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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 8 novembre 2023, n° 20/08886

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Agc Mirest (SAS)

Défendeur :

Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire (Sté), Astro Metal (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Thevenin-Scott, Mme Pelier-Tetreau

Avocats :

Me Boell, Me Ieva-Guenoun, Me Lallement, Me Seltensperger

CA Paris n° 20/08886

7 novembre 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 28 avril 2015, M. [K] et Mme [D] ont acquis de M. [S] une maison d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 5].

Cette maison a été construite par M. [S] lui-même. Pour la fourniture et la pose des menuiseries métalliques aluminium extérieures et des vitrages, celui-ci a fait appel à la SARL Astrometal, assurée à cette époque auprès de la société Groupama.

Les vitrages ont été fournis par la société AGC Mirest.

M. [K] et Mme [D] se sont plaints d'un désordre relatif à une partie de ce vitrage, ceux-ci ayant constaté l'apparition de condensation.

Par acte du 10 octobre 2016, M. [K] et Mme [D] ont assigné en référé expertise M. [S], la SARL Astrometal et la société Groupama.

Par ordonnance de référé rendue le 2 novembre 2016 par le président de tribunal de grande instance de Meaux, une expertise judiciaire a été ordonnée. M. [L] a été désigné en qualité d'expert.

Par ordonnance de référé du 26 avril 2017, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables à la société AGC Mirest, à la demande de la SARL Astrometal.

M. [L] a déposé son rapport le 29 septembre 2017.

Par actes d'huissier des 15, 17, 18 et 24 janvier 2018, M. [K] et Mme [D] ont fait assigner la société AGC Mirest, la société Groupama, la SARL Astrometal et la SCP Christophe Ancel en qualité de mandataire judiciaire de la SARL Astrometal aux fins de réparation de son préjudice.

Par jugement du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Meaux, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a statué en ces termes :

Rejette les demandes de M. [K] et Mme [D] à l'encontre de la SARL Astrometal et de la société Groupama,

Condamne la société AGC Mirest à payer à M. [K] et Mme [D] la somme de 10 548 euros TTC en réparation du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

Condamne la société AGC Mirest à payer à M. [K] et Mme [D] la somme de 600 euros en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

Rejette la demande de M. [K] et Mme [D] envers la société AGC Mirest au titre des journées de congés de M. [K],

Rejette les demandes en garantie de la société AGC Mirest à l'encontre de la SARL Astrometal, la société Groupama et la SCP Christophe Ancel en qualité de mandataire judiciaire de la SARL Astrometal,

Rejette la demande tendant à faire application de l'article R.631-4 du code de la consommation,

Condamne la société AGC Mirest à payer la somme de 3 000 euros à M. [K] et Mme [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société AGC Mirest au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Groupama au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société AGC Mirest aux dépens de l'instance, avec recouvrement direct au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 8 juillet 2020, la SAS AGC Mirest a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d'appel de Paris M. [K], Mme [D], la compagnie d'assurance Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire, dite Groupama Paris Val-de-Loire et la SARL Astrometal.

Moyens

***

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 6 octobre 2020, la SAS AGC Mirest demande à la cour de :

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 6 février 2020 ;

Et statuant à nouveau,

Juger que les articles 1641 et suivants du code civil constituent l'unique fondement possible de l'action directe engagée par les consorts [K]-[D],

Déclarer prescrite l'action des consorts [K]-[D] et l'appel en garantie de la compagnie Groupama envers la société AGC Mirest en ce qu'ils n'ont pas été intentés dans le délai prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce,

Subsidiairement,

Juger qu'aucun vice caché n'affecte la baie vitrée fabriquée par la société AGC Mirest compte tenu du fait que le défaut de fabrication afférents audit vitrage, à le supposer avéré, présentait nécessairement un caractère apparent, notamment aux yeux du professionnel du verre que constitue la société Astrometal, et ne pouvait pas être constitutif d'un vice au sens de l'article 1641 du code civil,

En conséquence, prononcer la mise hors de cause la société AGC Mirest,

Débouter les consorts [K]-[D] et la compagnie Groupama de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société AGC Mirest,

A titre très subsidiaire,

Juger que l'appel en garantie de la société AGC Mirest à l'encontre la société Astrometal et la société Groupama est bien fondé,

