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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 18 octobre 2023, n° 22/00637

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Gallup GmbH (Sté)

Défendeur :

Institut National de la Propriété Industrielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Chokron

Avocats :

Me Ribaut, Me Schuler, Me Herman, Me De Mitry

CA Paris n° 22/00637

17 octobre 2023

Vu la décision rendue le 1er octobre 2021 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui, statuant sur la demande référencée DC20-0085 de l'association Gallup International Association, y a fait droit et a, en conséquence, déclaré déchue de ses droits à compter du 3 septembre 2020 la société Gallup Gmbh, titulaire de la marque internationale désignant la France GALLUP n°132442 pour l'ensemble des produits désignés à l'enregistrement à savoir, en classe 16, les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité'.

Vu le recours formé à l'encontre de cette décision le 3 janvier 2022 par la société Gallup Gmbh (de droit allemand).

Vu les dernières conclusions (portant le numéro 4) remises au greffe de la cour et notifiées par voie électronique le 24 mai 2023 par la société Gallup Gmbh, requérante, qui demande à la cour, au fondement des articles L. 411-4 et suivants, L.714-4 et suivants, R.411-19 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de réformer la décision du 1er octobre 2021 objet du recours, de constater que la marque verbale internationale GALLUP désignant la France, déposée le 30 août 1947, a fait l'objet d'un usage sérieux en France pour les produits désignés, à savoir, en classe 16, les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité' et ce, au cours de la période pertinente du 3 septembre 2015 au 3 septembre 2020, de débouter l'association Gallup International Association de ses prétentions et la condamner à lui verser la somme de 1.200 euros en application de l'article L.716-1-1 du code de la propriété intellectuelle et de l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif à la répartition des frais exposés au cours d'une procédure d'opposition à un brevet d'invention ou de nullité ou déchéance de marque outre la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens. En outre, à titre subsidiaire, de rejeter l'appel incident formé par l'association Gallup International Association tendant à voir, par réformation de la décision attaquée, prononcer la déchéance à compter du 30 août 1948, du 1er octobre 1967 ou du 3 septembre 2015.

Vu les dernières conclusions (portant le numéro 2) remises au greffe de la cour et notifiées par voie électronique le 19 mai 2023 de l'association Gallup International Association (organisée selon les lois suisses), défenderesse au recours, qui demande à la cour, au fondement des articles L. 411-4 et suivants, L.714-4 et suivants, R.411-19 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de rejeter le recours de la société Gallup Gmbh, de confirmer la décision rendue le 1er octobre 2021 par le directeur général de l'INPI sauf en ce qu'elle fixe la date d'effet de la déchéance au 3 septembre 2020 et, statuant à nouveau sur ce point, dire que la déchéance de la marque internationale GALLUP n° 132442, en ce qu'elle désigne la France, sera prononcée à compter du 30 août 1948, subsidiairement du 1er octobre 1967 ou très subsidiairement à compter du 3 septembre 2015, de débouter la société Gallup Gmbh de ses demandes et la condamner au paiement de la somme complémentaire de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens selon l'article 699 du même code.

Vu les observations écrites du directeur général de l'INPI concluant au bien fondé de la décision attaquée en ce qu'elle a considéré que l'usage sérieux de la marque contestée pour les produits désignés à l'enregistrement n'était pas démontré.

Les conseils des parties et le représentant du directeur général de l'INPI ayant été entendus en leurs observations orales à l'audience de la cour du 30 mai 2023.

Le ministère public ayant été avisé.

SUR CE, LA COUR:

Il résulte des dispositions des articles L. 411-4 alinéa 2 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle que le directeur général de l'INPI connaît des demandes en déchéance de marques et en particulier des demandes en déchéance de marques pour défaut d'usage sérieux formées au fondement de l'article L. 714-5 de ce même code.

En la cause, le directeur général de l'INPI a été saisi, le 3 septembre 2020, par l'association Gallup International Association, d'une demande tendant à voir déclarer la société Gallup Gmbh déchue de ses droits sur la marque verbale internationale GALLUP n°132442 désignant la France, déposée le 30 août 1947 et régulièrement renouvelée pour désigner, dans la classe 16, les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité'.

