stipulée dans le bail, à l'origine des impayés de loyers selon eux.

3) sur les contestations tenant à l'obligation de délivrance et aux travaux

Aux termes des dispositions de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière :

1° de délivrer au preneur la chose louée,

2° d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée,

3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail'

L'article 1720 du même code dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

Il s'en évince que le bailleur a une obligation de délivrance de la chose louée qui lui impose de livrer des biens conformes à l'usage auquel ils sont destinés, aucune clause contractuelle ne pouvant décharger le bailleur de son obligation de délivrance de la chose elle-même, c'est-à-dire de la chose définie au bail et de ses accessoires indispensables à une utilisation normale et sans danger des lieux.

Le bail conclu entre les parties 5 mai 2021, sur le bien situé au [Adresse 3], comporte les principales stipulations suivantes :

- au paragraphe Désignation ' désignation des locaux et équipement à usage privatif : « local commercial à usage de bureaux d'une surface de 143,14 m² et 154,96 m² de surface au sol » ;

- au paragraphe Destination « le preneur ne pourra utiliser les lieux loués qu'à usage exclusif de : - usage exclusif : commercial à titre principal »

- au paragraphe Loyer : « le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer principal, annuel, hors charges et hors taxes de 18 240 € payable mensuellement et à terme d'avance au domicile du bailleur ou de son représentant, le premier jour ouvrable de chaque mois civil.

Il est convenu que le bailleur accorde au locataire une gratuité de deux termes de loyers correspondants à la somme de 3040 € pour la réalisation de travaux par le locataire et par le bailleur dans le local. Le locataire devra ainsi permettre l'accès au local durant les deux premiers mois afin de réaliser les travaux d'électricité. Cette gratuité interviendra durant les deux premiers mois du bail ».

- au paragraphe Entretien-Réparations-Mise en conformité : « Le preneur devra :

1) Prendre les lieux dans l'état où ils se trouveront lors de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur, tant lors de l'entrée en jouissance qu'en cours de bail, aucuns travaux, ni remise en état, le preneur renonçant par ailleurs expressément à tous recours à l'encontre du bailleur pour les vices et défauts de la chose louée, par dérogation à l'article 1721 du code civil » ;

- au paragraphe Travaux : « 1) travaux du bailleur que le preneur devra souffrir :

« a) supporter sans indemnité ni recours contre le bailleur, par dérogation aux dispositions de l'article 1724 du code civil, la gêne et les conséquences de toute nature, qui résulteraient de l'exécution de tous travaux d'entretien, de réparations, grosses ou menues, passages de canalisation, que le bailleur se réserve de faire exécuter dans les locaux loués, quelle qu'en soit la durée, cette dernière excédât-elle 21 jours » ;

- au paragraphe Dispositions diverses- 3° visite des lieux : « Le preneur devra laisser visiter les lieux par le bailleur et/ou toute personne dûment autorisée par ses soins, aux fins de lui permettre de s'assurer de l'état desdits lieux, prendre plus généralement toutes mesures pour la conservation de ses droits, faire effectuer toutes réparations ou travaux qu'il jugerait utiles, ou encore de les faire visiter par tout futur acquéreur, futur locataire ou prêteur éventuel » .

Le preneur pointe une divergence d'interprétation quant à la clause de destination, estimant que l'adjectif commercial correspondrait à la possibilité de développer dans les locaux donnés à bail une activité de vente, et non de bureaux.

Cependant, sans qu'il soit même nécessaire d'examiner et d'interpréter la clause précitée et son articulation avec la clause de désignation des biens dont se prévaut le bailleur, il ne peut qu'être constaté que le preneur ne démontre pas que les locaux donnés à bail n'aient pas été mis à sa disposition et ne lui aient pas permis d'exercer l'activité souhaitée de ce seul chef, puisque pour l'heure aucune activité n'a encore été exercée dans lesdits locaux, selon ses dires, faute de réalisation des travaux d'électricité, rendant dès lors ses longs développements sur l'articulation des clauses de désignation et de destination inopérants et cette contestation non sérieuse.

Au titre du défaut de délivrance se trouve dès lors seul allégué par le preneur en fait et en droit le manquement à l'obligation de réaliser les travaux d'électricité.

Sans dénaturer les obligations que renferme la stipulation claire et précise relative aux travaux dans la clause concernant le loyer, il ne saurait être soutenu que cette dernière impose un ordre dans lequel devaient être réalisés les travaux ou une durée minimale des travaux permettant de déduire leur ampleur, et offre un droit de regard et de véto au preneur quant à la nature des travaux d'électricité mis en œuvre par le bailleur.

