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Décisions

CJUE, 4e ch., 16 novembre 2023, n° C-497/22

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

EM

Défendeur :

Roompot Service BV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Lycourgos

Juges :

Mme Spineanu Matei (rapporteure), M. Bonichot, M. Rodin, Mme Rossi

Avocat général :

M. Richard de la Tour

Avocat :

Me Gensch

CJUE n° C-497/22

15 novembre 2023

LA COUR (quatrième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EM, domiciliée en Allemagne, à Roompot Service BV, un professionnel du tourisme ayant son siège aux Pays-Bas, au sujet du remboursement du prix payé par ce particulier, assorti des intérêts et des frais, pour la cession de l’usage de courte durée d’un bungalow situé dans un parc de vacances exploité par ce professionnel.

 Le cadre juridique

3 Les considérants 15, 16 et 34 du règlement no 1215/2012 sont libellés comme suit :

« (15) Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. [...]

(16) Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. [...]

[...]

(34) Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention [concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), signée à Bruxelles le 27 septembre 1968], le règlement (CE) no 44/2001 [du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1),] et le présent règlement, il convient de prévoir des dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne de la convention de Bruxelles de 1968 et des règlements qui la remplacent. »

4 À la section 1 du chapitre II du règlement n° 1215/2012, intitulée « Dispositions générales », l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

5 À la section 6 de ce chapitre II, intitulée « Compétences exclusives », l’article 24 dudit règlement dispose :

« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :

1) en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé.

Toutefois, en matière de baux d’immeubles conclus en vue d’un usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs, sont également compétentes les juridictions de l’État membre dans lequel le défendeur est domicilié, à condition que le locataire soit une personne physique et que le propriétaire et le locataire soient domiciliés dans le même État membre ;

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

6 Le 23 juin 2020, EM a réservé, sur le site Internet de Roompot Service, un bungalow dans le parc aquatique Waterpark Zwartkruis, situé à Noardburgum (Pays-Bas), pour la période allant du 31 décembre 2020 au 4 janvier 2021 et pour un groupe de neuf personnes, provenant de plus de deux foyers familiaux différents.

7 La réservation concernée incluait la mise à disposition du linge de lit et le nettoyage en fin de séjour pour un montant total de 1 902,80 euros, lequel a été intégralement payé par EM.

8 Ce parc aquatique comprend des bungalows situés directement au bord d’un lac, chaque bungalow ayant son propre ponton sur l’eau. Moyennant le paiement d’un supplément de prix, des bateaux et des canoës peuvent être loués.

9 Roompot Service a confirmé à EM par courrier électronique, avant son arrivée et à la suite de la demande de cette dernière, que ledit parc aquatique était ouvert pendant la période de réservation, malgré la pandémie de COVID-19, mais que, conformément à la réglementation néerlandaise en vigueur, il était uniquement possible d’y séjourner avec sa famille et au maximum deux personnes d’un autre foyer familial par bungalow. Roompot Service a également proposé à EM de reporter son séjour à une date ultérieure.

10 EM n’ayant pas effectué le séjour concerné et n’ayant pas modifié sa réservation, elle a été remboursée par Roompot Service à hauteur d’un montant de 300 euros.

11 EM a saisi l’Amtsgericht Neuss (tribunal de district de Neuss, Allemagne) d’une demande tendant au remboursement par Roompot Service du solde, soit un montant de 1 602,80 euros, assorti des intérêts et des frais. Cette dernière a contesté la compétence internationale des juridictions allemandes pour connaître d’une telle demande.

12 Par une décision du 1er octobre 2021, l’Amtsgericht Neuss (tribunal de district de Neuss) a rejeté cette demande comme étant non fondée.

13 EM a interjeté appel de cette décision devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi.

14 Cette juridiction s’interroge sur la question de savoir s’il existe une compétence internationale exclusive des juridictions néerlandaises pour connaître de l’affaire au principal sur le fondement de l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012.

