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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 20 septembre 2023, n° 21/03015

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Epiméthéenne (SARL)

Défendeur :

SCP Silvestri Baujet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Masson, Mme Goumilloux

Avocats :

Me Delavoye, Me Germain, Me Laydeker, Me Gonder, Me Bellocq

TJ Bordeaux, 5e ch., du 1 avr. 2021, n° …

1 avril 2021

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte reçu le 4 janvier 2019 par Maître [X] [K], avec la participation de Maître [B] [G] assistant le cédant, la société à responsabilité limitée [Adresse 15] a vendu à la société à responsabilité limitée Epiméthéenne un fonds de commerce de restauration, vente de vins et boissons sur place et à emporter exploité [Adresse 9] et [Adresse 10] à [Localité 12].

Par messages des 11 et 13 mars 2019, la société civile immobilière SCI du Hâ, propriétaire du local situé [Adresse 9], a notifié au notaire instrumentaire son opposition à cette cession au motif que le preneur à bail n'était pas la société [Adresse 15] mais Monsieur [A] [Y].

Une tentative de règlement amiable du différend n'a pas abouti.

Par acte du 27 septembre 2019, la société Epiméthéenne a fait assigner, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, la société [Adresse 15], Monsieur [A] [Y], Maître [X] [K], Maître [B] [G], Monsieur [N]-[M] [I] (propriétaire du local situé [Adresse 10]) et la SCI du Hâ aux fins de nullité de la cession de fonds de commerce et paiement de diverses sommes.

La société Epiméthéenne a par ailleurs bénéficié d'une mesure de sauvegarde judiciaire à compter du 22 décembre 2020. Cette procédure a fait l'objet d'un jugement de clôture prononcé le 7 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement prononcé le 1er avril 2021, le tribunal judiciaire a statué ainsi qu'il suit :

- constate la validité de l'acte de cession du 4 janvier 2019 et son opposabilité ;

- ordonne la libération des fonds afférents entre les mains de Monsieur [Y] dans les huit jours du prononcé ;

- condamne la société Epiméthéenne à payer à la SCI du Hâ la somme de 33.505,20 euros d'arriérés de loyers sauf à parfaire et 1.237,05 euros à Monsieur [I] sauf à parfaire ;

- rejette le surplus ;

- condamne la société Epiméthéenne et la SCI du Hâ solidairement aux dépens.

La SCI du Hâ a fait délivrer le 15 juillet 2019 à Monsieur [A] [Y] un commandement de payer visant la clause résolutoire.

La société Epiméthéenne a relevé appel limité de cette décision par déclaration au greffe du 26 mai 2021.

M. [I] et la SCI du Hâ ont formé un appel incident.

***

Par dernières conclusions notifiées le 16 mai 2023, la société Epiméthéenne demande à la cour de :

Vu les articles 1112-1, 1130, 1218, 1231-1, 1240, 1343-5, 1625,1626, 1641, 1719, 1721 du code civil,

Vu l'article L 145-41 du code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du 1er avril 2021 en ce qu'il :

- condamne la société Epiméthéenne à payer à la SCI du Hâ la somme de 33.505,20 euros,

d'arriérés de loyers sauf à parfaire, et 1.237,05 euros à Monsieur [I] sauf à parfaire,

- rejette le surplus,

- condamne la société Epiméthéenne et la SCI du Hâ solidairement aux dépens ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- rejeter les demandes de la SCI du Hâ et de Monsieur [I] au titre des arriérés de loyers ;

- juger que le commandement de payé délivré par la SCI du Hâ le 14 avril 2021 est nul et de nul effet ;

- rejeter la demande de résiliation du bail formulée par la SCI du Hâ et Monsieur [I] ;

Subsidiairement sur ce point,

- suspendre l'effet des clauses résolutoires stipulées dans les baux consentis par la SCI du Hâ et Monsieur [I] ;

- accorder un délai d'un an à la société Epiméthéenne pour verser les arriérés de loyer sollicités ;

- condamner solidairement la SCI du Hâ, Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à payer à la société Epiméthéenne les sommes suivantes :

- la somme de 123.000 euros correspondant à la perte d'exploitation qu'elle a subie,

- la somme de 90.469,07 euros correspondant aux frais qu'elle a engagés en pure perte ;

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la SCI du Hâ et Monsieur [I] à l'encontre de la société Epiméthéenne ;

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par Monsieur [Y] et la [Adresse 15] à l'encontre de la société Epiméthéenne ;

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par Maîtres [K] et [G] à l'encontre de la société Epiméthéenne ;

- condamner solidairement la SCI du Hâ, Monsieur [I], Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à payer à la société Epiméthéenne la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour devait déclarer inopposable l'acte de cession de fonds de commerce du 4 janvier 2019 aux bailleurs,

- déclarer recevable la demande subsidiaire de nullité de la cession du fonds de commerce du 4 janvier 2019 ;

- prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce du 4 janvier 2019 ;

- condamner in solidum Monsieur [Y] et la [Adresse 15] à rembourser à la société Epiméthéenne le prix de cession du fonds de commerce, soit 163.000 euros, l'appel de fonds