La demande était présentée au motif que 'la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux'.

L'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans, encourt la déchéance de ses droits.

L'article L. 716-3 du même code vient préciser que la déchéance prend effet à la date de la demande ou, sur requête d'une partie, à la date à laquelle est survenu le motif de déchéance.

Enfin, l'article L. 716-3-1 fait peser sur le titulaire de la marque dont la déchéance est demandée la charge des preuves d'usage, qui peuvent être apportées par tous moyens.

Après avoir écarté une partie des pièces produites par le titulaire de la marque comme irrecevables, pour défaut de mise en relation de ces pièces avec l'argumentation développée dans les écritures ou pour défaut de traduction en langue française ou encore comme inexploitables car illisibles, le directeur général de l'INPI a retenu, pour déclarer la société Gallup Gmbh déchue de ses droits à compter du 3 septembre 2020 sur la marque internationale désignant la France GALLUP n° 132442 pour l'ensemble des produits désignés à l'enregistrement, qu'un usage sérieux de la marque n'était pas démontré, sur le territoire français, au cours de la période pertinente du 3 septembre 2015 au 3 septembre 2020.

A titre liminaire, la cour observe qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la décision du directeur de l'INPI en ce qu'elle déclare irrecevables une partie des pièces produites par la société Gallup Inc ni sur les motifs qui ont fondé cette décision.

En effet, la cour n'est pas saisie d'une telle demande, qui n'est pas formulée dans le dispositif des conclusions de la société requérante. En toute hypothèse, il est rappelé que les recours à l'encontre des décisions du directeur général de l'INPI statuant sur des demandes en déchéance de marques sont, selon les dispositions de l'article R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle, des recours en réformation déférant à la cour l'entier litige, en fait comme en droit, ce qui autorise les parties à proposer de nouvelles preuves et à produire au soutien du recours toutes les pièces qu'elles estimeraient utiles y compris des pièces qui n'auraient pas été préalablement soumises au directeur général de l'INPI. Aucune contestation n'est au demeurant soulevée quant à la recevabilité des pièces versées à la procédure devant la cour qui, en conséquence, les examinera toutes sauf à apprécier, au fond, leur portée au regard de leur valeur probatoire.

La cour relève, en outre, que la période pertinente n'est pas contestée en ce qu'elle couvre les cinq années qui précèdent la demande en déchéance et s'établit en conséquence du 3 septembre 2015 au 3 septembre 2020.

En revanche, la date d'effet de la déchéance, que le directeur général de l'INPI a fixé au jour de la demande, soit le 3 septembre 2020, est discutée par la défenderesse au recours qui avait demandé à voir fixer cette déchéance au 30 août 1948, à tout le moins au 3 septembre 2015, et qui ajoute dans le cadre du recours la date du 1er octobre 1967 à laquelle l'enregistrement a été publié en France.

Pour conclure à la réformation de la décision attaquée et demander à la cour de constater que la marque contestée a fait l'objet d'un usage sérieux en France et ce, au cours de la période pertinente, à savoir du 3 septembre 2015 au 3 septembre 2020, la société requérante fait valoir, en synthèse, que le groupe GALLUP, auquel elle est affiliée, offre depuis plus de 80 ans des services de sondages et de conseil dans le monde entier, y compris sur le territoire français qui constitue pour lui un centre d'intérêts importants dans un contexte de mondialisation accrue avec, pour public, des acteurs professionnels de toutes les nationalités, dont la française.

