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Décisions

CA Paris, 16e ch. a, 3 novembre 1992, n° 91/13871

PARIS

Arrêt

Confirmation

TI PARIS, du 7 mai 1991

7 mai 1991

La Cour statue sur l'appel interjeté par Monsieur BOUANHAK et HAMDANI d'une part et la société FERRI SOCOFINOR d'autre part contre un jugement du Tribunal d'Instance du 20ème arrondissement de Paris en date du 7 mai 1991 qui a prononcé la résiliation du bail consenti à Monsieur et Madame DROUYAU par Mademoiselle BRETONNEAU et prononcé leur expulsion ainsi que celle de Messieurs BOUANHAK et HAMDANI cessionnaires du fonds y exploité;

Le Tribunal a considéré que Mademoiselle BRETONNEAU était fondée à poursuivre la résiliation judiciaire du bail au motif que l'absence du titre exécutoire que constitue l'acte notarié exigé par la clause de cession était pour elle la source d'un préjudice suffisamment grave pour entraîner la perte du droit au bail;

Messieurs BOUANHAK et HAMDANI premiers appelants, soutiennent que le non respect de la clause du bail imposant la cession par acte authentique ne revêtait pas un caractère de gravité pouvant entraîner résiliation du bail puisque les cessions antérieurs avaient toujours été faites par acte sous seings privés;

D'autre part l'obligation de réitérer cette cession par acte authentique avait été respectée mais c'était Mademoiselle BRETONNEAU qui avait refusé de signer l'acte authentique;

Les appelants soutiennent que l'infraction commise était mineure;

Ils concluent à la réformation du jugement et si par impossible la Cour devait confirmer le jugement, elle ne pouvait que faire de même en ce qui concerne l'appel en garantie diligenté par Monsieur BOUANHAK et HAMDANI à l'encontre de la société FERRI SOCOFINORD et des époux DROUYAU; ils soutiennent que c'est la société FERRI SOCOFINORD rédactrice de l'acte qui devra supporter les conséquences de la demande de résiliation;

La société FERRI SOCOFINOR second appelant soutient en premier que l'action en garantie dirigée à son encontre doit être rejetée comme dépourvue d'effet;

Estimant avoir intérêt à intervenir dans l'instance pour faire valoir des moyens de défense plus efficaces que ceux des premiers appelants, la société FERRI SOCOFINOR soutient qu'un manquement au formalisme de la cession signée jusque là par le propriétaire lui-même, ne pouvait que caractériser une faute simplement légère dépourvue de toute gravité;

Elle conteste que la privation d'un titre exécutoire puisse être préjudiciable à la bailleresse qui bénéficie des privilèges de l'article 2102 du Code Civil, et peut procéder à une saisie-gagerie, la bailleresse qui tient ses droits d'un bail sous seing privé ne peut sérieusement prétendre que l'inobservation d'une règle de forme lors de la cession du droit locatif lui a causé un réel dommage; d'autre part il existe une inadéquation de la sanction;

La société FERRI SOCOFINOR conclut à la réformation du jugement et au débouté de Mademoiselle BRETONNEAU;

Les époux DROUYAU intimés rappellent qu'ils avaient chargé la SARL SOCOFINOR de les représenter en première instance ce qu'ils n'avaient pas fait;

Ils estiment que si la Cour retient une infraction, il conviendra de l'imputer à cette société qui avait été chargée de rédiger les actes;

Ils demandent à la Cour de dire qu'en l'absence de faute caractérisée ou intention malicieuse des cédants ceux-ci n'ont pu encourir aucune responsabilité et que par suite l'appel en garantie formé par Messieurs BOUANHAK et HAMDANI n'a plus lieu d'être;

Les époux DROUYAU concluent en définitive au débouté de Mademoiselle BRETONNEAU de l'ensemble de ses demandes;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il est constant que par acte sous seing privé du 21 mars 1985, Mademoiselle BRETONNEAU a donné à bail commercial à Monsieur KABACHE un local sis à Paris 20ème 128 rue de Villiers.

Qu'au paragraphe charges et conditions de ce bail figurait notamment la clause suivante:

“dans tous les cas les cessions ou sous-location qui seront consenties ultérieurement devront être faites par acte authentique auquel la bailleresse sera appelée et dont une grosse devra lui être remise sans frais pour elle, pour lui servir à titre exécutoire directe contre lui et sans nuire à la solidarité ci-dessus stipulée“;

Que par suite de cessions successives les époux DROUYAU sont devenus cessionnaires du bail par acte sous seing privé du 21 novembre 1989;

Considérant que par lettre du 20 juillet 1990 le cabinet Ferri Socofinor, mandataire des époux DROUYAU et des appelants a avisé Mademoiselle BRETONNEAU de la signature d'un acte de cession dudit fonds de commerce par les époux DROUYAU à Messieurs BOUANHAK et HAMDANI précisant dans cette correspondance que la cession devait être réalisée par acte sous seing privé et les preneurs sollicitant l'accord de la bailleresse;

Considérant que par lettre du 25 juillet 1990 le cabinet TESSIER et compagnie mandataire de la bailleresse, rappelait au cabinet Ferri Socofinor les termes du bail obligeant le locataire à céder son droit au bail par acte authentique;

