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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 16 novembre 2023, n° 21/07449

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Doctegestio (SA), DG Urbans (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

M. Berthe, Mme Lebée

Avocats :

Me Ohana, Me Abou, Me Charbonnier, Me Baret

TJ Paris, 18e ch. sect. 1, du 2 mars 202…

2 mars 2021

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [R] a, en lien avec trente-six autres copropriétaires, ce par assignation délivrée 1e 14 mars 2016 et rectifiée le 10 octobre 2016 sur le fondement des articles 1382 du code civil, 46 du code de procédure civile et L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution, sollicité du tribunal judiciaire de Paris de voir déclarer la société Doctegestio occupante sans droit ni titre des locaux par chacun acquis au sein d'un ensemble immobilier sis à [Adresse 8] et exploité sous forme de résidence hôtelière, l'exploitation des locaux illicite et que soit ordonnée son expulsion et sa condamnation au paiement d'indemnités d'occupation et de dommages et intérêts.

Par assignation délivrée le 1er septembre 2017 par ces mêmes copropriétaires à la société DG Urbans en présence de la société Doctegestio, est sollicitée la condamnation solidaire de ces deux sociétés ou l'une à défaut de l'autre au paiement d'une indemnité d'occupation pour la période du 22 décembre 2015 au 16 juin 2017.

Par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en date du 28 septembre 2017, ces procédures ont été jointes. Puis, par ordonnance du 28 mai 2020, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction des prétentions émises par chacun des défendeurs et dit qu'un nouveau numéro de répertoire général sera attribué à chaque affaire nouvellement créée à savoir une affaire par demandeur à l'encontre des défendeurs, la société Doctegestio et la SARL DG Urbans.

Il appert que la société Hôtelière de Pantin, qui exploitait une résidence hôtelière comportant 139 chambres données à bail par des propriétaires investisseurs, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de [6] le 12 mai 2015.

Par jugement du 22 décembre 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a notamment arrêté le plan de cession de la société Hôtelière de Pantin au profit de la société Doctegestio avec « une reprise de l'ensemble des baux actuels avec les propriétaires individuels [ayant] accepté de signer [...] un accord visant à négocier une baisse de loyer de 30 % par rapport au loyer actuel ou qui ont passé un accord avec la société Doctegestio », autorisé la substitution du repreneur au profit de l'une de ses filiales mais en restant garant solidaire de l'exécution des engagements souscrits et ordonné le transfert des baux conclus renégociés, le repreneur faisant son affaire personnelle des soixante-dix-neuf autres lots non renégociés.

Par un arrêt du 6 avril 2016, la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'appel à l'encontre de la décision du 22 décembre 2015 formé par les vingt-huit bailleurs co-contractants cédés et la société Rhodes Affaires, candidat repreneur évincé.

Arguant de l'exploitation sans droit ni titre de leurs locaux par la société Doctegestio, les trente-sept copropriétaires dont les baux n'ont pas été repris et l'association Assopantin constituée pour leur défense ont assigné les sociétés Doctegestio et DG Urbans aux fins d'indemnisation de leur préjudice respectif et demandé le paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun à compter du 16 juin 2017 jusqu'à la libération effective des locaux outre une somme au titre du chiffre d'affaires estimé réalisé par la société Doctegestio sur chacun des lots occupés.

Par jugement en date du 2 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment dit que les demandes formées à l'encontre de la société Doctegestio sont recevables, condamné in solidum la société Doctegestio et la société DG Urbans à payer à chacun des copropriétaires une somme à titre d'indemnité d'occupation pour la période fixée au dispositif de la décision, débouté les copropriétaires de leur demande indemnitaire au titre de l'exploitation illicite des locaux, débouté les sociétés Doctegestio et DG Urbans de leur demande de paiement au titre des charges communes et à supporter la charge des dépens.

Par déclaration en date du 14 avril 2020, les sociétés Doctegestio et DG Urbans ont interjeté appel total du jugement du 2 mars 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées le 11 janvier 2022, les sociétés Doctegestio et DG Urbans demandent à la cour de :

- recevoir les Sociétés Doctegestio et DG Urbans en leurs écritures d'appelantes et les déclarer bien fondées ;

- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [R] de sa demande indemnitaire au titre de l'exploitation illicite ;

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable toute demande formée à l'encontre de la SA Doctegestio ;

- débouter M. [I] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Reconventionnellement,

- condamner M. [I] [R] à restituer à la SARL DG Urbans la somme de 9.542,15 euros au titre des charges communes de la Résidence indûment payées du 22 décembre 2015 au 31 décembre 2016 ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. [I] [R] à payer une somme de 1.000 euros aux sociétés Doctegestio et DG Urbans à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive ;

- condamner M. [I] [R] à payer une somme de 1.000 euros aux sociétés Doctegestio et DG Urbans en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Par conclusions signifiées le 12 octobre 2021, M. [I] [R] demande à la cour de ;

- déclarer la société Doctegestio et la Société DG Urbans recevables mais mal fondées en leur appel, les en débouter ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

condamné in solidum la société Doctegestio et la société DG Urbans au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 22 décembre 2015 au 16 juin 2017 avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

débouté la société Doctegestio et la société DG Urbans de leur demande de paiement au titre des charges communes ;