En conséquence, condamner in solidum la société Astrometal et la société Groupama à relever et à garantir la société AGC Mirest à hauteur de 50 % des condamnations au principal, intérêts, frais et dépens, qui ont été prononcées à son encontre,

En toute état de cause,

Débouter toutes parties de toutes demandes et prétentions contre la concluante,

Condamner in solidum les intimés ou tout succombant à verser à la société AGC Mirest la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum les intimés ou tout succombant aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, distraits dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions signifiées par voie électronique le 4 décembre 2020, M. [K] et Mme [D] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société AGC Mirest,

Condamner à la société AGC Mirest it verser la somme de 10 548 euros au titre du changement de vitrage, à indemniser le prejudice moral des demandeurs, les frais irrepétibles et les dépens,

Infirmer le jugement de première instance :

Sur le rejet de la garantie décennale à l'encontre de la société AGC Mirest,

Sur le quantum du préjudice moral, des frais irrépétibles,

Sur l'inclusion des frais de référé dans les dépens,

Sur le rejet de l'indemnisation des jours de congé,

Sur le rejet de l'action en responsabilité à l'encontre de la société Astrometal et la garantie de Groupama,

Statuant à nouveau,

Retenir la responsabilité de la société AGC Mirest et de la société Astrometal sur le fondement de la garantie décennale,

A titre subsidiaire, il est sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société AGC Mirest sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour défaut de conformité,

A titre subsidiaire, retenir la responsabilité de la société Astrometal sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

Dire que la compagnie Groupama devra relever et garantir la société Astrometal de toutes condamnations mises à sa charge,

En conséquence,

Condamner in solidum la société Groupama, la société Astrometal et la société AGC Mirest à verser aux consorts [K]-[D] les sommes suivantes :

10 548 euros pour le changement de vitrage,

683,45 euros pour les jours de congé,

2 000 euros au titre du préjudice moral,

5 000 euros au titre de frais irrépétibles de première instance,

Aux entiers dépens de la procédure de référé et de la procédure au fond, incluant les frais d'expertise judiciaire,

En tout état de cause,

Condamner in solidum la société Groupama, la société Astrometal et la société AGC Mirest et la société AGC Mirest à payer à payer aux consorts [K]-[D] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers depens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 5 janvier 2021, la compagnie d'assurance Caisse régionale d'assurances mutulles agricoles Paris Val-de-Loire, dite Groupama Paris Val de Loire demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 6 février 2020 en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de condamnations formées à l'encontre de la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire,

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 6 février 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamner la société AGC Mirest à payer une somme de 3 000 euros à la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si le jugement du 6 février 2020 devait être infirmé en ce qu'il a rejeté toute demande de condamnation formées à l'encontre de la compagnie Groupama Paris Val-de-loire :

Sur le rejet des demandes de condamnation formées à l'encontre de la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire :

Dire et juger que le désordre consistant en l'embuage et l'absence d'étanchéité du vitrage n'est pas imputable à la société Astrometal, mais à la société AGC Mirest,

Dire et juger que le désordre qui serait éventuellement imputable à la société Astrometal ne présente pas un caractère décennal,

Dire et juger que la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire ne garantit que la responsabilité décennale de la société Astrometal,

Dire et juger que le préjudice causé par la nécessité de remplacer le vitrage a pour cause exclusive le défaut de fabrication imputable à la société AGC Mirest,

Dire et juger que le lien de causalité entre la prétendue faute de la société Astrometal et le préjudice n'est pas établi,

En conséquence,

Débouter les consorts [K] et [D] et la société AGC Mirest de leurs demandes formées à l'encontre de la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire, assureur de responsabilité civile décennale de la société Astrometal,

A titre subsidiaire, sur l'appel en garantie de la société AGC Mirest,

Dire et juger que les fenêtres construites sur commande sont considérées comme des Epers,

Dire et juger que le lien de causalité entre la prétendue faute de la société Astrometal et le préjudice n'est pas établi,

Dire et juger que la défectuosité du vitrage constitue un vice caché au sens des dispositions de l'article 1641 du code civil,

En conséquence,

Condamner la société AGC Mirest à garantir intégralement la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

En tout état de cause :

Dire et juger que la police souscrite par la société Astrometal auprès de la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire comporte une exclusion de garantie du préjudice moral et du préjudice immatériel,

Dire et juger que M. [K] n'apporte aucun justificatif pour asseoir ses demandes tirées des journées de congés qu'il aurait dû prendre,

Dire et juger que la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire est en droit d'appliquer sa franchise contractuelle ;

En conséquence,

Débouter les demandes de condamnation formée à l'encontre de la compagnie Groupama Paris Val-de-loire, assureur de responsabilité civile décennale de la société Astrometal, au titre des préjudices immatériels,

Dire et juger que la compagnie Groupama Paris Val-de-Loire est en droit d'appliquer sa franchise contractuelle,

Condamner solidairement tous succombants à payer une somme de 3 000 euros en cause d'appel à Groupama Paris Val-de-Loire sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

***

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

Motivation

MOTIFS

Sur la caducité de la déclaration d'appel interjetée à l'encontre de la SARL Astro Metal

Selon les dispositions de l'article 902 du code de procédure civile : ' Le greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration avec l'indication de l'obligation de constituer avocat.

En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l'avocat de l'appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel.

A peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l'article 909, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.

A l'appui de la déclaration d'appel interjeté à l'encontre de la SARL Astrometal, la société SGC Mirest a indiqué que 'la procédure de redressement judiciaire (sic) ouverte à l'encontre de la société Astrometal ayant été clôturée, la SCP Christophe Ancel n'a plus la qualité de mandataire judiciaire de cette société.

Invitée à produire la signification de la déclaration d'appel à peine de caducité relevée d'office, la société appelante n'a pas déférée à cette demande.

Il convient donc de constater la caducité de la déclaration d'appel dirigée à l'encontre de la SARL Astrometal.

Sur la demande principale fondée sur la responsabilité décennale,

Enoncé des moyens des parties,

M. [K] et Mme [D] exposent, concernant la responsabilité de la SARL Astrometal et sur le fondement de l'article 1792 du code civil, que la SARL Astrometal a qualité de constructeur dès lors qu'elle est intervenue dans ces travaux en commandant et en posant le vitrage litigieux. Ils rappellent que la question de l'imputabilité est indifférente puisque la garantie décennale ne suppose pas la recherche de la cause des désordres. Ils soutiennent que la responsabilité de la SARL Astrometal doit être engagée puisque son intervention a provoqué des fissures du vitrage, entraînant un défaut d'étanchéité, l'embuage, et finalement le remplacement du vitrage. Ils soulignent que ce défaut est indépendant du décollement imputable au fabricant et qu'il rend le vitrage impropre à son usage, puisque celui-ci serait devenu opaque et qu'il n'était plus à même d'assurer une isolation thermique et acoustique.

La société Groupama, en sa qualité d'assureur de la société Astrometal, réplique, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, que son assuré n'est pas à l'origine du phénomène de décollement de l'intercalaire du vitrage, seule cause du défaut d'étanchéité et de transparence de celui-ci, ce désordre étant exclusivement imputable à la société AGC Mirest en raison d'un défaut de fabrication. Elle ajoute que l'expert judiciaire a seulement imputé à la SARL Astrometal un désordre qui n'est pas de nature décennale, à savoir une légère fissuration, sans incidence sur l'étanchéité ou la transparence du vitrage, et qui ne porte pas atteinte à sa solidité.

A titre subsidiaire, la société Groupama soutient, sur le fondement de la théorie de la causalité adéquate, que le préjudice tenant pour l'essentiel au remplacement du vitrage trouve sa cause dans la faute de la société AGC Mirest, puisque ce remplacement aurait inéluctablement dû intervenir en raison du défaut du vitrage, que la pose de celui-ci ait ou non créé une fissure.

Elle explique en outre qu'il est indifférent qu'un produit soit fabriqué en taille standard ou qu'il soit utilisable pour des usages variés pour que la responsabilité du fabricant soit engagée sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, dès lors que la fabrication a été réalisée pour répondre aux exigences de la société qui a commandé le produit. Elle soutient que le vitrage fourni par la société AGC Mirest n'est pas de taille standard, a impliqué une réalisation sur mesure et l'utilisation d'un certain type de gaz pour remplir le vide entre les deux vitrages composant le volume entier, de sorte que les conditions de l'article 1792-4 du code civil sont remplies et la responsabilité de la société AGC Mirest susceptible d'être engagée sur ce fondement. Elle précise que la pose du volume vitré par la SARL Astrometal n'a pas modifié celui-ci et a été réalisée dans les règles de l'art, comme le relève l'expert.

La société AGC Mirest soutient à titre liminaire qu'elle n'est intervenue qu'en qualité de fournisseur, de sorte qu'elle n'est pas réputée constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil et que la responsabilité décennale ne lui est donc pas applicable. Elle ajoute qu'elle ne peut pas non plus être qualifiée de fabricant au sens de l'article 1792-4 du code civil, les produits verriers constitutifs de la baie vitrée n'ayant pas été spécifiquement commandés pour un usage particulier et fabriqués pour cet usage unique, mais étant au contraire fabriqués en série. Elle expose que le vitrage n'est pas d'une dimension exceptionnelle, est composé de verres ordinaires et n'a pas impliqué une production sur mesure. Elle explique également que les vitrages ont été modifiés lors de leur incorporation dans un cadre en aluminium par la SARL Astrometal, ce qui a porté atteinte à leur structure. Elle précise que le régime de responsabilité de l'article 1792-4 du code civil est d'autant moins applicable qu'aucune réception n'a été prononcée en 2008, et que M. [O] [K] et Mme [J] [D], qui n'ont acquis le bien immobilier qu'en 2015, ne peuvent aujourd'hui solliciter de réception judiciaire rétroactive.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Aux termes de l'article L. 124-3 alinéa 1 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Sur les désordres, leur origine et leur qualification,

L'expert constate, aux termes de son rapport, que le grand double-vitrage de la maison de M. [O] [K] et Mme [J] [D] est dégradé par embuage et par fissuration.

Ainsi la matérialité des désordres relatifs au vitrage de la maison dont M. [O] [K] et Mme [J] [D] sont propriétaires est établie et, au demeurant, non contestée.

Si aucun procès-verbal de réception n'a été régularisé, il ressort des pièces versées aux débats que le règlement final de la facture est intervenu le 3 octobre 2008. Il y a donc lieu d'établir la date de la réception tacite des travaux au 3 octobre 2008, date à laquelle M. [Z] [S], maître de l'ouvrage lors de la construction, a exprimé sa volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage dont il a pris possession et pour lequel il a soldé intégralement le coût des travaux.

En tant qu'acquéreurs de cet ouvrage, M. [O] [K] et Mme [J] [D] sont en droit d'invoquer la garantie décennale des constructeurs qui se transmet aux acquéreurs successifs.

Il résulte de l'examen des pièces versées que les désordres sont apparus postérieurement à cette réception, qu'ils n'étaient ni apparents ni réservés à cette date, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

Sur l'embuage du vitrage

L'expert explique que l'embuage est dû au décollement de l'intercalaire aluminium, et révèle également la défaillance de l'étanchéité de la lame de gaz séparant les feuilles de verre et donc à une modification importante des caractéristiques d'isolation thermique, ce qui a pour conséquence une consommation énergétique accrue. Il indique à cet égard que l'intercalaire aluminium est destiné à lier les deux feuilles de verre composant le vitrage et à rendre étanche la lame de gaz les séparant pour améliorer l'isolation thermique du vitrage.

Il s'ensuit que le désordre constaté rend l'ouvrage impropre à sa destination, qui est notamment d'assurer une isolation thermique performante par l'introduction de gaz pour séparer les deux feuilles de verre, l'embuage démontrant l'absence d'isolation.

Par conséquent, ainsi que le tribunal a statué, ce désordre relève de la garantie décennale.

Enfin, l'expert attribue cet embuage à un défaut de fabrication, à laquelle la SARL Astrometal est étrangère.

Sur la fissuration du vitrage,

L'expert judiciaire ajoute que la défaillance du vitrage litigieux est également consécutive à sa fissuration.

S'il ne conclut à aucune atteinte à la solidité de l'ouvrage du fait de ce désordre de fissuration, et n'attribue la défaillance de l'étanchéité du vitrage qu'au décollement de l'intercalaire aluminium, l'expert énonce expressément, aux termes de son dire n° 7, que les fissurations observées constituent un risque important pour la sécurité des personnes. Il précise à ce titre que 'les blessures' affectant le vitrage sont la source des fissurations relevées, mais ne sont pas à l'origine de la dégradation de l'intercalaire, laquelle est consécutive d'une anomalie dans la fabrication.