15 À cet égard, ladite juridiction observe qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour portant sur l’application de l’article 16, point 1, de la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968, telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention (ci-après la « convention de Bruxelles »), devenu l’article 16, point 1, sous a), de celle-ci, dont le contenu a en substance été repris à l’article 24, point 1, du règlement no 1215/2012, à savoir de la jurisprudence issue des arrêts du 15 janvier 1985, Rösler (241/83, EU:C:1985:6), du 26 février 1992, Hacker (C 280/90, EU:C:1992:92) et du 27 janvier 2000, Dansommer (C 8/98, EU:C:2000:45), que les contrats portant sur la location d’un logement de vacances à l’étranger relèvent, en principe, de la compétence exclusive des juridictions du lieu où l’immeuble concerné est situé. Une exception à ce principe n’existerait que lorsque le contrat concerné est un contrat de nature complexe, c’est-à-dire un contrat stipulant la fourniture d’un ensemble de prestations de services en contrepartie d’un prix global payé par le client.

16 La juridiction de renvoi précise que les prestations supplémentaires envisageables en l’occurrence sont l’offre, sur la page Internet de la défenderesse au principal, d’une variété de bungalows, équipés de manière différente, la réservation du bungalow pour le client, l’accueil sur place de ce dernier avec la remise des clés, la fourniture de linge de lit et la réalisation d’un nettoyage en fin de séjour. Cette juridiction estime que, selon sa lecture de la jurisprudence de la Cour citée au point précédent du présent arrêt, il serait alors nécessaire que ces prestations, prises dans leur ensemble, confèrent au contrat en cause au principal un caractère complexe, au sens de cette jurisprudence.

17 Selon la thèse défendue par une partie de la doctrine allemande, des prestations accessoires mineures telles que l’entretien du bien concerné ou le nettoyage de celui-ci, la fourniture de linge de lit ou l’accueil sur place du client revêtiraient une « moindre importance », de sorte qu’il ne serait pas certain que des prestations telles que les prestations supplémentaires en cause au principal suffisent pour retenir l’existence d’un contrat complexe, au sens de ladite jurisprudence.

18 La juridiction de renvoi précise également qu’une lecture différente de la même jurisprudence a été faite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne). Selon cette dernière juridiction, la qualification d’un contrat au regard de l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012 dépend de la question de savoir si l’organisateur professionnel de voyages s’engage lui-même à mettre à disposition l’usage d’un logement dont il n’est pas le propriétaire. Dans une telle situation, cette disposition ne serait pas applicable. En revanche, si cet organisateur professionnel de voyages n’intervient qu’en tant qu’intermédiaire à un bail conclu avec le propriétaire de ce logement, ladite disposition serait applicable.

19 Dans ces conditions, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf ) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement [no 1215/2012] doit-il être interprété en ce sens que la compétence exclusive des juridictions du lieu de situation de la chose louée s’applique à un contrat, conclu entre une personne privée et un bailleur professionnel de logements de vacances, portant sur la cession d’usage de courte durée d’un bungalow dans un parc de vacances exploité par ce bailleur et prévoyant comme autres prestations, en sus de la pure cession d’usage, un nettoyage à la fin du séjour et la mise à disposition de linge de lit, indépendamment de la circonstance que ce bungalow soit la propriété dudit bailleur ou celle d’un tiers ? »

Sur la question préjudicielle

20 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « baux d’immeubles », au sens de cette disposition, un contrat conclu entre un particulier et un professionnel du tourisme par lequel ce dernier met à disposition un logement de vacances pour un usage personnel de courte durée, situé dans un parc de vacances exploité par ce professionnel, et qui comporte, en sus de la cession de l’usage de ce logement, un ensemble de prestations de services fournies contre un prix global.

21 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où le règlement no 1215/2012 a abrogé et remplacé le règlement no 44/2001, qui a lui-même remplacé la convention de Bruxelles, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de l’un de ces instruments juridiques vaut également pour celles des autres, lorsque ces dispositions peuvent être qualifiées d’équivalentes (arrêt du 20 juin 2022, London Steam-Ship Owners’ Mutual Insurance Association, C 700/20, EU:C:2022:488, point 42 et jurisprudence citée).

22 Tel est le cas de l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012. En effet, cette disposition correspond à l’article 16, point 1, de la convention de Bruxelles, devenu ultérieurement l’article 16, point 1, sous a), de cette convention, ainsi qu’à l’article 22, point 1, premier alinéa, du règlement no 44/2001. Partant, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne ces dernières dispositions vaut également pour l’interprétation de cet article 24.

