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Décisions

Cass. com., 25 octobre 2023, n° 22-18.680

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Fonds commun de titrisation Cedrus, MCS et associés (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Boutié

Avocats :

Yves et Blaise Capron (SCP), Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Amiens, du 19 avr. 2022

19 avril 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2022, RG n° 19/06554), la société [E] et fils (la société [E]) a ouvert dans les livres de la Société générale (la banque), aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus (le FCT), un compte bancaire et souscrit auprès de cette banque plusieurs concours, en garantie desquels M. [E] s'est rendu caution.

2. Le 18 novembre 2011, la société [E] a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 18 janvier 2013.

3. Le 6 janvier 2012, la banque a déclaré au passif ses créances, qui ont été admises par une ordonnance du 29 mai 2013, confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015.

4. Le 30 avril 2013, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement.

5. Le 13 janvier 2017, la liquidation judiciaire de la société [E] a été clôturée pour insuffisance d'actif.

6. Le 30 août 2018, la banque a délivré à la caution une nouvelle assignation en exécution de son engagement.

7. Statuant sur l'assignation délivrée le 30 avril 2013, un jugement du 5 octobre 2018 a constaté le désistement d'instance de la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le FCT fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action initiée par la banque à l'égard de M. [E], alors « que la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à une demande en justice résultant de l'application des dispositions de l'article 2243 du code civil ne s'étend pas à une instance distincte de celle dont le demandeur s'est désisté, qui est atteinte de péremption ou qui s'est achevée par le rejet définitif de la demande ; que, d'autre part, la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution, et ce jusqu'à la clôture de la procédure collective ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer prescrite l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], que, par un jugement définitif en date du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Amiens, saisi de la demande en paiement formée le 30 avril 2013 par la Société générale contre la caution, avait constaté le désistement d'instance de la Société générale à l'égard de M. [E], quand elle retenait elle-même que la déclaration de créance de la Société générale en date du 6 janvier 2012 au passif du débiteur principal, la société [E] et fils, avait interrompu théoriquement le délai de prescription de cinq ans à l'égard de la caution, M. [E], jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la procédure collective à laquelle était soumise la société [E] et fils, et quand il en résultait que, nonobstant la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à la demande en paiement en date du 30 avril 2013 formée par la Société générale à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens résultant du désistement de la Société générale de cette demande qui a été constaté par un jugement en date du 5 octobre 2018, le délai de prescription de cinq ans, auquel était soumise l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E], n'était pas expiré lorsque la Société générale a formé, le 30 août 2018, sa nouvelle demande en paiement à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens et que l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E] n'était, en conséquence, pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2241, 2242, 2243 et 2246 du code civil et des articles L. 110-4 et L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 :

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

10. Pour déclarer prescrite l'action engagée par la banque à l'égard de M. [E], l'arrêt, après avoir constaté que les parties s'accordent sur le délai de prescription quinquennale édicté à l'article L. 110-4 du code de commerce et exactement énoncé que la déclaration de créance au passif de la procédure collective du débiteur principal interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure et que le désistement visé par l'article 2243 du code civil doit être pur et simple, retient que la déclaration de créance effectuée par la banque le 6 janvier 2012 a interrompu la prescription à l'égard de la caution jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la liquidation judiciaire de la débitrice principale, de sorte que, pendant ce délai, la banque n'avait pas à réaliser de diligences interruptives de prescription.

11. Il ajoute cependant que le désistement pur et simple, par la banque, de sa demande en paiement contre la caution, constaté par le jugement irrévocable du 5 octobre 2018, sans précision que l'instance sera reprise ultérieurement, rend « inopérante » la nouvelle assignation tendant aux mêmes fins que la banque a délivrée à la caution le 30 août 2018, dans la mesure où l'interruption de la prescription était devenue non-avenue par l'effet du désistement. Il en déduit que la date d'exigibilité de la créance à l'endroit de la caution, le 18 janvier 2013, date du jugement de liquidation judiciaire, constitue le seul point de départ du délai de prescription, de sorte que la prescription quinquennale était acquise depuis le 19 janvier 2018.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le délai de prescription quinquennale avait été interrompu par la déclaration de créance du 6 janvier 2012 et ce jusqu'au 13 janvier 2017, de sorte qu'un nouveau délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de cette dernière date et que l'action de la banque n'était donc pas prescrite à la date de la seconde assignation du 30 octobre 2018, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

13. Le FCT fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond sur cette demande ; qu'en énonçant, par conséquent, par motifs adoptés des premiers juges, que l'engagement de M. [E] à titre de caution était disproportionné par rapport à ses biens et revenus et en déboutant la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, de ses demandes à l'encontre de M. [E], après avoir déclaré prescrite, et, donc, irrecevable, l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. M. [E] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

15. Cependant, le moyen est né de l'arrêt attaqué.

16. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

17. Il résulte de ce texte qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond.

18. L'arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement qui, après avoir déclaré prescrite l'action engagée par la banque contre la caution, rejette les demandes formées par cette dernière.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Cedrus, représenté par la société MCS et associés venant aux droits de la SA Société générale, l'arrêt rendu le 19 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.