Cass. com., 15 novembre 2023, n° 22-10.818
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Texier
Avocats :
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [I], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Demax, et à la société BTSG², prise en la personne de M. [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, de leurs reprises d'instance successives.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2021) et les productions, le 16 novembre 2013, la société Demax, qui exploite un centre de traitement de véhicules hors d'usage, a conclu avec la société Allianz Iard (la société Allianz) un contrat de récupération des véhicules hors d'usage.
3. Le 18 novembre 2016, la société Allianz a résilié le contrat pour manquement de la société Demax à ses obligations contractuelles et légales puis l'a assignée en paiement de diverses sommes et en restitution de véhicules.
4. Soutenant que la rupture était abusive et que le contrat comportait un déséquilibre significatif à son détriment, la société Demax a reconventionnellement demandé à la cour d'appel de saisir pour avis la Commission d'examen des pratiques commerciales et de surseoir à statuer dans l'attente de cet avis et, à défaut, d'indemniser les préjudices qu'elle a subis.
5. Par un jugement du 29 janvier 2019, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Demax, M. [I] et la société BTSG² étant désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires.
6. Par un jugement du 25 janvier 2022, la résolution du plan de sauvegarde de la société Demax a été prononcée et celle-ci a été mise en redressement judiciaire, puis, par un jugement du 31 janvier 2023, en liquidation judiciaire, la société BTSG², prise en la personne de M. [C], étant désignée liquidateur judiciaire.
Examen des moyens
Sur les troisième et quatrième moyens
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande de sursis à statuer dans l'attente de l'avis de la commission d'examen des pratiques commerciales, alors :
« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens invoqués par les parties, tels qu'ils figurent dans leurs dernières conclusions ; qu'en l'espèce, les exposants demandaient à la cour d'appel de "saisir la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales pour avis sur les pratiques commerciales entre la Compagnie ALLIANZ et la SARL Demax et l'existence d'un déséquilibre significatif susceptible d'engager la responsabilité du co-contractant ainsi qu'invoqué par la SARL Demax aux termes de son courrier à la CEPC et des présentes conclusions", et "en conséquence, surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales" ; que la cour d'appel a énoncé, sur la demande de sursis à statuer que la demande de sursis à statuer constituait une exception de procédure, et que la société Demax n'ayant pas soulevé cette exception avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, celle-ci était irrecevable en application des dispositions des articles 73 et 74 du code de procédure civile ; qu'en statuant de la sorte, quand les exposants ne demandaient pas à la cour d'appel de surseoir à statuer, mais de saisir elle-même la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales, ainsi que le lui permettait l'article L. 440-1 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales peut être saisie pour avis par la juridiction sur des pratiques restrictives de concurrence ou d'autres pratiques prohibées, relevées dans une affaire dont elle est saisie ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si en l'état des contestations émises par la société Demax sur la licéité de certaines pratiques de la société Allianz Iard, il ne convenait pas de saisir pour avis la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 440-1 IV du code de commerce. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte de l'article L. 440-1 IV du code de commerce que la faculté de saisir la commission d'examen des pratiques commerciales est laissée à l'appréciation discrétionnaire des juges du fond.
10. En rejetant la demande de la société Demax d'indemnisation pour rupture abusive, l'arrêt a implicitement mais nécessairement rejeté la demande de saisine de la commission d'examen des pratiques commerciales.
11. Par conséquent, les sociétés Demax et BTSG², ès qualités, sont sans intérêt à critiquer l'arrêt qui n'a pas sursis à statuer, une telle mesure étant sans objet dès lors que la commission d'examen des pratiques commerciales n'avait pas été saisie.
12. Irrecevable en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli dans sa seconde.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
13. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Demax à restituer à la société Allianz l'intégralité des véhicules sous astreinte, à l'exception des véhicules [Immatriculation 6], [Immatriculation 5], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 4] déjà repris par la société Allianz Iard, et en ce qu'il a rejeté les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, et après avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Demax au paiement de diverses sommes, de fixer la créance de la société Allianz au passif de la procédure collective de la société Demax à la somme de 47 216,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2017, d'ordonner la capitalisation des intérêts échus à compter du 20 janvier 2018, de dire que le cours des intérêts est arrêté au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 29 janvier 2019, de rejeter les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, de la société BTSG², en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société Demax, et de la société [K] [I] & associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Demax, alors « qu'est nulle l'obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 3.1.1.1. du contrat conclu le 16 mai 2013 entre la société Demax et la société Allianz Iard stipulait que certains véhicules "dont la valeur de remplacement à dire d'expert (VRADE) est inférieure à 25 000 euros, et à 5 000 euros pour ceux qui sont techniquement non réparables, sont systématiquement cédés au récupérateur selon les conditions tarifaires fixées au contrat", l'article 3.1.1.2 disposant que "les véhicules sinistrés entrant dans le champ d'application du Contrat tel que défini à l'article 3.1.1, mais qui ne font pas partie de l'une des sept catégories définies à l'article 3.1.1.1, seront vendus selon un processus communiqué ultérieurement au Récupérateur" ; qu'en retenant, pour dire que cette seconde clause n'était pas potestative, que le "processus" de cession qui y était mentionné "explicit[ait] la mention relative à l'appel d'offres" et que les conditions tarifaires dépendant de l'état de la valeur des véhicules, quand la détermination des modalités et des conditions de l'appel d'offres en vue de la cession des véhicules visés à cet article dépendait du seul bon vouloir de la société Allianz Iard, de sorte que cette clause était purement potestative, la cour d'appel a violé les articles 1170 et 1174 (nouvel article 1304-2) du code civil. »
Réponse de la Cour
14. Après avoir relevé que le contrat prévoyait que certains véhicules étaient systématiquement cédés au récupérateur, selon les conditions tarifaires fixées au contrat, et que d'autres feraient l'objet d'un appel d'offre auquel le récupérateur pourrait participer, « selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur », l'arrêt retient que le terme « processus », employé à l'article 3.1.1.2, explicite la mention relative à l'appel d'offre, et ajoute que les conditions tarifaires dépendent de l'état et de la valeur des véhicules.
15. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la clause relative à cette seconde catégorie de véhicules n'était pas potestative.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.