23 Conformément à une jurisprudence constante, le système des attributions de compétences communes prévues au chapitre II du règlement no 1215/2012 est fondé sur la règle générale, énoncée à l’article 4, paragraphe 1, de celui-ci, selon laquelle les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites devant les juridictions de cet État, indépendamment de leur nationalité (arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice, C 307/19, EU:C:2021:236, point 75 ainsi que jurisprudence citée).

24 Ce n’est que par dérogation à cette règle générale que le chapitre II, section 6, du règlement no 1215/2012 prévoit un certain nombre de règles de compétence exclusives, parmi lesquelles figure celle de l’article 24, point 1, premier alinéa, de ce règlement qui attribue aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel l’immeuble concerné est situé la compétence pour statuer en matière de baux d’immeubles.

25 Il y a également lieu de rappeler que, ainsi que la Cour l’a jugé, eu égard à leur caractère dérogatoire, les dispositions de l’article 24, point 1, dudit règlement ne doivent pas être interprétées dans un sens plus étendu que ne le requiert leur objectif (arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice, C 307/19, EU:C:2021:236, point 76 ainsi que jurisprudence citée).

26 S’agissant de l’objectif poursuivi par cette disposition, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le motif essentiel de la compétence exclusive des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel l’immeuble concerné est situé est la circonstance que le tribunal du lieu de situation est le mieux à même, compte tenu de la proximité, d’avoir une bonne connaissance des situations de fait et d’appliquer les règles et les usages qui sont, en général, ceux de l’État de situation (arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice, C 307/19, EU:C:2021:236, point 77 ainsi que jurisprudence citée).

27 En ce qui concerne, en particulier, les baux immobiliers, il résulte de cette jurisprudence que cette compétence exclusive est justifiée par la complexité du rapport propriétaire-locataire, qui comporte une série de droits et d’obligations, outre celle afférente au loyer. Ce rapport est régi par des législations particulières, dont certaines à caractère impératif, de l’État où l’immeuble qui fait l’objet du bail est situé, telles que celles qui déterminent le responsable de l’entretien de cet immeuble et du paiement des impôts fonciers, celles qui régissent les devoirs de l’occupant dudit immeuble vis-à-vis des voisins, ainsi que celles qui contrôlent ou limitent le droit du propriétaire de reprendre possession du même immeuble au terme du bail (arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice, C 307/19, EU:C:2021:236, point 78 ainsi que jurisprudence citée).

28 La compétence exclusive concernant les « baux d’immeubles », au sens de l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement n° 1215/2012, vise ainsi les contestations qui portent sur les conditions de jouissance d’un immeuble (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice, C 307/19, EU:C:2021:236, point 79), à savoir, notamment, celles entre bailleurs et locataires relatives à l’existence ou à l’interprétation de baux, à la réparation des dégâts causés par un locataire ou à l’évacuation du bien loué (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 1977, Sanders, 73/77, EU:C:1977:208, point 15).

29 Afin d’établir si un litige relève de cette compétence exclusive, il y a lieu d’examiner, d’une part, si ce litige porte sur un contrat de bail d’immeuble et, d’autre part, si l’objet dudit litige se rattache directement aux droits et aux obligations découlant de ce contrat de bail, car, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il ne suffit pas que le même litige ait un lien avec un contrat de bail portant sur un immeuble pour relever de la compétence de la juridiction de l’État membre où cet immeuble est situé (voir, par analogie, arrêts du 16 novembre 2016, Schmidt, C 417/15, EU:C:2016:881, point 34, et du 10 février 2022, ShareWood Switzerland, C 595/20, EU:C:2022:86, point 31).

30 Dans les arrêts du 15 janvier 1985, Rösler (241/83, EU:C:1985:6), du 26 février 1992, Hacker (C 280/90, EU:C:1992:92) et du 27 janvier 2000, Dansommer (C 8/98, EU:C:2000:45), la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur le premier volet de cet examen et a déterminé, dans ce cadre, des critères permettant de distinguer un « contrat de bail » relevant de ladite compétence exclusive d’un contrat complexe portant sur un ensemble de prestations de services qui n’en relève pas.

31 S’agissant de la qualification d’un contrat portant sur la cession de l’usage d’un logement de vacances pour une courte durée, la Cour a jugé que relève de la notion de « contrat de bail » un contrat par lequel le propriétaire d’une maison de vacances a loué pour une courte durée un logement situé dans cette maison et aux termes duquel l’hébergement des visiteurs n’était pas autorisé, les charges locatives pour l’électricité, l’eau et le gaz devaient être décomptées selon la consommation, et le nettoyage en fin de séjour devait être payé en plus (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 1985, Rösler, 241/83, EU:C:1985:6, points 2, 24 et 25).

