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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 novembre 2023, n° 21/00146

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Applications Techniques Fluides (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Grappotte-Benetreau, Me Roux

T. com. Paris, 13e ch., du 28 sept. 2020…

28 septembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La société Entreprise générale [K] [X] (ci-après "[K] [X]"), qui a pour activité la construction dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, a sous-traité à la société Applications Techniques Fluides (ci-après "ATF"), des prestations de plomberie et d'installation thermique dans le cadre de ses chantiers.

Au cours de l'année 2018, la société [K] [X] a résilié trois contrats de sous-traitance conclus avec la société ATF.

Le 3 juillet 2018, la société ATF a mis en demeure la société [K] [X] d'avoir à lui payer la somme de 1.225.409,31 €, au titre de diverses retenues de garanties, de chantiers en cours non réglés et de préjudices subis du fait de la résiliation des trois contrats de sous-traitance.

Le 16 novembre 2018, les deux sociétés ont signé un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel, notamment, la société ATF abandonnait toutes ses réclamations en contrepartie du paiement de la somme de 350.000 € : 300.000 € versé à la signature du protocole et 50.000 € à payer au retour par la société ATF de l'intégralité des actes spéciaux modificatifs de sous-traitance pour les contrats concernés.

Puis, par lettre de son conseil du 7 janvier 2019, la société ATF a invoqué la nullité du protocole et s'est prévalue des créances de 331.966,95 € au titre de diverses retenues de garantie, 240.000 € au titre de chantiers en cours non réglés et de 553.442,36 € au titre des préjudices subis du fait de la résiliation des contrats de sous-traitance en cours. Elle a proposé un avenant au protocole portant à 900.000 € la somme à verser par la société [K] [X].

Les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Le 28 février 2019, la société ATF a fait assigner la société [K] [X] devant le tribunal de commerce de Paris pour voir prononcer la nullité du protocole du 16 novembre 2018 et obtenir condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 1.225.409,31 €, celle de 553.442,36 € pour rupture abusive des trois chantiers [Adresse 7], [Adresse 8] lot D1 [Localité 3] Habitat et lot D3 RIVP, ainsi que des dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Par jugement du 28 septembre 2020, le tribunal a :

- débouté la société [K] [X] de sa demande de disjonction,

- débouté la société ATF de sa demande de nullité du protocole et de ses demandes au titre de la rupture abusive des trois chantiers, au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, au titre d'un préjudice d'image et d'un préjudice moral,

- condamné la société [K] [X] à s'acquitter de la somme de 50.000 € correspondant au parfait achèvement du protocole transactionnel,

- condamné la société ATF aux dépens et à payer la somme de 10.000 € à la société [K] [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société ATF aux dépens.

Par jugement rectificatif du 18 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a rectifié des dispositions figurant dans les motifs de sa décision du 28 septembre 2019, mais confirmé en tous ses points le dispositif de ce jugement.

La société ATF a relevé appel de du jugement du 28 septembre 2020 par déclaration au greffe du 28 décembre 2020, puis du jugement rectificatif du 18 janvier 2021 par déclaration au greffe du 25 janvier 2021.

Par ordonnance du 2 mars 2021, le conseiller de la mise en état a joint les deux procédures d'appel.

La liquidation judiciaire de la société ATF a été prononcée le 11 mars 2022, la SELAS Etude JP, en la personne de Me [H] [W], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 20 juillet 2023, la SELAS Etude JP, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société ATF, demande à la cour, au visa des articles 1128, 1130 et suivants, 1143 et 2044 du code civil, des articles L. 442-6-1 5°, L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce, des articles 328 et 329 du code de procédure civile ainsi que de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 pour les marchés définis par l'article 1779 3° du code civil, de :

1) la voir déclarer recevable en son intervention volontaire,

2) confirmer les jugements déférés en ce qu'ils ont débouté la société [K] [X] de sa demande de disjonction d'instance et de sa demande d'expertise,

3) infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :

- prononcer la nullité du protocole du 16 novembre 2018 faute de concessions réciproques ou, à titre subsidiaire, pour vice de violence économique,

- en conséquence, condamner la société [K] [X] à lui payer, ès qualités, la somme de 571.966 € au titre des retenues de garantie et factures impayées,

- par ailleurs, juger que la société [K] [X] a rompu abusivement les chantiers [Adresse 7], [Adresse 8] lot D1 [Localité 3] Habitat et [Adresse 8] lot D3 RIVP,

- en conséquence, condamner la société [K] [X] à lui payer, ès qualités, la somme de 553.442,36 €,

- constater l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés [K] [X] et ATF,

- juger que la société [K] [X] a rompu brutalement cette relation commerciale établie,

- en conséquence, condamner la société [K] [X] à lui payer, ès qualités, à titre de dommages-intérêts, les sommes de 1.190.873 € au titre du préjudice financier, 20.000 € au titre de l'atteinte à l'image et à la réputation ainsi que 20.000 € au titre du préjudice moral subi par la société ATF,

- en tout état de cause :

* ordonner la compensation entre les condamnations prononcées à l'encontre de la société [K] [X] et la somme de 340.000 € versée en exécution du protocole nul,

* débouter la société [K] [X] de toutes ses demandes,

* condamner la société [K] [X] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 11 septembre 2013, la société [K] [X] demande à la cour, au visa de l'article 1353 nouveau du code civil, de :

- confirmer les deux jugements déférés en toutes leurs dispositions, avec toutes conséquences de droit,

- condamner la société ATF aux entiers dépens et à lui payer la somme de 25.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023.

La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

La SELAS Etude JP, en la personne de Me [H] [W], ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société ATF, son intervention volontaire est recevable.

- Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du protocole du 16 novembre 2018

En premier lieu, l'appelante rappelle les termes de l'article 2044 du code civil qui dispose : "La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation et préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.".

Pour caractériser l'absence de concessions réciproques au sens de ce texte, elle expose que le protocole prévoit :

- pour [K] [X], le paiement de la somme de 350.000 €, valant solde général et définitif pour les 17 contrats de sous-traitance passés avec ATF et sa renonciation à toute réclamation, contestation et action judiciaire concernant le solde de ces contrats ;

- pour ATF, une liste de concessions bien plus longue, notamment la renonciation à toute demande ou action concernant les 17 contrats de sous-traitance, la signature des actes spéciaux en moins-value relatifs aux chantiers objets du protocole, le fait de garantir inconditionnellement [K] [X] et les maîtres d'ouvrage pour tous différents présents ou futurs et tous recours éventuels de ses propres sous-traitants, prestataires, fournisseurs et/ou administrations.

Elle souligne que :

- contrairement à ce que le tribunal a retenu, ses créances ne sont assorties d'aucune incertitude puisque correspondant à des retenues de garantie et des factures impayées, dont celles d'un montant total de 553.442,36 € correspondant au montant de son préjudice pour les trois contrats résiliés ;

- par l'effet du protocole, elle se trouve privée de tous droits à l'encontre de [K] [X] et soumise à des contentieux à enjeux financiers importants ;

- la renonciation par [K] [X] de poursuites à son encontre est illusoire ou insignifiante, alors que les prétendues inexécutions qui lui sont reprochées ne se vérifient pas, [K] [X] n'ayant émis que 3 lettres de résiliation (au demeurant contestées) pour les chantiers [Adresse 7], [Adresse 8] lot D1 [Localité 3] Habitat et lot D3 RIVP, les 14 autres chantiers visés dans le protocole n'ayant fait l'objet d'aucune résiliation.