émoluments notaire, soit 3.912 euros, les droits de mutation soit 4.200 euros, la rémunération du

négociateur GUY HOQUET, soit 18.000 euros ;

- ordonner la libération des sommes séquestrées entre les mains de Maître [K] au profit de la société Epiméthéenne ;

- juger que la somme allouée au titre de la restitution du prix de vente sera productive d'intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation délivrée à Monsieur [Y] et à la société [Adresse 15] ;

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner solidairement Maîtres [K], [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à garantir et relever indemne la société Epiméthéenne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- rejeter la demande de Monsieur [Y] et de la société [Adresse 15] tendant à voir libérer le prix de vente séquestré entre les mains de Maître [K] ;

- condamner solidairement Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à payer à la société Epiméthéenne les sommes suivantes :

- la somme de 123.000 euros correspondant à la perte d'exploitation qu'elle a subie,

- la somme de 90.469,07 euros correspondant aux frais qu'elle a engagés en pure perte ;

- rejeter toutes les demandes formulées à l'encontre de la société Epiméthéenne ;

- condamner solidairement Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

***

Par dernières écritures notifiées le 12 mai 2023, Monsieur [A] [Y] d'une part et la société [Adresse 15] représentée par son liquidateur amiable M. [Y] d'autre part demandent à la cour de :

- confirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 1er avril 2021 en ce qu'il a :

- constaté la validité de l'acte de cession du 4 janvier 2019 et son opposabilité,

- ordonné la libération des fonds afférents entre les mains de Monsieur [Y] dans les 8 jours du prononcé,

- condamné la société Epiméthéenne à payer à la SCI du Hâ la somme de 33.505,20 euros d'arriérés de loyers sauf à parfaire, et 1.237,05 euros à Monsieur [I] sauf à parfaire,

- rejeté le surplus,

- condamné la société Epiméthéenne et la SCI du Hâ solidairement aux dépens ;

En tout état de cause, et si la cour venait à réformer le jugement dont appel,

- débouter la société Epiméthéenne, la SCI du Hâ et Monsieur [I] de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] ;

- condamner la SCI du Hâ, Maître [X] [K] et Maître [B] [G] à relever indemne et garantir Monsieur [A] [Y] et la société [Adresse 15] de toutes condamnations à paiement, en ce compris celles présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, qui seraient prononcées à leur encontre ;

- ordonner à Maître [K] de libérer le prix de vente qu'il détient en séquestre entre les mains de Monsieur [A] [Y] en sa qualité de liquidateur amiable de la société [Adresse 15] dans les huit jours du prononcé de la décision à intervenir ;

- condamner la société Epiméthéenne et/ou toute partie succombante à payer à la société [Adresse 15] la somme de 5.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Epiméthéenne et/ou toute partie succombante aux dépens.

***

Par dernières conclusions notifiées le 15 mai 2023, la SCI du Hâ demande à la cour de :

Vu l'article 1184 ancien du code civil,

Vu l'article 1690 ancien du code civil,

Vu l'article 563 code de procédure civile,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la validité de l'acte de cession du 4 janvier 2019 et son opposabilité et en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de la SCI du Hâ ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Epiméthéenne, Monsieur [A] [Y], la société [Adresse 15] et Maîtres [K] et [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- requalifier la cession du 4 janvier 2019 entre société [Adresse 15] / société Epiméthéenne en cession isolée du droit au bail ;

- juger inopposable à la SCI du Hâ la cession entre société [Adresse 15] / société Epiméthéenne en date du 4 janvier 2019, faute pour le cédant de revêtir la qualité de preneur, d'une part, et en raison de la violation des clauses du bail, d'autre part ;

- constater la résiliation du bail commercial conclu entre Monsieur [A] [Y] et la SCI du Hâ sur le fondement de la clause résolutoire, compte tenu des inexécutions du bail, à la date rétroactive du 3 juin 2019, ou en tant que de besoin, pour non-règlement du loyer, à la date du 15 août 2019 ;

- subsidiairement, prononcer la résiliation du bail commercial conclu entre Monsieur [A] [Y] et

la SCI du Hâ sur le fondement de la condition résolutoire pour inexécution par le locataire de ses obligations sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil ;

- juger que la société Epiméthéenne, actuellement occupante sans droit ni titre, devra libérer les lieux dès signification du jugement à intervenir ;

- ordonner son expulsion avec si nécessaire le concours de la force publique ;

- condamner solidairement Monsieur [A] [Y], la société [Adresse 15] et la société Epiméthéenne au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et charges pour leur occupation postérieure à la résiliation du bail ;

- condamner solidairement Monsieur [A] [Y], la société [Adresse 15] et la société Epiméthéenne à restituer le matériel apporté en garantie, ou à en régler l'équivalent, soit la somme de 5.000 euros ;

Très subsidiairement,

Si par extraordinaire la cession était déclarée opposable à la SCI du Hâ,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Epiméthéenne à payer à la SCI du Hâ la somme de 33.505,20 euros d'arriérés de loyers et charges dus à compter du 3ème trimestre 2019 jusqu'au 4ème trimestre 2020 inclus ;

Y ajoutant,

- constater la résiliation du bail commercial entre la SCI du Hâ et la société Epiméthéenne sur le fondement de la clause résolutoire rappelée dans le commandement du 14 avril 2021 pour défaut de paiement des loyers ;

- condamner la société Epiméthéenne à payer à la SCI du Hâ une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux ;

- condamner la société Epiméthéenne à payer à la SCI du Hâ la somme de 22.324,80 euros d'arriérés de loyers et charges et indemnité d'occupation à compter du 1er trimestre 2021 jusqu'au 4ème trimestre 2021 inclus, sauf à parfaire au plus proche de l'audience ;

- condamner solidairement Monsieur [A] [Y] et la société [Adresse 15] au paiement des mêmes sommes en application de la clause de solidarité prévue au bail ;

- ordonner l'expulsion de la société Epiméthéenne et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

En toute hypothèse,

- juger qu'en cas de condamnation, la SCI du Hâ devra être relevée indemne par qui de droit, et notamment par Maître [X] [K] et Maître [B] [K] solidairement ;

- condamner la société Epiméthéenne ou toute partie succombante à verser à la SCI du Hâ une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

***

Par dernières écritures notifiées le 26 novembre 2021, Monsieur [N]-[M] [I] demande à la cour de :

Vu l'article L145-41 du code de commerce,

Vu les articles 1227 et suivants du code civil,

- réformer le jugement du 1er avril 2021 en ce qu'il a constaté la validité de l'acte de cession du 4

janvier 2019 et son opposabilité et rejeté le surplus des demandes de Monsieur [I] ;

- débouter la société Epiméthéenne, Monsieur [A] [Y], la société [Adresse 15], Maîtres [X] [K] et [E] [G] et la société Silvestri-Baujet de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Statuant à nouveau,

- juger inopposable à Monsieur [N] [M] [I] la cession de fonds de commerce intervenue entre la société [Adresse 15] et la société Epiméthéenne en date du 4 janvier 2019 ;

En conséquence,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de bail liant les parties et pour fruit sur le fondement

des dispositions des articles 1227 et suivant du code Civil et pour fruit ;

A titre subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la cession serait jugée opposable à Monsieur [I],

- constater la résiliation du bail liant les parties faute par la société Epiméthéenne de s'être acquittée dans le délai de deux mois qui lui était imparti des causes du commandement qui lui fut délivré et pour fruit ;

En toute hypothèse,

- ordonner l'expulsion de Monsieur [A] [Y] ainsi que de tout occupant trouvé de son chef dans les lieux comme de ses meubles et effets personnels, le tout avec le concours de la force publique si besoin est ;

- condamner solidairement Monsieur [A] [Y] et la société Epiméthéenne à payer à Monsieur

[N]-[M] [I] la somme de 1.237,05 euros représentant le montant des loyers restant dus au

jour du commandement, outre une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à la libération effective des lieux loués ;

- condamner, in solidum, Monsieur [A] [Y] et la société Epiméthéenne à payer à Monsieur

[I] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux dépens en ce compris le coût du commandement de payer du 23 août 2019 ;

***

Par dernières conclusions notifiées le 9 février 2022, Monsieur [X] [K] et Monsieur [B] [G] demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 1er avril 2021 en ce qu'il a :

- constaté la validité de l'acte de cession du 4 janvier 2019 et son opposabilité,

- débouté la société Epiméthéenne de ses demandes à l'encontre de Maître [X] [K] et de Maître [B] [G],

- débouté la société [Adresse 15] et Monsieur [Y] de leurs demandes à l'encontre de Maître [X] [K] et de Maître [B] [G] ;

- condamner à toute partie succombante à payer à Maître [X] [K] et Maître [B] [G] une indemnité de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner toute partie succombante aux entiers dépens.

***

La société Epiméthéenne a signifié le 15 juillet 2021 sa déclaration d'appel à la société Silvestri-Baujet, alors encore mandataire judiciaire de l'appelante. La société Silvestri-Baujet ne s'est pas constituée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur l'opposabilité de la cession du fonds de commerce

1. Monsieur [N]-[M] [I] d'une part et la société SCI du Hâ d'autre part font grief au jugement déféré d'avoir constaté la validité de l'action de cession du 4 janvier 2019 et son opposabilité ; ils font valoir en premier lieu que la société cédante n'est pas titulaire des deux baux, en second lieu que n'ont pas été respectées les modalités de cession contractuellement prévues.

2. La société Epiméthéenne répond que la SCI du Hâ a tacitement accepté la reprise du bail par la société [Adresse 15] puisqu'elle en a accepté les loyers. L'appelante ajoute que la bailleresse ne peut conclure à l'inopposabilité de la cession du fonds de commerce alors même qu'elle a fait délivrer un commandement de payer à la société Epiméthéenne, ce qui manifeste la reconnaissance de sa qualité de locataire commerciale.

3. Monsieur [A] [Y] et la société [Adresse 15] répondent de leur côté que la cession du fonds de commerce, en particulier de son actif le droit au bail, est opposable aux deux bailleurs en ce que M. [Y] s'est engagé en 2013 pour le compte de la société [Adresse 15] en cours de constitution, ce qui relevait de l'accord des parties, nonobstant l'imprécision de la clause du bail qui y est relative.

