CA Versailles, 16e ch., 19 octobre 2023, n° 23/01016
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pages
Conseillers :
Mme Deryckere, Mme Michon
Avocats :
Me Chanoir, Me Royer, Me Dontot, Me Paulus, Me de Ravel
EXPOSÉ DU LITIGE
En vertu d'un acte de prêt notarié du 24 octobre 2019, reçu par Maître [R] [T], notaire au sein de la SCP Thierry Rieger et [L] [Y], titulaire d'un office à Strasbourg, la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg, devenue Strasbourg Cathédrale, a consenti à la SCI [A], ayant pour associés M. [X] [V] et M. [A] [H], un prêt immobilier de 537 000 euros.
Le 7 mai 2021, la banque a prononcé la déchéance du terme de ce prêt, au motif que certains des documents fournis afin d'attester de la réalité et du montant des revenus de l'un des associés et cautions solidaires de la société s'étaient avérés être des faux, et que les déclarations que cette même personne avait certifiées exactes et sincères dans sa fiche patrimoniale étaient erronées.
La Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg, devenue Strasbourg Cathédrale, poursuit le recouvrement de sa créance par la saisie immobilière du bien de sa débitrice, initiée par commandement du 2 septembre 2021, publié au service de la publicité foncière de [Localité 5], le 30 septembre 2021, volume 2021 S n°199.
Statuant sur la demande de la SCI [A] de rétractation d'une ordonnance en date du 28 septembre 2021, ayant autorisé l'huissier instrumentaire à accéder au bien lui appartenant, afin d'établir un procès-verbal de description, et la demande du créancier poursuivant d'orientation de la procédure de saisie immobilière, les deux procédures afférentes ayant été jointes par ordonnance du 19 avril 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pontoise, par jugement contradictoire du 24 janvier 2023, a :
débouté la SCI [A] de l'ensemble de ses prétentions ;
mentionné que le montant retenu pour la créance de la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg s'élève à la somme de 556 455,72 euros en principal, intérêts échus, frais et autres accessoires, arrêtée au 7 mai 2021 ;
ordonné la vente aux enchères publiques des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière en date du 2 septembre 2021, publié le 30 septembre 2021 volume 2021 S numéro 199 au service de publicité foncière de [Localité 5] ;
dit que la vente aura lieu à l'audience du mardi 16 mai 2023 à 14h00, salle 11 du tribunal judiciaire de Pontoise (95), sur la mise à prix fixée au cahier des conditions de vente ;
[procédé aux désignations et à la fixation des modalités préalables à l'adjudication] ;
dit que les dépens seront compris dans les frais de vente taxés préalablement à l'audience d'adjudication et payés par l'adjudicataire en sus du prix ;
dit que les dépens et les émoluments excédant les frais taxés seront employés en frais privilégiés de vente ;
dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'incident.
Le 13 février 2023, la SCI [A] a interjeté appel de ce jugement.
Dûment autorisée à cette fin par ordonnance du 21 février 2023, l'appelante a assigné à jour fixe, pour l'audience du 17 mai 2023, la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale, anciennement dénommée Strasbourg Gutenberg, par acte délivré le 17 mars 2023 et transmis au greffe par voie électronique le 23 mars 2023.
A l'audience du 17 mai 2023, l'affaire a été renvoyée à la demande de la SCI [A], appelante, à l'audience du 13 septembre 2023.