La société [K] [X] réplique, pour l'essentiel, que la validité du protocole est fondée sur des exceptions d'inexécution de la société ATF non contestées pour les 17 contrats de sous-traitance et pour lesquels la société ATF ne prouve pas qu'elle a exécuté ses obligations contractuelles dans les dits contrats; elle précise que c'est à bon droit que le tribunal de commerce de Paris ne s'est pas prononcé sur le bien fondé des griefs conduisant à un accord amiable car, à défaut, il aurait dû statuer en considération des exceptions d'inexécution de la société ATF pour les 17 contrats de sous-traitance et pour lesquels il est prouvé qu'elle n'a pas exécuté ses obligations contractuelles.

Il convient de relever que le préambule du protocole, qui en fait partie intégrante, énumère les 17 contrats de sous-traitance incluant les 3 qui ont fait l'objet de résiliation par la société [K] [X].

Il mentionne :

- que de nombreux différends sont apparus entre les parties lors de l'exécution de ces contrats qui ont conduit, conformément aux stipulations contractuelles à des retenues sur le solde, à des substitutions par des entreprises tierces allant jusqu'à des résiliations aux torts exclusifs d'ATF et à des non-libération de retenues de garantie,

- que ATF a manifesté son désaccord concernant ces différentes sanctions et qu'elle a réclamé la somme de 1.225.409,31 € par lettre du 31 juillet 2018,

- que par lettre du 10 août 2018, la société [K] [X] a maintenu sa position, estimant que les mesures prises à l'encontre de son sous-traitant étaient parfaitement justifiées au regard des nombreuses défaillances,

- que dans un souci de parvenir à un accord, la société [K] [X] a proposé la somme de 215.849,20 € en autoliquidation de TVA, mais que sa proposition a été refusée par la société ATF,

- que les parties, conscientes de l'aléa, du coût et de la longueur d'une procédure judiciaire, se sont rapprochées et ont convenu, par un accord commun, de solder tout litige entre elles portant sur l'exécution, la résiliation et le solde, y compris retenues de garantie, des contrats préalablement énumérés.

Il résulte du protocole transactionnel que c'est en contrepartie du paiement de la somme de 350.000 € et de l'abandon de toute action à son encontre que la société ATF, en parfaite connaissance des défaillances qui lui étaient imputées, a souscrit ses propres engagements ; dès lors elle est mal fondée à qualifier les concessions de la société [K] [X] d'inexistantes ou encore de dérisoires.

En second lieu et à titre subsidiaire, l'appelante prétend que le protocole est nul pour violence économique, se fondant sur :

- l'article 1130 du code civil qui dispose : "l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.",

- l'article 1143 du code civil qui dispose : "Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif."

Elle fait valoir :

- qu'au moment de la signature du protocole, M. [G], dirigeant de la société ATF, se trouvait dans une situation de santé fragile,

- que la situation économique et financière de la société ATF était obérée, son résultat d'exploitation étant déficitaire à hauteur de 333.064 € en 2017,

- que depuis 2016, la société ATF multipliait les propositions de paiement de ses créanciers par échéanciers,

- que le rapport de l'administrateur judiciaire désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société ATF indique que les difficultés de cette société correspondent à une décroissance de son chiffre d'affaires de 72 % entre 2016 et 2019 "du fait notamment de la rupture des relations par le client majeur de l'entreprise, le groupe [K] [X], résultant d'une situation de dépendance économique",

- que le passif de la société ATF, dans le cadre de la liquidation judiciaire, s'élève à 7.393.108 €, la quasi-totalité du passif chirographaire résultant de créances fournisseurs et prestataires envers lesquels ATF est redevenue responsable par l'effet du protocole,

- que la société [K] [X] a profité abusivement de la dépendance économique de la société ATF et l'a contrainte économiquement à s'engager dans les liens d'une transaction qui n'en avait que le nom et ne pouvait conduire qu'à son dépôt de bilan.

La société [K] [X] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'il n'y avait eu aucune violence de sa part aux motifs :

- que la société ATF ne démontrait pas s'être trouvée dans une situation économique dramatique dont la société [K] [X] aurait eu connaissance et dont elle aurait abusivement profité,

- qu'à l'audience, la société ATF a reconnu avoir décidé de ne pas se faire assister de son conseil lors du rendez-vous de signature du protocole,

- que si elle a signé pour éviter un dépôt de bilan, cela ne déterminait pas pour autant un abus de dépendance économique mais constituerait plutôt pour elle une contrepartie réelle.

Il convient de retenir que la société ATF n'était tenue d'aucune clause d'exclusivité à l'égard de la société [K] [X] et qu'elle était libre de diversifier ses activités de sous-traitance dans les mêmes conditions économiques et techniques auprès d'autres entreprises ; de ce fait, même si elle réalisait une partie importante de son chiffre d'affaires avec la société [K] [X], elle ne se trouvait pas en état de dépendance économique; en conséquence, l'appelante est mal fondée à reprocher à l'intimée d'avoir profité abusivement d'un tel état.

L'appelante ne démontre pas non plus qu'à la date de signature du protocole, le 16 novembre 2018, la situation de la société ATF était tellement obérée qu'elle se serait trouvée contrainte d'en accepter les termes, non plus que la société [K] [X] aurait eu connaissance d'une telle situation pour en profiter; la preuve d'une violence économique n'est donc pas rapportée.

Il résulte de tout ce qui précède que la demande tendant à la nullité du protocole transactionnel doit être rejetée.

- Sur la demande en paiement de la somme de 553.442,26 €

L'appelante demande paiement de cette somme, à titre de dommages-intérêts, pour rupture abusive des 3 chantiers [Adresse 7], [Adresse 8] lot D1 [Localité 3] Habitat et lot D3 RIVP.

La société [K] [X] soutient que les contrats concernant ces trois chantiers ont été résiliés aux torts exclusifs de la société ATF pour manquements de celle-ci à ses obligations contractuelles et qu'ils ont fait l'objet du protocole d'accord.

Le tribunal a justement retenu que ces 3 chantiers faisaient partie des 17 chantiers repris dans le protocole du 16 novembre 2018 et que l'article 6 de ce protocole, intitulé autorité de la chose jugée, stipule expressément que les parties, faisant application de l'article 2052 du code civil, renoncent à tout recours l'une contre l'autre.

En conséquence, l'appelante doit être déboutée de ce chef de demande.

- Sur les demandes de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie

L'appelante rappelle que les deux critères pour qualifier une relation commerciale d'établie sont la durée et l'intensité des relations; elle fait valoir que :

- depuis 2007, [K] [X] faisait appel à ATF de manière systématique et continue pour l'exécution des prestations de chauffage et plomberie,

- qu'il existe un contrat cadre entre les deux sociétés au vu des conditions générales du 26 août 2014 auxquelles [K] [X] se réfère dans ses écritures (pièce adverse 11-1),

- que depuis 12 ans, [K] [X] était le principal client de ATF, lui permettant de réaliser plus des 3/4 de son chiffre d'affaires,

- qu'au vu de la rédaction du protocole, rédigé par [K] [X], la relation commerciale établie est certaine de 2012 à 2017,

- que ATF justifie d'une facturation continue à [K] [X] de 2012 à 2017,

- que dans le cadre de cette relation, ATF pouvait légitimement et raisonnablement anticiper pour l'avenir une continuité du flux d''affaires avec [K] [X], ne serait-ce qu'au vu des 17 chantiers en cours au jour du protocole.

Ajoutant que la brutalité de la rupture est caractérisée lorsqu'un préavis minimum n'a pas été respecté et que la seule exception à l'exigence d'un préavis est l'hypothèse d'une inexécution par l'autre partie de ses obligations présentant un caractère suffisant de gravité, elle expose :

- qu'elle n'a reçu aucun courrier de notification de cessation de la relation et qu'aucun préavis n'est mentionné dans le protocole,

- que dès février 2018, [K] [X] a modifié unilatéralement les conditions des contrats de sous-traitance en conservant les retenues de garantie de manière injustifiée et en ne réglant pas les factures avant de lui substituer un tiers sur les chantiers, de façon déloyale,

- que par de multiples courriers et sms, ATF a demandé paiement de ses factures, mais aucun paiement n'est intervenu.