Que malgré cet avertissement le 2 août 1990 les consorts DROUYAU ont par acte sous seing privé rédigé par la société FERRI SOCOFINOR cédé leurs fonds à Messieurs BOUANHAK et HAMDANI qui se sont installés directement dans les lieux ainsi que cela devait être constaté le 13 novembre 1990 par acte de Maître Denis huissier de justice;

Considérant que la bailleresse n'a été informée de la cession que par une lettre du 14 novembre 1990 de Maître Clary, Notaire, l'invitant à convenir d'un rendez-vous pour la signature de l'acte de réitération de cession du bail, alors que par lettre du 11 septembre 1990 il avait été rappelé au mandataire des époux DROUYAU l'obligation qui était la leur de respecter la clause du bail relative au formalisme prévu en cas de cession de fonds de commerce;

Que cette lettre du 11 septembre 1990 est la preuve manifeste de ce que la cession de droit au bail a volontairement été faite par acte sous seing privé rédigé par la société FERRI SOCOFINOR en violation de la clause du bail que cette société ne pouvait ignorer;

Considérant que le premier juge a à bon droit retenu que la cession du droit au bail au profit des consorts BOUANHAK et HAMDANI avait bien été effectuée en violation des clauses contractuelles;

Considérant que la renonciation tacite de Mademoiselle BRETONNEAU à exiger le respect des règles de forme prévues au contrat ne saurait résulter de son acceptation de deux cessions antérieures sous seing privés, la tolérance du bailleur n'étant pas créatrice de droit;

Qu'il a été rappelé en la circonstance au cabinet FERRI SOCOFINOR que la bailleresse entendait que soient respecter les règles de forme prévues au contrat;

Considérant que le premier juge a estimé à bon droit que la violation de cette clause était assez grave pour motiver la résiliation du bail;

Que la cession du bail par acte sous seing privé au lieu d'être formalisée par acte authentique, a privé la bailleresse d'un titre exécutoire directe contre le preneur;

Considérant que c'est à tort que la société Ferri Socofinor soutient dans ses écritures que le non respect de ce formalisme n'aurait causé aucun préjudice à la bailleresse alors que l'absence d'acte authentique a privé la bailleresse d'un titre exécutoire et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir imposé une telle clause légale faite pour garantir ses droits et non pour faire échec à une cession de droit au bail à l'acquéreur du fonds de commerce;

Considérant qu'il convient d'ailleurs d'observer que la société FERRI SOCOFINOR admet l'existence d'un dommage pour la bailleresse par suite de l'inobservation de cette clause puisqu'elle conteste finalement l'importance de ce dommage;

Mais considérant que toute violation du contrat doit être sanctionnée et qu'en l'espèce la résiliation du bail est la seule sanction adéquate; que si cette résiliation peut être source de préjudice, il appartient au cédant et au cessionnaire d'agir en responsabilité contre leur mandataire commun la société FERRI SOCOFINOR;

Considérant que pour ces motifs et ceux déjà retenus par le premier juge, il convient de confirmer le jugement déféré;

Sur l'appel incident de Mademoiselle BRETONNEAU

Considérant que par conclusions du 23 juin 1992 Mademoiselle BRETONNEAU a informé la Cour de l'expulsion de Messieurs BOUANHAK et HAMDANI le 16 janvier 1992;

Que ces derniers ont ainsi occupé les lieux d'août 1990 à janvier 1992 sans régler la moindre somme à quelque titre que ce soit;

Considérant que la décision déférée a prévu une indemnité d'occupation sans en fixer le montant;

Considérant qu'il appartiendra à Mademoiselle BRETONNEAU, si elle le juge opportun d'engager une action à cet effet, la Cour ne pouvant faire échec au double degré de juridiction; qu'il convient pour ce motif de débouter l'intimée de sa demande en paiement de la somme de 15.000 francs par mois réclamée à Messieurs BOUANHAK et HAMDANI;

Considérant que les appelants ont obligé Mademoiselle BRETONNEAU à engager des frais irrépétibles du fait de cet appel; que la Cour a tous éléments pour évaluer à 3.000 francs la condamnation en application de l'article 700 du N.C.P.C. qui devra être supportée in solidum et exclusivement par la société FERRI SOCOFINOR et Messieurs BOUANHAK et HAMDANI;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des époux DROUYAU qui n'est pas justifiée;

Par ces motifs,

et ceux non contraires des premiers juges, qu'elle adopte

LA COUR

Reçoit Messieurs BOUANHAK et HAMDANI, ainsi que la société FERRI SOCOFINOR en leurs appels, les déclare non fondés et les en déboute;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré;

Y ajoutant,

Condamne en outre les appelants à payer in solidum la somme de 3.000 francs à Mademoiselle BRETONNEAU en application de l'article 700 du N.C.P.C.

Déboute les parties de tous autres chefs de demande;

Condamne Messieurs BOUANHAK et HAMDANI et la société FERRI SOCOFINOR aux dépens d'appel;

Admet les avoués de la cause dans la limite de leurs droits au bénéfice de l'article 699 du N.C.P.C.