CA Reims, ch. civ. sect. 1, 12 juillet 2011, n° 10/00840
REIMS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
B.H.V. (SARL), PA'CHER (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme HUSSENET
Conseiller :
Mme JARRY
Par acte notarié, M. Gérard C. et Mme Michelle V., son épouse, ont donné à bail à effet du 1er octobre 1975, pour une durée de neuf ans, à la société PA'CHER, 'ayant pour objet l'achat et la vente de tous articles textiles', un immeuble à usage commercial et d'habitation sis à [...], moyennant un loyer mensuel de 2.600 francs (F), aujourd'hui 1.615,80 €.
Ce contrat s'est poursuivi par tacite reconduction et comporte une clause interdisant au preneur de céder son bail, sauf à son successeur dans son commerce.
Après déclaration préalable auprès de l'autorité administrative compétente, la société PA'CHER a procédé à une vente en liquidation de son stock du 1er septembre 2008 au 31 octobre 2008.
Les 18 et 23 septembre 2008, la société PA'CHER a donné à la société à responsabilité limitée (SARL) AGIR et au Cabinet C. mandat de vendre son droit au bail, moyennant, respectivement; un prix de 115.000 € et de 100 000 €.
Par acte sous seing privé du 12 décembre 2008, la société PA'CHER a cédé à la SARL LA S. - qui se réservait ' de se substituer toute personne morale' - son 'fonds de commerce de détail de textiles en magasin spécialisé', sis et exploité dans les locaux situés à l'adresse précitée, moyennant le prix de 100 000 €, s'appliquant pour 90 000 € aux éléments incorporels (dont le droit au bail portant sur lesdits locaux) et pour 10 000 € aux éléments corporels, cette vente ne devant être 'considérée comme réalisée que par la signature de l'acte authentique'.
Postérieurement à la signature de ce 'compromis de cession de fonds de commerce', les héritiers du bailleur, ci-après désignés les consorts C., ont appris qu'était exercée dans les locaux loués à la société PA'CHER une activité de vente de matelas.
Le 11 février 2009, ils ont fait dresser un procès-verbal de constat par Maître Vincent B., huissier de justice associé à la résidence de REIMS.
Le 26 février 2009, le même officier public, à ce requis par les consorts C., a fait sommation, visant la clause résolutoire insérée au bail, à la SARL PA'CHER de, notamment, 'effectuer les travaux, lui incombant nécessaires au maintien de l'immeuble en bon état d'usage et de location et ce conformément aux obligations nées du bail'.
Le 24 mars 2009, la SARL PA'CHER a assigné les consorts C. devant le Tribunal de Grande Instance de REIMS aux fins de voir déclarer nulle la sommation délivrée le 26.02.2009.
Reprochant à la SARL PA'CHER 'un défaut d'entretien' ayant 'des conséquences particulièrement graves', les consorts C. ont, par acte du 1er avril 2009, délivré congé avec refus de renouvellement et sans indemnité d'éviction à celle-ci pour le 31 décembre 2009.
Par courriers des 20 mai et 16 juin 2009, Maître H., notaire associé à REIMS, a, respectivement, informé et convoqué les consorts C. pour concourir à la vente par la SARL PA'CHER de son fonds de commerce à la SARL BHV. Le 29 juin 2009, la vente a été régularisée au prix de 100.000 €.
Par actes des 24, 25,28 et 29 septembre 2009, la SARL BHV a assigné les consorts C. devant le Tribunal de grande instance de REIMS en contestation du refus de renouvellement du bail et paiement d'une indemnité d'éviction. Cette instance a été jointe à la précédente.
Par acte délivré les 20 et 25 novembre 2009, M.M. Jean-François et Dominique C., attributaires de l'immeuble sus-désigné lors du partage de la succession de M. Gérard C., à ce autorisés par ordonnance du 17 novembre 2009, ont assigné, selon la procédure à jour fixe, la SARL PA'CHER et la SARL BHV devant le Tribunal de Grande Instance de REIMS aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, déclarer nulle et de nul effet la cession de droit au bail découlant de celle du fonds de commerce, de résilier le bail commercial aux torts exclusifs du preneur, d'ordonner l'expulsion des sociétés PA'CHER et BHV sous quinzaine à compter de la signification du jugement à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 1 000 € par jour de retard pendant trois mois, et de condamner lesdites sociétés à leur payer une indemnité d'occupation de 5 000 € par mois jusqu'à libération des lieux et la somme de 12 000€ pour frais non répétibles. Soutenant que la cession d'un droit au bail n'était possible qu'au travers de la cession du fonds de commerce, les demandeurs ont fait valoir que la SARL PA'CHER n'avait plus aucun fonds de commerce à la date de la cession litigieuse. Selon eux, la création d'un commerce de matelas discount n'avait d'autre objet que de frauder les droits du bailleur. Ils ont ajouté que cette activité de vente de matelas discount ne s'inscrivant pas dans l'objet social de la SARL PA'CHER, celle-ci ne pouvait prétendre bénéficier du statut des baux commerciaux tant à la date de signification du congé qu'à la date pour laquelle celui-ci était donné, soit le 31 décembre 2009.
La SARL PA'CHER a conclu au débouté des demandeurs et à leur condamnation à lui payer une indemnité de 5.000 € pour frais non recouvrables. Elle a soutenu qu'elle n'avait jamais cessé son activité le 31 octobre 2008 et qu'elle avait toujours eu et avait continué à avoir une activité de vente de matelas, comme en attestait une commande reçue le 23 décembre 2008 d'un montant de 25 073,78 €. Elle a prétendu que la cession de son fonds de commerce était réelle. Elle a ajouté que la résolution du bail à ses torts était pour, ces mêmes raisons, infondée, ce d'autant plus que ne lui avait pas été signifiée une mise en demeure préalable telle qu'exigée par l'article L.145-17-1-1° du Code de commerce.
La Société BHV a également conclu au rejet des demandes formées à son encontre et a réclamé l'allocation d'une indemnité de 3.000 € pour frais non taxables. Elle a fait valoir que la cession de fonds de commerce litigieuse était réelle, le prix en étant bas en raison de la procédure d'opposition à la sommation visant la clause résolutoire. Elle a prétendu que les demandeurs avaient acquiescé à la cession de fonds de commerce en encaissant les loyers versés par la SARL BHV et a ajouté que la procédure à jour fixe était abusive et non motivée par l'urgence, car le bailleur avait donné congé pour le 31 décembre 2009. Selon elle, la vente en liquidation n'avait pas entraîné la cessation de l'activité de la SARL PA'CHER, qui avait recentré celle-ci sur la vente de matelas.
Par jugement rendu le 16 février 2010, le Tribunal de grande instance de REIMS a :
- débouté M. Jean-François C. et M. Dominique C. de l'intégralité de leurs demandes
- condamné M. Jean-François C. et M. Dominique C. à payer à la S.A.R.L. B.H.V et à la S.A.R.L. PA'CHER la somme de 1.500 € chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné M. Jean-François C. et M. Dominique C. aux dépens de la présente instance.
M.M. Jean-François et Dominique C. ont régulièrement interjeté appel de cette décision le 1er avril 2010.
MOYENS DES PARTIES
Par leurs dernières conclusions déposées le 17 mai 2011, M.M. Jean-François et Dominique C. sollicitent l'infirmation du jugement déféré et demandent à la Cour de juger nulle et de nul effet la cession de droit au bail litigieuse et, en tout cas, de déclarer celle-ci inopposable au bailleur, de résilier le bail commercial aux torts exclusifs du preneur, d'ordonner l'expulsion de la SARL PA'CHER et de la SARL BHV à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte provisoire de 1 000 € par jour de retard pendant trois mois, de condamner la SARL PA'CHER à leur payer une indemnité d'occupation de 5 000 € par mois jusqu'à libération des lieux et de condamner les sociétés intimées in solidum à leur verser une indemnité de10 000€pour frais irrépétibles. Les appelants font valoir que 'la cession d'un fonds de commerce implique la cession d'une activité et de la clientèle qui y est attachée à un successeur, c'est-à-dire une personne qui va poursuivre ladite activité'. Ils soutiennent que 'la SARL PA'CHER ne disposait plus d'aucun fonds de commerce à la date de la cession' litigieuse, car 'elle avait cessé toute activité depuis le 31 octobre 2008, cherché à vendre le droit au bail malgré l'interdiction contractuelle, créé une activité parfaitement factice de vente de matelas pour habiller la cession de son bail'. Ils ajoutent que le fait d'avoir encaissé des loyers payés par la SARL BHV ne suffit pas à caractériser la renonciation non équivoque du bailleur à se prévaloir de l'irrégularité de la cession de droit au bail. Par écritures déposées le 14 février 2011, la SARL PA'CHER conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame l'allocation d'une indemnité de 3 000,00 € pour frais non taxables. Elle fait valoir que 'les consorts C. ont acquiescé à la vente du fonds, d'une part, en n'y formant pas opposition quand elle leur a été (...) signifiée, d'autre part, en encaissant les loyers et en délivrant les quittances, enfin, en notifiant une révision du prix du bail'. Elle soutient qu'elle 'n'a pas cessé son activité au 31 octobre 2008", car une vente en liquidation 'ne signifie pas la disparition du fonds', et qu'elle 'a reçu, quelques semaines plus tard, la livraison d'une commande de matelas'. Selon elle, 'la liquidation du stock a permis de recentrer l'activité autour de la vente de matelas, plus favorable au regard de la conjoncture économique, ce qui n'est nullement interdit'. Elle ajoute que 'les matelas figuraient de longue date dans les biens vendus au quotidien comme en attestent les factures versées aux débats, à tel point qu'un ancien salarié ayant travaillé pour la marque EPEDA avait été embauché'. La concluante fait observer que la SARL BHV a 'été créée dans l'objectif de racheter le fonds et de poursuivre l'activité de la SARL PA'CHER, ce qui permettait de préserver l'emploi' dudit salarié. Elle 'admet sans difficulté qu'elle a fermé les portes du magasin pendant quelques semaines', mais qu'il 'n'y a pas eu pour autant de disparition du fonds'. Elle rappelle qu'en première instance, elle avait souligné que le motif tenant au défaut d'exploitation du fonds devait faire l'objet d'une mise en demeure préalable telle qu'exigée par l'article L.145-17-1-1° du Code de commerce, ce dont les consorts C. s'étaient dispensés.
Par ses dernières écritures déposées le 24 mai 2011, la SARL BHV sollicite la confirmation du jugement déféré et réclame l'allocation d'une indemnité de 3 000 € pour frais non recouvrables. Elle fait valoir que 'les consorts C. ont bien été informés du compromis de vente sous conditions suspensives et de la date de la régularisation par Maître H.' et qu'ils 'n'ont formé aucune opposition à la cession en date du 29 juin 2009". La SARL BHV ajoute que, projetant la réalisation d'un immeuble d'habitation dans l'ensemble de leur bien immobilier sis à [...], 'les consorts C. entendent (...) poursuivre leur démarche et faire annuler la cession pour évincer leur locataire sans l'indemniser'. Selon elle, 'la procédure est (...) abusive, car les consorts C. ont acquiescé à la cession de fonds de commerce' litigieuse. La SARL BHV prétend que la SARL PA'CHER 'n'a jamais cessé son exploitation', mais a 'effectué des travaux permettant de recentrer son activité sur la vente de matelas', puisqu'elle a 'toujours vendu des matelas', 'depuis au moins onze ans' et ce 'en toute conformité avec la clause de destination des lieux qui ne l'exclut pas'. La SARL BHV argue ainsi de ce que l'activité de vente de matelas par la SARL PA'CHER n'a pas été constituée après la signature du compromis du 12 décembre 2008 et en veut encore pour preuve une commande de matelas d'un montant de 22 016,98 € hors taxes (HT) par ladite société le 08 décembre 2008. Enfin, elle souligne que la cession de fonds de commerce litigieuse était réelle, le prix en étant bas en raison de la procédure d'opposition à la sommation visant la clause résolutoire
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 24 mai 2011.
SUR CE,
# sur la validité de la cession du droit au bail litigieuse
Attendu que le premier alinéa de l'article L. 145-16 du Code de commerce dispose que 'sont également nulles, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise' ;
Qu'il en résulte que le titulaire d'un bail soumis au statut des baux commerciaux a toujours le droit de céder son contrat de location à l'acquéreur de son fonds de commerce ;
Attendu que le bail conclu entre M. Gérard C. et son épouse Madame Michelle V., d'une part, et la SARL PA'CHER, 'ayant pour objet l'achat et la vente de tous articles textiles', d'autre part, contient les stipulations suivantes, sous le titre 'Cession - Sous-location' :
'La société 'PA'CHER' ne pourra céder son droit au présent bail ni sous-louer en tout ou partie sous aucun prétexte,si ce n'est à un successeur dans son commerce, ou une sous-location totale au locataire dudit fonds en cas de remise en gérance libre
Toute cession ou sous-location, pour être valable devra avoir lieu par acte notarié, en présence des bailleurs ou eux dûment appelés. Le cessionnaire ou sous-locataire devra s'obliger solidairement avec elle au paiement des loyers et à l'entière exécution des conditions du bail et une copie exécutoire sera délivrée aux bailleurs sans frais pour eux, pour leur servir de titre exécutoire direct.' ;
Mais attendu qu'en présence d'une telle clause, la validité de la cession du droit au bail est subordonnée à la condition qu'il y ait eu une cession réelle du fonds de commerce et non pas seulement de certains des éléments de celui-ci ;
Qu'il est ainsi indispensable qu'il y ait eu réellement une clientèle parmi les éléments cédés ;
Or, attendu, en l'espèce, qu'il résulte des productions que, le 1er août 2008, la SARL PA'CHER a procédé, conformément au second alinéa de l'article L. 310-1 du Code de commerce, au dépôt, auprès de l'autorité administrative compétente, d'une déclaration de vente en liquidation du 1er septembre 2008 au 31 octobre 2008 à la suite d'une décision de 'cessation d'activité', dont récépissé délivré le 04 août 2008;
Que ce dernier mentionne la nature de l'activité de la SARL PA'CHER, à savoir, 'achat et vente de tous articles textiles' ;
Attendu que les photographies de la devanture du magasin qui était alors exploité par la SARL PA'CHER, régulièrement versées aux débats, montrent :
* pour l'une :
- des affiches de couleur vert fluorescent sur tous les panneaux de la porte d'entrée, portant, respectivement, les mentions suivantes :
'LIQUIDATION TOTALE avant FERMETURE DÉFINITIVE'
'- 30% - 40% - 50%'
'APRES 33 ANNEES A VOTRE SERVICE'
'à compter du 2 Septembre 2008"
'ex. Peignoir éponge imprimée'
'49 €" (chiffre barré)
'24€50" (prix liquidé) ;
* pour l'autre :
- d'une part, un panneau, à gauche de l'entrée quand on fait face à celle-ci, détaillant, en grosses lettres capitales bleues sur fond blanc les articles mis en vente dans ces lieux, à savoir :
'TISSU AMEUBLEMENT
VOILAGE
TISSU CONFECTION
LINGE DE MAISON
au poids au mètre à la pièce',
- d'autre part, un calicot à gauche de l'entrée quand on fait face à celle-ci, mentionnant '2èME DEMARQUE' et des affiches de couleur vert fluorescent sur tous les panneaux de la porte d'entrée, portant, respectivement, les mentions suivantes :
'LIQUIDATION TOTALE avant FERMETURE DÉFINITIVE le 31 OCTOBRE'
'- 30% - 40% - 50%'
'APRES 33 ANNEES A VOTRE SERVICE'
'à compter du 2 Septembre 2008"
'ex. EPEDA'
'1 matelas'
'1 sommier 840" (chiffre barré)
. '550" (prix liquidé) ;
Qu'il ressort de photographies prises à l'intérieur du local commercial de la SARL PA'CHER en période d'exploitation par celle-ci de son fonds de commerce, que la surface commerciale était occupée par des portiques portant des rouleaux de tissus divers et par des bacs, des présentoirs et des casiers remplis d'articles textiles, étalages entre lesquels les clients circulaient par des allées, des voilages étant également accrochés par des suspentes au plafond ;
Attendu que, le 23 décembre 2008, Maître VAN C., huissier de justice associée à la résidence de REIMS, a, à la requête de M. Dominique C., constaté que le local commercial sis à [...], était fermé, et relevé, sur les portes métalliques protégeant les portes d'entrée en verre, et, à gauche de l'entrée quand on fait face à celle-ci, la présence de 'trois affiches jaunes' sur lesquelles il était indiqué :
«OUVERTURE
PROCHAINE
votre magasin
' PA'CHER '
MATELAS
DISCOUNT» ;
Que, le 11 février 2009, Maître Vincent B., huissier de justice associé à la résidence de REIMS a, lui, constaté que la surface dudit local commercial, d''un peu plus de 24 m de long sur plus de 8 m de large', soit 'environ 194 m²', était 'actuellement dédiée exclusivement à la vente de matelas sous l'enseigne PA'CHER', les photographies prises par cet officier public montrant un amoncellement de matelas contre un mur et quelques matelas disposés sur des panneaux munis de pieds entre les poteaux de soutien du plafond ;
Que Maître B. a, en outre, porté la mention suivante dans ledit procès-verbal de constat : 'Monsieur L. m'expose qu'auparavant, sa société vendait du textile et des matelas mais que depuis janvier 2009, il a recentré l'activité sur la seule vente de matelas';
Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus exposés que l'activité d'achat et vente de tous articles textiles, tels que tissus d'ameublement, voilages, tissus de confection et linge de maison, qui était exercée par la SARL PA'CHER avant sa cessation d'activité le 31 octobre 2008, n'existait plus, faute d'exploitation depuis huit mois, lorsque, par acte du 29 juin 2009, Maître H., notaire associé à REIMS, a constaté la cession du 'fonds de commerce de ACHAT ET VENTE DE TOUS ARTICLES TEXTILES connu sous l'enseigne de «PA'CHER» situé et exploité à [...]';
Qu'il convient de relever, à cet égard, que la SARL PA'CHER, qui prétend que 'la liquidation du stock a permis de recentrer l'activité autour de la vente de matelas, plus favorable au regard de la conjoncture économique', n'a pas justifié de l'information auprès du préfet de la Marne, à laquelle elle était tenue aux termes du second alinéa de l'article L. 310-1 du Code de commerce, qui dispose que 'lorsque l'événement motivant la liquidation n'est pas intervenu au plus tard dans les six mois qui suivent la déclaration, le déclarant est tenu d'en informer l'autorité administrative compétente' ;
Qu'il est symptomatique de noter que c'est la SARL BHV qui a répondu sur ce point dans ses écritures en indiquant que 'si la société PA'CHER a omis de faire sa déclaration auprès des services concernés, il n'en résulte (...)pas que son activité a pris fin à cette date';
Attendu qu'il n'existe pas de fonds de commerce d'achat et vente de tous articles textiles, tels que tissus d'ameublement, voilages, tissus de confection et linge de maison, lorsqu'il n'y a plus de clientèle qui s'y trouve attachée, aucun stock de ces articles n'ayant d'ailleurs été cédé au cessionnaire, qui n'a eu à reprendre aucun salarié du cédant;
Que la seule activité de vente de matelas discount poursuivie depuis janvier 2009 par la SARL PA'CHER et reprise par la SARL BHV, drainant une clientèle bien différente, revêt un caractère marginal par rapport à l'ensemble de l'activité initiale de la première citée, puisqu'il résulte de l'attestation établie le 23 mai 2011 par M. B., expert-comptable de la SARL BHV, que, pour l'exercice du 07 mai 2009 au 31 décembre 2010, soit vingt mois, cette activité a généré un chiffre d'affaires de 147 223,31 € pour un bénéfice de 441,44 € ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble des observations qui précèdent, il est caractérisé une fraude, le défaut de reprise de l'activité initiale de la SARL PA'CHER, cédant, par la SARL BHV, cessionnaire, démontrant le caractère fictif de la vente du fonds de commerce de la première citée dissimulant la cession du seul droit au bail ;
Que l'irrégularité de la cession du droit au bail rendant l'acte de cession inopposable au bailleur, il échet, infirmant le jugement déféré en ce qu'il a débouté M.M. Jean-François et Dominique C. de leur demande tendant à leur voir déclarer inopposable la cession du droit au bail litigieuse, de déclarer inopposable aux susdits la cession du droit au bail du local commercial sis à [...], contenue dans l'acte de cession de fonds de commerce par la SARL PA'CHER à la SARL BHV, reçu le 29 juin 2009 par Maître Guillaume H., notaire associé à REIMS ;
# sur la demande de résiliation du bail litigieux
Attendu que la demande de M.M. Jean-François et Dominique C. tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du bail litigieux n'avait pas à être précédée d'une mise en demeure ;
Que si la violation des obligations contractuelles du cédant peut être couverte par l'acquiescement du bailleur, cet acquiescement ne peut résulter de la seule connaissance de la cession sans protestation, ni de l'acceptation sans réserves des loyers payés par le cessionnaire;
Attendu que l'irrégularité de la cession du droit au bail litigieuse est suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail notarié à effet du 1er octobre 1975 conclu entre M. Gérard C. et son épouse Madame Michelle V., d'une part, et la SARL PA'CHER, d'autre part ;
Que ladite résiliation sera prononcée aux torts exclusifs de la SARL PA'CHER ;
Et attendu que l'irrégularité de la cession du droit au bail litigieuse, qui rend l'acte de cession inopposable au bailleur, a pour conséquence que le cessionnaire est un occupant sans droit ni titre qui peut être expulsé ;
Qu'infirmant le jugement déféré en ce qu'il a débouté M.M. Jean-François et Dominique C. de l'intégralité de leurs demandes, il y a lieu, statuant à nouveau, d'ordonner l'expulsion de la SARL PA'CHER et de la SARL BHV ainsi que celle de tous occupants de leur chef dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et, passé ce délai, sous astreinte
de 170 € par jour de retard pendant un délai de trois mois, passé lequel il sera à nouveau fait droit ;
Que la SARL PA'CHER sera condamnée à payer aux appelants une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges mensuels jusqu'à libération effective des lieux ;
# sur les demandes annexes
Attendu que, succombant à titre principal, la SARL PA'CHER et la SARL BHV seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel et ne sauraient donc voir prospérer leurs demandes pour frais irrépétibles ;
Que M.M. Jean-François et Dominique C. triomphant devant la juridiction du second degré, il échet d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il les avait condamnés au paiement d'une indemnité pour frais non taxables de procédure et de leur allouer, au contraire, la somme globale de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable et bien fondé l'appel principal relevé par M.M. Jean-François et Dominique C..
Infirme le jugement rendu le 16 février 2010 par le Tribunal de grande instance de REIMS en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Déclare inopposable à M.M. Jean-François et Dominique C. la cession du droit au bail du local commercial sis à [...], contenue dans l'acte de cession de fonds de commerce par la société à responsabilité limitée PA'CHER à la société à responsabilité limitée B.H.V., reçu le 29 juin 2009 par Maître Guillaume H., notaire associé à REIMS.
Prononce, aux torts exclusifs de la société à responsabilité limitée PA'CHER, la résiliation du bail notarié à effet du 1er octobre 1975 conclu entre M. Gérard C. et son épouse Madame Michelle V., d'une part, et la société à responsabilité limitée PA'CHER, d'autre part.
En conséquence,
Ordonne l'expulsion de la société à responsabilité limitée PA'CHER et de la société à responsabilité limitée B.H.V. ainsi que celle de tous occupants de leur chef dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et, passé ce délai, sous astreinte de CENT SOIXANTE-DIX EUROS (170,00 euros) par jour de retard pendant un délai de trois mois, passé lequel il sera à nouveau fait droit
Condamne la société à responsabilité limitée PA'CHER à payer à M.M. Jean-François et Dominique C. une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges mensuels jusqu'à libération effective des lieux ci-dessus désignés.
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société à responsabilité limitée PA'CHER et la société à responsabilité limitée B.H.V. à payer à à M.M. Jean-François et Dominique C. la somme globale de CINQ MIL EUROS (5 000,00 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute la société à responsabilité limitée PA'CHER et la société à responsabilité limitée B.H.V. de leurs demandes respectives pour frais irrépétibles d'appel.
Condamne in solidum la société à responsabilité limitée PA'CHER et la société à responsabilité limitée B.H.V. aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ceux d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la SCP D. J. C.-R., avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.