32 En revanche, un contrat portant sur la cession de l’usage d’un logement de vacances prévoyant la réservation d’un passage maritime vers la destination concernée, effectuée par un organisateur professionnel de voyages qui n’était pas le propriétaire de ce logement pour le compte de son client, moyennant une rémunération supplémentaire, a été qualifié non pas de « contrat de bail », mais de contrat complexe portant sur un ensemble de prestations de services fournies contre un prix global, car, indépendamment de son intitulé, ce contrat comportait, outre la cession de l’usage dudit logement, d’autres prestations, telles que les informations et les conseils par lesquels cet organisateur de voyages proposait au client concerné un éventail de choix pour ses vacances, la réservation d’un logement pour la période choisie par ce client, la réservation du voyage, l’accueil sur place et éventuellement une assurance pour l’annulation de ce voyage (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 1992, Hacker, C 280/90, EU:C:1992:92, points 3, 14 et 15).

33 Toutefois, un contrat portant sur la cession de l’usage d’un logement de vacances conclu avec un organisateur professionnel de voyages qui n’assumait que le rôle d’intermédiaire entre le client concerné et le propriétaire de ce logement et dont le prix incluait une prime d’assurance destinée à couvrir les frais engagés en cas de résiliation du contrat, cet organisateur professionnel de voyages garantissant également le remboursement de ce prix en cas d’insolvabilité, sans être tenu de fournir d’autres prestations, a été qualifié de « contrat de bail ». La Cour a ainsi constaté que ce contrat portait exclusivement sur la location d’un immeuble, les clauses relatives à l’assurance et à la garantie du remboursement du prix n’étant que des dispositions accessoires qui n’étaient pas susceptibles de modifier la qualification dudit contrat. La circonstance que le litige concerné n’opposait pas directement le propriétaire dudit logement et le locataire de celui-ci n’avait pas conduit à une conclusion différente, ledit organisateur professionnel de voyages s’étant subrogé dans les droits de ce propriétaire et ayant agi non pas en qualité d’organisateur professionnel de voyages, mais comme s’il était le propriétaire de l’immeuble concerné (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2000, Dansommer, C 8/98, EU:C:2000:45, points 7 à 11 et 33 à 37).

34 Il ressort de la jurisprudence citée aux points 31 à 33 du présent arrêt que la qualification d’un contrat portant sur un ensemble de prestations de services, en sus de la cession de l’usage à courte durée d’un logement de vacances, requiert, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 28 de ses conclusions, une appréciation de la relation contractuelle concernée dans son ensemble et dans son contexte.

35 En l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge sur la qualification d’un contrat conclu entre un particulier et un professionnel de tourisme par lequel ce dernier met à disposition un bungalow situé dans un parc aquatique, exploité par ce professionnel, stipulant, outre la cession de l’usage de ce bien, la fourniture d’autres prestations telles que l’offre, sur la page Internet de la défenderesse au principal, d’une variété de bungalows, équipés de manière différente, la réservation du bungalow choisi pour les clients, l’accueil sur place du client avec la remise des clés à ce dernier, la fourniture de linge de lit et la réalisation d’un nettoyage en fin de séjour.

36 En particulier, cette juridiction se demande si ces prestations supplémentaires sont suffisantes pour qualifier le contrat en cause au principal de contrat complexe portant sur un ensemble de prestations de services et si la circonstance que le bungalow concerné est la propriété du professionnel de tourisme ou celle d’un tiers revêt une quelconque importance aux fins de cette qualification.

37 À cet égard, il convient de préciser d’emblée qu’il appartiendra à ladite juridiction, en tenant compte de toutes les informations dont elle dispose, de procéder à la qualification du contrat en cause au principal.

38 À cette fin, la juridiction de renvoi devra, en premier lieu, examiner si les prestations de services supplémentaires concernées, fournies en plus de la cession de l’usage du logement de vacances qui fait l’objet de ce contrat, confèrent audit contrat un caractère complexe.

39 Tel serait notamment le cas lorsque ces services sont proposés contre un prix global dans les mêmes conditions que ceux offerts aux clients d’un complexe hôtelier, échappant dès lors à l’application de l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012 (voir, par analogie, arrêt du 13 octobre 2005, Klein, C 73/04, EU:C:2005:607, point 27). En revanche, toute prestation supplémentaire ayant un caractère accessoire à une telle cession d’usage ne saurait nécessairement modifier la qualification du contrat concerné en tant que contrat de bail, mais devra être examinée dans le contexte de ce contrat.

40 S’agissant des prestations supplémentaires mentionnées par la juridiction de renvoi, ni le nettoyage en fin de séjour ni la mise à disposition du linge de lit ne sont des prestations suffisamment caractérisées pour permettre, à elles seules, de distinguer un contrat de bail d’un contrat complexe d’organisation de séjour. S’il est vrai que le nettoyage incombe usuellement au locataire à la fin d’un bail, il ne saurait être exclu que, en raison du caractère particulier des locations saisonnières de maisons de vacances, le bailleur puisse assumer une telle charge sans que cela modifie la nature de ce contrat en tant que contrat de bail d’immeuble. Il en est de même pour la mise à disposition de linge de lit et pour la remise des clés.

41 En revanche, des services d’information et de conseil, de réservation et d’accueil qui font partie, avec la cession de l’usage, de l’offre proposée par un professionnel de tourisme contre un prix global constituent des services qui sont généralement fournis dans le cadre d’un contrat complexe d’organisation de séjour.

42 En second lieu, dans le cadre de l’appréciation globale des informations dont la juridiction de renvoi dispose, cette dernière devra également examiner en quelle qualité l’organisateur de voyages concerné intervient dans la relation contractuelle en cause au principal.

43 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 33 du présent arrêt, la circonstance que l’organisateur de voyages n’est pas le propriétaire du logement, mais qu’il est subrogé dans les droits de celui ci, n’est pas de nature, à elle seule, à modifier une éventuelle qualification du contrat concerné en tant que bail d’immeuble. En revanche, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 32 du présent arrêt, si cet organisateur de voyages intervient en tant que professionnel du tourisme et propose, dans le cadre d’un séjour organisé, la mise à disposition de services supplémentaires en considération desquels l’offre est acceptée, une telle circonstance peut constituer un indice de la nature complexe de ce contrat.

44 En l’occurrence, la mise à disposition d’un logement au sein d’un parc de vacances qui comprend des structures d’hébergement standardisées formant un ensemble homogène, tel que le Waterpark Zwartkruis, exploité par un professionnel du tourisme, tel que Roompot Service, ainsi que la proposition d’une offre de séjour contre un prix global reflétant la qualité et l’importance de l’ensemble des prestations proposées dans ce parc de vacances, apparaissent, sous réserve des vérifications qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’effectuer, militer en faveur de l’exclusion d’un contrat tel que celui en cause au principal du champ d’application de l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012.

45 Cette conclusion répond à l’exigence de l’interprétation stricte de la règle de compétence exclusive prévue à l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012 et à l’objectif poursuivi par cette disposition qui consiste, ainsi qu’il est rappelé au point 27 du présent arrêt, à inclure dans le champ d’application de celle-ci que les relations contractuelles entre bailleurs et locataires qui comportent une série de droits et d’obligations régis par des législations particulières sur l’usage de la propriété immobilière, à caractère généralement impératif, de l’État membre où l’immeuble est situé, dont les juridictions sont, en raison de leur proximité, les mieux placées pour connaître les litiges en matière de baux immobiliers.

46 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que ne relève pas de la notion de « baux d’immeubles », au sens de cette disposition, un contrat conclu entre un particulier et un professionnel du tourisme par lequel ce dernier met à disposition un logement de vacances pour un usage personnel de courte durée, situé dans un parc de vacances exploité par ce professionnel, et qui comporte, en sus de la cession de l’usage de ce logement, un ensemble de prestations de services fournies contre un prix global.

Sur les dépens

47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 24, point 1, premier alinéa, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,

doit être interprété en ce sens que :

ne relève pas de la notion de « baux d’immeubles », au sens de cette disposition, un contrat conclu entre un particulier et un professionnel du tourisme par lequel ce dernier met à disposition un logement de vacances pour un usage personnel de courte durée, situé dans un parc de vacances exploité par ce professionnel, et qui comporte, en sus de la cession de l’usage de ce logement, un ensemble de prestations de services fournies contre un prix global.