Or, il y a lieu de considérer qu'un vitrage dont la sécurité n'est pas assurée le rend nécessairement impropre à sa destination, indépendamment de toute considération liée à l'étanchéité ou à l'isolation thermique en lien avec la dégradation de l'intercalaire.

Par conséquent, c'est à tort que le tribunal a estimé que le désordre tenant aux fissurations n'avait qu'une dimension esthétique et ne relevait pas de la garantie décennale. C'est également à tort qu'il a considéré que le préjudice causé par la nécessité de remplacer le vitrage avait pour cause exclusive le défaut de fabrication imputable à la société AGC Mirest.

Statuant à nouveau, la cour dira que le désordre tenant aux fissurations est de nature décennale.

Sur les responsabilités,

Sur l'imputabilité des désordres à la SARL Astrometal,

Dès lors que le désordre lié à la fissuration est la conséquence directe de l'intervention du poseur et que ce désordre revêt le caractère de gravité requis pour entraîner l'application de la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil, il y a lieu de considérer que la société Astrometal a engagé sa responsabilité en sa qualité de poseur, sans qu'il soit nécessaire de rechercher une quelconque faute.

Toutefois, dès lors que la déclaration d'appel n'a pas été régulièrement signifiée à la société Astrometal, ni à la SCP Christophe Ancel ès qualités de mandataire judiciaire, et en application du principe de la contradiction, il convient de constater que l'absence de condamnation à l'encontre de ce constructeur est désormais définitive et que, par conséquent, il n'y a pas lieu de statuer sur la responsabilité de la SARL Astrometal, nonobstant la mise en œuvre de la garantie décennale.

Sur l'imputabilité des désordres à la société AGC Mirest,

Le décollement de l'intercalaire aluminium étant due à une anomalie de fabrication, incombant à la société AGC Mirest, la responsabilité de ce fabricant fournisseur peut être recherchée.

Aux termes de l'article 1792-4 alinéa 1er du code civil, le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi le 29 septembre 2017 que la société AGC Mirest est qualifiée de « fabricant-assembleur de double-vitrage ».

Néanmoins, s'il apparaît que la société AGC Mirest a mis en œuvre des processus d'assemblage particuliers en remplaçant la lame d'air séparant les deux feuilles de verre par du gaz et en traitant la face d'un des verres par un rayonnement de basse émission afin de répondre à des exigences thermiques, le vitrage litigieux n'a pour autant pas été conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l'avance correspondant aux besoins précis de l'ouvrage en question.

Comme l'a justement relevé le tribunal, aucune commande particulière n'est démontrée, les caractéristiques du vitrage tenant à ses exigences thermiques n'ayant pas été déterminées spécifiquement en vue de sa pose ultérieure dans la maison de M. [Z] [S], aujourd'hui propriété de M. [O] [K] et Mme [J] [D] et demeurant banales au regard de tout double vitrage de grande dimension. Enfin, aucune finalité spécifique d'utilisation n'est établie pour cet élément d'équipement.

Par conséquent, le moyen tiré de l'article 1792-4 du code civil est inopérant, le vitrage litigieux ne répondant pas aux conditions d'application de cette disposition de sorte que la présomption de responsabilité au titre de la garantie décennale ne peut être étendue à la société AGC Mirest.

Aussi, convient-il de confirmer le jugement de ce chef.

Sur l'obligation à la dette,

Dès lors que l'action en responsabilité décennale peut intégralement prospérer à l'encontre du poseur et non à l'encontre du fabricant, il convient de dire que la société Astrometal a engagé sa responsabilité décennale à concurrence de l'intégralité du préjudice et qu'il n'y a pas lieu d'examiner la responsabilité contractuelle ou la garantie des vices cachés, lesquels fondements n'ont été développés par les maîtres de l'ouvrage qu'à titre subsidiaire.

Sur la garantie de la société Groupama,

La société Groupama ne dénie pas sa garantie en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Astrometal, liquidée à ce jour.

Il résulte toutefois des conditions particulières du contrat d'assurance qu'elle ne garantit pas les dommages immatériels et qu'elle est fondée à opposer aux tiers une franchise, même dans le cadre d'une garantie obligatoire.

Infirmant le jugement de ce chef et statuant à nouveau, la cour condamnera la société Groupama à l'encontre M. [O] [K] et Mme [J] [D] au titre de leur préjudice subi en raison du désordre affectant leur double vitrage.

Sur le préjudice indemnisable,

Enoncé des moyens des parties,

M. [K] et Mme [D] exposent que leur préjudice correspond au remplacement du vitrage qui est resté à leur charge pour un coût de 10 458 euros TTC. Ils ajoutent qu'en raison de ce litige, M. [K] a dû prendre des journées de congés, perdant ainsi quatre jours de salaire, chacun d'un montant de 170,86 euros. Ils expliquent par ailleurs avoir subi un préjudice moral en raison de la durée du litige.

La société Groupama réplique que le préjudice moral sollicité n'entre pas dans la définition du dommage immatériel stipulée dans les conditions générales de sa garantie. Elle souligne en outre que celui-ci n'est justifié ni dans son principe, ni dans son quantum.

Réponse de la cour,

Il résulte du rapport d'expertise que le préjudice matériel indemnisable s'évalue à hauteur de remplacement total du vitrage en vue d'une réparation intégrale, et dont l'expert présente et valide une facture établie le 27 juin 2017 par la société Art de l'habitat de 10 548 euros TTC.

Il y a donc lieu d'évaluer le préjudice matériel subi par M. [O] [K] et Mme [J] [D] à concurrence de cette somme, au paiement de laquelle la société Groupama sera condamnée, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision en application de l'article 1231-7 du code civil, s'agissant d'une condamnation indemnitaire.

Le préjudice invoqué par M. [O] [K] et Mme [J] [D] consistant dans la perte de salaire de M. [O] [K] n'étant pas justifié dans son montant, il ne peut pas faire l'objet d'une réparation et sera par conséquent rejeté. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Enfin, la faute commise par la société Astrometal a nécessairement causé un préjudice moral à M. [O] [K] et Mme [J] [D], qui ont dû recourir à une expertise amiable, une expertise judiciaire, et finalement engager la présente procédure, depuis l'année 2015.

Aussi, convient-il d'évaluer le préjudice moral ainsi subi par les maîtres de l'ouvrage à la somme de 600 euros.

Le jugement sera confirmé sur cette évaluation.

Toutefois, comme il a été vu supra, la société Groupama ne couvrant pas le préjudice moral, cette demande ne saurait prospérer.

Sur l'appel en garantie de la société Groupama à l'encontre de la société AGC Mirest

Enoncé des moyens des parties

La société Groupama, en sa qualité d'assureur de la société Astrometal, forme un recours en garantie à l'encontre de la société AGC Mirest d'une part sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, considérant que les baies vitrées relèvent d'éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire des fabricants et, d'autre part, sur le fondement de la garantie des vices cachés, le vice consistant en un défaut de collage, effectué en usine, intrinsèque au vitrage et imputable à un défaut de fabrication.

Elle énonce que la découverte du vice est intervenue lors du dépôt du rapport d'expertise, de sorte que l'action a été intentée dans le délai de 2 ans ainsi que dans le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce. Elle indique que l'expert a expliqué la localisation spécifique du phénomène et que le désordre a pu être découvert tardivement car M. [Z] [S], précédent propriétaire, n'a habité la maison que durant six mois, celle-ci étant ensuite restée inhabitée jusqu'en 2015.

La société AGC Mirest répond que l'appel en garantie de la société Groupama à son encontre date de ses conclusions du 10 septembre 2018, soit plus de 5 ans après l'acquisition de la prescription de droit commun (20 juin 2013). Elle ajoute que l'assignation en référé expertise que la société Groupama a délivrée le 24 mars 2017 n'a pu interrompre la prescription puisque cette action en justice est intervenue postérieurement à l'expiration du délai de prescription de droit commun.

Sur le fond, elle expose, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, qu'aucun défaut de fabrication du vitrage n'est démontré, puisqu'un tel défaut aurait dû se manifester sur la totalité du double-vitrage et dès la fabrication de celui-ci, non sept ans après. Elle rappelle que l'expert judiciaire attribue les désordres constatés aux fissures causées par le défaut de pose reproché à la SARL Astrometal, ce qui exclut l'hypothèse d'un défaut de fabrication inhérent au vitrage. Elle conclut enfin qu'à supposer l'existence d'un défaut d'assemblage, un tel vice aurait été apparent pour la SARL Astrometal lors de l'achat du vitrage, en sa qualité de professionnel du verre. Selon elle, ce caractère apparent est opposable à M. [O] [K] et Mme [J] [D], puisque le fabricant peut opposer au sous-acquéreur tous les moyens de défense dont il dispose à l'encontre de son co-contractant.