La clause, qui ne nécessite aucune interprétation, prévoit uniquement une franchise de loyer, d'un montant équivalent à deux mois de loyer et applicable sur les deux premiers mois après prise de possession des lieux, en contrepartie de travaux prévus tant par le bailleur que par le preneur.

Seuls les travaux d'électricité sont certes spécifiés au contrat de bail et à la charge du bailleur, sans que leur nature précise ne soit explicitée, le preneur s'étant engagé à prendre les lieux en l'état et à laisser l'accès au local durant les deux premiers mois pour réaliser lesdits travaux, en sus du droit de visite général prévu au paragraphe « dispositions diverses » au bénéfice du bailleur ou des personnes habilitées par ce dernier.

Contrairement à ce que laisse entendre le preneur, la franchise de loyers n'a nullement été accordée en raison des travaux d'électricité et aucune pièce n'établit que les locaux litigieux ne seraient pas reliés électriquement, la remarque de l'huissier dans son constat du 27 janvier 2022 qui uniquement « constate que sur cet étage il n'apparaît pas d'électricité » ne permettant de déterminer ni les vérifications faites par l'officier ministériel ni les causes de ce défaut d'alimentation, ce qui la rend insuffisamment probante.

Indéniablement les travaux d'électricité que devaient réaliser les bailleurs n'ont pas été menés pendant les deux premiers mois de la prise de possession des lieux. Toutefois il n'est établi par aucune pièce que lesdits locaux n'aient pas pu être utilisés faute de toute alimentation électrique ou aient été rendus dangereux à raison d'une électricité ancienne et défectueuse, ce qui prive la contestation de tout sérieux.

Les pièces établissent au contraire, que les plans du futur agencement du local n'ont été transmis par le preneur qu'à compter de mi-juin 2021 et que l'intervention du prestataire, mandaté par le bailleur dès septembre 2021, n'a pu être menée en raison de l'opposition du preneur, conduisant le bailleur à délivrer d'ailleurs une sommation interpellative le 1er décembre 2021, pour une préparation du chantier le 6 décembre et une réalisation des travaux du 13 décembre au 17 décembre, lesquels n'ont pu avoir lieu à raison d'un nouveau refus du preneur.

La société Intérieur créatif ne peut de bonne foi opposer un délai de prévenance insuffisant, une programmation un jour de fermeture (lundi) ou des travaux pendant les périodes de fin d'année pour justifier ce refus, alors que plus de 10 jours séparaient la délivrance de la sommation interpellative du début des travaux et que les travaux envisagés étaient ceux qu'elle réclamait et étaient selon elle nécessaires à l'ouverture du local loué, qui dès lors ne pouvait être perturbée par la réalisation desdits travaux.

La contestation élevée par la société Intérieur créatif et M. [Z] de ce chef est dénuée de sérieux.

4) sur la contestation relative à la délivrance de mauvaise foi par le bailleur du commandement

Au préalable, il convient de rappeler qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité d'un commandement de payer.

En revanche, il lui revient d'apprécier si la contestation de sa validité par le preneur constitue ou non une contestation sérieuse à l'action du bailleur en constatation de la résiliation du bail sur le fondement de ce commandement.

Comme jugé précédemment, aucun élément n'établit que la société Intérieur créatif soit empêchée d'exploiter le local donné à bail, à raison d'un défaut d'alimentation électrique ou d'une dangerosité du réseau électrique, faute de réalisation par le bailleur des travaux envisagés dans le bail.

Si la réalisation des travaux à la charge des bailleurs n'est pas intervenue dans le délai imparti, il n'en demeure pas moins que cette réalisation n'a pu être menée faute pour le preneur de laisser l'accès au local, en contravention même avec les stipulations contractuelles prévoyant un droit de visite général et en contradiction avec ses souhaits exprimés.

Aucune déloyauté n'entache dans ces conditions la délivrance par les bailleurs d'un commandement de payer, ces derniers ayant, par le biais de l'agence immobilière ou par le biais d'une sommation interpellative, invité préalablement le preneur à laisser l'accès libre pour l'intervention du prestataire, et ce sans succès.

Ce moyen ne peut qu'être rejeté.

Au vu du bail, qui comportait une clause résolutoire, reprise dans le commandement délivré le 25 février 2022, dans les formes prévues à l'article L 145-41 et demeuré sans effet, faute pour le preneur d'avoir réglé les sommes réclamées, et dont le montant n'est pas critiqué, dans le délai d'un mois, c'est à bon droit, l'ensemble des contestations élevées par la société Intérieur créatif et M. [Z] étant dénué de sérieux, que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire de plein droit depuis le 25 mars 2022.

Au vu de ces seuls motifs, l'ordonnance querellée est confirmée de ce chef.