4. La cour relève que l'acte de cession de fonds de commerce reçu le 4 janvier 2019 par Maître [X] [K] avec la participation de Maître [B] [G], mentionne en page trois l'élément incorporel du droit au bail pour le temps restant à courir des locaux situés à Bordeaux [Adresse 9] et [Adresse 10]. Cet acte détaille les éléments des deux baux considérés en pages cinq à quinze.

Il est précisé que le bail portant sur le local situé [Adresse 9] a été conclu le 29 octobre 2013 pour une durée de neuf années commençant à courir le 1er novembre 2013 pour se terminer le 30 octobre 2022. Il est également énoncé à cet acte authentique que ce local a été donné à bail à la société cédante, c'est-à-dire la société [Adresse 15], par la SCI du Hâ.

Le bail portant sur le local situé [Adresse 10] a été conclu à la même date, pour la même durée commençant également le 1er novembre 2013, la société [Adresse 15] étant désignée à l'acte authentique comme la cocontractante du bailleur, Monsieur [N]-[M] [I].

Par ailleurs, cet acte authentique cite expressément en page dix une clause du contrat conclu avec la SCI du Hâ en vertu de laquelle une copie de la cession enregistrée du bail devrait être remise au bailleur dans le mois de la signature sous peine de nullité de la cession à l'égard du bailleur et de résiliation du bail lui-même, si bon semble au bailleur, indépendamment de la signification prescrite par l'article 1690 du code civil.

De même, il est expressément reproduit en page douze de l'acte authentique une clause du bail conclu avec M. [I] et qui fait obligation au preneur, en cas de cession du droit au bail, de remettre gratuitement un 'exemplaire de la cession' au propriétaire dix jours au plus tard avant l'expiration du délai d'opposition.

Egalement, cet acte authentique de cession de fonds de commerce stipule en page quatorze : « La présente cession sera notifiée aux bailleurs par les soins du notaire soussigné conformément aux dispositions de l'article 1327-1 du code civil afin qu'elle lui soit opposable et ce sans délai aux frais du cessionnaire. Une copie exécutoire par extrait de la cession sera remise aux bailleurs aux frais du cessionnaire.»

Les copies simples des deux contrats ont été annexées à l'acte notarié du 4 janvier 2019, selon mentions en pages cinq et dix.

La cour observe de plus que le bail conclu le 29 octobre 2013 avec la SCI du Hâ bénéficie à un preneur ainsi expressément désigné à l'en-tête du contrat : « Monsieur [A] [Y], (...), agissant en son nom personnel, avec faculté de domiciliation de la future société en cours de constitution, qui sera dénommée [Adresse 15], immatriculée au RCS de Bordeaux et qui sera domiciliée sis à [Localité 12] au [Adresse 9], sous réserve de notification au propriétaire (par lettre recommandée avec accusé de réception) de la date de création, de l'extrait Kbis et des coordonnées bancaires (RIB) de la future société.»

Le bail conclu le même jour avec Monsieur [N]-[M] [I] désigne ainsi le preneur : « Monsieur [A] [Y], (...), agissant tant pour son compte personnel que pour celui d'une future société en cours de constitution, qui sera dénommée [Adresse 15], immatriculée au RCS de Bordeaux et qui sera domiciliée sis à [Localité 12] au [Adresse 9], sous réserve de notification au propriétaire (par lettre recommandée avec accusé de réception) de la date de création, de l'extrait Kbis et des coordonnées bancaires (RIB) de la future société.»

5. Il est constant en droit que, en vertu de l'article L.210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés et que les engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale peuvent être repris par cette société dès lors qu'elle a été régulièrement constituée et immatriculée, ces engagements étant alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

A cet égard, la société Epiméthéenne produit un extrait Kbis de la société [Adresse 15] en date du 25 novembre 2018, qui établit la naissance de cette société au 3 décembre 2013, date de son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés de Bordeaux.

Toutefois, ni Monsieur [Y] ni la société [Adresse 15] ne produisent un acte par lequel la société [Adresse 15] aurait repris les engagements dont les intimés soutiennent qu'ils avaient été souscrits au nom de la société par M. [Y] et au bénéfice d'une part de M. [I] et d'autre part de la SCI du Hâ.

De plus, ni M. [Y] ni la société [Adresse 15] n'établissent que la société aurait, comme il était expressément prévu aux deux baux litigieux, notifié aux deux propriétaires respectifs, par lettre recommandée avec accusé de réception, la date de création, l'extrait Kbis et les coordonnées bancaires de la société [Adresse 15].

Dès lors, même à retenir le moyen soutenu par M. [Y] et la société [Adresse 15] selon lequel la désignation du preneur à l'en-tête du bail conclu avec la SCI du Hâ serait une maladresse de rédaction puisque l'expression 'faculté de domiciliation' viserait en réalité une faculté de substitution, il ne peut qu'être constaté que la substitution alléguée n'est pas démontrée.

6. M. [Y] et la société [Adresse 15] soutiennent que la SCI du Hâ a tacitement entériné la substitution de preneur en mentionnant à plusieurs reprises la société et non M. [Y] au cours de l'exécution du contrat ainsi qu'en encaissant les loyers payés par cette société.