Réponse de la cour,

La compagnie Groupama étant subrogée dans les droits de la société Astrometal, elle se retrouve dans la même position que celle de son assurée vis-à-vis de la société AGC Mirest.

La société AGC Mirest peut donc opposer à la compagnie Groupama subrogée dans son droit d'invoquer les moyens de défense qu'elle aurait pu opposer à la société Astrometal, si cette dernière avait agi contre elle.

La société Astrometal étant liée à la société AGC Mirest par un contrat de vente, la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement de l'appel en garantie formé par la compagnie Groupama à son encontre, dès lors que la compagnie Groupama fait valoir que le défaut d'étanchéité du vitrage fourni par la société AGC Mirest serait la cause unique des désordres, ce qui doit être qualifié de vice caché.

En conséquence, la société Groupama ne peut rechercher la responsabilité de la société AGC Mirest, dans le cadre de son recours en garantie, qu'au visa des articles 1641 et suivants du code civil.

Sur la recevabilité de cet appel en garantie de la compagnie Groupama, l'article L. 110-4 du code de commerce dispose que « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ».

La loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 a ramené la prescription de droit commun de dix à cinq ans. Les mesures transitoires prévoyaient que les dispositions législatives qui réduisaient la durée de la prescription s'appliquaient aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

L'article 1648 précise en outre que « l'action sur le fondement des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ».

Le point de départ de la prescription de droit commun, en matière de vente, se situe à la date de la vente initiale, qu'il s'agisse de la garantie des vices cachés ou de la garantie pour délivrance conforme.

S'agissant enfin de l'interruption du délai de prescription, elle peut résulter d'une citation en justice et notamment d'une assignation en référé tendant à obtenir une mesure d'instruction. Mais l'effet interruptif d'une citation en justice revêt un caractère relatif et ne profite donc qu'à celui qui agit, vis-à-vis du vendeur assigné.

En l'espèce, le vitrage incriminé a été vendu par la société AGC Mirest à la société Astrometal le 7 mai 2008.

Pour ce vitrage, l'action en garantie des vices cachés aurait dû être exercée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, soit le 10 octobre 2016.

Or, l'appel en garantie de la société Groupama date de ses conclusions du 10 septembre 2018, soit plus de deux ans après l'acquisition de la prescription propre à l'action en garantie des vices cachés.

L'assignation en référé expertise que la société Groupama a délivrée le 24 mars 2017 n'a pu interrompre la prescription puisque cette action en justice est intervenue postérieurement à l'expiration du délai de prescription de droit commun.

Il s'ensuit que le recours en garantie de la compagnie Groupama est frappé de prescription en ce qu'il n'a pas été intenté dans le délai de l'article 1648 du code civil, de sorte qu'il ne pourra prospérer.

Sur les frais du procès,

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Groupama, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

La cour condamnera la société Groupama au paiement d'une indemnité de procédure de 4 000 euros correspondant aux frais exposés par les consorts [K] et [D] prévus par l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient par ailleurs de rejeter les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 précité.

Dispositif,

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Constate d'office la caducité de la déclaration d'appel interjetée à l'encontre de la SARL Astrometal ;

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il :

Rejette la demande de M. [K] et Mme [D] envers la société AGC Mirest au titre des journées de congés de M. [K],

Rejette les demandes en garantie de la société AGC Mirest à l'encontre de la société Groupama ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Groupama Paris Val-de-Loire à payer à M. [K] et Mme [D] la somme de 10 548 euros en réparation du désordre affectant la baie vitrée ;

Rejette la demande de M. [K] et Mme [D] envers la société Groupama Paris Val-de-Loire au titre des journées de congés de M. [K] ;

Rejette les demandes de M. [K] et Mme [D] à l'encontre de la société Groupama Paris Val-de-Loire au titre de leur préjudice moral ;

Déclare irrecevable comme prescrit le recours en garantie de la société Groupama Paris Val-de-Loire à l'encontre de la société AGC Mirest ;

Condamne la société Groupama Paris Val-de-Loire aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Groupama Paris Val-de-Loire à payer à M. [K] et Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code précité.