- condamné in solidum la société Doctegestio et la société DG Urbans à payer à M. [I] [R] la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Doctegestio et la société DG Urbans à payer les dépens de l'instance ;

- déclarer M. [I] [R] recevable et bien fondé en son appel incident et y faisant droit,

Réformer le jugement entrepris pour le surplus et,

- condamner solidairement la SA Doctegestio et la SARL DG Urbans à payer à M. [I] [R] :

la somme de 44.544,88 euros HT au titre de la valeur locative majorée de 20 % due pour l'indemnité d'occupation de droit commun avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

la somme de 6.258,30 HT au titre du remboursement des impôts fonciers dans l'indemnité d'occupation de droit commun avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

la somme de 669,39 euros HT au titre du remboursement des charges de copropriété dans l'indemnité d'occupation de droit commun avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

la somme de 81.504,36 euros HT au titre du chiffre d'affaires estimé réalisé par la SA Doctegestio sur les lots occupés sur la période du 22 décembre 2015 au 16 juin 2017 avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

- débouter les sociétés Doctegestio et DG Urbans de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

condamner solidairement la SA Doctegestio et la SARL DG Urbans à payer à M. [I] [R] :

la somme de 37.120,73 euros HT au titre de la valeur locative due pour l'indemnité d'occupation de droit commun avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

la somme de 905,70 euros HT au titre du remboursement des taxes d'enlèvement des ordures ménagères dans l'indemnité d'occupation de droit commun avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

la somme de 141,39 euros HT au titre du remboursement des charges locatives dans l'indemnité d'occupation de droit commun avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

la somme de 3.928 euros HT au titre du chiffre d'affaires estimé réalisé par la SA Doctegestio sur les lots occupés sur la période du 22 décembre 2015 au 15 février 2016 avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 22 décembre 2015 ;

En toute hypothèse,

- débouter les sociétés Doctegestio et DG Urbans de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner solidairement la SA Doctegestio et la SARL DG Urbans à verser à M. [I] [R] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la SA Doctegestio et la SARL DG Urbans aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Doctegestio,

Les sociétés Doctegestio et DG Urbans exposent, en substance, que la société Doctegestio a cédé le fonds de commerce litigieux, par acte du 16 juin 2016, à la société DG Urbans sous la responsabilité exclusive de cette dernière, sans aucune garantie de la part de la société Doctegestio, qu'au sens de l'article 122 du code de procédure civile toutes demandes formées à l'encontre de cette dernière doivent être déclarées irrecevables.

M. [I] [R] expose que la cession du fonds de commerce du 16 juin 2016 n'est pas opposable aux propriétaires concernés dès lors que leurs lots ne font pas parties du fonds de commerce cédé.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Le tribunal de commerce de Bobigny a, par jugement en date du 22 décembre 2015, arrêté le plan de cession de la société Hôtelière de Pantin au bénéfice de la société Doctegestio, retenu que la société Doctegestio assortissait son offre d'une clause de substitution au profit de l'une de ses filiales tout en restant garante solidaire de l'exécution des engagements par elle souscrits, que la reprise portait notamment sur l'actif immobilier à usage commun, situé au rez-de-chaussée de la résidence, sur l'ensemble des baux renégociés avec les copropriétaires individuels par la société Hôtelière de Pantin ou par Doctegestio et a pris acte des engagements du repreneur à faire son affaire personnelle de tous les baux conformément à son offre assortie d'aucune condition suspensive.

Il s'en déduit que la société Doctegestio restant tenue des engagements souscrits dans le cadre du plan de cession malgré la substitution intervenue et, dans la mesure où l'acte de cession est inopposable aux copropriétaires des lots non cédés, ces derniers disposent d'un intérêt à agir à l'encontre tant de la société DG Urbans que de la société Doctegestio dans leur action relative notamment à l'indemnisation d'une occupation sans droit ni titre de leurs biens respectifs.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée.

Sur les demandes principales

Aux termes de l'article 544 du code civil, « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou par les règlements. »

Le droit de propriété, constitutionnellement reconnu se décompose en plusieurs attributs, le droit de disposer de son bien, qui inclut notamment le droit du propriétaire de le céder ou le concéder librement, et le droit d'en jouir, qui lui permet d'en tirer les fruits par la libre utilisation et la libre exploitation qu'il en a.

La libre utilisation du bien inclut le droit d'accès et le libre usage. L'atteinte à cet attribut du droit de propriété se caractérise par une occupation sans droit, ni titre de celui qui pénètre et s'installe dans le bien sans y avoir été autorisé par le propriétaire.

La libre exploitation du bien inclut le droit d'emploi et le droit de tirer les fruits de cette exploitation tout en assumant les charges liées à cet emploi.