- Sur la suspension de la clause résolutoire et la demande de délais de paiement

Aux termes de l'article L145-41, alinéa 2, du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En vertu des dispositions l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

La société Intérieur créatif ne peut sérieusement arguer d'une absence totale de chiffre d'affaires en raison de l'impossibilité d'exploiter les locaux, alors même qu'elle exploite les locaux contigus et n'a pas fait preuve de bonne foi dans l'exécution dudit contrat, en ne répondant pas aux sollicitations réitérées des bailleurs pour exécuter lesdits travaux, cela même en cours de procédure. Elle n'établit avoir respecté ni le versement régulier des loyers depuis le prononcé de l'ordonnance ni l'échéancier qui lui avait pourtant été octroyé par le premier juge en vue de suspendre les effets de la clause résolutoire.

Seuls quelques paiements parcellaires sont intervenus depuis plus de 2 ans et le preneur ne démontre ni être en mesure de payer un loyer supplémentaire, outre l'apurement du passif créé, avec le résultat net comptable dégagé par la société Intérieur créatif, tel qu'il résulte du seul bilan produit en date de 2021, ni pouvoir, grâce à une extension de son activité, à la supposer possible, améliorer la rentabilité de sa société et ses résultats pour pouvoir honorer les sommes mises à sa charge.

Compte tenu de cette situation et en considération des besoins du créancier, le rejet de la demande de délais de paiement s'impose, ce qui justifie l'infirmation de la décision entreprise de ce chef.

Compte tenu du commandement délivré le 25 février 2022 demeuré sans effet, à l'échéance du délai d'un mois, et faute de suspension des effets de la clause résolutoire, l'expulsion et la condamnation de la société Intérieur créatif à payer à M. et Mme [J] une indemnité d'occupation égale au montant des loyers, et ce à compter du 25 mars 2022 doivent être prononcées.

Les appelants ne développant aucun moyen au soutien de leurs prétentions tendant à faire infirmer ladite décision en ce qu'elle les a condamnés à payer la somme de 33 129,21 euros, au titre de l'arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d'occupation, selon décompte arrêté au 3 novembre 2022, terme de novembre 2022 inclus, et n'émettant aucune critique de la demande formulée par les intimées d'actualiser la condamnation provisionnelle à la somme de 36 206,05 euros, correspondant aux loyers, indemnités d'occupation, provisoirement arrêtés au 17 avril 2023, la décision déférée ne peut qu'être confirmée de ce chef, sauf à porter le montant de la provision à la somme de 36 206,05 euros, conformément au nouveau décompte joint et non critiqué, et à préciser que la condamnation est solidaire entre la société Intérieur créatif et M. [H] [Z], en sa qualité de caution solidaire, conformément aux mentions de l'acte annexé au contrat de bail, qui ne fait l'objet d'aucune critique par les appelants.

- Sur l'appel incident des bailleurs

Aux termes des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En vertu des dispositions de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Contrairement à ce qu'indique le premier juge, le juge des référés peut accorder une provision sur le montant non contestable d'une clause pénale. Toutefois il n'entre pas dans ses pouvoirs de diminuer ce montant à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle de l'obligation a procuré au créancier.

Le paragraphe « Indemnité d'occupation » prévoit que « l'indemnité d'occupation à la charge du preneur, en cas de maintien dans les lieux sans droit ni titre, sera établie forfaitairement sur la base du double loyer global de la dernière année de location. Cette indemnité est due dès le jour suivant la fin de la location et ce jusqu'au jour de la restitution des locaux, tout mois commencé étant dû en entier. Les charges demeurent également due jusqu'au jour où les lieux sont restitués au bailleur ».

Au paragraphe « Sanctions », il est expressément stipulé qu' « À défaut de paiement à leur échéance, de toutes sommes dues en vertu du présent bail, huit jours après une simple lettre recommandée demeurée sans suite, les sommes dues seront automatiquement majorées de 10 %, ladite majoration restant indépendante d'un intérêt de retard conventionnellement fixé au taux de base bancaire majoré de trois points et de l'obligation pour le preneur de régler l'intégralité des honoraires et frais de procédure, en ce compris les frais de commandement et de recettes ».

L'article consacré à la clause résolutoire prévoit qu' « en telle hypothèse (résiliation judiciaire), le dépôt de garantie restera acquis au bailleur sans préjudice de son droit à tous dommages et intérêts ».

Concernant l'indemnité d'occupation, aucun élément ne vient expliciter ce doublement du terme exigible, alors même que le préjudice subi par le bailleur, à raison de l'immobilisation du bien, se trouve réparé par la fixation d'une indemnité d'occupation à la valeur du terme exigé avant le jeu de la clause résolutoire et qu'il est prévu par le contrat l'application d'un taux d'intérêt conventionnellement fixé au taux de base bancaire majoré de trois points pour toute somme non payée à son échéance.