Il est toutefois établi par les termes mêmes des documents produits par M. [Y] et la société [Adresse 15], ainsi que par les mentions de l'extrait Kbis de l'entreprise, que cette société exploitait son fonds de commerce de restauration sous l'enseigne 'la Maison d'Ausone', ce qui est source d'ambiguïté et de nature à justifier le fait que la bailleresse a, à l'occasion d'échanges électroniques avec le gestionnaire de l'immeuble pour des dégâts des eaux ou la présence de nuisibles, désigné son locataire comme étant 'la Maison d'Ausone', le terme 'société' n'étant d'ailleurs pas utilisé.

De plus, la SCI du Hâ démontre qu'elle n'a établi ses factures de loyer trimestriel qu'au bénéfice de M. [Y], peu important que ce dernier ait été substitué dans ses obligations à ce titre par une société tierce, un tel accord entre preneur et tiers ne pouvant être regardé comme créant une acceptation tacite, par le bailleur, d'un nouveau preneur.

Egalement, l'intimée démontre, par la production d'un échange de courriels des 29 octobre, 5 et 6 novembre 2013 avec le rédacteur du bail litigieux, qu'elle était particulièrement attachée à la conclusion d'un bail avec M. [Y], personne physique, ce qui a conduit ce rédacteur à remplacer l'expression 'agissant tant pour son compte personnel que pour celui d'une future société en cours de constitution' par la formule : 'agissant en son nom personnel avec faculté de domiciliation de la future société en cours de constitution'. A cet égard, la SCI du Hâ verse au dossier un courrier qui lui avait été adressé le 27 mai 2013 par une société de mandataires judiciaires, relatif à la liquidation judiciaire de sa précédente locataire, la société JMTJ - Le Minimal, laquelle avait généré une dette de loyers.

Enfin, il ne peut être soutenu que la substitution de preneur se serait réalisée par apport du bail lors de la création de la société [Adresse 15] ; en effet, il résulte de l'examen des statuts de la société, établis le 20 octobre 2013 et enregistrés au Service des impôts des entreprises de [Localité 12] le 25 novembre suivant, que les trois associés de cette société ont fait des apports en numéraire mais qu'il n'y est pas mentionné un apport, par M. [Y], du bail conclu avec la SCI du Hâ.

7. En conséquence, la SCI du Hâ et M. [I] sont fondés à rappeler que le preneur à bail des [Adresse 9] et [Adresse 10] est le seul Monsieur [A] [Y] et à faire valoir, en conséquence, que la société [Adresse 15] ne pouvait céder à la société Epiméthéenne un droit qu'elle ne détenait pas.

La cour infirmera dès lors le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la cession litigieuse était opposable à M. [I] et à la SCI du Hâ.

2. Sur la demande subsidiaire en nullité de la cession du 4 janvier 2019

8. La société Epiméthéenne tend subsidiairement à la nullité de la cession du fonds de commerce objet du litige.

9. M. [Y] et la société [Adresse 15] lui opposent l'irrecevabilité de cette demande, fondée sur l'article 910-4 du code de procédure civile, qui dispose :

« A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.»

10. L'appelante répond que cette demande, régularisée dès son deuxième jeu d'écritures signifié le 24 février 2022, a pour objet de répondre aux conclusions d'appelant incident notifiées le 26 novembre 2021 par M. [I], de sorte qu'elle est conforme aux exigences du deuxième alinéa de l'article 910-4 du code de procédure civile.

11. La cour observe toutefois que ce deuxième alinéa permet en effet à une partie de former une prétention destinée à répliquer aux conclusions et pièces adverses, dans les limites toutefois des chefs critiqués du jugement déféré.

Or la société Epiméthéenne n'a pas relevé appel du chef du jugement du 1er avril 2021 qui dispose : « Constate la validité de l'acte de cession du 4 janvier 2019 et son opposabilité.»

12. Cette demande en nullité de la cession du fonds de commerce est donc irrecevable. Il n'y a pas lieu, dès lors, d'examiner la demande en restitution du prix du fonds de commerce, qui en est l'accessoire.

3. Sur les appels incidents en résiliation des baux

13. Dans la mesure où il est jugé supra que la cession du fonds de commerce est inopposable aux bailleurs, la demande en nullité de cette cession étant par ailleurs jugée irrecevable par la cour, et où, en conséquence, M. [Y] est le preneur actuel des locaux situés [Adresse 9] et [Adresse 10], ce dernier est seul tenu au paiement des loyers dus à la SCI du Hâ et à M. [I].

Or il apparaît que la SCI du Hâ a fait délivrer le 15 juillet 2019 à M. [Y] un commandement de payer visant la clause résolutoire, auquel n'a pas déféré le locataire commercial.

En cause d'appel, M. [Y] ne présente aucune observation à ce titre, alors cependant que la bailleresse poursuit la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.

Il y a donc lieu, faute pour le locataire de rapporter la preuve de ce qu'il s'est acquitté des causes du commandement du 15 juillet 2019 dans le délai qui lui était imparti, de constater la résiliation du bail au 15 août 2019 et d'ordonner la libération du local commercial situé [Adresse 9] par M. [Y] et tout occupant de son chef.

M. [I] a fait délivrer le 23 août 2019 à la société Epiméthéenne un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire, dont la cour observe qu'il est sans effet puisqu'il a été jugé plus haut que l'appelante n'était pas locataire commerciale du local situé [Adresse 10].

Cependant, M. [Y] ne discute pas ne pas s'être acquitté des loyers dus depuis le 4 janvier 2019, alors pourtant qu'il y est tenu en exécution du bail qui le lie à M. [I], spécialement le premier paragraphe du chapitre 'loyer'. Une telle méconnaissance de l'obligation fondamentale du preneur à bail commercial est de nature à justifier la résiliation dudit bail, de sorte que la cour fera droit à la demande formée de ce chef par M. [I] et ordonnera la libération du local commercial situé [Adresse 10] par M. [Y] et tout occupant de son chef. M. [Y] sera condamné au paiement des loyers restant dus tels que chiffrés par l'intimé à concurrence de 1.237,05 euros.

La cour condamnera enfin M. [Y] à régler à la SCI du Hâ d'une part et à M. [I] d'autre part une indemnité d'occupation à compter du 15 août 2019 au bénéfice de la SCI du Hâ et de la date de signification du présent arrêt au bénéfice de M. [I].

14. La SCI du Hâ a par ailleurs formé appel incident du rejet de sa demande relative à la propriété du matériel qui garnit le local commercial.

L'intimée se prévaut de l'article 22 du bail du 29 octobre 2013 pour réclamer la restitution de ce matériel ou le paiement de la somme de 5.000 euros à équivalence.

Il apparaît en effet que le bail litigieux stipule la clause suivante, intitulée 'clause particulière' : « Il est convenu que le bailleur dispose en contre partie de la remise de 5.000,00 € HT sur le montant du pas de porte (...) du transfert de la propriété du mobilier de cuisine, dont le preneur s'engage à fournir au bailleur le détail et ses factures d'achat, au plus tard le 30.11.2013, à concurrence de 5.000,00 € HT. Ce transfert sera en conséquence effectif le 01.12.2013, la présente clause valant transfert de propriété. Toutefois, ce tranfert de propriété cessera de plein droit le 30.10.2019. En conséquence, en cas de résiliation par le preneur, pour quelque motif que ce soit antérieure au 30.10.2019, le mobilier (dont détail à venir) restera la pleine et entière propriété du bailleur.»

Dans la mesure où cette clause du contrat doit être d'interprétation stricte, il sera retenu que que le transfert définitif de la propriété du matériel ici concerné ne peut résulter que de la résiliation du bail par le preneur ; or, puisque la résiliation du bail procède en l'espèce de la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire à la requête du bailleur, les conditions de réalisation du transfert définitif de propriété du matériel garnissant le local commercial ne sont pas réunies.

La cour confirmera donc le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI du Hâ de sa demande à ce titre.

15. Les deux bailleurs forment également une condamnation à ce titre à l'encontre de la société Epiméthéenne, alors pourtant qu'ils admettent que celle-ci n'exploite pas le local commercial -ce que confirme l'appelante-, la SCI du Hâ produisant au surplus un constat établi le 2 et le 4 avril 2019 par Maître [L], huissier de justice, dont les mentions démontrent que l'établissement est fermé.

Dès lors, la cour, faisant droit à la demande présentée par la société Epiméthéenne en ce qui concerne sa condamnation en première instance à paiement de sommes, qualifiées de loyers, infirmera le jugement déféré de ce chef et, statuant à nouveau, rejettera la demande en paiement formée tant par la SCI du Hâ que par M. [I] au titre de l'indemnisation de l'occupation des lieux.

4. Sur les demandes indemnitaires subsidiaires de l'appelante

16. En vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Selon l'article 1603 du même code, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

L'article 1641 du code civil énonce :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.»

17. Au visa de ces textes et dans le cadre des demandes subsidiaires présentées dans l'hypothèse de l'inopposabilité de la cession du fonds de commerce, la société Epiméthéenne fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté ses demandes en indemnisation de la perte d'exploitation subie et des frais engagés en pure perte, formées d'une part contre Maître [K] et Maître [G], d'autre part contre M. [Y] et la société [Adresse 15].

a.] sur la responsabilité des notaires

18. L'appelante fait valoir que Maître [K] et Maître [G], en qualité de notaires, sont tenus à un devoir de conseil qui leur impose de procéder à toutes investigations et contrôles que l'efficacité de l'acte implique.

La société Epiméthéenne relève que le premier juge a été contraint d'interpréter la volonté des parties pour statuer sur l'opposabilité de la cession, déjouant les stipulations expresses du bail. Elle en déduit que cette circonstance démontre l'insécurité juridique résultant des actes rédigés par les intimés qui n'ont pas été vigilants quant à la rédaction des baux cédés, qui sont pourtant un élément essentiel du fonds de commerce.

19. Maître [K] et Maître [G] lui répondent qu'ils n'ont été alertés par quiconque sur une difficulté d'exécution du bail ou une incertitude quant aux droits de la société [Adresse 15] sur celui-ci et qu'ils ont tenté de trouver une solution amiable à la difficulté, ce qui constituait la seule diligence qu'ils pouvaient accomplir dans un cadre pré-contentieux.