En l'espèce, comme jugé par la 1ère chambre de la cour d'appel de Paris par arrêt en date du 07 mars 2017 (RG n° 16/15336) auquel il est renvoyé sur ces motifs, le règlement de copropriété de la résidence, antérieur à son classement en résidence hôtelière, a rappelé le droit de chacun des copropriétaires, d'une part, de son droit de jouir et d'user en bon père de famille des parties de l'immeuble dont il a l'usage exclusif, d'autre part, de confier librement la gestion de son bien au gestionnaire de son choix et a prévu que seule la gestion des services spécifiques couvrant les parties communes du rez-de-chaussée du bâtiment devait être confiée à un gestionnaire unique.

Les nombreuses décisions rendues dans le cadre du litige opposant les sociétés appelantes aux copropriétaires intimés, notamment, l'ordonnance du juge des référés du 1er juillet 2016, les arrêts de la cour d'appel de Paris du 7 mars 2017 et du 10 janvier 2019, en ont déduit, de façon constante, que la société Doctegestio ne pouvait s'opposer au libre accès et à la libre exploitation de leurs lots par les copropriétaires dont les baux n'avaient pas été repris, en toute connaissance de cause, dans le cadre du plan de cession arrêté, ce dont elle avait déclaré faire son affaire.

Sur la caractérisation d'une occupation sans droit ni titre

Les sociétés Doctegestio et DG Urbans exposent, en substance :

Sur l'exploitation des 80 lots litigieux, qu'aucune faute n'a été commise dès lors que la preuve d'une exploitation continue entre le 22 décembre 2015 et le 15 février 2016 des 80 lots litigieux n'a pas été rapportée, que le procès-verbal de constat du 15 février 2016 est insuffisant pour individualiser une occupation des lots appartenant à la M. [I] [R] compte-tenu des « déductions hâtives de l'huissier » et de l'absence de photographie annexée, que l'examen du fichier Cardex, livre interne de l'exploitant, fait apparaître l'absence de réservation pour les lots litigieux sur la période considérée, que pour la période postérieure au 15 février 2016, aucune preuve d'occupation du lot n° 120-124-153 n'est versée aux débats par l'intimé, que les copropriétaires ne pouvaient confier leur lot en gestion à l'exploitant qu'ils avaient choisi du 1er juillet 2016 au 7 mars 2017 conformément à une décision de justice ayant autorité de la chose jugée en raison d'un acte de concurrence déloyale, que par arrêt du 10 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a exclu l'existence d'un acte précis venant porter atteinte à la gestion paisible des lots litigieux du 7 mars 2017 au 16 juin 2017 ;

Sur l'entrave à l'accès et à l'exploitation des lots litigieux, qu'aucune faute n'a été commise dès lors que les copropriétaires et, notamment M. [I] [R], ne rapportent pas la preuve d'un acte précis venant porter atteinte à la gestion paisible de leurs lots ;

Sur la motivation du jugement, que s'agissant des badges d'accès à chacun des lots privatifs, la société Doctegestion a bloqué l'accès à titre conservatoire en mai 2016 en raison d'un acte de concurrence déloyale avant d'avoir saisi le juge des référés, qu'elle a respecté l'ordonnance du 1er juillet 2016 en acceptant le changement d'encodage des lecteurs de cartes magnétiques équipant chacun des soixante-dix-neuf lots privatifs levant ainsi le blocage le 8 juillet 2016, que s'agissant des badges d'accès aux parties communes, la désactivation du système est intervenue à la diligence du Syndic, à la suite d'un vote en assemblée générale des copropriétaires, qu'une telle désactivation ne dépend pas des prérogatives des concluantes, que le procès-verbal d'assemblée générale du 9 juin 2017 leur est inopposable dès lors que cette même assemblée générale a voté la désactivation du système .

M. [I] [R] oppose, en substance :

Qu'au regard de deux sites internet des sociétés appelantes (pièces n° 4 et 4-1) celles-ci ont exploité sans droit ni titre l'ensemble des lots de la résidence hôtelière, dont les lots n° 120-124-153 lui appartenant, en ce que les annonces font état d'un nombre de chambres supérieur à celles cédées et les deux constats d'huissier de justice (pièces n° 10, 17 et 17-1) révèlent notamment l'existence de chambres occupées, dont les occupants ont été rencontrés, et l'exploitation de toutes les autres préparées à la location ;

Que les sociétés appelantes ont refusé de rendre à M. [I] [R] les badges d'accès à ses lots, ou n'ont accepté de les rendre que contre le versement d'une somme injustifiée de 3.600 euros HT par lot, que plusieurs décisions de justice ont reconnu que les copropriétaires avaient été privés de l'accès à leurs lots et donc de la possibilité de les exploiter du fait des actions des sociétés appelantes jusqu'au 16 juin 2017, que l'arrêt du 7 mars 2017 rendu par la cour d'appel de Paris a interdit aux appelantes de s'opposer au libre accès et à la jouissance des copropriétaires de leurs lots, que l'arrêt du 17 octobre 2018 rendu par la cour d'appel de Paris a confirmé que les appelantes ne pouvaient pas s'opposer à l'entrée dans les murs d'un gestionnaire choisi par les copropriétaires non cédés, que le jugement du 16 janvier 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny a reconnu que les copropriétaires avaient le droit de faire gérer leurs lots par le gestionnaire de leur choix, que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 janvier 2019 ont confirmé que les appelantes avaient fautivement empêché les copropriétaires d'avoir accès à leurs lots jusqu'au 16 juin 2017.