Avec l'évidence s'imposant au juge des référés, seul est justifié l'octroi d'une provision au titre de l'indemnité d'occupation à hauteur de la somme de 1556,76 euros, outre les charges, avec intérêts contractuels fixés au taux de base bancaire majoré de trois points conformément aux stipulations du bail.

Ce même bail prévoit également qu' « À défaut de paiement à leur échéance, de toutes sommes dues en vertu du présent bail, huit jours après une simple lettre recommandée demeurée sans suite, les sommes dues seront automatiquement majorées de 10 % ».

Cette clause est claire et le preneur n'élève aucune contestation sérieuse. Il sera donc condamné à payer à titre d'indemnité forfaitaire de frais contentieux et indépendamment de tous autres frais, provisionnellement la somme de 3 620,60 euros.

La décision entreprise est donc infirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les clauses pénales précitées.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de condamnation de la société Intérieur créatif sous astreinte à laisser libre l'accès au local, dès lors que l'expulsion de cette dernière, sans droit ni titre, des locaux est prononcée. La décision est confirmée, au vu de ces seuls motifs, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Intérieur créatif et M. [Z] [H], en sa qualité de caution solidaire, succombant en leurs prétentions, il convient de les condamner in solidum aux dépens.

Le chef de la décision querellée au titre des dépens est confirmé.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société Intérieur créatif et M. [Z], en sa qualité de caution solidaire, à payer à M. et Mme [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme de 2000 euros au titre de l'indemnité procédurale de première instance, ce qui justifie l'infirmation de l'ordonnance entreprise de ce chef.

La demande d'indemnité procédurale de la société Intérieur créatif et de M. [Z] est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille en date du 10 janvier 2023 en ce qu'elle a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date des 5 et 14 mai 2021, portant sur les locaux situés à [Adresse 3] depuis le 25 mars 2022 ;

- Condamné la société Intérieur créatif et M. [Z] à payer à M. [F] [J], et Mme [N] [J], la somme provisionnelle de 33 129,21 euros (trente-trois mille cent vingt-neuf euros et vingt et un centimes), au titre de l'arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d'occupation, selon décompte arrêté au 3 novembre 2022, terme de novembre 2022 inclus, sauf à porter la condamnation provisionnelle à la somme de 36 206,05 euros arrêtée au 17 avril 2023 et à dire que cette condamnation provisionnelle est solidaire et non in solidum ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'accès aux locaux sous astreinte ;

- débouté la société Intérieur créatif et M. [Z] de leur demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Intérieur créatif et M. [Z] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de commandement de payer en date du 25 février 2022 ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant des chefs réformés,

DIT les contestations élevées par la société Intérieur créatif et M. [Z] non sérieuses ;

CONSTATE que le bail sur le local situé au [Adresse 3] qui lie les parties est résolu depuis le 25 mars 2022 et que la société Intérieur créatif est occupante sans droit ni titre du local commercial depuis cette date ;

ORDONNE à la société Intérieur créatif de libérer sans délai les lieux et prononce en tant que de besoin l'expulsion du preneur ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique ;

CONDAMNE solidairement la société Intérieur créatif et M. [Z], en sa qualité de caution solidaire, à payer à M. [F] [J] et Mme [N] [J] une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle de 1 556,76 euros par mois, à compter du 25 mars 2022 jusqu'à la parfaite libération des lieux, outre les charges ;

CONDAMNE solidairement la société Intérieur créatif et M. [Z], en sa qualité de caution solidaire, à payer à M. [F] [J] et Mme [N] [J] la somme provisionnelle de 3 620,60 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de frais de contentieux ;

CONDAMNE solidairement la société Intérieur créatif et M. [Z] en sa qualité de caution solidaires à payer à M. [F] [J] et Mme [N] [J] les sommes dues et non payées à échéance avec intérêts fixés au taux de base bancaire majoré de trois points à compter de la date d'exigibilité de chaque échéance ;

CONDAMNE in solidum la société Intérieur créatif et M. [Z], en sa qualité de caution solidaire, à payer à M. [F] [J] et Mme [N] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société Intérieur créatif et M. [Z], en sa qualité de caution solidaire, à payer à M. [F] [J] et Mme [N] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DEBOUTE la société Intérieur créatif et M. [Z] de leur demande d'indemnité procédurale ;

CONDAMNE

in solidum la société Intérieur créatif et M [Z], en sa qualité de caution solidaire, aux dépens d'appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse