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Décisions

Cass. com., 11 octobre 2023, n° 22-12.361

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocats :

SARL Delvolvé et Trichet, SCP Alain Bénabent

Montpellier, du 4 janv. 2022

4 janvier 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 janvier 2022), le 6 juillet 2015, la société Diagnostic Medical Systems (la société DMS) a acquis la totalité des actions de la société par actions simplifiée AXS Medical, dont M. [S] était le fondateur et le dirigeant.

2. L'acte de cession prévoyait le maintien en fonction de M. [S] et mettait, en cas de révocation, à la charge de la société une indemnité de rupture correspondant à neuf mois de rémunération, sauf en cas de faute grave ou lourde.

3. Le 14 mars 2016, par décision de l'associé unique, la société DMS, M. [S] a été révoqué de ses fonctions pour faute lourde.

4. Soutenant que cette révocation était abusive et vexatoire, il a assigné les sociétés DMS et AXS Medical afin d'obtenir des dommages et intérêts pour rupture abusive ainsi que le paiement de l'indemnité de rupture prévue contractuellement.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

6. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter intégralement sa demande de condamnation des sociétés AXS Medical et DMS à des dommages et intérêts pour révocation abusive, alors « que la révocation d'un dirigeant social est abusive, et engage à ce titre la responsabilité contractuelle de la société et la responsabilité délictuelle des associés ou organes de la société habilités à y procéder, lorsqu'elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté et le principe du contradictoire qui en relève dans l'exercice du droit de révocation, même en présence d'une faute lourde du dirigeant ; qu'en se fondant néanmoins sur l'existence d'une faute lourde de M. [S], pour écarter tout abus de droit des sociétés AXS Medical et DMS lié au non-respect du principe du contradictoire dans l'exercice du droit de révocation de M. [S], la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à justifier la privation du droit du dirigeant de se faire entendre par la société et ses associés ou organes compétents avant qu'ils ne se prononcent sur sa révocation, violant ainsi l'[...] ancien article 1382 du code civil, [...] applicable tant à la responsabilité de la société AXS Medical qu'à celle de la société DMS, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

7. Il résulte de ce texte qu'est abusive la révocation, fût-ce pour faute lourde, du président d'une société par actions simplifiée décidée sans que celui-ci ait été préalablement mis en mesure de présenter ses observations.

8. Pour décider que la révocation de M. [S] a pu intervenir immédiatement sans entretien préalable de nature à permettre à l'intéressé, à l'issue d'un débat contradictoire, de connaître les motifs de la décision prise par l'associé unique et rejeter, en conséquence, ses demandes indemnitaires, l'arrêt énonce que le projet élaboré par M. [S], de concert avec le directeur général de la société, visant à s'approprier les données essentielles au développement des produits de la société AXS Medical, n'a été découvert que le 9 mars 2016 et laissait craindre à la société DMS une déperdition rapide de ces données essentielles, caractérisant une réelle intention de nuire et donc une faute lourde de sa part.

9. En se déterminant par de tels motifs, sans constater que, à défaut d'entretien préalable, M. [S] avait été informé de la révocation envisagée et mis en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision prise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute intégralement M. [S] de sa demande de condamnation des sociétés AXS Medical et DMS à des dommages et intérêts pour révocation abusive, l'arrêt rendu le 4 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.