La société [K] [X] conteste le caractère établi de la relation commerciale pour les raisons suivantes :

- les deux sociétés n'étaient liées par aucun contrat-cadre, accord d'exclusivité ou engagement de volume,

- elle-même répondait à des appels d'offres publics en qualité d'entreprise générale ou à des consultations privées et c'est à cette occasion qu'elle a pu sous-traiter à ATF des prestations conformes à son activité, sous réserve que le maître d'ouvrage accepte le sous-traitant et agrée ses conditions de paiement,

- le principe de la mise en concurrence de candidats à l'attribution de marchés publics de travaux interdit d'affirmer qu'il aurait existé une garantie pour ATF d'un courant d'affaires prolongé, régulier, significatif et stable.

Selon l'intimée, ATF ne justifie aucunement d'une relation commerciale établie depuis 12 ans, les premiers contrats visés au protocole datant de 2012 et le cahier de factures produit ne concernant qu'une période 2012 à 2018.

Si la Cour devait considérer que le courant d'affaires constitue une relation commerciale établie, la société [K] [X] se réfère à l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce qui prévoit la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ; elle conclut que la gravité des manquements de ATF à ses obligations contractuelles justifie la résiliation sans préavis.

Elle allègue encore que le protocole interdit de recourir aux caractères d'imprévisibilité de soudaineté et de violence de la rupture des relations, alors qu'il s'apparente clairement à l'aboutissement de pourparlers entre les parties, dispensant d'un quelconque préavis qui, de surcroît, n'était pas nécessaire en droit au regard des manquements énoncés dans le protocole.

Mais la Cour constate que l'article 1 du protocole, intitulé Objet du protocole, stipule : "Le Protocole est conclu à titre transactionnel, sans aucune reconnaissance de responsabilité de l'une ou l'autre des parties, ni acquiescement aux prétentions de l'autre."; ce protocole ne renferme aucune renonciation de la société ATF à se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce.

Cependant, c'est à l'appelante qui demande des dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie de démontrer que les conditions d'application de ce texte sont réunies et, d'abord, l'existence d'une relation commerciale établie.

Il ressort des pièces produites par l'appelante qu'entre 2012 et 2017 des relations commerciales se sont nouées entre les sociétés [K] [X] et ATF, la première sous-traitant à la seconde des prestations de plomberie et chauffage.

En l'absence de tout contrat cadre, ces contrats de sous-traitance n'avaient qu'un caractère ponctuel, comme dépendant des propres marchés publics attribués à la société [K] [X] après mise en concurrence. Dès lors, la société ATF ne pouvait légitimement croire à une stabilité et une continuité de la relation commerciale. De surcroît, eu égard aux difficultés ayant émaillés leurs relations à l'occasion des contrats de sous-traitance conclus entre 2012 et 2017, la société ATF pouvait encore moins légitimement croire à la poursuite de ces relations après la signature du protocole du 16 novembre 2018.

La relation commerciale ne présentant pas un caractère établi, l'appelante sera déboutée de toutes ses demandes de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens doivent rester à la charge de l'appelante qui succombe en toutes ses prétentions.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer à l'intimée la somme supplémentaire de 10.000 € et de rejeter la demande de l'appelante de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Déclare recevable l'intervention volontaire de la Selas Etude JP, prise en la personne de Me [H] [W], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Applications Techniques Fluides (ATF),

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déboute la SELAS Etude JP, prise en la personne de Me [H] [W], agissant ès qualités, de toutes ses demandes,

Condamne la SELAS Etude JP, prise en la personne de Me [H] [W], agissant ès qualités, à payer la somme supplémentaire de 10.000 € à la société [K] [X] par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SELAS Etude JP, prise en la personne de Me [H] [W], agissant ès qualités, aux dépens d'appel.