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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 16 novembre 2023, n° 19/08448

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

2R Fleet Services (SAS)

Défendeur :

Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Jullien, Mme Le Gall

Avocats :

Me Vandelet, Me Plantureux, Me Trombetta

T. com. Saint-Etienne, du 22 oct. 2019, …

22 octobre 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 avril 2016, la société 2R Fleet Services a conclu avec la société LOCAM - Location Automobiles Matériels (la société Locam) un contrat de location portant sur un distributeur de boissons fourni par la société Selecta, moyennant le règlement de soixante loyers mensuels de 206,18 euros TTC. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé par voie électronique le 31 août 2016.

Par courriers du 20 juin 2017, la société 2R Fleet Services a indiqué à la société Locam et à la société Selecta sa volonté de résilier le contrat de location.

Par courrier recommandé du 7 décembre 2017, la société Locam a mis en demeure la société 2R Fleet Services de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Par acte d'huissier du 22 janvier 2018, la société Locam a assigné la société 2R Fleet Services devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne afin d'obtenir la somme principale de 11.290,22 euros.

Par jugement contradictoire du 22 octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- débouté la société 2R Fleet Services de sa demande tendant à faire constater la résiliation du contrat de location à la date du 20 septembre 2017,

- dit irrecevables le moyen fondé sur l'existence d'un déséquilibre significatif dans les obligations contractuelles tel que défini par l'article L. 442-6 du code de commerce et les demandes y afférentes,

- invité le défendeur à mieux se pourvoir au titre des demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- constaté que l'indemnité de résiliation constitue une clause pénale au même titre que la clause pénale de 10 % stricto sensu,

- débouté la société 2R Fleet Services de sa demande en réduction de la clause pénale,

- condamné la société 2R Fleet Services à verser à la société Locam la somme totale de 11.290,22 euros, y incluse les clauses pénales, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 décembre 2017,

- ordonné la restitution par la société 2R Fleet Services à la société Locam du matériel objet du contrat,

- rejeté la demande d'astreinte,

- condamné la société 2R Fleet Services à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont à la charge de la société 2R Fleet Services,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le jugement a été signifié le 15 novembre 2019 et la société 2R Fleet Services a interjeté appel par déclaration du 10 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 avril 2021, la société 2R Fleet Services demande à la cour de :

- Déclarer la société 2R Fleet Services recevable et bien fondée en son appel,

- Infirmer le Jugement rendu le 22 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Saint Etienne, sauf en ce qu'il a constaté que l'indemnité de résiliation constitue une clause pénale au même titre que la clause pénale de 10 % stricto sensu,

A titre principal :

- Constater que le contrat de location est résilié depuis le 20 septembre 2017, soit au terme du préavis de trois mois courant à compter de la lettre de résiliation du 20 juin 2017,

- Dire que l'indemnité de résiliation égale à la totalité des loyers restant à courir prévue à l'article 12 du contrat de location est une clause pénale manifestement excessive, au regard du coût du matériel loué et compte tenu de la contribution de la société Locam à l'aggravation de son préjudice,

- Infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la société 2R Fleet Services à verser à la société Locam la somme totale de 11.290,22 euros, y inclus les clauses pénales,

A titre subsidiaire :

- Ramener la condamnation de la société 2R Fleet Services au titre des loyers échus au prorata temporis, soit à l'équivalent de trois mois et 25 jours de loyers, soit à 813,93 euros,

- Ramener la condamnation au titre des clauses pénales à de plus justes proportions,

En tout état de cause :

- Ordonner à la société Locam de procéder à ses frais à l'enlèvement du matériel loué dans les locaux de la société 2R Fleet Services ,

- Condamner la société Locam à payer à la société 2R Fleet Services la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Locam aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 février 2021, la société Locam demande à la cour de :

- dire non fondé l'appel de la société 2R Fleet Services, la débouter de toutes ses demandes, confirmer le jugement entrepris,

- condamner la société 2R Fleet Services à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les débats étant fixés au 27 septembre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du contrat

La société 2R Fleet Services fait valoir que :

- elle entendait résilier le contrat selon l'une des trois options proposées par la société Locam, consistant à proposer un successeur au contrat, alors que la société Locam a immédiatement fait le choix de la voie contentieuse ;

- il convient de constater que le contrat de location est résilié depuis le 20 septembre 2017, soit au terme d'un préavis de trois mois courant à compter de la lettre de résiliation du 20 juin 2017, et d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 855,32 euros au titre de quatre loyers échus pour la période du 20 septembre 2017 au 20 décembre 2017.