Elle expose à cet égard que les sondages GALLUP représentent :

- près de 1.000 sondages par an conduits par la société de 2015 à 2020 en France dans le cadre du 'Gallup World Poll', dont elle justifie par des ordres de service et des contrats (pièce n°6.1), par des questionnaires (pièce n°6.2), des invitations à participer au sondage mondial GALLUP (pièce n°4), des ouvrages (pièces n°2.1 et 2.2) ainsi que des publications et rapports présentant les résultats de ces sondages (pièces n°3.1, 3.2 et 3.3) ou encore par des événements organisés en France lors desquels les résultats des sondages ont été présentés y compris sur des supports communiqués (pièce n°8);

- pas moins de 95 776 salariés sondés par la société entre 2015 et juin 2019 en France auprès de salariés français au sein d'une centaine d'entreprises: 32 supports présentant les résultats de ces sondages (pièce n°7), formulaires de sondages (pièce n°5);

- près d'un demi-million d'internautes français ayant consulté le site internet de la société qui permet d'accéder aux publications et rapports présentant les résultats des sondages GALLUP, soit une moyenne de 7 523 visiteurs mensuels, dont 5 116 visiteurs uniques (pièce n°37) ;

- un podcast GALLUP comprenant 211 épisodes sur la période 2015-2020 et diffusant les résultats des sondages, accessible en France (pièce n°10.3);

- des medias français majeurs tels que Le Monde, Les Echos, France TV, Le Point, La Tribune et LCI faisant état des sondages GALLUP effectués en France sur la période pertinente (pièce n°3.3.4);

- des services de conseil et de formation offerts en France, basés sur les sondages GALLUP et faisant état desdits sondages conduits en France au sein d'ouvrages (pièce n°1).

Elle ajoute que les nombreuses factures versées aux débats établissent, sur le volet financier, que son activité se concentre sur les sondages et les publications y afférentes (pièce n°9.2.4) qui ont généré, en France, entre 2015 et 2020, 5 877 847 USD de revenus dont 50 782 USD via la plateforme dédiée 'Gallup Analytics' (pièces n°13 et 15) permettant de télécharger des rapports portant exclusivement sur des sondages réalisés en France (pièce n°13.1) et 94 255,82 USD par la vente des ouvrages papier relatant les sondages GALLUP (pièce n°15).

Elle indique avoir acquis, en France et à l'international, une grande renommée pour les services de sondages qu'elle offre sous le signe GALLUP ainsi que pour les imprimés, écrits, périodiques et rapports en résultant et souligne que c'est afin de protéger ses actifs sur le territoire français qu'elle a déposé le 30 août 1947 en classe 16 la marque verbale internationale GALLUP n°132442 désignant la France pour les imprimés, écrits, périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique et des sujets variés.

Elle rappelle enfin qu'il n'y a pas lieu, en la cause, d'apprécier le succès commercial du titulaire de la marque ou l'importance de sa part de marché dans le secteur des produits concernés, mais de rechercher si la marque fait l'objet d'un usage suffisant. Elle estime que tel est le cas en l'espèce dès lors que les pièces produites montrent que l'usage de la marque GALLUP en relation avec les produits concernés pendant la période pertinente excède largement un usage à titre symbolique.

Pour conclure à la confirmation de la décision critiquée en ce qu'elle a fait droit à la déchéance demandée, l'association Gallup International Association, défenderesse au recours, observe, à titre liminaire, que les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports' couverts par la marque définissent des documents reproduits par impression sur papier ou sur une matière analogue, d'où leur appartenance à la classe 16 laquelle, selon la note explicative de la classification de [Localité 5], ' comprend essentiellement le papier, le carton et certains produits en ces matières ainsi que les articles de bureau'. Elle souligne à cet égard que le tribunal de première instance de l'Union européenne a récemment précisé que les notes explicatives de la classification de Nice sont 'pertinentes aux fins de déterminer la nature et la destination des produits et services en cause' et que 'lorsque le libellé des produits ou des services pour lesquels une marque est enregistrée est d'une généralité telle qu'il peut couvrir des produits ou des services très différents, il ne saurait être exclu de prendre en compte, à des fins d'interprétation ou en tant qu'indice de précision s'agissant de la désignation des produits ou des services, les classes que le demandeur d'une marque a choisies dans ladite classification'( TUE, 6 octobre 2021, T-397/20, Allergan Holdings France SAS c/EUIPO, point 35). Il s'en infère, selon elle, que les produits électroniques ou numériques ne sont pas protégés par la marque ce d'autant que, conformément aux Directives de l'EUIPO, les libellés d'une marque 'doivent être interprétés en fonction de la version de la classification de [Localité 5] en vigueur au moment de son dépôt' et qu'il serait absurde de considérer qu'en 1947, année du dépôt de la marque, les 'imprimés, écrits, périodiques et rapports' s'entendaient également de produits électroniques ou numériques. Elle ajoute que la classification de [Localité 5] prévoit au demeurant que les publications et les rapports électroniques téléchargeables, ainsi que les podcasts et podcasts téléchargeables, sont inclus dans la classe 9, soit une classe distincte de la classe 16.

