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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 7 novembre 2023, n° 20/02342

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Iad France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

M. Sousa, Mme Grua

Avocats :

Me Laval, Me Laval, Me Desplanques, Me de Araujo, Me Beaufreton, Me Rabilier, Me Devauchelle, Me Dechezlepretre Desrousseaux

TJ Montargis, du 15 oct. 2020

15 octobre 2020

FAITS ET PROCEDURE :

Le 22 octobre 2016, Mme. [I] [R] [F] épouse [A] (ci-après Mme [R] [F]) a confié un mandat de recherche à la société IAD France, représentée par Mme. [Y] [K] veuve [B] (ci-après Mme [B]), portant sur un bien à rénover à [Localité 15]..

Le 22 octobre 2016, un compromis de vente a été reçu par Maître [W] [H], notaire à [Localité 13] (45), portant sur la vente à Mme [R] [F] par Mme [D] [C] épouse [J] et MM. [X] et [G] [C] ci-après (les consorts [C]) d'un terrain comportant un bâtiment à usage d'atelier situé à [Localité 15].

Le 22 décembre 2016, Mme [R] [F] a déposé une demande de permis de construire à la mairie de [Localité 15] afin de réaliser les travaux nécessaires à la transformation de l'atelier en maison d'habitation.

Par acte authentique en date du 16 janvier 2017, reçu par Maître [H], notaire, Mme. [R] [F] a acquis ce bien au prix de 30 000 €.

Le 19 mai 2017, le maire de [Localité 15] a indiqué qu'en vertu des dispositions des articles A2.3 et A3.3 du PPRI, le changement de destination, consistant à aménager un logement dans un local artisanal désaffecté, n'était pas autorisable.

Par acte d'huissier en date du 2 août 2017, Mme.[R] [F] a fait assigner les consorts [C] et M. [H] aux fins de voir prononcer la nullité de la vente.

M. [X] [C] est décédé le 27 décembre 2017, laissant pour seuls héritiers son frère et sa sœur, déjà dans la cause.

Par acte d'huissier en date du 17 octobre 2018, M. [H] a fait assigner en intervention forcée la société IAD France.

Par acte d'huissier en date du 28 février 2019, la société IAD France a fait assigner en intervention forcée et en garantie Mme [Y] [B].

Par jugement en date du 15 octobre 2020, le tribunal judiciaire de [Localité 15] a :

- débouté Mme. [A] de sa demande de nullité de vente,

- débouté en conséquent Mme. [A] de sa demande de restitution du prix et remboursement des frais d'acte,

- dit que Me [H] n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité à l'égard de Mme. [A],

- débouté Mme. [A] de sa demande en réparation de son préjudice moral à l'encontre de Me [H],

- débouté Mme. [A] de sa demande en paiement du carrelage,

- dit que la société Iad France a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de Mme. [A],

- condamné la société Iad France à rembourser à Mme. [A] la commission de 5 000 €,

- condamné la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice moral,

- condamné Mme. [A] et la société Iad France aux dépens,

- condamné Mme. [A] à verser aux consorts [C], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de M. [X] [C] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme. [A] à verser à Me [H] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme. [B] à relever et garantir la société Iad France de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Par déclaration d'appel en date du 17 novembre 2020, Mme. [R] [F] a relevé appel de l'intégralité de ce jugement sauf en ce qu'il dit que la société IAD France a manqué à ses obligations d'information et de conseil et en ce qu'il condamne la société Iad France à rembourser à Mme. [A] la commission de 5 000 €.

Par actes des 11 décembre et 18 décembre 2020, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.