La société Locam fait valoir que :

- aux termes du contrat, le locataire ne dispose pas d'une faculté de résiliation unilatérale ;

- aucun accord de résiliation n'est intervenu entre les parties et si elle a proposé à la société 2R Fleet Services une alternative à l'indemnité de résiliation consistant à ce que celle-ci se substitue un successeur à la location, six mois se sont écoulés entre cette proposition en juin 2017 et la mise en demeure de payer en décembre 2017, sans que la société 2R Fleet Services ne propose de repreneur ; cette solution amiable ne constitue pas une obligation contractuelle et démontre, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, qu'elle a tenté une solution amiable.

Sur ce,

Il résulte de l'article 3 des conditions générales du contrat conclu par société 2R Fleet Services, et des conditions particulières, que le contrat a été conclu pour une durée irrévocable de soixante mois. Aucune clause ne permet au locataire de résilier le contrat, de sorte qu'il est engagé pour cette durée.

Les échanges entre les parties produits aux débats établissent qu'en mai-juin 2017, celles-ci ont envisagé une solution amiable à la demande de résiliation, la société Locam offrant à la société 2R Fleet Services la possibilité de « proposer un successeur à votre contrat en prenant contact avec notre service transfert pour l'étude de votre demande ».

Il s'agit bien d'une démarche amiable qui ne relevait pas des obligations contractuelles de la société Locam. Or, la société 2R Fleet Services ne justifie pas avoir proposé un successeur, ni pris attache avec la société Locam pour envisager le transfert du contrat à un autre locataire, se bornant à indiquer à la société Locam, par lettre du 20 juin 2017 : « merci de mettre en place la proposition d'un successeur à ce contrat ».

Le contrat n'a donc pas été résilié par la société 2R Fleet Services aux termes de sa lettre du 20 juin 2017 et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société 2R Fleet Services de sa demande tenant à faire constater la résiliation du contrat de location à la date du 20 septembre 2017.

Sur les demandes en paiement de la société Locam

La société 2R Fleet Services fait valoir que :

- le contrat prévoit que le locataire devra verser une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 %, de sorte que l'indemnité de résiliation constitue bien une clause pénale au même titre que la clause pénale de 10 % ;

- la clause pénale de 10 % applicable sur l'indemnité de résiliation revient à appliquer une clause pénale sur une clause pénale ;

- l'indemnité de résiliation, en tant que clause pénale, doit être réduite à de plus justes proportions, en ce qu'elle est manifestement excessive.

La société Locam fait valoir que :

- il ne peut y avoir de confusion entre l'indemnité de résiliation et la clause pénale ;

- le pouvoir modérateur du juge est conditionné au caractère manifestement excessif de la clause pénale, ce que ne démontre par l'appelante ;

- l'appareil loué a coûté la somme de 9.567,50 euros TTC alors qu'elle n'a reçu que la somme de 2.779,79 euros au titre des loyers réglés par la société 2R Fleet Services, de sorte qu'elle subit un préjudice justifiant la condamnation de la société 2R Fleet Services à exécuter ses obligations contractuelles.

Sur ce,

L'article 12 des conditions générales du contrat prévoit qu'en cas de résiliation par le loueur pour défaut de paiement, le locataire devra lui verser une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 %.

Cette somme égale à la totalité des loyers restant à échoir constitue l'indemnité de résiliation. Elle présente donc un caractère à la fois indemnitaire, puisqu'elle constitue une évaluation forfaitaire du dommage subi par la société Locam à la suite de la résiliation du contrat, et un caractère comminatoire, son montant élevé ayant pour but de contraindre la société locataire à exécuter le contrat jusqu'à son terme, de sorte qu'elle constitue une clause pénale et non une clause de dédit.