Il ressort des pièces versées aux débats que :

Le 22 décembre 2015 la société Doctegestio a repris le fonds de commerce de la résidence hôtelière litigieuse, dont elle est devenue l'exploitante unique pour les parties communes et la gestion des services collectifs, reprise qui n'a concerné que vingt-neuf baux, soit cinquante-cinq chambres ;

le 15 février 2016 un procès-verbal de constat est dressé par Maître [L] [U], huissier de Justice à Paris, laquelle déclare que lui a été remis le registre hôtelier, sous forme d'édition du fichier Cardex, du 22 décembre 2015 au 15 février 2016, qu'elle s'est rendue dans les quatre-vingt-quatre chambres visées par l'ordonnance l'ayant commise afin de constater leur occupation ou non, qu'elle a constaté que l'ensemble des quatre-vingt chambres fait bien l'objet d'une exploitation par la société Doctegestio caractérisée, soit par la rencontre des occupants desdites chambres, soit par l'existence d'effets personnels garnissant lesdites chambres ou par l'état de propreté de ces dernières avec notamment la mise à disposition d'oreillers à l'état neuf placés sous emballage, de serviettes de bain parfaitement pliées et rangées dans la salle de bains, de produits d'hygiène corporelle, de matériel hi-fi et téléphones fixes, de petits appareils électroménagers type bouilloire et grille-pain, avec tasses et boissons déshydratées, que l'ensemble des water-closets des chambres non occupées lors de mon passage mais exploitées est muni d'une bande d'hygiène de protection type papier recouvrant la lunette des WC », qu'elle dresse un tableau de ces constats dont il ressort que sur les quatre-vingt chambres visitées, quatre-vingt d'entre elles reprennent les caractéristiques d'exploitation sus-évoquées et seize chambres font l'objet d'une occupation constatée ;

Sur la période du 22 décembre 2015 au 15 février 2016, le tableau extrait des éditions du ficher Cardex dresse la « liste de toutes les chambres exploitées » en précisant les jours d'occupation et spécifie pour chacune la possession d'un bail par Doctegestio ou pas. A ce stade, il en ressort, par comparaison avec le tableau de Maître [U], que certaines des chambres visitées par l'huissier n'apparaissent pas dans ce fichier, telles les chambres 107, 207, 307, 314, 315, 316, 403, 413, et 803, d'autres sont mentionnées comme faisant l'objet d'un bail en contradiction avec la liste des chambres visitées par Maître [U], chambres 112, 114, 712 et 900 et l'occupation des chambres pour le jour du 15 février 2016 n'apparaît pas dans l'extraction du Cardex reprise sous ce tableau ;

Le 25 mars 2016, les badges d'accès aux ascenseurs ont été remis aux copropriétaires intimés contre paiement de la somme de 3.600 euros ;

Le 20 mai 2016, l'association Assopantin adresse un courrier à la société Doctegestio l'informant du mandant de gestion en vue de l'exploitation de leurs lots confiés par les copropriétaires intimés à la société ART à compter du 1er juin 2016 ;

Le 16 juin 2016, la société Doctegestio a cédé l'exploitation du fonds à la société DG Urbans ;

Le 1er juillet 2016, le tribunal de grande instance de Bobigny a rejeté la demande d'interdire aux copropriétaires de procéder à des actes de concurrence déloyale et de parasitisme et fait interdiction à Doctegestio de s'opposer au libre accès et à la libre jouissance de chaque copropriétaire aux parties communes et à ses parties privatives ;

Le 8 juillet 2016, les copropriétaires ont fait changer le code des badges d'accès aux ascenseurs ;

le 7 mars 2017, la cour d'appel de Paris a confirmé partiellement l'ordonnance de référé en ce qu'elle a fait interdiction à la société Doctegestio de s'opposer au libre accès et à la libre jouissance des parties privatives et communes, y ajoutant, a interdit aux sociétés Doctegestio et DG Urbans, sous astreinte de 500 euros par copropriétaire et par infraction constatée de s'opposer au libre accès et à la jouissance des parties privatives et des parties communes par les copropriétaires, et a ordonné aux mêmes sociétés, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par copropriétaire de permettre à tout gestionnaire choisi par les appelants de gérer paisiblement leurs lots ;

Les 11, 18, 27 avril et 16 mai 2017, par procès-verbal, Maître [B], huissier de justice sis à [Localité 5], a constaté que l'utilisation des ascenseurs n'est pas possible avec le badge remis aux copropriétaires ;

Le 24 avril 2017, Maître [O], huissier de justice sis à [Localité 9], a constaté que l'utilisation des ascenseurs est possible avec la carte en possession de la réceptionniste de la résidence ;

Le 18 avril 2017 par courrier officiel, la société Doctegestio a déclaré ne pas s'opposer au libre accès des copropriétaires aux ascenseurs, ni à leur libre exploitation ;

