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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 2, 27 octobre 2023, n° 21/17093

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Sky International AG (Sté)

Défendeur :

Skyworth Group Co. Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Lehmann, Mme Marcade

Avocats :

Me De Maria, Me Gras, Me Boccon-Gibod

TGI Paris, 3e ch. 1re sect., du 03 oct. …

3 octobre 2019

La société Skyworth Group Co (Skyworth), société de droit chinois, est spécialisée dans le développement et la fabrication de produits de consommation électroniques.

Elle est notamment titulaire :

- de la marque semi-figurative internationale n°868420 :

désignant la France, enregistrée le 7 avril 2005, pour désigner les produits suivants : « postes de télévision, lecteurs de vidéodisques compacts, lecteurs de disques compacts, décodeurs, décodeurs pour la télévision par câble, modems haut débit, magnétoscopes, amplificateurs, récepteurs audio et vidéo, appareils de radio, appareils d'enregistrement et de reproduction d'images et de son, microphones, caméras vidéo et lecteurs de cassettes » relevant de la classe 9,

- de la marque internationale n°1273344 :

désignant la France, enregistrée le 18 novembre 2014 pour désigner des produits relevant des classes 7, 9 et 11,

- de la marque française n°4310245 :

déposée le 26 octobre 2016 pour désigner des produits relevant des classes 7, 9 et 11.

La société de droit suisse Sky International AG expose que le groupe Sky qu'elle représente est l'un des principaux acteurs européens des télécommunications, de l'audiovisuel, des produits technologiques grand public et des services de divertissement qui s'y rattachent.

Elle est notamment titulaire :

- de la marque verbale de l'Union européenne SKY n°126425 déposée le 1er avril 1996 et régulièrement renouvelée pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 16, 38, 41 et 42.

- de la marque semi-figurative internationale désignant la France n°720237 :

enregistrée le 18 août 1999 pour désigner des produits relevant des classes 9, 22 et 35 tels les « appareils d'enregistrement, de transmission ou de reproduction du son ou des images », laquelle a été renouvelée ;

- de la marque verbale de l'Union européenne SKY n°5298112 déposée le 6 septembre 2006 et régulièrement renouvelée pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 16, 35, 37, 38, 41, 42.

- de la marque verbale de l'Union européenne SKY n°8178436 déposée le 2 mars 2009 pour désigner des produits et services relevant des classes 3, 4, 7, 9, 11, 12, 16, 17, 18, 25, 28, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45.

- de la marque semi-figurative de l'Union européenne n°9129909 déposée le 25 mai 2010 pour désigner des produits et services relevant des classes 3, 4, 7, 9, 11, 12, 16, 17, 18, 21, 25, 28, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45.

Par acte du 5 décembre 2016, la société Skyworth a fait assigner la société Sky International devant le tribunal de grande instance de Paris en déchéance partielle de la marque internationale désignant la France SKY SCREEN, considérant que celle-ci serait une entrave au développement de ses marques SKYWORTH en France.

La société Sky International a quant à elle engagé de nombreuses procédures à l'encontre de la société Skyworth afin de s'opposer au dépôt des marques SKYWORTH en Europe.

La cour d'appel d'Alicante, statuant en tant que juridiction des marques de l'Union européenne, a par ailleurs confirmé le 14 juin 2018 et le 5 octobre 2018 l'interdiction de proposer et de promouvoir des téléviseurs de marque SKYWORTH dans l'ensemble de l'Union européenne, qui avait été prononcée par la cour commerciale d'Alicante le 1er septembre 2017. Une autre décision a été rendue en ce sens par la cour commerciale de Vienne, statuant en tant que tribunal de l'Union européenne, le 23 mars 2018.