L'association Gallup International Association relève en outre, et en toute hypothèse, que l'enquête annuelle du 'Gallup World Poll', dont les résultats compilés, traités et commentés par la société Gallup Inc font l'objet de rapports publiés sur internet, ne constitue ni dans sa réalisation, ni dans son exploitation, un usage sérieux de la marque en France pour les 'imprimés, écrits, périodiques et rapports'. Elle explique que ces produits sont utilisés ici comme des supports de prestations de services de collecte et d'analyse de données et ne sont pas destinés à pénétrer le marché des produits concernés pour se créer un débouché sur ce marché ou pour s'y maintenir, en conséquence, la marque qui y serait apposée ne satisferait pas à la fonction essentielle de la marque. Elle ajoute qu'il n'est pas montré que les rapports dont se prévaut la requérante, rédigés en anglais, seraient publiés à destination d'un public français, ce qui ne saurait se déduire du seul fait que les informations, objet du rapport, auraient été recueillies auprès d'un panel de population française.

Elle observe qu'il n'est pas justifié au vu des ordres de service produits aux débats, de l'usage de la marque en France par les prestataires missionnés pour y collecter les informations destinées au Gallup World Poll et souligne que les questionnaires soumis aux personnes interrogées ne mentionnent le signe GALLUP qu'à titre de dénomination sociale ou de nom de domaine mais non pas à titre de marque.

Concernant enfin les actions de formation, actions promotionnelles et conférences revendiquées par la société requérante, elles s'inscrivent dans son activité de conseil en ressources humaines et ne sont pas davantage en relation avec les produits protégés.

Dans ses observations, ci-dessus visées, le directeur général de l'INPI qui, selon les dispositions de l'article R. 411-23 du code de la propriété intellectuelle, n'est pas partie à la présente instance mais doit être mis en mesure de présenter ses observations écrites ou orales, maintient que sa décision est bien-fondée en ce qu'elle a considéré que l'usage sérieux de la marque contestée n'est pas établi pour les produits concernés à savoir les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité'. Il souligne à cet égard qu'il n'est pas justifié d'une exploitation de la marque en France conformément à la fonction essentielle de la marque qui est de créer ou de conserver des parts de marché au profit des produits protégés, qu'en outre, les nombreuses factures produites ne contiennent pas d'éléments permettant de les rattacher à des produits exploités en France de sorte que, l'usage de la marque pour ces produits n'est pas quantifié ce qui conduit nécessairement à constater qu'il est insuffisant.

Ceci posé, il importe de rappeler que la société Gallup Gmbh, titulaire de la marque verbale internationale désignant la France GALLUP n° 132442, objet de la demande en déchéance formée par l'association Gallup International Association au fondement des dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, doit en la cause rapporter la preuve d'un usage sérieux de la marque, en France, au cours de la période de cinq ans précédant la demande en déchéance, soit du 3 septembre 2015 au 3 septembre 2020, pour les produits visés dans l'enregistrement de la marque à savoir les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité'.

S'il n'est pas discuté que les éléments de preuve proposés par la société requérante couvrent la période pertinente du 3 septembre 2015 au 3 septembre 2020, il est en revanche objecté par l'association Gallup International Association, de même que par le directeur général de l'INPI, qu'ils ne démontrent pas un usage effectif et suffisant de la marque sur le territoire français pour les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité' de la classe 16 et, en conséquence, ne caractérisent pas un usage sérieux de la marque de nature à faire échec à la demande en déchéance des droits sur la marque.