Ces procédures ont été jointes par ordonnance du 28 janvier 2021 sous le numéro 20/2342.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2021, Mme [R] [F] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de [Localité 15] du 15 octobre 2020 en ce qu'il a:

- débouté Mme. [A] de sa demande de nullité de vente,

- débouté en conséquent Mme. [A] de sa demande de restitution du prix et remboursement des frais d'acte,

- dit que Me [H] n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité à l'égard de Mme. [A],

- débouté Mme. [A] de sa demande en paiement du carrelage,

- condamné la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice moral,

- condamné Mme. [A] et la société Iad France aux dépens,

- condamné Mme. [A] à verser aux consorts [C], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de M. [X] [C] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme. [A] à verser à Me [H] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes ses demandes plus amplesStatuant à nouveau :

- dire et juger que Mme. [A] a commis une erreur sur les qualités essentielles du bien acquis par acte authentique reçu par Me [H], auprès des consorts [C], ayant vicié son consentement à la vente,

- prononcer en conséquence l'annulation de la vente conclue par acte authentique du 16 janvier 2017 de Me [H], entre Mme. [A] et les consorts [C], portant sur un terrain avec un bâtiment à usage d'ancien atelier situé [Adresse 14] à [Localité 15] et cadastré section [Cadastre 11], lieudit « [Adresse 14] » pour 03a et 62ca,

- ordonner la publication de la décision à intervenir auprès du service de la publicité foncière de [Localité 15],

- dire et juger que Mme. [A] devra restituer le bien immobilier aux vendeurs et condamner solidairement les consorts [C], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de M. [X] [C], à restituer à Mme. [A] la somme de 30 000 € correspondant au prix de vente du bien, outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et anatocisme dans les conditions de l'article 1343-2 nouveau du code civil ainsi que la quote-part de l'impôt taxes foncières qu'elle leur a payée à hauteur de 370 €, l'impôt taxes foncières 2018 d'un montant de 805 € et l'impôt taxes foncières 2019 d'un montant de 905 €,

- dire et juger que Me [W] [H] a commis une faute dans le cadre de la vente du bien à l'origine d'un préjudice pour Mme. [A] engageant sa responsabilité,

- condamner solidairement Me [H] et la société Iad France à garantir le paiement de la somme de 30 000 € due par les consorts [C], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de M. [X] [C], au titre de la restitution du prix de vente et des taxes foncières, à la mesure de leur insolvabilité,

- condamner Me [H] à restituer à Mme. [A] les frais d'acte perçus à l'exclusion des droits restituables par le Trésor public, soit la somme de 1 290,52 € outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation et anatocisme dans les conditions de l'article 1343-2 nouveau du code civil,

- condamner solidairement Me [H] et la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 667,95 € correspondant au coût du carrelage qu'elle a acquis et qu'elle ne peut utiliser en raison de l'infaisabilité de son projet,

- condamner solidairement Me [H] et la société Iad France à verser à Mme. [A], la somme de 5 000,00 € en réparation de son préjudice moral,

- condamner in solidum les consorts [C], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de M. [X] [C], Me [H] et la société Iad France à verser à Mme. [A], la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel,

- condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de publication au service de la publicité foncière de l'assignation et de la décision à intervenir.

- confirmer le jugement pour le surplus et notamment en ce qu'il a :

- dit que la société Iad France a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de Mme. [A] ;

- condamner la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 5000,00 € correspondant à la commission d'agence acquittée inutilement par cette dernière dans le cadre de l'acquisition du bien.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 12 février 2021, la société IAD France demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté Mme. [A] de sa demande de nullité de vente,

- débouté en conséquent Mme. [A] de sa demande de restitution du prix et remboursement des frais d'acte,

- débouté Mme. [A] de sa demande en paiement du carrelage,

- condamné Mme. [A] à verser aux consorts [C], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de M. [X] [C] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme. [A] à verser à Me [H] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme. [B] à relever et garantir la société Iad France de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que Me [H] n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité à l'égard de Mme. [A]

- dit que la société Iad France a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de Mme. [A],

- condamné la société Iad France à rembourser à Mme. [A] la commission de 5 000 €,

- condamné la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice moral,

- condamné Mme. [A] et la société Iad France aux dépens,

- condamné la société Iad France à verser à Mme. [A] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant de nouveau :

- rejeter les demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société Iad France,

- rejeter les demandes d'indemnisation formulées par Madame [A] qui ne justifie d'aucun préjudice,

- condamner Madame [Y] [B] à relever et garantir la société Iad France de toutes condamnations qui pourraient, par impossible, être prononcées à son encontre au profit de Madame [A] ou de toutes autres personnes.