D'autres procédures sont pendantes dans de nombreux pays.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement dont appel qui a :

- déclaré la société Skyworth recevable en sa demande de déchéance partielle de la partie française de la marque internationale SKY SCREEN désignant la France n°720237,

- prononcé à l'encontre de la société Sky International la déchéance partielle, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur la partie française de la marque internationale désignant la France SKY SCREEN, enregistrée le 18 août 1999, sous le n°720237, pour les produits suivants de la classe 9 : « Appareils d'enregistrement, de transmission ou de reproduction du son ou des images »,

- dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 5 décembre 2011,

- déclaré la société Sky International recevable en ses demandes reconventionnelles,

- prononcé à l'encontre de la société Skyworth la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur la partie française de la marque internationale désignant la France SKYWORTH, enregistrée le 7 avril 2005, sous le n°868420, dans toutes les classes qu'elle désigne,

- ordonné la transmission de la présente décision, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins de transcription au registre national des marques tenu par l'INPI,

- débouté la société Sky International de sa demande de nullité de l'enregistrement de la partie française de la marque internationale SKYWORTH n°1273344 et de la marque française SKYWORTH n°4310245,

- débouté la société Sky International de sa demande de publication judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

La société Sky International a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions, demande à la cour de :

- réformer partiellement le jugement du 3 octobre 2019 en ses chefs de jugement critiqués suivants :

- « déclare la société Skyworth recevable en sa demande de déchéance partielle de la partie française de la marque internationale SKY SCREEN désignant la France n°720237 »,

- « prononce à l'encontre de la société Sky International la déchéance partielle, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur la partie française de la marque internationale désignant la France SKY SCREEN, enregistrée le 18 août 1999, sous le n°720237, pour les produits suivants de la classe 9 : « Appareils d'enregistrement, de transmission ou de reproduction du son ou des images »,

- « dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 5 décembre 2011 »,

- « ordonne la transmission de la présente décision, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins de transcription au registre national des marques tenu par l'INPI »,

- « déboute la société Sky International de sa demande de nullité de l'enregistrement de la partie française de la marque internationale SKYWORTH n°1273344 et de la marque française SKYWORTH n°4310245 »,

- « déboute la société Sky International de sa demande de publication judiciaire »,

- « dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile », uniquement en ce que ce chef rejette les demandes à ce titre de la société Sky International,

- « dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ».

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire la société Skyworth irrecevable à agir en déchéance de la marque SKY SCREEN n°720237 pour défaut d'intérêt légitime,

- confirmer que les demandes reconventionnelles de la société Sky sont rattachées par un lien suffisant avec la demande principale en déchéance initiée par la société Skyworth,

- confirmer que les demandes reconventionnelles de la société Sky sont recevables au titre de l'article 70 du code de procédure civile,

- confirmer la déchéance des droits de la société Skyworth sur la partie française de l'enregistrement international

n°868420, qui n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux depuis plus de 5 ans,

- juger que l'enregistrement de la marque internationale SKYWORTH n°1273344 et de la marque française SKYWORTH n°4310245 porte atteinte aux droits antérieurs de la société SKY sur ses marques antérieures SKY n° 5298112, n°126425 et n°8178436 et n°9129909,

- annuler les marques suivantes :

- la marque française SKYWORTH n°4310245,

- la marque internationale SKYWORTH n°1273344, en ce qu'elle désigne la France,

- ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans 4 journaux ou magazines français (y compris en ligne) au choix de la société Sky et aux frais de la société Skyworth, le coût de chaque publication ne devant pas excéder 5 000 euros HT,

En tout état de cause,

- débouter la société Skyworth de toutes ses demandes,

- condamner la société Skyworth à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Skyworth aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Clara Steinitz, avocat.

La société Skyworth, intimée, demande à la cour de :

- déclarer la société Sky International mal fondée en son appel et la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- déclarer recevable et bien-fondé (sic) les demandes de la société Skyworth,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement de la 3ème chambre, 1ère section du tribunal de grande instance de Paris le 3 octobre 2019 en ce qu'il :

« - déclare la société Skyworth recevable en sa demande de déchéance partielle de la partie française de la marque internationale SKY SCREEN désignant la France n°720237,

- prononce à l'encontre de la société Sky International la déchéance partielle, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur la partie française de la marque internationale désignant la France SKY SCREEN, enregistrée le 18 août 1999, sous le n°720237, pour les produits suivants de la classe 9 : « Appareils d'enregistrement, de transmission ou de reproduction du son ou des images »,

- dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 5 décembre 2011,

- ordonne la transmission de la présente décision, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins de transcription au registre national des marques tenu par l'INPI,

- déboute la société Sky International de sa demande de nullité de l'enregistrement de la partie française de la marque internationale SKYWORTH n°1273344 et de la marque française SKYWORTH n°4310245,

- déboute la société Sky International de sa demande de publication judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, uniquement en ce que ce chef rejette les demandes à ce titre de la société Sky International,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens »

- infirmer le jugement de la 3ème chambre, 1ère section du tribunal de grande instance de Paris le 3 octobre 2019 en ce qu'il :

«-déclare la société Sky International recevable en ses demandes reconventionnelles,

- prononce à l'encontre de la société Skyworth la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur la partie française de la marque internationale désignant la France SKYWORTH, enregistrée le 7 avril 2005, sous le n°868420, dans toutes les classes qu'elle désigne,

- ordonne la transmission de la présence décision, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins de transcription au registre national des marques tenu par l'INPI,»

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de la société Sky International en déchéance de la désignation française de l'enregistrement international n°868420,

- déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Sky International en nullité de la marque française n°4310245, de la désignation française de l'enregistrement international n°1273344, et de la désignation française de l'enregistrement international n°868420,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait recevables les demandes de la société Sky International,

- déclarer que l'enregistrement international n°868420 fait l'objet d'un usage sérieux en France pour les produits qu'il désigne en classe 9 de son libellé,

- déclarer mal fondées les demandes reconventionnelles de la société Sky International en nullité de la marque française n°4310245, de la désignation française de l'enregistrement international n°1273344, et de la désignation française de l'enregistrement international n°868420,

- débouter la société Sky International de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,

En tout état de cause,

- débouter la société Sky International de l'intégralité de ses demandes,

- dire n'y avoir lieu à publication du dispositif de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Sky International à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sky International aux dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de Me Matthieu Boccon-Gibod, avocat.

Sur la recevabilité de la société Skyworth à agir en déchéance de la partie française de l'enregistrement international SKY SCREEN n° 720237

La société Skyworth a formé une demande principale en déchéance partielle de la marque internationale SKY SCREEN en ce qu'elle désigne la France, dont est titulaire la société Sky International.

La société Sky International conteste l'intérêt légitime de la société Skyworth à agir en déchéance de sa marque aux motifs que ce n'est pas l'existence de la marque internationale SKY SCREEN qui empêche cette dernière d'exploiter ses marques SKYWORTH en France, mais des décisions de tribunaux de marques de l'Union européenne espagnol et autrichien qui ont prononcé des mesures d'interdiction d'usage de ces marques dans l'Union européenne en raison de l'atteinte portée aux droits de la société Sky International sur les marques antérieures SKY. Elle en déduit qu'il existe un obstacle réel, concret et immédiat à l'exploitation du signe SKYWORTH en France auquel la déchéance de la marque SKY SCREEN ne permet pas de remédier. Elle reproche alors au tribunal de ne pas avoir pris acte des décisions définitives rendant impossible l'exploitation du signe SKYWORTH en France. Elle ajoute que ce détournement de la procédure de déchéance en instrument de représailles prive la société Skyworth de tout intérêt légitime à agir.

La société Skyworth réplique qu'elle exploite depuis de nombreuses années le signe SKYWORTH notamment dans l'Union européenne pour des écrans de télévision ou autre appareil électronique et qu'elle a donc un intérêt légitime à agir en déchéance des droits de la société Sky International sur la marque SKY SCREEN, l'existence de cette marque constituant une entrave au développement en France de son activité. Elle fait valoir que l'intérêt légitime à agir en déchéance étant démontré, le juge n'a pas à examiner si l'usage ultérieur du signe litigieux est susceptible de se heurter à un obstacle résultant d'une confusion avec d'autres signes.

Selon les dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable en l'espèce, « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage :

a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque (') ;

b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;

c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation.

