Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-16.066
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boullez, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le capital de la société Easytherm est détenu depuis 2010, à hauteur de 70 %, par la société Compagnie industrielle d'applications thermiques (la société CIAT), le reste des actions étant détenu par la famille P... et d'autres actionnaires ; que le 12 janvier 2010, les actionnaires de la société Easytherm ont conclu un pacte dans lequel la société CIAT et la société SOFIMO étaient désignées comme actionnaires majoritaires, MM. A... et D... P... étant désignés comme « actionnaires minoritaires 1 » et M. I... P..., comme « actionnaire minoritaire 2 » ; que l'article 8.1 du pacte stipulait qu'en cas de cessation du mandat social d'un « actionnaire minoritaire 1 », pendant la durée du pacte, l'actionnaire minoritaire concerné s'engageait irrévocablement à vendre la totalité des valeurs mobilières qu'il détenait à cette date de départ à la société CIAT, qui, sous la même condition, s'engageait irrévocablement à les acquérir ; que les articles 8-2-1 et 8-2-2 fixaient deux hypothèses de modalités de fixation du prix des valeurs mobilières en cas de transfert ; que l'article 8.2.4 stipulait qu'en cas de désaccord entre les parties sur le prix, celui-ci serait déterminé en application de l'article 14-3 ; que la société civile Mathias et Co est venue aux droits de M. A... P... ; que M. A... P... a quitté ses fonctions de président du directoire de la société Easytherm le 29 avril 2013 ; que le 7 mai 2013, la société Mathias et Co a demandé à la société CIAT, en application de l'article 8-1-1 du pacte et en contrepartie de la cession de ses actions à cette dernière, de lui payer la somme de 359 390 euros ; que la société Mathias et Co a assigné la société CIAT et la société Easytherm aux fins de voir constater que la vente de ses titres à la société CIAT était parfaite depuis le 29 avril 2013, et de condamner en conséquence cette dernière à lui payer la somme de 359 390 euros ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu que pour recevoir la contestation de la société CIAT relative au prix de cession des valeurs mobilières en cause, et surseoir à statuer sur la demande de la société Mathias et Co tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il condamnait la société CIAT à lui payer la somme de 359 390 euros, jusqu'au dépôt du rapport d'un expert-comptable désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal de commerce statuant dans la forme des référés ainsi que sur les autres demandes, l'arrêt retient qu'il s'évince de l'article 14-3 du pacte d'actionnaires que l'obligation de notifier toute contestation, dans les huit jours de la réalisation de la condition prévue à l'article 8 de cessation du mandat social d'un « actionnaire minoritaire 1 » pendant la durée du pacte, ne pesait pas spécialement sur la société CIAT en sa qualité de cessionnaire, mais sur toute partie concernée par le transfert de titres et que, cette notification n'ayant pas été faite, les délais imposés par l'article 14-3 pour la désignation d'un expert n'ont pas pu courir ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des termes clairs et précis de l'article 14-3 du pacte d'actionnaire, auquel renvoie l'article 8-2-4, pour résoudre les différends relatifs à la fixation du prix, que « toute contestation, quel qu'en soit le contexte, portant sur le prix par valeur mobilière (...) devra être notifiée à tous les actionnaires, au cessionnaire désigné comme tel dans un projet de transfert, et à la société Easytherm, au plus tard dans les 8 jours (...) de la réalisation de la condition prévue à l'article 8 », c'est-à-dire de la cessation des fonctions de « l'actionnaire minoritaire 1 », et que « les parties concernées, à défaut d'accord amiable dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la contestation, devront soumettre leur différend à un expert (...) désigné d'un commun accord, ou à défaut d'accord sur le choix de l'expert, à un cabinet d'expertise comptable (...) désigné par le président du tribunal de commerce de Lyon statuant en référé », de sorte qu'il incombait à la société CIAT, si elle entendait élever une contestation sur le prix des actions qu'elle était obligée d'acquérir, de notifier celle-ci dans le délai de huit jours à compter de la cessation de fonctions de M. A... P..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que la société Mathias et Co ayant fait connaître à la société CIAT le montant du prix de cession de ses titres seulement par lettre du 7 mai 2013, en application de l'article 8-1-1 du pacte, cependant que le délai de huit jours pour notifier les contestations avait expiré la veille, elle est mal fondée à lui reprocher d'avoir tardé à contester ce prix ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société Mathias et Co était seulement tenue par l'article 8-1-1 du pacte à la remise des titres dans un délai de quinze jours après la survenance de l'événement l'obligeant à la cession de ceux-ci, ce dont elle s'était acquittée, et qu'à défaut d'avoir élevé une contestation sur le prix dans les formes et délais prévus à l'article 14-3 du pacte auquel renvoyait son article 8-2-4, la société CIAT était redevable du prix de cession déterminé dans les conditions contractuelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.