- condamner Mme. [B] et Me [H] ou tout succombant à payer à la société Iad France la somme de 5 000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Lavillat Bourgon, avocat aux offres de droit en applications des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2021, les consorts [C] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

- débouté Mme. [A] de sa demande en nullité de la vente ;

- débouté en conséquence Mme. [A] de sa demande en restitution du prix et remboursement des frais d'acte ;

- condamné Mme. [A] à verser aux consorts [C], tant en leurs noms personnels qu'en leur qualité d'héritiers de M. [X] [C], la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau :

- rejeter les demandes fins et conclusions formulées à l'encontre des consorts [C],

- condamner Mme. [A] en sa qualité de demanderesse aux entiers dépens de l'instance,

- condamner Mme. [A] à verser la somme de 2 500 euros à chacun des consorts [C], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement si la nullité de la vente était prononcée,

- condamner solidairement tout succombant à réparer toutes les conséquences dommageables résultant de l'annulation de la vente,

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 5 mai 2021, M. [H] demande à la cour de :

- recevoir Me [H] en ses conclusions, le déclarer bien fondé,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Par conséquent,

- constater que le notaire n'a commis aucune faute ayant engagé sa responsabilité,

A titre subsidiaire,

- condamner Mme. [B] et la société Iad France à relever indemne Me [H] de toute condamnation qui serait mise à sa charge,

- confirmer la condamnation de 1ère instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et sur le même fondement,

- condamner Mme. [A] à verser la somme de 3 000 euros, outre les entiers dépens d'instance de première instance et d'appel.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2021, Mme. [B] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de [Localité 15] rendu le 15 octobre 2020 en ce qu'il a condamné Mme. [B] à relever et garantir la société Iad France de toutes les condamnations prononcées à son encontre, en ce qu'il a dit que Me [H] n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité à l'égard de Mme. [A] et en ce qu'il a débouté Mme. [B] de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que Mme. [B] n'a commis aucune faute,

- dire et juger que la société Iad France, Me [H], les consorts [C] ne justifient pas de leurs préjudices et d'un lien de causalité,

- débouter la société Iad France de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Mme. [B],

- débouter Me [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Mme. [B],

- débouter les consorts [C] de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Mme. [B],

- condamner Me [H] à garantir et à relever indemne Mme. [B] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société Iad France et/ ou des consorts [C] ou de toutes autres parties,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la société Iad France, Me [H], les consorts [C] ou tous succombant à payer à Mme. [B] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société Iad France, Me [H], les consorts [C] ou tous succombant aux entiers dépens de l'instance,

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 juin 2023.

MOTIFS,

Sur l'annulation de la vente pour erreur,

Moyens,

Moyens des parties,

Mme [R] [F] fait valoir qu'elle souhaitait acheter un bien à rénover pour y habiter avec ses enfants, ainsi qu'il résulte du mandat de recherche signé avec l'agent immobilier qui porte sur "un bien à rénover sur [Localité 15]", que l'agent immobilier lui a fait visiter un atelier désaffecté dont l'annonce précisait qu'il pouvait être transformé en habitation, qu'elle a déposé une demande de permis de construire le 22 décembre 2016, mais que la mairie lui a indiqué, postérieurement à la signature de l'acte authentique, que cet atelier ne pourrait pas, en raison du Plan de Prévention du Risque Inondation de la vallée du Loing, être affecté à usage d'habitation, pas plus qu'il ne pourrait être rénové, même en conservant l'usage d'atelier, de sorte qu'elle ne peut rien en faire. Elle estime qu'elle a commis une erreur sur les qualités substantielles du bien acquis en pensant acheter un bien pouvant être rénové en habitation.