Les parties ont été invitées à conclure sur la recevabilité de la contestation du titre exécutoire au regard notamment des dispositions de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 11 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI [A], appelante, demande à la cour de :
À titre liminaire
autoriser la procédure à jour fixe conformément aux articles 917 et suivants du code de procédure civile et R322-19 du code des procédures civiles d'exécution ;
infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution près du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 24 janvier 2023 et statuant à nouveau :
À titre principal
constater la litispendance de la présente procédure avec celle par elle introduite devant le tribunal judiciaire de Strasbourg par actes extrajudiciaires en date des 10 et 11 juin 2021 ;
En conséquence :
renvoyer ce dossier devant le tribunal judiciaire de Strasbourg ;
À titre subsidiaire sur ce point :
ordonner le sursis à statuer de la présente procédure dans l'attente de la décision qui sera rendue par le tribunal judiciaire de Strasbourg ;
À titre infiniment subsidiaire :
ordonner le sursis à statuer de la présente procédure dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ;
Enfin :
constater l'absence d'exigibilité de la créance revendiquée par le Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg ;
constater le caractère non exécutoire du prêt litigieux ;
Et en conséquence :
débouter le Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
accorder à la SCI Margency (sic) un délai de six mois afin de vendre à l'amiable le bien immobilier litigieux ;
En tout état de cause :
condamner le Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 12 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale ( anciennement Gutenberg), intimée, demande à la cour de :
In limine litis,
déclarer irrecevable la demande nouvelle relative au caractère non exécutoire du prêt soulevée pour la première fois postérieurement au jugement d'orientation du 24 janvier 2023,
écarter les écritures et les pièces de la SCI [A] signifiées le 12 mai 2023, comme violant le principe du contradictoire ;
déclarer irrecevable la prétention nouvelle relative à la contestation de la validité du titre exécutoire ;
Sur l'appel,
confirmer le jugement du 24 janvier 2023 rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pontoise en toutes ses dispositions (...) ;
débouter la SCI [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
condamner la SCI [A] à lui payer une somme de 5 000 euros chacune (sic) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la SCI [A] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'issue de l'audience de plaidoirie du 13 septembre 2023, le prononcé de l'arrêt a été annoncé au 19 octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l'étendue de la saisine de la cour
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et que les ' dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.
Par ailleurs, selon les prescriptions de cette disposition, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
En application de ce qui précède, il ne sera donc pas statué sur la demande de la banque intimée tendant au rejet des écritures et les pièces de la SCI [A] signifiées le 12 mai 2023, comme violant le principe du contradictoire, aucun moyen n'étant développé à l'appui de cette demande dans le corps de ses écritures.
Sur l'exception de listispendance et le sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg
La SCI [A] expose qu'elle a assigné la banque devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, par actes extrajudiciaires en date des 10 et 11 juin 2021, aux fins d'annuler la déchéance du terme prononcée par celle-ci le 7 mai 2021, ou de la dire sans effet, et subsidiairement pour la faire déclarer non écrite, et considère que dès lors que la critique de la déchéance du terme aurait également vocation à être examinée par le juge de l'exécution, statuant en matière de saisie immobilière, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 100 du code de procédure civile. Elle souligne que le tribunal judiciaire de Strasbourg a été saisi le premier, et qu'en outre, elle lui demande de pouvoir reprendre l'échéancier contractuel du prêt, et que ceci n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'exécution. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Strasbourg, l'exigibilité de la créance étant en cause.
L'intimée objecte que le juge de l'exécution a compétence exclusive pour connaître de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci, et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit, et que dès lors que la SCI [A] conteste l'exigibilité de sa créance, en soutenant que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée, il n'y a aucune raison pour la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Strasbourg.
Aux termes de l'article 100 du code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office.
L'assignation délivrée à la banque à la demande de la SCI [A] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg vise à obtenir
l'annulation de la déchéance du terme, ou qu'elle soit dite sans effet,
la permission de reprendre le paiement des échéances contractuelles à bonne date à l'égard de la banque,
et à titre subsidiaire, que la clause prévoyant la déchéance du terme soit dite non écrite.
Il ne s'agit donc pas du même litige que celui soumis à la présente cour, qui concerne une saisie immobilière, dont au surplus seul le juge de l'exécution a compétence pour connaître, en application de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire.
Il n'y a donc pas de litispendance au sens de l'article 100 du code de procédure civile susvisé.
Pour la même raison que le juge de l'exécution est seul compétent pour connaître de la procédure de saisie immobilière, et qu'il a compétence exclusive aux termes de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire susvisé, pour connaître des contestations qui s'élèvent à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit, c'est au juge de l'exécution qu'il appartient, comme l'a exactement rappelé le premier juge, de statuer sur le contentieux opposant les parties quant à l'exigibilité de la créance de la banque, et la validité de la déchéance du terme du prêt constituant le fondement des poursuites.
C'est à raison en conséquence que le juge de l'exécution a rejeté tant la demande de dessaisissement au profit du tribunal judiciaire de Strasbourg que la demande de sursis à statuer du débiteur saisi, et il y a lieu à confirmation du jugement sur ce points.
Sur la demande de sursis à statuer en raison de l'existence d'une procédure pénale
La SCI [A] fonde sa demande sur l'existence d'une procédure pénale qui, expose-t-elle, implique, notamment, trois personnes de l'étude de notaire qui a passé l'acte de vente, ainsi que l'ancien président du conseil d'administration de la banque intimée, et qui révèle une collusion frauduleuse entre le dirigeant de fait de la banque, en la personne de M. [I] [Y], et son fils M. [L] [Y], notaire. Dès lors qu'il ne peut être envisagé, fait-elle valoir, que des décisions différentes interviennent quant à l'appréciation de la responsabilité des parties dans l'affaire, il est selon elle 'évident' que la procédure pénale actuellement en cours aura un impact sur l'aspect civil du dossier, puisque le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites a été régularisé par un notaire aujourd'hui mis en examen, et signé par un représentant de la banque mis en examen, et qu'il est en conséquence susceptible d'être affecté en cas de démonstration d'une fraude.
La Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale, pour s'opposer au sursis à statuer, fait valoir :
que seule l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction, non en cause en l'espèce, est concernée par la règle de l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale, imposant le sursis à statuer,
que la procédure de saisie immobilière, qui est une voie d'exécution, ne peut être suspendue, y compris par le biais d'un sursis à statuer, qui ne peut s'analyser qu'en une demande de sursis aux poursuites,
qu'en tout état de cause, la bonne administration de la justice ne commande pas en l'espèce, alors qu'elle reproche à la SCI [A] de lui avoir communiqué de fausses informations, ce qui constitue une cause d'exigibilité immédiate du prêt, de prononcer un sursis à statuer, et ce d'autant moins que la SCI [A], ainsi qu'elle le fait elle-même remarquer, n'est à ce stade pas visée par l'instruction en cours.
Comme l'a parfaitement indiqué le premier juge, les dispositions légales imposant un sursis à statuer n'ont pas lieu de s'appliquer en l'espèce, le litige en cause ne se rapportant pas à l'action d'une victime en réparation du dommage causé par une infraction pénale.
De même, comme il l'a à bon droit retenu, aucune considération tirée de l'intérêt d'une bonne administration de la justice ne commande de prononcer un sursis à statuer. Le litige est lié à la transmission, lors de la conclusion du prêt qui sert de fondement aux poursuites, d'informations et de documents argués de faux, et les pièces qui lui sont soumises sont suffisantes pour permettre à la cour de trancher le litige dont elle est saisie.
Le jugement est donc également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours.
Sur l'existence d'un titre exécutoire valable
La SCI [A] soutient que le prêt notarié qui sert de fondement aux poursuites ne vaut pas titre exécutoire, pour violer les dispositions de l'article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971.
L'acte a en effet été passé, dit-elle, sous l'égide de Maître [L] [Y], notaire associé, tandis qu'il ressort d'une pièce émanant de la partie adverse, soit un arrêt rendu par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy le 10 mars 2022, que le véritable dirigeant du Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg était M. [I] [Y], son père. A l'appui de la recevabilité de cette contestation, au regard des dispositions de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution, que la cour a soumis d'office aux parties, elle fait valoir qu'elle n'était pas en mesure de soulever cet argument en première instance, n'ayant à cette époque, alors qu'elle n'est pas partie à la procédure pénale, aucune connaissance de cet arrêt du 10 mars 2022, dont elle n'a appris l'existence que dans le cadre d'une procédure qui oppose devant la cour d'appel de Colmar une SCI Margency à la banque intimée, la banque ayant communiqué des conclusions datées du 17 février 2023 contenant une pièce n°4 intitulée 'note en délibéré' comportant en annexe l'arrêt en question.
Selon la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale, la contestation n'est pas recevable. En premier lieu, pour être présentée pour la première fois dans des conclusions déposées postérieurement à sa requête, alors qu'en application de l'article 918 du code de procédure civile, l'auteur d'une requête aux fins d'assigner à jour fixe ne peut conclure à nouveau après le dépôt de sa requête, et viser de nouvelles pièces, que pour répondre aux arguments nouveaux développés par son adversaire, et que pour sa part, elle n'a développé aucun élément nouveau, puisqu'elle a simplement repris ses arguments de première instance. Les écritures et pièces de l'appelante du 12 mai 2023 doivent donc être rejetées. En deuxième lieu, la SCI [A] n'a pas soulevé de prétention relative au caractère non exécutoire du prêt devant le juge de l'exécution, alors qu'elle était représentée et qu'elle a conclu, en sorte qu'elle ne peut, en application de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution, présenter cette contestation pour la première fois en appel. En troisième lieu, cette contestation se heurte aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'une prétention nouvelle devant la cour. Sur le fond, la Caisse considère que le moyen est mal fondé, le père de Maître [L] [Y] n'étant pas intervenu à l'acte dont la validité est contestée.
Aux termes de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte.
Il est constant que la SCI [A] n'a pas contesté, à l'audience d'orientation, la validité du titre exécutoire, ses contestations ne portant que sur l'exigibilité de la créance.
La contestation qu'elle entend voir trancher, par la cour d'appel, ne porte pas sur un acte postérieur à l'audience d'orientation, mais sur le titre exécutoire lui-même.
En tout état de cause, si la cour d'appel, statuant sur l'appel d'un jugement d'orientation, peut être saisie de contestations portant sur des actes postérieurs à l'audience d'orientation, les contestations et demandes incidentes doivent être formées dans les quinze jours à compter de la notification de l'acte, à peine d'irrecevabilité. En l'espèce, la SCI [A] explique qu'elle a appris l'existence de l'arrêt dont elle entend se prévaloir pour contester la validité du titre de la banque par des conclusions communiquées par cette dernière dans le cadre d'une procédure distincte, en date du 17 février 2023. Il en découle que sa contestation, qu'elle n'a formulée que par conclusions remises à la cour le 11 mai 2023, soit plus de quinze jours plus tard, est de toutes façons hors délai.
Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité soulevés par la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale, la contestation liée à l'existence du titre est irrecevable.
La demande de la Caisse tendant à ce que soient rejetées les écritures et pièces de la SCI [A] signifiées le 12 mai 2023 ( en réalité le 11) au motif qu'elles présentent des prétentions et des moyens non contenus dans la requête initiale est, eu égard à ce qui précède, sans objet. Etant observé qu'en tout état de cause, ces conclusions du 11 mai 2023 ne constituent pas les dernières conclusions de l'appelante, qui a conclu à nouveau, à la demande de la cour, le 11 septembre 2023.
Sur l'exigibilité de la créance
Quant à l'applicabilité de la clause de déchéance du terme :
La SCI [A] soutient que la clause de déchéance du terme qui lui a été opposée par la banque constitue une clause abusive, causant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, en ce qu'elle est de nature à laisser croire que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'importance de l'inexactitude de la déclaration, et que l'emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien fondé de la déchéance du terme. S'y ajoute un déséquilibre entre les préjudices subis, puisque la banque n'en a subi aucun, le prêt étant payé et la banque disposant de garanties, alors que l'emprunteur se trouve dans l'impossibilité de rembourser en une seule fois les fonds prêtés. Dans l'hypothèse où la cour écarterait les dispositions protectrices du code de la consommation, l'appelante invoque les dispositions de l'article 1171 du code civil, en faisant valoir que le contrat de prêt bancaire en cause constitue à l'évidence un contrat d'adhésion, dès lors que son contenu n'a pas fait l'objet d'une négociation entre les parties ; son article 17, soutient-elle, crée un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur, en permettant à la banque de se prévaloir de la déchéance du terme sans aucun préavis, et d'exiger de lui le remboursement immédiat du prêt. Si ce fondement n'était pas non plus retenu, la SCI [A] se prévaut, en dernier lieu, des dispositions de l'article L.442-1 du code de commerce : elle est avec la banque dans une relation de partenaires commerciaux, n'ayant pas de pouvoir de négociation, elle se trouve dans une soumission par rapport à celle-ci, et enfin, l'article 17 du contrat crée un déséquilibre significatif en sa défaveur, d'une part en créant une prérogative au profit de la seule banque, et en mettant un devoir à sa seule charge, alors que la possibilité de résilier, annuler ou se rétracter du prêt bancaire en contrepartie n'existe pas pour elle-même, et d'autre part, en reconnaissant une prérogative exorbitante à la banque, à savoir la déchéance du terme sans préavis, tout en mettant un devoir exorbitant à sa charge, à savoir le remboursement immédiat de la totalité des sommes.
La banque intimée conteste que la SCI [A] puisse se voir appliquer les dispositions du code de la consommation relative aux clauses abusives, cette dernière ayant contracté le prêt litigieux en tant que professionnelle. Elle conteste tout autant qu'elle puisse se prévaloir de l'article 1171 du code civil : puisque l'appelante elle-même décrit leurs relations comme étant celles de deux partenaires commerciaux, elles relèvent du texte de droit spécial applicable en présence de deux professionnels partenaires commerciaux, qui déroge à ce texte général, en l'occurrence l'article L.442-1 du code de commerce. Et quant à ce dernier texte, il ne permet pas de réputer non écrite une clause du contrat, mais uniquement d'engager la responsabilité du cocontractant. En tout état de cause, dans un arrêt rendu le 20 janvier 2021, la Cour de cassation a confirmé la validité d'une clause prévoyant la faculté pour le prêteur de prononcer l'exigibilité anticipée du prêt en cas de fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur, et tel est bien le cas de la clause litigieuse, qui se réfère aux informations de nature à compromettre le remboursement du crédit, ce qui exclut un pouvoir discrétionnaire de la banque. En outre, l'emprunteur peut toujours recourir au juge pour contester le bien fondé de la déchéance du terme, ce que fait d'ailleurs la SCI [A].
En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le dispositif prévu par les articles L.442-1 et suivants du code de commerce, qui relève du droit des pratiques restrictives de concurrence entre entreprises, n'a pas lieu de s'appliquer dans la présente espèce, qui concerne un prêt immobilier ponctuel consenti par un établissement de crédit à une SCI.
S'agissant ensuite du moyen tiré de l'existence d'une clause abusive, il sera relevé que l'objet social de la SCI [A], comme le souligne à juste titre l'intimée, est la propriété, l'administration, l'exploitation par bail, location ou autrement des immeubles qui lui appartiendront et généralement toutes opérations civiles se rattachant directement ou indirectement à cet objet, pourvu qu'elles ne modifient pas le caractère civil de la société, et que le prêt litigieux a été consenti pour financer l'achat d'un immeuble d'une surface habitable de 196 m2 comprenant 3 logements et 12 pièces à titre de résidence principale de locataires, de sorte que la conclusion du contrat entre dans l'objet social de la SCI [A]. Il en découle que cette dernière, qui n'est ni une personne physique ni un non-professionnel au sens de l'article L.212-2 du code de la consommation, ne peut bénéficier des dispositions protectrices de ce code en matière de clauses abusives, comme l'a à raison retenu le premier juge.
En vertu de l'article 1171 du code civil, qui est applicable à la relation contractuelle en cause, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite, étant précisé que l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
L'article 17 du contrat de prêt en cause énonce :
'Le prêteur peut, sur simple notification à l'emprunteur et sans autre formalité préalable, se prévaloir de la déchéance du terme et exiger le remboursement immédiat de la totalité des sommes restant dues au titre du crédit (...) si les sûretés prévues en garantie du financement venaient à être contestées, à disparaître ou à perdre de leur valeur, et notamment (...) si l'emprunteur a déclaré ou fourni au prêteur des informations ou des documents qui ne sont pas exacts, sincères et véritables, de nature à compromettre le remboursement du crédit (...).'
Il est de droit que ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur la clause qui permet au prêteur de prononcer, en l'absence même de préavis ou de défaillance dans le remboursement du prêt, la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi du concours financier et que l'emprunteur conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l'application de la clause à son égard.
En l'occurrence, la clause litigieuse limite le prononcé de la déchéance du terme aux cas où l'emprunteur a déclaré ou fourni des informations ou des documents sur des éléments déterminants du consentement du prêteur, à savoir la capacité de l'emprunteur à rembourser le crédit qui lui a été consenti, au point de pouvoir compromettre le remboursement. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, elle ne laisse pas croire à l'emprunteur que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'importance de l'inexactitude des renseignements communiqués.
La clause susvisée n'exclut pas non plus le recours au juge, et au demeurant la SCI [A], ainsi qu'il ressort de ses propres écritures, a dès le prononcé de la déchéance du terme saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg pour en contester l'application.
Visant à prévenir un défaut d'exécution de son engagement par l'emprunteur ayant manqué à l'obligation de loyauté lors de la formation du contrat, la clause en cause n'a ni pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur. Il n'y a donc pas lieu d'en écarter l'application.
Quant à la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme :
Selon la SCI [A], la déchéance du terme prononcée à son encontre est soit nulle soit sans effet. La banque ne prouve pas que les éléments qui lui ont été communiqués en vue de la conclusion du contrat de prêt seraient mensongers, étant souligné, notamment, que le prétendu faux se limite à un seul document, à savoir une attestation d'un cabinet d'expert-comptable, le cabinet MBA Conseil, et ne concerne qu'une déclaration de revenus d'une caution pour l'année 2019. Par ailleurs, l'article 17 du contrat de prêt sur lequel s'appuie la banque soumet la déchéance du terme à la compromission du remboursement du crédit, or en l'espèce, ce remboursement n'est pas compromis : d'une part, il n'existait aucun impayé lors de la déchéance du terme, le 7 mai 2021, et d'autre part, l'élément prétendu du faux ne concerne pas le débiteur principal, mais une caution, qui n'est pas la seule garantie du prêt puisque la banque dispose de 3 autres garanties : le privilège du prêteur de deniers, une inscription conventionnelle, et une autre caution.
Selon la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale, la preuve du faux invoqué, qui résulte, notamment, de l'audition du propriétaire du cabinet d'expertise comptable MBA Conseil dans le cadre de l'information judiciaire qui a été ouverte, est parfaitement rapportée. Par ailleurs, le contrat, contrairement à ce que prétend la SCI [A], ne stipule pas que le remboursement du crédit doive avoir été effectivement compromis par la production de faux documents pour que l'exigibilité immédiate du prêt puisse être prononcée, mais prévoit qu'elle peut l'être lorsque les fausses informations fournies par l'emprunteur sont de nature à compromettre le remboursement.
Et il n'est pas contestable, selon elle, que la production d'une fausse attestation de revenus de la part d'un associé de la SCI emprunteuse, et donc à ce titre personnellement responsable des dettes de la société, et qui de surcroît a consenti un cautionnement solidaire, est de nature à compromettre le remboursement du crédit. En l'espèce, le prêt a été consenti à la SCI [A] en considération de la solvabilité de ses associés et des garanties fournies, en l'occurrence le cautionnement de M. [V], l'économie du projet reposant essentiellement sur ses revenus, puisqu'il ne disposait d'aucun patrimoine, que M. [H] n'avait pas produit de justificatif de ses revenus déclarés, et qu'aucun bail n'avait été transmis permettant d'attester de la réalité des loyers prévisionnels mentionnés dans la demande de crédit. En tout état de cause, la déchéance du terme était également justifiée sur le fondement de l'article L.313-12 alinéa 2 du code monétaire et financier, tous les événements qu'elle décrit constituant un comportement gravement répréhensible de la part de la SCI [A], justifiant la rupture des concours.
La déchéance du terme objet du litige a été prononcée par courrier recommandé du 7 mai 2021, dûment réceptionné par la SCI [A], au visa :
de l'article 17 du contrat de prêt, aux motifs que certains des documents fournis afin d'attester de la réalité et du montant des revenus de l'un de ses associés et cautions solidaires s'étaient avérés être des faux, et que des déclarations que cette même personne avait certifiées exactes et sincères dans sa fiche patrimoniale étaient erronées,
de l'article L.313-12 alinéa 2 du code monétaire et financier, la fourniture de fausses attestations ou d'informations inexactes et non sincères par un client constituant un comportement gravement répréhensible au sens de ce texte.
La banque produit:
une 'attestation sur les revenus' établie le 12 septembre 2019 par un nommé [N] [Z], expert-comptable de la société MBA conseil, comportant le tampon et les références de la SASU MBA Conseil, certifiant que la rémunération annuelle brute de M. [C] [V] a été fixée pour l'année 2019 à 48 000 euros, selon décision de la SASU Auto-Prix du 12 septembre 2019 ( et non pas une attestation datée du 17 juillet 2019 concernant un M. [B] [D] comme le dit la SCI [A] qui commet manifestement une confusion avec un dossier distinct),
la 'fiche patrimoniale caution' établie par M. [V] le 26 septembre 2019, déclarant un revenu annuel d'indépendant de 48 000 euros,
un procès-verbal d'audition par les services de gendarmerie de M. [F] [K], propriétaire du cabinet MBA Conseil depuis 2017, dont il ressort que tant M. [V] que la SASU Auto Prix sont inconnus de ce cabinet, qu'il n'y a pas de [N] [Z] au sein du cabinet, et que les mentions figurant en bas du document, ainsi que le logo affichés ne sont pas conformes à ceux utilisés, le témoin confirmant que l'attestation n'a pas été rédigée par son cabinet et constitue un faux, usurpant ses références.
Comme le relève à juste titre la banque intimée, la SCI [A] n'apporte aucun élément de preuve en faveur de l'authenticité du document litigieux, ni ne démontre la véracité du contenu de l'attestation. Elle n'offre pas non plus de justifier de la situation sincère de M. [V].
La preuve est donc parfaitement rapportée que la SCI [A] a produit, à l'appui de sa demande de prêt, un faux justificatif des revenus de son associé et caution M. [V], et que les déclarations de ce dernier quant à ses revenus sont également mensongères.
Comme l'a parfaitement analysé le premier juge, l'attestation produite était à elle seule déterminante du consentement du prêteur, puisque la décision d'octroyer ou non le prêt dépendait notamment de la situation financière et de revenus de M. [V], dont il convient de souligner qu'il était à la fois gérant et associé indéfiniment responsable de la SCI [A], dont il détenait 85 parts sur 100, et caution solidaire à hauteur de 120 000 euros.
Compte tenu de la qualité de M. [V], à la fois responsable personnellement des dettes de la SCI en tant qu'associé, et caution de ses engagements, fût-ce pour un montant limité, et nonobstant l'existence d'autres garanties, l'inexactitude des renseignements transmis relativement à ses revenus, alors qu'il ne disposait d'aucun patrimoine ni d'aucun autre revenu que celui faussement déclaré, ainsi qu'il ressort de la fiche patrimoniale produite par la banque, était bien de nature à compromettre le remboursement du crédit, peu important que les échéances aient été effectivement honorées comme le souligne l'appelante.
La banque était donc en droit, comme l'a conclu le premier juge, de prononcer la déchéance du terme conformément à l'article 17 des conditions générales du contrat de prêt, sans autre formalité préalable, rendant ipso facto exigible le paiement de toutes les sommes dues à ce titre.
Sur la demande de délai
La SCI [A] demande à la cour de lui accorder un délai de six mois afin de vendre à l'amiable le bien immobilier litigieux.
A supposer que cette demande, dont le fondement n'est pas précisé par l'appelante, constitue une demande de vente amiable au sens des articles R.322-20 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, en dépit de la durée du délai sollicité, une telle demande est irrecevable devant la cour, par application de l'article R.311-5 de ce code, aucune demande de vente amiable n'ayant été présentée à l'audience d'orientation.
En tout état de cause, aucun justificatif n'est produit à l'appui d'une demande de délai, ni aucune argumentation développée par l'appelante.
La demande ne peut donc qu'être rejetée.
Le jugement déféré, qui n'est pas utilement contesté pour le surplus, sera donc intégralement confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie condamnée, la SCI [A] doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera également condamnée à régler à la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale une somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire rendue en dernier ressort, dans les limites de sa saisine,
Déclare irrecevable la contestation de la SCI [A] quant à l'existence d'un titre exécutoire valable ;
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 janvier 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pontoise ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de délai présentée par la SCI [A] ;
Déboute la SCI [A] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la SCI [A] à régler à la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale une somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI [A] aux dépens de l'appel, qui pourront être recouvrés directement comme frais privilégiés de vente.