Cass. 2e civ., 3 juin 2010, n° 09-13.842
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Aluminium Pechiney (la société) du 24 février 1965 au 31 octobre 2002 en qualité de mécanicien, a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône une affection pulmonaire que celle-ci a prise en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles ; que l'intéressé a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de réformer le jugement en ce qu'il avait reconnu l'existence d'une faute inexcusable alors, selon le moyen :
1°/ que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs ; que la portée de l'appel est déterminée d'après l'état des dernières conclusions ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, la société Aluminium Pechiney s'était contentée de demander à la cour d'appel de «réformer la décision entreprise en ce qu'elle a estimé la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. X... opposable» à son égard ; que dès lors, en réformant le jugement en ce qu'il avait retenu la faute inexcusable de l'employeur, pour écarter au contraire cette faute inexcusable, la cour d'appel, qui a méconnu la portée de l'appel de la société Aluminium Pechiney, a violé l'article 562, alinéa 2, du code
de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître l'objet du litige, tel que déterminé par les conclusions respectives des parties ; que dès lors, en réformant le jugement en ce qu'il avait retenu la faute inexcusable de l'employeur, ce qui ne lui avait été par aucune des parties, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le fait pour une partie de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande implique de sa part non un acquiescement mais une contestation de cette demande ;
Et attendu qu'il ressort de la procédure que dans ses conclusions déposées devant la cour d'appel, la société a déclaré, sur la faute inexcusable, s'en rapporter à la sagesse de la cour ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 230-2, devenu l'article L. 4121-1 du code du travail, L. 461-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Attendu que pour dire que la société n'a pas commis de faute inexcusable, l'arrêt relève que M. X... n'était pas chargé de travaux de calorifugeage au sens du tableau numéro 30 dans sa rédaction de 1951 et retient, d'abord, que la société ne participait pas au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante qu'elle n'utilisait que pour protéger ses salariés de la chaleur intense inhérente à son activité, qu'ensuite, il ne peut être déduit à partir des considérations générales tirées de l'énoncé des divers rapports scientifiques classiquement cités dans ce type de procédure la preuve exigible de la nécessaire conscience du danger pour cette entreprise, laquelle doit être caractérisée par des éléments objectifs, qu'enfin l'employeur pouvait penser que les mesures prises depuis 1954 pour éviter les dangers de silicose étaient suffisantes dès lors que les travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante, la conduite d'un four, les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante, ne figuraient au tableau numéro 30 que depuis 1996 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé plusieurs témoignages indiquant que l'intéressé maintenait en état des installations calorifugées par l'amiante, manipulait des pièces mécaniques revêtues d'amiante et utilisait des éléments de protection en amiante et qu'elle n'a pas recherché si, compte tenu de son importance, de son organisation et de la nature de son activité, la société n'aurait pas dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement déclarant opposable à la société Aluminium Pechiney la décision de prise en charge à titre professionnel de la maladie de M. X..., l'arrêt rendu le 22 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Aluminium Pechiney aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aluminium Pechiney ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille dix.