Les consorts [C] répondent que :

- il n'est pas établi que la possibilité de transformer l'atelier en habitation soit entrée dans le champ contractuel et que Mme [R] [F] a acheté ce bien avec l'intention de le transformer en habitation, puisqu'elle a parfaitement pu vouloir acheter le bien en l'état pour le terrain ou son emplacement, qu'ils n'ont passé aucune annonce en vue de la vente de leur bien et que c'est l'agent immobilier, Mme [B], qui s'est rapprochée de M. [G] [C] pour lui demander si le bien était à vendre car elle avait un acheteur potentiel. Ils ajoutent que ce projet n'a nullement été mentionné dans le compromis de vente du 22 octobre 2016, et qu'il est surprenant que l'agent immobilier, Mme [B], n'ait pas été attrait à la cause en première instance par Mme [R] [F];

- à supposer même que Mme [R] [F] ait acheté ce bien pour le transformer en habitation, elle n'a pas demandé au notaire de reporter la date de la signature dans l'attente de la réponse à sa demande de permis de construire, ni sollicité l'insertion d'une condition suspensive dans le compromis de vente, de sorte qu'elle a accepté cet alea puisqu'elle ne pouvait ignorer que le permis de construire pouvait être refusé ;

- enfin, l'erreur le cas échéant commise par Mme [R] [F] est inexcusable, celle-ci ayant manqué à son obligation de se renseigner. L'acte de vente et ses annexes mentionnent en effet que le bien se situe dans une zone inondable soumise au PPRI, et Mme [R] [F] avait donc accès à toutes les informations utiles sur le fait qu'un tel projet n'était pas envisageable.

Réponse de la cour,

En application de l'article 1130 du code civil :

« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ».

L'article 1131 du code civil dispose :

Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L'article 1132 du code civil dispose :

L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

Selon l'article 1133 du code civil :

Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.

Par application de l'article 1132 du code civil, l'erreur doit donc porter sur une qualité essentielle de la prestation. Les qualités essentielles sont, selon l'article 1133 du même code, celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

Mme [R] [F] soutient qu'elle a commis une erreur en pensant à tort avoir acheté un bien pouvant être rénové en habitation, alors que le bien ne peut ni être transformé en habitation, ni même être rénové en atelier.

Il convient en premier lieu de relever que le seul document qu'elle produit pour justifier de ce qu'elle n'a pas pu faire les travaux envisagés est un courrier du maire de [Localité 15] en date du 19 mai 2017, adressé à un notaire, indiquant que le changement de destination, consistant à aménager un logement dans un local artisanal désaffecté, n'est pas autorisable compte tenu du PPRI. Il n'en résulte donc nullement que la rénovation de l'atelier sans changement de sa destination n'aurait pas été autorisé.

S'agissant du changement de destination en immeuble à usage d'habitation, il résulte en revanche de ce courrier qu'il n'était pas possible.

Toutefois, ni le compromis de vente, ni l'acte de vente définitif ne mentionnent l'intention de Mme [R] [F] de transformer l'atelier en logement. Si la promesse de vente mentionne que le bien est à usage d'habitation et que l'acquéreur entend le conserver, il ne peut s'agir là que d'une erreur de plume puisque cet acte mentionne par ailleurs la présence sur le terrain d'un bâtiment à usage d'atelier, et qu'il est en outre acquis aux débats que le bien était à usage d'atelier, ce que Mme [R] n'ignorait pas puisqu'elle l'avait visité.

L'acte définitif de vente précise au contraire, dans le paragraphe "Usage du bien" que 'Le vendeur déclare que le bien est actuellement à usage d'atelier. L'acquéreur entend conserver cet usage. Mme [R] [F] ne produit aucun élément démontrant qu'elle aurait été dans l'incapacité de lire et de comprendre cet acte, qu'elle a signé.

Il n'est donc pas fait état dans les actes en cause de l'intention de l'acquéreur de transformer l'atelier en logement, qui n'a donc pas été expressément convenue.

Et aucun des éléments produits n'est de nature à établir que cette intention de l'acquéreur aurait été tacitement convenue avec les vendeurs, à défaut de tout élément démontrant qu'ils auraient été informés de cette intention.

Il convient à cet égard de préciser que Mme [B] indique, dans le mail produit par Mme [R] en pièce n°6 qu'elle a lors de la promesse averti "le notaire" de la volonté de Mme [R] [F] de rénover le bien pour y faire sa résidence, Toutefois, d'une part cette allégation est contestée par le notaire et n'est corroborée par aucun autre élément de preuve, étant précisé que les vendeurs eux-mêmes n'étaient pas présents mais représentés lors de la signature de la promesse comme de l'acte de vente définitif, de sorte que rien n'indique que cette information a été portée à leur connaissance.