Il revient dès lors à la cour de rechercher si les pièces du débat permettent de justifier d'un usage de la marque pour les produits concernés, sur le territoire français, étant ajouté que, pour être qualifié de sérieux au sens des dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, un tel usage doit être, au plan qualitatif, à titre de marque, c'est-à-dire conforme à la fonction essentielle de la marque de garantie de l'identité d'origine des produits ou services marqués et, au plan quantitatif, suffisant au regard des caractéristiques du marché en cause et, notamment, de sa taille.

La société Gallup Gmbh invoque pour justifier de l'usage de la marque sur le territoire français pour les produits visés dans l'enregistrement, le Gallup World Poll dans le cadre duquel sont réalisés chaque année, dans 160 pays dont la France, des sondages sur des thèmes variés allant de la nutrition à l'emploi en passant par l'évaluation des performances ou encore le bien-être, dont les résultats font l'objet de rapports publiés notamment sur les plateformes Gallup News et Gallup Analytics. Elle précise que ces sondages sont exécutés à partir de questionnaires pré-établis, communs à l'ensemble des territoires étudiés mais aussi spécifiques à chacun de ces territoires et conduits soit par échanges téléphoniques soit en face à face avec la personne interrogée. Elle soutient que la marque GALLUP est utilisée sur ces questionnaires qui font systématiquement référence au sondage Gallup.

Or, les questionnaires communiqués présentent une mention, qui est au demeurant reproduite dans les conclusions de la société requérante (page 19), libellée comme suit : 'Nous conduisons une étude spéciale concernant la région dans laquelle vous vivez et votre pays' Votre participation à cette étude est facultative. Toutes les informations seront traitées de manière confidentielle et associées aux réponses d'autres personnes à des fins de recherche. Les données sont gérées afin que les individus ne puissent pas être identifiés. Acceptez-vous de participer au sondage et que les données soient envoyées à Gallup aux Etats-Unis pour leur traitement''.

Il apparaît ainsi que l'usage du signe GALLUP dans les questionnaires d'enquête servant de supports pour la réalisation de sondages d'opinion n'est pas un usage à titre de marque mais un usage à titre de dénomination sociale ou de nom commercial un tel signe désignant ici non pas les produits couverts par la marque mais la société pour laquelle les sondages sont réalisés.

Les contrats et ordres de services ne justifient pas davantage d'un usage de la marque GALLUP dans les relations entre la société commanditaire du sondage, en l'occurrence la société Gallup Inc, et ses sous-traitantes. En effet, dans la formule rédigée en anglais, mais dont la traduction en français proposée par l'association Gallup International Association n'est pas contestée, 'Chaque intervieweur qui travaille sur le projet Gallup World Poll doit subir une évaluation formelle de son travail une fois au cours du projet. Un formulaire d'évaluation sera fourni par Gallup et les formulaires complétés seront communiqués à Gallup', le signe GALLUP ne sert pas à identifier un imprimé, écrit, périodique ou rapport , couverts par la marque, mais l'entité à la demande de laquelle une prestation de service de sondage est mise en oeuvre.

En toute hypothèse, les documents ci-dessus évoqués ne sont pas pertinents à établir un usage de la marque conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché commercial pour ces produits ou services.

Il est à cet égard relevé que les personnes interrogées auxquelles sont soumis les questionnaires sont l'objet même du sondage d'opinion et n'en sont pas le consommateur ou l'utilisateur final.

De même, les entreprises agissant pour le compte de la société Gallup Inc ne sont pas le consommateur ou l'utilisateur final des questionnaires et autres imprimés et écrits utilisés dans le cadre d'une prestation de service de sondages d'opinion dont elles sont le fournisseur dès lors qu'elles assurent l'exécution de ce service à la demande de la société Gallup Inc qui est leur commanditaire et donc, leur cliente.