Le 9 juin 2017, l'assemblée générale des copropriétaires a voté le libre accès aux ascenseurs et aux escaliers et la désactivation du système de contrôle des accès ;

Le 16 juin 2017, le système est effectivement désinstallé ;

le 10 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a infirmé partiellement le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris le 19 octobre 2017 concernant la liquidation des astreintes assorties aux interdictions faites par la cour aux exploitantes en considérant que les copropriétaires ont été en mesure d'accéder librement à leurs lots depuis le 25 mars 2016 et que l'occupation des chambres doit être caractérisée à chaque infraction, laquelle ne peut être continue.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les arrêts rendus par la cour d'appel de Paris les 7 mars 2017 et 10 janvier 2019 sur appel d'une ordonnance de référé et d'une décision du juge de l'exécution en ce qu'ils sont revêtus de l'autorité provisoire de la chose jugée ne lient pas la cour d'autant que, en dehors du rappel du droit absolu des copropriétaires à user et jouir librement de leur bien, leur portée est limitée s'agissant, pour le second, d'une demande de liquidation d'astreinte.

Il est constant et non contesté par les parties que la société Doctegestio n'a disposé d'aucun bail concernant les lots des copropriétaires intimés et notamment des lots n° 120-124-153 de M. [I] [R], lesquels étaient donc libres de toute gestion.

La caractérisation de l'occupation sans droit ni titre, qui est continue en ce qu'elle se manifeste par la volonté de l'occupant de s'installer illégalement dans un lieu dans la durée ce jusqu'à reprise de son bien par le propriétaire et de se comporter comme le titulaire d'un droit légitime doit se distinguer de l'appréciation du préjudice en ayant résulté et de son indemnisation.

Au regard de cette durée, exiger d'un copropriétaire d'établir l'occupation chaque jour de son bien contre sa volonté serait disproportionné et susceptible de faire obstacle à la défense de son droit de propriété constitutionnellement protégé et un faisceau d'indices sur la période de référence suffit à caractériser l'occupation sans droit, ni titre.

En l'espèce, en premier lieu, la société Doctegestio a fait une offre de reprise en parfaite connaissance de cause portant uniquement sur cinquante-cinq chambres et a déclaré faire son affaire de tous les baux non concédés, ce qui est acté au dispositif du jugement du tribunal de commerce de 22 décembre 2015. Elle avait donc conscience de la difficulté que cela induirait dans la gestion de la résidence hôtelière et du risque de refus des bailleurs d'accepter de négocier des loyers à la baisse. Sur ce point, le mail comminatoire adressé le 15 janvier 2016 aux copropriétaires intimés, illustré par la menace des « conséquences fiscales » de leur choix que Doctegestio a fait peser sur les copropriétaires, dont des investisseurs particuliers, caractérise le rapport de force notamment économique instauré par Doctegestio.

En second lieu, plusieurs pièces versées aux débats par les intimés (4, 4-1, 10) démontrent que les sociétés appelantes ont communiqué de façon mensongère autour de la reprise de la totalité des suites de la résidence et qu'elles ont offert à la location, tant en 2016 (PV de constat du 3 février 2016 site internet Doctegestio après la reprise) qu'en 2017 (capture d'écran du site Poppins 6 juillet 2017), la totalité des chambres de la résidence hôtelière sachant qu'elles n'étaient ni autorisées à exploiter commercialement ces biens, ni mandatées pour ce faire dans le cadre d'un nouveau bail par les copropriétaires intimés dont M. [I] [R], lequel est titulaire des lots n° 120-124-153, se comportant ainsi de façon consciente et volontaire comme le titulaire légitime d'un droit.

En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les procès-verbaux d'huissier, qui sont des officiers publics ministériels, font foi jusqu'à preuve du contraire. Le constat dressé par Maître [U] rapporte la preuve de l'exploitation par la société Doctegestio des chambres correspondant aux baux non cédés, lesquelles sont soit occupées, soit portent trace d'une occupation, soit sont préparées en vue de leur occupation. La logistique et le coût de cet entretien ne rend pas crédible l'hypothèse d'une occupation fortuite et ponctuelle, d'autant qu'il ressort de la lecture du fichier Cardex que toutes les chambres de la résidence, dont la chambre 408-416-604 dont M. [I] [R] est propriétaire, étaient indifféremment proposées à la location.

Le constat dressé par Maître [K], le 19 février 2016, fait tout aussi foi pour ce jour-là mais ne peut valoir pour l'avenir en ce que l'absence de réservation jusqu'au 31 décembre 2017 constatée le 16 février 2016 est susceptible d'évoluer dans le temps.