Elle est ainsi susceptible de modération si elle est manifestement excessive au regard du préjudice subi par la société Locam.

En l'espèce, la société Locam justifie avoir réglé au fournisseur, la société Selecta, la somme de 9.567,60 euros TTC au titre du matériel « Torino Mangalore LYO », comme visé au contrat. Au regard de cet élément et du coût total de la location (60 loyers de 206,18 euros TTC), l'indemnité de résiliation n'apparaît pas manifestement excessive, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la réduire.

En revanche, l'application d'une clause pénale de 10 % sur les mensualités restant à échoir apparaît excessive dès lors que la société Locam obtient déjà la réparation de son préjudice grâce à l'indemnité de résiliation, de sorte que le montant dû au titre de cette clause sur les loyers non échus sera réduit à la somme d'un euro. Seule l'indemnité de 10 % sur les échéances impayées apparaît proportionnée et il y sera donc fait droit.

Il résulte de la mise en demeure adressée par la société Locam à la société 2R Fleet Services en décembre 2017, que cette dernière a cessé de régler les loyers à compter du 20 septembre 2017, et qu'au jour de la résiliation du contrat par le loueur le 7 décembre 2017, trois échéances étaient impayées. L'échéance prévue au contrat est de 206,18 euros TTC de sorte que l'arriéré s'élève à la somme de 618,54 euros TTC, sur laquelle s'applique la clause pénale de 10 %, soit la somme totale de 680,39 euros.

Quarante-cinq mensualités restaient donc à échoir, représentant la somme de 9.278,10 euros TTC à laquelle s'ajoute la pénalité réduite à un euro. Il en résulte que la société 2R Fleet Services sera condamnée à payer à la société Locam la somme totale de 9.959,49 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 décembre 2017. Le jugement sera donc réformé de ces chefs.

Sur la demande de restitution / d'enlèvement du matériel.

La société 2R Fleet Services fait valoir qu'elle ne veut pas prendre le risque de déplacer elle-même le distributeur de boissons dont l'enlèvement nécessite l'intervention de professionnels compétents ; que seule la société Locam est compétente pour y procéder, de sorte qu'il convient d'ordonner à celle-ci d'enlever le matériel à ses frais.

Elle précise que sa demande s'inscrit dans le cadre de l'article 566 du code de procédure civile qui dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La société Locam fait valoir que la demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel et s'avère, en tout état de cause, contraire aux stipulations contractuelles, l'appelante ne démontrant pas, de surcroît, son impossibilité à procéder à l'enlèvement du distributeur de boisson par toute autre société que la société Locam.

Sur ce,

La demande de reprise du matériel formée par la société 2R Fleet Services est certes nouvelle en cause d'appel, mais est accessoire aux prétentions formées devant les premiers juges, de sorte que, conformément à l'article 566 du code de procédure civile, elle est recevable.

L'article 15 du contrat prévoit qu'à la fin de la location ou en cas de résiliation du contrat, « la restitution du bien aura lieu à l'adresse indiquée par le loueur ou à défaut au siège social de ce dernier, les frais et charges de restitution étant supportés par le locataire ».

Rien ne justifie qu'il soit dérogé aux conditions générales du contrat, la supposée fragilité du distributeur de boissons, alléguée par la société 2R Fleet Services, n'étant pas prévues par les parties au titre des conditions de restitution.

La société 2R Fleet Services sera donc déboutée de sa demande à ce titre et le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a ordonné de restituer le matériel objet du contrat.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant partiellement, elle conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés, ainsi que la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il déboute la société 2R Fleet Services de sa demande de réduction de la clause pénale et la condamne à payer à la société LOCAM - Location Automobiles Matériels la somme totale de 11.290,22 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 décembre 2017.

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne la société 2R Fleet Services à payer à la société LOCAM - Location Automobiles Matériels la somme totale de 9.959,49 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 décembre 2017.

Dit que chaque partie conserve la charge des dépens d'appel qu'elle a exposé.

Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres frais irrépétibles.