Les intimés soutiennent que l'appelante n'établit pas que la faute reprochée serait à l'origine de son préjudice alors que la source des difficulté repose sur la rédaction déficiente du bail et la mauvaise foi de la SCI du Hâ qui, par son comportement, a paralysé l'effet de la cession du fonds.

20. La cour rappelle que le preneur à bail du local de la [Adresse 9] est ainsi désigné : « Monsieur [A] [Y], (...), agissant en son nom personnel, avec faculté de domiciliation de la future société en cours de constitution, qui sera dénommée [Adresse 15], immatriculée au RCS de Bordeaux et qui sera domiciliée sis à [Localité 12] au [Adresse 9], sous réserve de notification au propriétaire (par lettre recommandée avec accusé de réception) de la date de création, de l'extrait Kbis et des coordonnées bancaires (RIB) de la future société.»

Il ne peut être méconnu le fait que cette désignation est affectée d'une ambiguïté -ce qui a d'ailleurs conduit à l'engagement de multiples procédures- tenant d'une part à l'utilisation de l'expression 'domiciliation', d'autre part à la réalité de la notification au propriétaire des éléments constitutifs de l'identité de la 'future société'.

Faute de rapprochement des notaires avec la bailleresse ou, a minima, d'éclaircissements demandés à M. [Y] et à la société [Adresse 15] sur les conditions de l'exécution du bail litigieux, l'ambiguïté de cette désignation quant à l'identité du preneur -relevée le 6 janvier 2020 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux- était source de difficultés relativement aux droits de la société [Adresse 15] sur le bail qu'elle prétendait céder, avec son fonds de commerce, à la société Epiméthéenne.

Or il est admis par l'ensemble des parties d'une part que le bail relatif au local de la [Adresse 9] constitue le bail principal, le local de la rue de la Rousselle étant plus petit, d'autre part que, en l'espèce, ce bail était susceptible d'être l'élément essentiel du fonds de commerce puisque, en vertu de l'article 22 du bail litigieux, l'équipement de cuisine est susceptible de rester la propriété du bailleur et que le concept que l'appelante envisageait de développer au sein de ce local, tel que démontré par les documents prévisionnels et les extraits de presse produits par celle-ci, était de nature à modifier la clientèle habituelle de l'établissement.

21. Le défaut de diligences de la part de Maître [K] et Maître [G], constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, a ainsi contribué au préjudice de la société Epiméthéenne, aujourd'hui propriétaire d'un fonds de commerce privé de substance.

b.] sur les obligations de la cédante

22. En vertu des articles 1603 et suivants du code civil, il est constant en droit que la garantie légale d'éviction s'applique également au vendeur d'un fonds de commerce et que si le vendeur est une personne morale, cette obligation pèse non seulement sur elle mais aussi sur son dirigeant ou sur les personnes qu'il pourrait interposer pour échapper à ses obligations.

23. En l'espèce, la société [Adresse 15], représentée par son gérant Monsieur [A] [Y], a prétendu céder le 4 janvier 2019 à la société Epiméthéenne un fonds de commerce ainsi désigné en page trois de l'acte authentique :

« Le fonds de commerce de restauration, vente de vins et boissons sur place et à emporter sis à Bordeaux (33000) [Adresse 9] et [Adresse 10], lui appartenant, connu sous le nom commercial La Maison d'Ausone et pour lequel il est immatriculé au Registre du commerce et des sociétés de Bordeaux sous le numéro 798 859 989 00013, ce fonds comprenant :

Les éléments incorporels suivants :

- l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés,

- le droit au bail pour le temps restant à courir des locaux sis à Bordeaux (33000) [Adresse 9] et [Adresse 10], où le fonds est exploité,

- la licence de grande restauration dont le récépissé de déclaration de translation a été délivré le 25 novembre 2013 est demeurée ci-annexée ;

Les éléments corporels suivants :

- le mobilier commercial, les agencements et le matériel servant à son exploitation, dont un inventaire descriptif et estimatif est annexé aux présentes,

- le présent fonds est vide de toutes marchandises.»

24. Ainsi que le rappelle la société Epiméthéenne, le vendeur a l'obligation légale de délivrer d'une part et de garantir d'autre part la chose qu'il vend.

Or il a été retenu plus haut tout d'abord que la société [Adresse 15] n'était pas titulaire des baux désignés à l'acte authentique, de sorte qu'elle ne pouvait les céder ; ensuite que cet acte de cession de fonds de commerce était inopposable à M. [I] et à la SCI du Hâ, propriétaires des locaux au sein desquels la cédante affirmait exploiter son fonds de commerce ; enfin que les deux baux litigieux, spécialement le bail relatif au local situé [Adresse 9], étaient des éléments essentiels du fonds de commerce litigieux.

25. Dès lors, dans la mesure où la société [Adresse 15], venderesse, ne peut délivrer à la société Epiméthéenne le fonds de commerce tel que désigné à l'acte authentique du 4 janvier 2019, elle est tenue d'indemniser sa cessionnaire des conséquences de ce défaut de garantie.

26. De surcroît, M. [Y], gérant de la société [Adresse 15] et par ailleurs titulaire des baux ici examinés, est également tenu, en application des articles 1603 et suivants du code civil, d'indemniser l'appelante des conséquences de ce défaut de garantie.

c.] sur le préjudice de la société Epiméthéenne

' Sur la perte d'exploitation

27. L'appelante forme une demande en indemnisation de la perte d'exploitation qu'elle estime avoir subi depuis l'année 2019 et produit à ce titre le dossier prévisionnel établi pour les exercices 2019 à 2021 ; elle tend au paiement de la somme de 123.000 euros calculée pour ces trois exercices.

28. La cour rappelle cependant qu'il a été retenu supra -pour écarter les demandes en paiement de loyers et d'indemnités d'occupation- que la société Epiméthéenne n'a pas commencé à exploiter le fonds de commerce, de sorte qu'il ne peut être demandé l'indemnisation de pertes d'exploitation, mais seulement d'une perte de chance d'exploiter ledit fonds de commerce, demande qui n'est pas formée en l'espèce.

29. La cour confirmera donc le jugement déféré de ce chef.

' Sur l'indemnisation des frais engagés inutilement

30. L'appelante produit le détail des frais qu'elle a exposés pour l'acquisition du fonds de commerce, pour l'entrée dans les lieux, pour le démarrage de son activité en ce compris le financement des investissements nécessaires, la souscription des contrats d'énergie, d'assurance, ainsi que la défense de ses intérêts. L'examen de ces éléments est conforté par les pièces versées au dossier et il n'est pas discutable que ces frais sont la conséquence directe du fait que la société Epiméthéenne a pu légitimement espérer, en suite des affirmations de la cédante et du gérant de celle-ci ainsi que de l'intervention des notaires en vue de sécuriser son acquisition, qu'elle bénéficierait de la propriété commerciale des locaux litigieux et qu'elle pourrait y exploiter paisiblement son nouveau concept.

La cour n'en défalquera pas les sommes versées par l'appelante au titre des loyers puisqu'ils sont mentionnés comme relatifs au premier trimestre 2019 -ce qui n'est pas discuté par les bailleurs- alors que la condamnation à paiement à ce titre, infirmée par la cour, porte sur des loyers présentés comme dus à compter du 1er juin 2019 pour la SCI du Hâ et du 23 août 2019 pour M. [I].

31. En conséquence, la cour, infirmant le jugement déféré de ce chef, condamnera Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à payer in solidum à la société Epiméthéenne la somme de 90.469,07 euros.

5. Sur les demandes accessoires

32. En considération de ce qui précède, la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Epiméthéenne et la SCI du Hâ à payer les dépens et, statuant à nouveau, condamnera Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à payer les dépens de première instance.

33. Y ajoutant, la cour condamnera Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à payer in solidum à la société Epiméthéenne la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutera les autres parties de leur demande à ce titre.

34. Enfin, la cour condamnera Maître [K], Maître [G], Monsieur [Y] et la société [Adresse 15] à payer in solidum les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement prononcé le 1er avril 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :

- débouté la société Epiméthéenne de sa demande en indemnisation de sa perte d'exploitation,

- débouté la SCI du Hâ de sa demande au titre du matériel garnissant le local commercial.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare inopposable à Monsieur [N]-[M] [I] et à la SCI du Hâ la cession de fonds de commerce reçue le 4 janvier 2019 par Maître [X] [K] avec la participation de Maître [B] [G].

Déclare irrecevable la demande de la société Epiméthéenne en nullité de la cession de fonds de commerce reçue le 4 janvier 2019 par Maître [X] [K] avec la participation de Maître [B] [G].

Constate la résiliation au 15 août 2019 du bail commercial conclu le 29 octobre 2013 entre la SCI du Hâ et Monsieur [A] [Y].

Ordonne la libération du local commercial situé [Adresse 9] par M. [Y] et tout occupant de son chef.

Condamne M. [Y] à payer à la SCI du Hâ une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, ce à compter du 15 août 2019, soit une somme mensuelle de 1.810,40 euros.

Prononce la résiliation du bail commercial conclu le 29 octobre 2013 entre Monsieur [N]-[M] [I] et Monsieur [A] [Y].

Ordonne la libération du local commercial situé [Adresse 10] par M. [Y] et tout occupant de son chef.

Condamne Monsieur [A] [Y] à payer à Monsieur [N]-[M] [I] la somme de 1.237,05 euros au titre des loyers restant dus.

Condamne Monsieur [A] [Y] à payer à Monsieur [N]-[M] [I] une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, ce à compter de la date de signification du présent arrêt, soit la somme mensuelle de 164,08 euros.

Condamne Maître [X] [K], Maître [B] [G], Monsieur [A] [Y] et la société [Adresse 15] à payer in solidum à la société Epiméthéenne la somme de 90.469,07 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne Maître [X] [K], Maître [B] [G], Monsieur [A] [Y] et la société [Adresse 15] à payer in solidum à la société Epiméthéenne la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Maître [X] [K], Maître [B] [G], Monsieur [A] [Y], la société [Adresse 15], la société SCI du Hâ et Monsieur [N]-[M] [I] de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Maître [X] [K], Maître [B] [G], Monsieur [A] [Y] et la société [Adresse 15] à payer in solidum les dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Jean-Pierre FRANCO, président, et par M. Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.