En quatrième lieu, les procès-verbaux des 11, 18, 27 avril et 16 mai 2017 caractérisent les entraves mises par les appelantes au libre accès aux étages de l'immeuble résultant de la nécessaire activation par le préposé de l'accueil des ascenseurs et du déblocage des portes d'escaliers, les badges individuels des copropriétaires étant inopérants, caractérisant ainsi l'impossibilité pour M. [I] [R] d'accéder à ses lots privatif n° 120-124-153, situé 4 et 6ème étage, chambres 408-416-604. Les sociétés appelantes ne sauraient utilement prétendre à des impératifs de sécurité, aucun élément ne venant étayer un quelconque risque à ce titre. Comme relevé par le tribunal, le système de badges d'accès aux parties communes n'a jamais été autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires mais fait partie des actifs corporels et équipements techniques que Doctegestio a repris du précédent exploitant. Système que Doctegestio et DG Urban ont reconnu avoir bloqué dans un message électronique en date du 26 mai 2016, date avant laquelle les badges étaient conservés par elles et n'ont été remis aux copropriétaires que contre paiement de la somme exorbitante de 3.600 euros HT (courriel du 6 janvier 2016).

Enfin, ce n'est que suite au vote par l'assemblée générale des copropriétaires de la désactivation du système de blocage le 9 juin 2017 et de sa neutralisation effective le 16 juin 2017 que les copropriétaires retrouveront libre accès à leur lot, matérialisant ainsi la fin de l'occupation sans droit ni titre de ces derniers par Doctegestio et DG Urbans.

Il infère de ces éléments que les sociétés appelantes ont privé de façon continue les copropriétaires de l'usage et de la jouissance paisible de leur bien, caractérisant amplement l'occupation sans droit, ni titre de l'ensemble des lots non cédés de la résidence hôtelière dont les lots n° 120-124-153 appartenant à M. [I] [R],sur la période du 22 décembre 2015 au 16 juin 2017.

Sur les demandes indemnitaires,

Les sociétés appelantes rappellent que l'indemnité d'occupation cesse d'être due lorsque le preneur a quitté les locaux et les a restitués au bailleur ce qui est le cas en l'espèce et exposent, en substance :

Sur l'absence de préjudice, qu'aucune étude sérieuse sur la valeur locative de marché n'est fournie par les copropriétaires dont le bail n'a pas été repris, que les baux d'origine opposés par le tribunal sont inopposables à la société DG Urbans dès lors qu'elle ne les a pas repris, que les copropriétaires « ne sont pas étrangers à l'élaboration de leur propre préjudice » dès lors qu'ils ont adopté une attitude de défiance envers la société DG Urbans, empêchant cette dernière de négocier sereinement les baux ;

Sur l'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice, que du 22 décembre 2015 au 7 mars 2017, les copropriétaires ne pouvaient faire exploiter leurs lots en raison des décisions de justice intervenues, outre le fait qu'ils n'ont manifesté cette volonté de faire exploiter leurs lots qu'à la date du 1er juin 2016, que les copropriétaires ne rapportent pas la preuve de la possibilité de percevoir un loyer entre le 22 décembre 2015 et le 7 mars 2017.

M. [I] [R] oppose, en substance :

Sur l'occupation illicite des lots litigieux, que l'occupation sans droit ni titre des lots du 22 décembre 2015 jusqu'au 16 juin 2017 constitue une violation du droit de propriété au sens de l'article 544 du code civil et une faute au sens de l'article 1240 du même code, ayant causé un préjudice direct, actuel et certain à son encontre ; que le préjudice est tiré de l'impossibilité de louer les biens litigieux et d'en retirer les fruits ; que tout occupant sans titre est débiteur d'une indemnité d'occupation de droit commun, que les sociétés appelantes devront payer, à ce titre, une indemnité d'occupation équivalente au minimum aux loyers que les copropriétaires non cédés, dont M. [I] [R], auraient dû percevoir si les sociétés appelantes n'avaient pas entravé l'accès à leurs lots, depuis le 22 décembre 2015 et ce jusqu'au 16 juin 2017 inclus, soit une durée totale de 543 jours, date de la suppression de l'entrave nécessitant une clé magnétique particulière, bloquée par les sociétés appelantes, pour accéder aux lots en question, et donc de la libération des lieux, qu'en application de l'article L. 642-7 du code de commerce, au vu des jugements (pièces n° 27 à 27-13) et arrêts (pièces n° 5 et 19) déjà rendus sur la question du montant du loyer de référence, l'indemnité locative minimale due à l'intimé pour l'occupation sans droit ni titre de ses lots par les sociétés appelantes pendant 543 jours s'élève à la somme de 37.120,73 euros HT, qu'en outre, en raison de la multiplication de procédures des sociétés appelantes et leur malhonnêteté, visant à empêcher les copropriétaires de jouir de leur bien et à retarder la procédure, une majoration de 20 % du montant de référence des loyers sera appliquée pour le calcul de l'indemnité d'occupation, qu'ainsi, l'indemnité locative réclamée par l'intimé M. [I] [R] pour l'occupation sans droit ni titre de ses lots par la société DG pendant 543 jours est de 44.544,88 euros HT (37.120,73 x 1,2) ; que compte tenu de la perte totale de jouissance du 22 décembre 2015 jusqu'au 16 juin 2017, l'intimé M. [I] [R] est fondé à demander aux sociétés appelantes le remboursement de la taxe foncière de ses lots à la somme totale de 6.258,30 euros HT, celui de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la somme totale de 905,70 euros HT, ainsi que le remboursement total des charges de copropriété à la somme de 669,39 euros HT, à tout au moins le remboursement des charges de copropriété locatives à la somme de 141,39 euros HT ; que compte-tenu de l'exploitation illicite du 22 décembre 2015 au 16 juin 2017,M. [I] [R] est fondé à solliciter au titre de l'exploitation illicite la somme de 81.504,36 € H.T ;

' à titre subsidiaire, qu'au sens de l'article 1303 du code civil, les sociétés appelantes, en exploitant illégalement les lots depuis le 22 décembre 2015, ont généré un chiffre d'affaires et une marge brute caractérisant un enrichissement injustifié au détriment des copropriétaires, dont la partie M. [I] [R] ;

' à titre très subsidiaire, que les copies du CARDEX des sociétés appelantes permet d'identifier exactement les nuitées sur lesquelles les chambres des propriétaires ont été louées à des clients externes sur la période du 22 décembre 2015 au 15 février 2016 ; que les occupations pour lot n° 120-124-153 soit la chambre 408-416-604C de la chambre de M. [I] [R] sont caractérisées les 22, 25, 27, 28, 29, 30, 31 décembre 2015, 4, 5, 6, 8, 11, 12, 14, 15, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 janvier 2016, 3, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 février 2016, qu'il convient d'utiliser l'indicateur Recette Moyenne par Chambre Louée (RMC) pour déterminer le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés appelantes sur ces locations illicites, soit la somme de 3.928 euros dont M. [I] [R] revendique la perception.

En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, la reprise du fonds de commerce s'étant faite sans reprise des baux des copropriétaires intimés, ces derniers étaient en droit d'en jouir paisiblement, à savoir non seulement y accéder librement mais encore en tirer les fruits en les louant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un gestionnaire ou mandataire, dès le 22 décembre 2015.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, l'ordonnance de référé en date du 1er juillet 2016 a jugé que les copropriétaires non repris par la société Doctegestio étaient « en droit de gérer directement ou par l'intermédiaire d'un administrateur de biens ou même un ensemble d'entreprises, leur bien conformément aux conditions du règlement intérieur concernant les parties privatives et les parties communes [ mais qu'ils ] ne pourront directement ou par le biais de tiers ['] bénéficier des services et accéder aux lieux dont seule la société Doctegestion a la gestion. Ils se trouvent de facto exclus de tout service relevant de l'exploitant unique. »

C'est uniquement sur ce point que le juge des référés a considéré que la société Art Hôtel et non les copropriétaires eux-mêmes était susceptible de commettre des actes de concurrence déloyale en ce que, faute de justifier des prestations demandées à ce mandataire, le juge a considéré qu'il existait un risque qu'elle réalise des services relevant de la compétence exclusive du gestionnaire unique caractérisant le dommage imminent et le trouble manifestement illicite.

Par la simple obstruction organisée au libre accès à leurs biens, les sociétés appelantes rendaient de facto impossible la location des lots par leurs légitimes propriétaires, dont le lot de M. [I] [R], et ont commis une faute.

Il est tout aussi inopérant d'opposer le défaut de caractérisation de la location des lots litigieux, dont celui de M. [I] [R], dès lors qu'il a été précédemment démontré qu'ils ont été occupés et/ou exploités indifféremment par les sociétés appelantes lesquelles les offraient à la location hôtelière sans mandat se comportant dès lors comme titulaire d'un droit légitime.

L'obstruction ayant cessé au 16 juin 2017, la faute commise par les sociétés appelantes a perduré jusqu'à cette date et justifie que M. [I] [R] soit indemnisé sur la période de référence, soit du 22 décembre 2015 au 16 juin 2017.

L'indemnité d'occupation a une double nature. Elle est la contrepartie de la jouissance dont le propriétaire a été privée et de la réparation du préjudice qu'il a subi. Ce caractère mixte permet que l'indemnisation puisse être supérieure à la valeur locative du bien mais doit se situer dans les limites de la réparation intégrale du préjudice justifié.

Cette indemnité est, en revanche, indépendante des montants perçus au titre de la liquidation des astreintes en ce que ces dernières sont indépendantes des dommages et intérêts pouvant être accordés au titre de la réparation d'un préjudice. De même, elle est indépendante de l'occupation effective des chambres, le loyer des contrats de bail commercial concédés en ce domaine se faisant sur la base d'un loyer mensuel forfaitaire et non en pourcentage de l'occupation effective des chambres par un client du prestataire.

Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent les intimés et M. [I] [R], si la mauvaise foi de l'occupant sans droit ni titre permet, sur le fondement de l'article 549 du code civil, qu'il restitue les fruits qu'il a tiré du bien, le caractère compensatoire de l'indemnité d'occupation, basée sur la valeur locative du bien, a la même finalité et ne permet pas une double indemnisation du fait de la sous-location.

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Sur le montant de l'indemnisation, c'est par motifs pertinents que le tribunal a basé l'indemnisation sur le montant du loyer arrêté dans le contrat ayant lié les copropriétaires au précédent exploitant, base déjà retenue par la cour d'appel de Paris dans les arrêts en date du 6 avril 2016 et 16 décembre 2016 ainsi que par le tribunal de grande instance de Bobigny dans son jugement en date du 16 décembre 2016.

Ont été versés aux débats en pièces 1 et 29 des intimés, qui ne sont pas discutées par les sociétés appelantes, les baux initiaux conclus avec l'EURL Société Hôtelière de Pantin, dont il ressort que loyer annuel pour un lot T1 se montait à la somme de 7.660 € HT et pour un lot T2 à la somme de 9.180 € HT avec clause de révision triennale du montant des loyers, ainsi que les factures des derniers loyers versés par l'EURL Société Hôtelière de Pantin pour le 3ème trimestre 2015, dernier trimestre complet d'activité de cette société avant le jugement de cession du 22 décembre 2015.

Concernant M. [I] [R], propriétaire des lots n° 120-124-153 correspondant à 3 T1, le loyer total initial annuel prévu aux baux était donc de 22.980,00 € HT, le dernier loyer trimestriel complet effectivement perçu après révisions triennales était de 6.238,06 € HT soit un loyer annuel révisé de 24.952,24 € HT. De ce fait, l'indemnité locative minimale due à M. [I] [R] pour l'occupation sans droit ni titre de ses lots par les intimés pendant 543 jours peut être évaluée à la somme de 37.120,73 € HT [(24.952,24 x 543) / 365].

En outre, la longueur particulière de la procédure liée notamment aux postures procédurales des appelantes, à la mauvaise foi des sociétés appelantes dans le rapport de force économique instauré avec les copropriétaires intimés et le refus d'exécution de la décision déférée justifient qu'il soit à la demande de majoration de 20 % de l'indemnité d'occupation.

Ainsi, l'indemnité d'occupation due à M. [I] [R] sera fixée à la somme de 44.544,88 € HT (37.120,73 x 1,2).

Au regard des dispositions usuelles des baux commerciaux, il apparaît légitime de faire droit à la demande de remboursement d'enlèvement des ordures ménagères, soit en l'espèce la somme de 905,70 € HT. En revanche, la taxe foncière et les charges d'entretien des parties communes restent usuellement à la charge du propriétaire du bien.

Il infère de ces éléments qu'il sera fait droit à la demande indemnitaire de M. [I] [R] à la hauteur de la somme de 45.450,58 euros.

Sur les demandes reconventionnelles

Les sociétés appelantes exposent, en substance, que les charges communes ont intégralement été supportées pour l'ensemble des lots par la seule société exploitante, laquelle n'est pas titulaire de baux sur les quatre-vingt-trois lots appartenant aux copropriétaires, que la société DG Urbans a indûment payé des charges récupérables en l'absence de tout contrat de bail et d'occupation et/ou d'exploitation effective des lots litigieux du 22 décembre 2015 au 31 décembre 2016, soit la somme de 9.542,15 euros concernant celui de M. [I] [R].

L'intimé oppose que cette demande intervient plusieurs années après l'introduction de la première instance, que les pièces produites par les appelantes démontrent que les sommes n'ont pas été payées dès lors que les factures sont adressées à des adresses différentes, que les charges réclamées sont en réalité des charges d'exploitation internes à la société DG Urbans, que cette dernière a bénéficié de ces charges.

C'est par motifs pertinents que la cour adopte et auxquels elle renvoie que le tribunal a rejeté les demandes formées à ce titre aux motifs notamment que le tableau récapitulatif de ces charges ayant été élaboré par les sociétés Doctegestio et DG Urbans et n'émanant pas du syndic de l'immeuble, il n'apparaît pas que ces comptes aient été approuvés par l'assemblée générale des copropriétaires. En outre, la mauvaise foi avec laquelle ont agi les sociétés appelantes, qui avait repris la gestion de la résidence « en toute connaissance de cause », ce dont elle faisait leur affaire, fait obstacle à leur demande.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile « Celui qui agit en justice de manière abusive ou dilatoire peut être condamné à une amende civile...sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés... ».

Le droit d'agir qui est l'expression d'une liberté fondamentale n'est pas pour autant discrétionnaire. Il peut être exercé abusivement et justifier de ce fait réparation.

Toutefois, les éléments soulevés par les appelants sont insuffisants à caractériser « le travestissement de la vérité allégué » et une faute de M. [I] [R] faisant dégénérer le droit d'agir de ce dernier en abus de droits. Ils seront donc déboutés de leurs demandes.

Par ailleurs, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Les sociétés appelantes succombant en leurs demandes, elles seront condamnées in solidum à payer à M. [I] [R] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 2 mars 2021 sous le numéro de RG 20/4220 sauf en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Doctegestio et DG Urbans à payer à M. [I] [R] la somme de 36.609 euros ;

Statuant de nouveau,

Condamne in solidum les sociétés Doctegestio et DG Urbans à payer à M. [I] [R] la somme de 45.450,58 euros ;

Y ajoutant,

Déboute les sociétés Doctegestio et DG Urbans de leur demande au titre de la procédure abusive ;

Condamne in solidum les sociétés Doctegestio et DG Urbans à payer à M. [I] [R] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés Doctegestio et DG Urbans à supporter la charge des dépens d'appel.