Mme [R] [F] affirme encore sans aucunement le justifier que l'annonce portant mise en vente de ce bien comportait la mention d'un bien à rénover, annonce dont l'existence même est contestée par les vendeurs et dont Mme [R] [F] ne prouve pas l'existence.

Enfin, si le mandat de vente que Mme [R] [F] a consenti à Mme [B] porte sur un 'bien à rénover', les vendeurs n'étaient pas partis à cet acte et il n'est pas établi qu'ils en ont eu connaissance. En effet, si la promesse de vente vise le mandat de recherche, son contenu n'est pas détaillé et il n'est nullement mentionné qu'il portait sur un "bien à rénover".

En conséquence, Mme [R] [F] ne démontre pas que l'erreur dont elle se prévaut porte sur une qualité essentielle ayant été expressément ou tacitement convenue par les parties.

Il sera surabondamment relevé qu'en outre, Mme [R] [F], qui achetait ce bien pour y faire des travaux soumis à l'obtention d'un permis de construire a, en ne conditionnant pas la réitération de la vente à l'obtention d'un tel permis, accepté d'acheter le bien nonobstant l'alea portant sur l'obtention du permis de construire, alea d'autant plus fort que le bien se trouve dans une zone de PPRI lequel était annexé au compromis de vente, de sorte qu'elle a accepté de prendre le risque de se retrouver propriétaire d'un bien qu'elle ne pouvait transformer en logement et donc accepté cet alea, lequel exclut l'erreur relative à cette qualité.

En considération de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la vente pour erreur.

Sur la responsabilité de l'agent immobilier,

Moyens des parties,

Mme [R] [F] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société IAD France. Elle soutient en effet que Mme [B] était parfaitement informée de son projet et qu'il lui appartenait de s'assurer que la vente correspondait à l'objet de son mandat. Elle aurait dû attirer son attention sur les obstacles liés au certificat d'urbanisme, et pousser ses investigations plus avant pour se renseigner sur la faisabilité de la transformation de l'atelier en logement. Elle aurait dû également conseiller l'insertion dans l'acte de vente d'une condition suspensive liée à l'obtention du permis de construire.

La société IAD France sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu qu'elle a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de Mme [R] [F] et l'a condamnée à lui rembourser la commission de 5000 euros et à lui verser une somme de 1000 euros en réparation de son préjudice moral.

Réponse de la cour,

Selon mandat de recherche en date du 22 octobre 2016, Mme [R] [F] épouse [A] a donné à la société IAD France, représentée par Mme [B], mandat de rechercher pour son compte un bien à rénover sur [Localité 15], au prix de 30 000 à 40 000 euros, en contrepartie de la perception d'une commission de 5000 euros.

La société IAD France avait connaissance, puisque tel est l'objet du mandat de recherche, de ce que Mme [R] [F] recherchait un "bien à rénover". Le confirment d'ailleurs les échanges de mail entre Mme [B], représentant la société IAD France, et Mme [R] [F].

En sa qualité de professionnel, l'agent immobilier est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil vis-à-vis de son mandant.

Or en l'espèce, la société IAD France, bien qu'informée du souhait de Mme [R] [F] d'acheter un bien en vue de le rénover, ne justifie nullement avoir informé Mme [R] [F] des aleas pesant sur une telle opération, tenant notamment au fait qu'une telle opération était soumise à l'obtention d'un permis de construire, sans aucune certitude quant à son obtention en particulier dans une zone soumise, comme l'est la commune Montargoise, à un plan de prévention des risques d'inondation.

Elle ne prouve pas davantage avoir attiré l'attention du notaire sur les intentions de sa cliente, ce que M. [H] conteste. Le seul mail de Mme [B] dans lequel elle déclare 'oui effectivement lors de la promesse le notaire a bien été averti que vous souhaitiez acquérir le bien en vue d'y faire une rénovation et d'y faire votre résidence' est insuffisant à rapporter cette preuve à défaut de tout élément de nature à le corroborer.

Motivation,

Elle ne justifie pas davantage, alors qu'elle était informée des intentions de Mme [R] [F], lui avoir conseillé de subordonner la signature de l'acte définitif à l'obtention du permis de construire, autrement dit de prévoir dans le compromis une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire.

Elle a, ce faisant, manqué à son obligation d'information et de conseils, de sorte qu'ayant commis des fautes dans l'exécution de son mandat, sa responsabilité contractuelle se trouve engagée à l'égard de Mme [R] [F].

Sur l'indemnisation du préjudice,

Mme [R] [F] demande que la société IAD France soit condamnée à la garantir de l'insolvabilité éventuelle des consorts [C], tenus de restituer le prix de vente.

La vente n'étant pas annulée, les vendeurs ne sont pas condamnés à restituer le prix de vente et cette demande est dès lors sans objet.

Mme [R] [F] sollicite également la condamnation de la société IAD France à lui payer une somme de 5000 euros correspondant à la commission d'agence qu'elle a acquittée inutilement compte tenu de l'annulation de la vente.

Toutefois, la vente n'est pas annulée et la restitution de la commission ne peut pas être ordonnée par voie de conséquence de l'annulation du contrat principal.

Cette commission a été versée en exécution d'un contrat de mandat qui n'a pas été annulé. La mauvaise exécution du mandat de recherche confié à la société IAD France ne peut donner lieu qu'à l'indemnisation du préjudice qui en est résulté, mais non à la restitution de la commission versée.

La demande de Mme [R] [F] à ce titre ne peut qu'être rejetée.

Mme [R] [F] sollicite également la condamnation de la société IAD France à lui verser une somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral compte tenu des fortes inquiétudes engendrées par la situation et de la déception liée à la non-réalisation de son projet.

Force est de constater que Mme [R] [F] est propriétaire depuis six ans d'un bien immobilier à usage d'atelier qui n'est pas conforme à ce qu'elle souhaitait et qu'elle n'a pas pu rénover et y habiter. Outre la déception de voir son projet échouer, cette acquisition immobilise depuis plusieurs années des fonds qu'elle ne peut affecter à la réalisation d'un autre projet.

Elle a donc subi un préjudice moral important, qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 5000 euros qu'elle sollicite à ce titre.

Mme [R] [F] sollicite également le remboursement d'une somme de 667,95 euros correspondant à l'achat de carrelages en vue de la rénovation envisagée.

Toutefois, d'une part il résulte des échanges de mail avec Mme [B] que ce carrelage est à la disposition de Mme [R] [F] qui en est toujours propriétaire de sorte qu'il n'est pas démontré qu'elle subit un préjudice à ce titre, et en tout état de cause, la faute de la société IAD France n'est pas à l'origine de ce préjudice qui résulte de l'acquisition par Mme [R] [F] de matériaux de construction avant même d'obtenir le permis de construire, en dépit de l'alea portant sur sa délivrance.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les demandes de la société IAD France contre Mme [B],

Moyens des parties,

La société IAD France soutient que la responsabilité de Mme [B] est engagée à son égard puisque les griefs formulés à l'encontre de la société IAD France ont été en réalité commis par Mme [B], avec laquelle elle est liée par un contrat d'agent commercial.

Mme [B] fait valoir que :

- la société IAD France n'invoque aucun manquement de sa part au contrat d'agent commercial qui les lient ,

- le notaire a été informé du projet de Mme [R] [F] de rénover le bien pour y habiter, c'était donc à lui qu'il appartenait d'informer et de conseiller Mme [R] [F] sur la faisabilité du projet envisagé et de s'assurer de l'efficacité de ses actes en prévoyant les conditions suspensives nécessaires. Ce n'était pas à elle de conseiller l'insertion d'une condition suspensive dans le compromis.

Réponse de la cour,

Il résulte des pièces produites qu'un contrat d'agent commercial a été signé le 2 mai 2014 entre la société IAD France, mandant, et Mme [B] [Y], agent commercial mandataire.

Ce contrat est régi par les dispositions des articles L. 134-1 et L. 134-17 du code de commerce.

En application de l'article L. 134-4, al.3 du code de commerce :

"L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel".

Il engage donc sa responsabilité à l'égard de son mandant lorsqu'il ne respecte pas cette obligation.

