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Décisions

Cass. 1re civ., 9 mai 1994, n° 91-21.876

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

M. Pinochet

Avocat général :

M. Lesec

Avocats :

SCP Defrénois et Levis, SCP Célice et Blancpain, SCP Coutard et Mayer

Cass. 1re civ. n° 91-21.876

8 mai 1994

Attendu qu'à la suite du vol de l'automobile que Mme X... avait assurée contre ce risque auprès de la compagnie Via assurances, devenue Allianz-Via, l'assureur a adressé à la société Pages et Cie, courtier, un chèque barré, libellé au nom de l'assurée, représentant le solde de l'indemnité, soit la somme de 72 629,99 francs ; que la société a transmis ce chèque à Mme X... par une lettre simple qui n'est pas parvenue à sa destinataire, le chèque ayant été dérobé par un tiers, non identifié, qui s'est fait ouvrir, à l'aide d'une carte d'identité falsifiée, un compte bancaire où il a déposé le chèque et d'où il a retiré la somme de 60 000 francs ; que Mme X... a demandé paiement du montant du chèque à la compagnie d'assurances et a recherché la responsabilité du courtier ; qu'elle a été déboutée de ces demandes par un premier arrêt, contre lequel elle a présenté une requête en omission de statuer, rejetée par un second arrêt ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi n° 91-21.876 :

Attendu que Mme X... reproche à la première de ces décisions de l'avoir déboutée de sa demande dirigée contre l'assureur, alors que, selon le moyen, la cour d'appel a, d'une part, privé sa décision de base légale en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le courtier n'avait pas agi comme mandataire de l'assureur, d'autre part, violé l'article 62 du décret-loi du 30 octobre 1935 en retenant que la remise du chèque en paiement avait un effet libératoire ;

Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt attaqué a relevé que Mme X... avait chargé la société Pages et Cie, dont l'objet était le courtage d'assurance, de déclarer le vol en son nom et d'obtenir l'indemnité de l'assureur ; que la société avait transmis à la compagnie la quittance signée de Mme X..., comprenant l'avance d'une provision de 10 000 francs ; que la cour d'appel, procédant à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise, a estimé que la société Pages et Cie avait été investie par Mme X..., dont elle était le mandataire, du pouvoir de recevoir le chèque représentant l'indemnité d'assurance, et en a justement déduit que l'assureur s'était valablement libéré de son obligation au paiement de l'indemnité en faisant parvenir le chèque à ce mandataire ; d'où il suit que le premier moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Vu l'article 1148 du Code civil ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts par la société Pages et Cie, l'arrêt attaqué retient qu'aucune faute ne peut être reprochée au courtier qui transmet à son mandant, par lettre simple, un chèque barré libellé au nom de celui-ci, le vol de cette lettre constituant un cas de force majeure ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que le risque de vol d'un chèque, d'un montant important, expédié par lettre simple, ne présente pas le caractère d'imprévisibilité constitutif de la force majeure, l'administration des Postes offrant à ses usagers les moyens de se prémunir contre ce risque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° 92-13.434, pris en ses trois branches :

Vu les articles 4, 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la requête en réparation d'une omission de statuer présentée par Mme X... contre l'arrêt du 20 septembre 1991, l'arrêt du 7 février 1992 a retenu qu'à aucun moment Mme X... n'avait demandé, dans le dispositif de ses conclusions, de condamner la compagnie d'assurances à lui régler la somme de 12 629,99 francs ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... avait demandé qu'il soit statué sur le sort de ladite somme, bloquée à la requête de l'assureur, dans les motifs de ses conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi n° 91-21.876 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande dirigée contre la société Pages et compagnie, l'arrêt rendu le 20 septembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la même cour d'appel le 7 février 1992 ;

REMET, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.