En outre, quand bien même les questionnaires servant de support à la conduite des enquêtes auprès d'un panel de population française seraient rédigés en français, cette circonstance ne suffit pas à établir que la prestation et les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports' y afférents sont destinés à des clients français et qu'il est fait un usage de la marque aux fins de créer ou de conserver des débouchés sur le territoire français. En effet, ainsi qu'il a été précédemment souligné, les personnes sondées auxquelles sont soumis les questionnaires sont l'objet même du sondage d'opinion et n'en sont pas les clientes. A cet égard, la pièce n°12 intitulée'Country dataset details' de la société requérante, consistant en un tableau de 130 pages, montre que des données ont été collectées en France mais ne renseigne pas sur la part de marché que représenterait la France pour les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports' relatant ces données.

De même, les bons de commande et les ordres de service, rédigés en langue anglaise et conclus avec des sociétés domiciliées en Allemagne et au Royaume-Uni ne permettent pas d'établir un usage de la marque aux fins de créer ou de conserver des débouchés sur le territoire français.

La société requérante se prévaut ensuite de la publication sur son site internet, en date du 20 mai 2020, sous forme de rapport, des résultats d'un sondage effectué en France et de l'usage de la marque GALLUP pour ce rapport intitulé 'How French Managers Can Rebuild Trust During COVID-19". Elle ajoute que la publication du rapport a été suivie en France d'un webinar sur le thème 'Conseils pour les leaders: La perception des salariés en France de l'environnement de travail et de la crise sanitaire du Covid-19" démontrant incontestablement un usage de la marque sur le territoire français. Elle indique qu'il est fait également un usage de la marque en relation avec les produits couverts par la marque dans des rapports téléchargeables, des podcasts et des ouvrages présentant les résultats d'études d'opinion.

Or, le site internet new.gallup.com sur lequel est publié le rapport intitulé 'How French Managers Can Rebuild Trust During COVID-19" n'est accessible qu'en anglais et l'absence de diffusion avérée de ce rapport sur le territoire français ne permet pas d'établir qu'il est destiné à un public français. En outre, ainsi qu'il a été précédemment observé, le fait qu'un rapport en langue anglaise contienne des résultats de sondages effectués en France ne suffit pas à établir qu'il est destiné à un public français et à démontrer son exploitation en France.

Le webinar en ligne auquel fait référence la société requérante offre une présentation de bonnes pratiques en matière de management et s'inscrit dans la mise en oeuvre d'une prestation de service de consultant en ressources humaines à l'intention de dirigeants d'entreprises. Il ne saurait justifier d'une exploitation de la marque pour des 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports' afin de créer ou de conserver en France des parts de marché pour ces produits.

Enfin, les rapports, les podcasts et ouvrages proposés sur le site internet Gallup Analytics sont tous proposés en langue anglaise de sorte que leur destination au public français n'est pas établie et s'il est affirmé que des rapports seraient téléchargeables en français, la preuve n'en est pas rapportée à l'examen des pièces produites par la société requérante. En toute hypothèse, selon les propres écritures de la société requérante, une somme de 50 782 USD a été générée entre 2015 et 2020 via la plateforme Gallup Analytics par le téléchargement des rapports portant exclusivement sur des sondages réalisés en France, soit une somme dérisoire de 7.131 euros par an, dont il n'est pas établi au demeurant qu'elle ait été générée sur le marché français.

La présence, par ailleurs, d'ouvrages en anglais proposés sur Amazon, ne démontre pas leur exploitation auprès d'un public français.

La société requérante invoque en outre l'organisation en France d'événements assurant la diffusion sous la marque GALLUP de ses rapports et ouvrages. Elle justifie d'une conférence donnée à l'ESCP par M. [U] [V], CEO de la société Gallup Inc, portant, selon l'annonce promotionnelle qui en a été faite, sur des 'recherches et des idées de Gallup sur l'avenir du travail, notamment des statégies et des conseils sur l'adaptation au changement tout en favorisant l'engagement et la performance'. Cependant, elle ne montre aucunement la diffusion de rapports et ouvrages porteurs de la marque à l'occasion de cette conférence et n'établit pas, avec l'annonce promotionnelle précitée, un usage du signe GALLUP à titre de marque mais à titre de dénomination sociale ou de nom commercial.