Or en l'espèce, Mme [B], en présentant à Mme [R] [F] qui recherchait, au terme du mandat, un "bien à rénonver", un bien qui ne pouvait pas l'être conformément à son souhait, en ne l'informant pas des risques pesant sur l'acquisition de ce bien et en ne la conseillant pas sur les dispositions à prendre pour se prémunir des aleas pesant sur l'opération envisagée, Mme [B] n'a pas exécuté son mandat en bon professionnel.

Elle a donc manqué à ses obligations contractuelles, de sorte que sa responsabilité contractuelle se trouve engagée à l'égard de son mandant.

La société IAD France est donc fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice qui résulte pour elle des manquements contractuels de Mme [B], préjudice constitué par les sommes qu'elle est condamnée à verser à Mme [R] [F].

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne Mme [B] à garantir la société IAD France des condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme [R] [F].

Sur la responsabilité du notaire,

Moyens des parties,

Mme [R] [F] fait valoir que la responsabilité du notaire est engagée en ce qu'il est tenu d'un devoir d'information et de conseil et doit, avant de dresser les actes de vente, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'efficacité des actes. Elle soutient que M.[H], notaire, était parfaitement informé de son projet de réhabilitation de l'ancien atelier en maison d'habitation, ce que confirment les mails de Mme [B] et qu'il aurait dû l'informer de ce que son projet n'était pas réalisable.

Mme [B] fait valoir que M. [H] connaissait les intentions de Mme [R] [F], et qu'il a failli à son obligation d'information et de conseil en ne proposant pas l'insertion d'une condition suspensive. Elle en déduit qu'il doit être condamné à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

M. [H], notaire, soutient qu'il n'a pas été informé du projet prétendu de Mme [R] [F], de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée. Il expose qu'aucun des actes qu'il a établis ne mentionne un quelconque projet de transformation. Il ajoute que le notaire n'est pas tenu de vérifier la possibilité de procéder à un changement de destination de l'immeuble vendu qui n'est pas mentionné à l'acte et dont il n'a pas été avisé. Il ajoute qu'il était certain qu'un tel projet n'était pas envisageable au regard du certificat d'urbanisme annexé à l'acte de vente, mentionnant le fait que le bien était concerné par un PPRI. Il ajoute que contrairement que ce que soutient Mme [R] [F], il a bien lu l'acte de vente lors de sa signature.

Réponse de la cour

Le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui.

Il lui appartient d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il prête son concours.

En revanche, le notaire chargé de dresser un acte de vente immobilière n'est pas tenu de vérifier la possibilité de procéder à un changement de destination de l'immeuble vendu qui n'est pas mentionné à l'acte et dont il n'a pas été avisé, à moins qu'il n'ait pu raisonnablement l'ignorer (1ère Civ., 29 mars 2017, n° 15-50.102).

Le changement de destination de l'immeuble vendu n'est en l'espèce pas mentionné dans les actes reçus par M. [H], et il n'est pas établi qu'il a été avisé des projets de Mme [R] [F], ainsi que précédemment exposé.

Il ne saurait non plus être considéré qu'il n'a pu raisonnablement les ignorer, alors que rien n'indique qu'il disposait d'éléments lui permettant de savoir que Mme [R] [F] souhaitait transformer cet atelier en logement.

Il n'était dès lors pas tenu de vérifier la possibilité de procéder à un changement de destination qu'il ignorait, et il ne peut davantage, pour la même raison, se voir reprocher de ne pas avoir conseillé l'insertion d'une condition suspensive alors qu'il ignorait les projets de Mme [R] [F].

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre M. [H].

Sur les demandes accessoires,

Mme [R] [F], la société IAD France et Mme [B] seront tenues in solidum des dépens de la procédure d'appel.

Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes formées à ce titre seront rejetées.

Dispositif,

PAR CES MOTIFS,

Statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris sauf en ce qu'il condamne la société IAD France à rembourser à Mme [R] [F] la commission de 5000 euros et à lui verser une somme de 1000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

REJETTE la demande de Mme [R] [F] tendant au remboursement de la somme de 5000 euros versée au titre de la commission d'agence ;

CONDAMNE la société IAD France à verser à Mme [R] [F] une somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral ;

REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société IAD France et Mme [B] aux dépens de la procédure d'appel.