La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés.

L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.

La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. »

La société Skyworth sollicite la déchéance partielle des droits de la société Sky International sur sa marque internationale SKY SCREEN désignant la France, enregistrée le 18 août 1999 sous le n° 720 237 et régulièrement renouvelée pour notamment désigner des « appareils d'enregistrement, de transmission ou de reproduction du son et des images ».

L'action en déchéance prévue à l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle précité est ouverte à toute personne intéressée.

Il n'est pas discuté que la société Skyworth exploite la marque SKYWORTH pour désigner notamment des téléviseurs dans de nombreux pays y compris dans l'Union européenne et notamment en France ce qui a donné lieu à diverses procédures opposant les parties tant devant les offices de propriété industrielle que les tribunaux judiciaires de nombreux Etats.

La demande de la société Skyworth en déchéance des droits de la société Sky International sur la marque SKY SCREEN tend donc à lever une entrave à l'utilisation du signe dans le cadre de son activité économique et ce quand bien même des tribunaux de l'Union européenne ont en 2018, sur le fondement de la marque SKY dont la société Sky International est titulaire, fait interdiction à la société Skyworth d'exploiter le signe SKYWORTH dans l'Union européenne. En effet, outre que la situation des parties est susceptible d'évolution, la société Skyworth a, ainsi qu'il a été démontré, intérêt à agir en déchéance des droits de la société Sky International peu important l'existence d'obstacles d'une autre nature à l'exploitation du signe en cause.

Pour les raisons qui précèdent, et malgré les nombreux contentieux qui opposent les parties dans divers Etats, la société Sky International ne démontre nullement que l'action en déchéance de la société Skyworth est un instrument de représailles qui prive cette dernière de tout intérêt à agir en déchéance et qu'il s'agit d'un détournement de procédure.

La société Skyworth est en conséquence recevable à agir en déchéance partielle des droits de la société Sky International sur la marque SKY SCREEN et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la déchéance pour défaut d'usage sérieux des droits de la société Sky international sur la partie française de l'enregistrement international SKY SCREEN n° 720237

Il appartient à la société Sky International de démontrer un usage sérieux de sa marque SKY SCREEN pour les produits suivants « appareils d'enregistrement, de transmission ou de reproduction du son et des images » au cours des cinq années qui précèdent la demande en déchéance.

La période de référence à prendre en considération pour l'usage de cette marque en France est donc comprise entre le 5 décembre 2011 et la 5 décembre 2016, date de l'acte introductif d'instance.

La société Sky International qui soutient l'irrecevabilité de cette demande en déchéance ne développe au paragraphes de ses écritures consacrés à la discussion aucun moyen ni ne produit aucune pièce au soutien du rejet de la demande en déchéance de la marque internationale SKY SCREEN pour les « appareils d'enregistrement, de transmission ou de reproduction du son et des images ».

En conséquence, aucun usage de la marque SKY SCREEN n'étant établi au cours de la période de référence, la déchéance partielle de cette marque doit être prononcée pour les produits précités à compter du 5 décembre 2011, cette date n'étant pas critiquée par les parties.

Le jugement mérite également confirmation de ces chefs comme en ce qu'il ordonne la transmission de la décision, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins de transcription au registre national des marques tenu par l'INPI.

Sur la recevabilité des demandes de la société Sky International en déchéance et en nullité des marques de la société Skyworth

Le jugement déféré a considéré comme recevables les demandes reconventionnelles formées par la société Sky International fondées :

- sur la déchéance des droits de la société Skyworth sur la marque internationale désignant la France SKYWORTH enregistrée sous le n° 868420, prononçant la déchéance de cette marque faute d'usage sérieux,

- sur la nullité des marques SKYWORTH enregistrées sous les n°1273344 et 4310245, rejetant ces dernières demandes.

La société Skyworth critique la décision entreprise qui a retenu un lien suffisant de ces demandes avec la demande principale en déchéance de la marque SKY SCREEN aux motifs que cette demande en déchéance « trouve son origine dans une entrave à l'exploitation de son activité dans le cadre de ses marques SKYWORTH n° 868420, 1273344 et 4310245 ... » alors que devant les premiers juges, elle fondait son action en déchéance sur la seule entrave à l'exploitation du signe SKYWORTH, aucune des marques précitées n'étant invoquée.

La société Sky International réplique que si aucun droit de marque n'est précisément identifié, la société Skyworth invoquait bien sa marque SKYWORTH au soutien de son action en déchéance. Elle fait alors valoir qu'elle invoque des droits antérieurs étroitement liés à la demande initiale de la société Skyworth car ils ont pour effet de rendre indisponibles ses signes en France et que ses demandes reconventionnelles ont donc un impact direct sur la finalité poursuivie par la société Skyworth dans le cadre de la présente action. Elle ajoute que la société intimée admet elle-même ce lien en reconnaissant le risque de confusion entre les marques des parties.

L'article 70 du code de procédure civile prévoit que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Selon l'article 64 de ce code, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention adverse.

La demande reconventionnelle englobe tous les cas où la prétention du défendeur, sans être de nature à entraîner le rejet même partiel de la demande principale, se rattache à cette dernière par le fait qu'elles procèdent l'une et l'autre d'une même situation de fait litigieuse.

La prétention originaire de la société Skyworth est la déchéance partielle des droits de la société Sky International sur la marque internationale SKY SCREEN enregistrée sous le n°720237 qui porte sur le défaut d'usage sérieux de cette marque dans les cinq ans précédant la demande.

Si pour justifier de son intérêt à agir en déchéance, la société Skyworth a mentionné utiliser la dénomination Skyworth pour désigner des téléviseurs et être notamment titulaire de marques portant sur ce signe, elle n'a pas invoqué à l'appui de sa demande en déchéance un droit de marque antérieur.

La demande de la société Sky international en déchéance de la marque internationale SKYWORTH n°868420 concerne une autre situation de fait à savoir l'usage sérieux de cette marque par la société Skyworth ou avec son consentement dans les cinq ans précédant la demande. Les demandes de nullité des marques française et internationale SKYWORTH n°4310245 et n°1273344 fondées sur l'atteinte aux marques antérieures SKY n°126425, n°5298112 et n°8178436 concernent une situation de fait différente qu'est l'atteinte aux droits antérieurs de la société Sky International par les marques arguées de nullité en raison de l'existence d'un risque de confusion.

Aussi, il ne peut être considéré que ces demandes reconventionnelles qui concernent des titres et des situations de fait différents se rattachent à la demande principale par un lien suffisant, la circonstance que ces demandes aient pour finalité de rendre indisponibles ces marques en France et s'inscrivent dans un litige plus global opposant les parties qui ont des activités concurrentes, est inopérante à caractériser un tel lien.

Les demandes reconventionnelles de la société Sky international sont en conséquence irrecevables. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Au vu de ce qui précède, la demande de publication judiciaire formée par la société Sky International n'est pas justifiée et sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, la société Sky International est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Skyworth en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, la société Sky International étant déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions qui ont déclaré la société Sky International recevable en ses demandes reconventionnelles, prononcé à l'encontre de la société Skyworth Group Co la déchéance, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur la partie française de la marque internationale désignant la France SKYWORTH, enregistrée le 7 avril 2005, sous le n°868420, dans toutes les classes qu'elle désigne, débouté la société Sky International de sa demande de nullité de l'enregistrement de la partie française de la marque internationale SKYWORTH n°1273344 et de la marque française SKYWORTH n°4310245, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

Dit non recevables les demandes reconventionnelles de la société Sky International en déchéance des droits de la société Skyworth Group Co sur la partie française de la marque internationale désignant la France SKYWORTH, enregistrée le 7 avril 2005, sous le n°868420, et en nullité de l'enregistrement de la partie française de la marque internationale SKYWORTH n°1273344 et de la marque française SKYWORTH n°4310245,

Condamne la société Sky International à payer à la société Skyworth Group Co, la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute la société Sky International de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société la société Sky International aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.