La société requérante fait valoir également des services de formation en coaching dont elle assure la prestation à destination de managers qui se verront attribuer, à l'issue de la formation, une certification sous le label 'Gallup'.

Or, des services de formation en coaching ne sauraient être assimilés aux produits couverts par la marque et la production de nombreuses factures afférentes à des services de formation en coaching ne saurait justifier d'un important volume d'exploitation de la marque pour des 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports.'

Elle invoque enfin des articles de la presse française faisant référence à des 'sondages GALLUP'. Or, ainsi qu'il est justement observé par le directeur général de l'INPI, le fait que des journaux de la presse française citent les 'sondages GALLUP' ne démontre pas une exploitation en France de produits imprimés sous la marque GALLUP.

La société requérante objecte qu'il n'est pas nécessaire que l'usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux.

Certes, dans l'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque, il convient de prendre en considération l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale, en particulier la nature des produits et services pertinents, les caractéristiques du marché, l'étendue territoriale de l'usage, son volume commercial, sa durée et sa fréquence (CJUE, 11 mars 2003, Ansul, C 40/01).

Cependant, en l'espèce, l'objection de la société requérante est vaine, force étant de constater, au regard des développements qui précèdent, que la preuve n'est pas rapportée d'actes d'exploitation de la marque GALLUP en France pour les produits pour lesquels elle a été enregistrée en classe 16 à savoir les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité'.

En conséquence, ainsi qu'il a été vu, les éléments de la procédure ne permettent pas d'établir l'existence d'un quelconque volume d'exploitation commerciale de la marque pour les produits désignés à l'enregistrement.

Force est donc de conclure au défaut d'usage sérieux de la marque au sens des dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle et à l'application de la sanction prévue par ces dispositions à savoir la déchéance des droits de son titulaire sur la marque.

Selon les dispositions de l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle la déchéance prend effet à la date de la demande ou, sur requête d'une partie, à la date à laquelle est survenu le motif de déchéance.

Aucun élément de la procédure ne permet d'établir que le motif de déchéance serait en l'espèce survenu antérieurement au 3 septembre 2020 date de la demande en déchéance formée auprès du directeur général de l'INPI.

Il s'ensuit que la demande incidente tendant à voir fixer l'effet de la déchéance au 30 août 1948, ou au 1er octobre 1967, ou encore au 3 septembre 2015 n'est pas fondée et que, conformément aux dispositions précitées, la déchéance doit être fixée au 3 septembre 2020.

La décision attaquée du directeur général de l'INPI est en conséquence confirmée en ce qu'elle déclare la société Gallup Gmbh déchue de ses droits sur la marque verbale internationale désignant la France GALLUP n°132442 à compter du 3 septembre 2020 pour l'ensemble des services désignés à l'enregistrement à savoir les 'Imprimés et écrits, ainsi que périodiques et rapports concernant l'étude de l'opinion publique, ainsi que les problèmes sociaux, économiques, politiques, statistiques, religieux, techniques et hygiéniques, de même que des sujets d'art, d'horticulture, d'agriculture et de sylviculture, d'élevage, de pêche et relatifs à l'étude du marché et de la publicité'.

La décision sera également confirmée en ce que, faisant droit à la demande de la partie gagnante, elle met à la charge de la société Gallup Gmbh, partie perdante, au fondement de l'article L. 716-1-1 du code de la propriété intellectuelle, la somme de 1.200 euros au titre des frais exposés.

Cette somme ne recouvrant que partiellement le montant des frais exposés par la partie gagnante, la société Gallup Gmbh sera condamnée, en équité, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui payer la somme complémentaire de 20.000 euros outre qu'elle sera déboutée de sa demande de ce même chef.

Enfin, la procédure de recours contre les décisions du directeur général de l'INPI ne donne pas lieu à condamnation aux dépens et à l'application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR,

Confirme en toutes ses dispositions la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle,

Condamne la société Gallup Gmbh à payer à l'association Gallup International Association la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle .