CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 4 octobre 2023, n° 22/03820
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Blue Shepherd (Sté)
Défendeur :
Institut National de la Propriété Industrielle, Victoria's Secret Stores Brand Management (LLC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohée
Avocats :
Me Hugot, Me De Maria, Me Epstein
Vu la décision du 17 janvier 2022, par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a reconnu justifiée l'opposition n° 20-3099 formée le 23 août 2020 par la société de droit américain Victoria's Secret Stores Brand Management (Victoria's Secret) à la demande d'enregistrement de la marque verbale PINK [F] n°4 632 320 de la société Blue Shepherd,
Vu les recours formés les 15 février 2022 et 11 mai 2022 par la société Blue Shepherd enrôlés respectivement sous les n° RG 22/3820 et RG 22/9389,
Vu les dernières conclusions de la société Blue Shepherd notifiées par RPVA en date du 25 mai 2023 pour les n° RG 22/3820 et RG 22/9389,
Vu les dernières conclusions de la société Victoria's Secret notifiées par RPVA en date du 19 juin 2023 pour les n° RG 22/3820 et RG 22/9389,
Vu les observations écrites du directeur de l'INPI déposées au greffe le 12 octobre 2022,
SUR CE,
Il est expressément renvoyé pour le détail des argumentations à la décision précitée ainsi qu'aux écritures et observations susvisées.
Sur la recevabilité des recours et la demande de jonction
La société Victoria's Secret soutient au visa des articles R.411-19 et R.411-25 du code de la propriété intellectuelle que les décisions rendues sur opposition sont susceptibles de recours en annulation et ne peuvent donc pas être frappées d'appel au sens du code de procédure civile ; que le défaut de saisine régulière d'une juridiction est sanctionné par une fin de non-recevoir ; que la société Blue Shepherd a remis au greffe de la cour d'appel le 15 février 2022 une déclaration d'appel ; qu'elle a donc saisi irrégulièrement la cour d'appel de Paris en ne la saisissant pas d'un recours en annulation et qu'elle doit donc être déclarée irrecevable dans son appel ; que la société Blue Shepherd a remis au greffe le 11 mai 2022 une seconde déclaration d'appel qui n'est pas davantage un recours en annulation ; que le fait que la voie de recours exercée soit un appel ressort tant de l'intitulé de l'acte que de l'objet énoncé ; que l'objet de ce second appel est de préciser l'étendue de la saisine ; que la volonté de la société Blue Shepherd de contester la décision d'opposition par la voie d'un appel est confirmée par son courrier en date du 11 mai adressé au greffe dans lequel elle mentionne 'le délai de remise des conclusions d'appel' et 'la présente déclaration d'appel' ; que la société Blue Shepherd a saisi à nouveau irrégulièrement la cour d'appel de Paris d'un appel en violation des dispositions des articles R. 411-19 et s. du code de la propriété intellectuelle ; qu'elle doit donc être déclarée irrecevable. Elle ajoute que le second appel est tardif et ne peut donc avoir pour effet de régulariser le premier.
La société Blue Shepherd fait valoir que seuls deux recours sont proposés sur RPVA, la déclaration d'appel et la déclaration de saisine, cette dernière étant réservée à la saisine sur renvoi après cassation, de sorte que seule la déclaration d'appel permet d'enregistrer un recours à l'encontre de décisions du directeur de l'INPI ; que seules les mentions prescrites par l'article R. 411-25 du code de la propriété intellectuelle conditionnent la validité de l'acte de recours à l'exclusion de sa désignation qui est donc indifférente ; qu'elle a bien précisé sans ambiguïté l'objet de son recours à savoir demander l'annulation de la décision du directeur de l'INPI ; que l'article R.411-20 du code de la propriété intellectuelle énonce que sous réserve des dispositions particulières les recours mentionnés à l'article R. 411-19 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile ; que c'est donc à bon droit qu'elle a régularisé sa première déclaration d'appel en précisant au sein d'une déclaration rectificative, dans le délai imparti, l'objet de son recours ; qu'il y a lieu d'ordonner la jonction des deux affaires enrôlées sous les n° RG 22/3820 et RG 22/9389 et de déclarer le recours recevable.
Sur ce,
Les deux déclarations d'appel, dont l'irrecevabilité est demandée, sont formées à l'encontre de la même décision du directeur général de l'INPI, de sorte qu'il y a lieu de prononcer la jonction, l'affaire se poursuivant sous le n°RG 22/3820.
L'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle prend les décisions prévues par le présent code à l'occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle (...) ».
L'article R.411-19 du code de la propriété intellectuelle dispose : 'Les recours exercés à l'encontre des décisions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 411-4 sont des recours en annulation (...)'.
Ainsi, en application des articles L.411-4 et R.411-19 susvisés, le recours formé à l'encontre d'une décision de délivrance, rejet ou maintien d'un titre de propriété industrielle, en ce compris celle statuant sur une opposition, est un recours en annulation.
L'article R.411-20 du code de la propriété intellectuelle dispose : ' Sous réserve des dispositions particulières de la présente section, les recours mentionnés à l'article R. 411-19 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile'.
L'article R.411-24 du code de la propriété intellectuelle dispose : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. (...)'.
Il est en outre constant que la plateforme e-barreau propose différents onglets de saisine, notamment 'une déclaration d'appel', 'une déclaration de saisine' ainsi qu'une mention 'autre saisine' comprenant un menu déroulant proposant 'autres saisines de la cour à la diligence des parties'.
L'article R.411-25 du code de la propriété intellectuelle énonce : 'Les recours sont portés devant la cour d'appel par acte contenant, outre les mentions prescrites par le 3° de l'article 54 du code de procédure civile, et à peine de nullité :
1° Le numéro unique d'identification de l'entreprise requérante ou tout document équivalent à l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour les opérateurs situés hors de France ;
2° L'objet du recours ;
3° Le nom et l'adresse du titulaire du titre si le requérant n'a pas cette qualité ;
4° La constitution de l'avocat du requérant.
Sauf en cas de décision implicite de rejet, une copie de la décision attaquée est jointe à cet acte à peine de nullité.
L'acte est daté et signé par l'avocat constitué. Il est remis au greffe et vaut demande d'inscription au rôle'.
En l'espèce, la société Blue Shepherd a effectué le 15 février 2022 sur RPVA une déclaration d'appel mentionnant expressément ' à l'encontre d'une décision rendue le 17 janvier 2022 (OPP 20-3099) par l'INPI' laquelle précise l'objet du recours à savoir 'appel limité aux chefs de la décision expressément critiqués', ladite décision ayant reconnu l'opposition justifiée et rejeté la demande d'enregistrement de la marque. Cette déclaration respecte les prescriptions de l'article R. 411-25 susvisé, peu important l'intitulé du recours, de sorte que le recours est recevable, la déclaration d'appel rectificative, jointe à la présente procédure, et notifiée le 11 mai 2022, dans le délai prescrit à l'article 911-2 du code de procédure civile, venant apporter une précision relative à l'objet du recours, à savoir 'demander l'annulation de la décision du directeur général de l'INPI statuant sur l'opposition 20-3099, rendue le 17 janvier 2022 (...)', ce qui correspond à un recours en annulation.
Il ne résulte aucune irrecevabilité de ces chefs. Les moyens d'irrecevabilité de l'appel soulevés par la société Victoria's Secret seront donc rejetés.
Sur le bien-fondé du recours
La décision contestée de l'INPI relève notamment, que les produits de la demande d'enregistrement contestée sont identiques ou similaires aux produits des marques antérieures; que le terme PINK est distinctif à l'égard des produits en cause ; qu'il est dominant au sein du signe contesté en raison de sa position en attaque et du caractère descriptif du terme anglais [F] aisément compris du public français comme signifiant 'lingerie' ou 'culotte' ; qu'il existe un risque d'association entre les deux signes pris dans leur ensemble, le signe contesté pouvant apparaître comme une déclinaison de la marque antérieure, le signe PINK [F] étant donc similaire à la marque antérieure PINK ; qu'en raison de l'identité et de la similarité des produits en cause et de la similitude des signes, il existe un risque de confusion.
La société Blue Shepherd fait valoir en substance que les produits en cause sont faiblement similaires ; que les marques en cause diffèrent visuellement compte tenu de la police de la marque antérieure, et de ce que la marque contestée est composée de deux mots et non d'un seul; que les dissemblances phonétiques sont fortes ; que la marque antérieure, du fait de sa police de caractère évoquant les équipes de cheerleaders américaines, renvoie à un univers 'girly, qui est étranger à la marque contestée ; que la reprise du terme PINK ne suffit pas à caractériser le risque de confusion.
La société Victoria's Secret fait valoir que les produits en litige sont identiques ou à tout le moins similaires ; que l'appréciation de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle faite par le directeur de l'INPI compte tenu de ce que les marques en cause partagent le même élément distinctif et dominant PINK doit être confirmée ; que l'adjonction du terme [F] à l'élément PINK n'élude pas les fortes similitudes ; qu'il en résulte un risque de confusion renforcé par l'identité des produits en conflit ; que la décision du directeur de l'INPI doit donc être confirmée.
Le directeur de l'INPI fait valoir en substance dans ses observations que les produits en cause sont identiques ou similaires ; que le terme PINK, seul élément verbal des marques antérieures, est dominant au sein du signe contesté en raison de sa position d'attaque et du caractère descriptif du terme anglais [F] ; qu'il existe donc un risque d'association entre les signes ; qu'en raison de l'identité ou de la similarité des produits le risque de confusion est caractérisé.
Sur le fondement de la marque n°011862885
La demande d'enregistrement n°4 632 320 de la marque française verbale PINK [F] a été déposée le 12 mars 2020 par la société Blue Shepherd pour désigner notamment des 'protections hygiéniques'.
La société Victoria's Secret oppose la marque de l'Union Européenne semi-figurative déposée le 31 mai 2013 et enregistrée sous le n° 011862885, notamment pour les produits suivants : " Sous-vêtements, À savoir, Soutien-gorge, Culottes, Boxers, Cache-corset, et Collants; Vêtements pour dormir, À savoir, Chemises de nuit, Pyjamas, Chemises de nuit, et Chemises de nuit; Vêtements de sport, À savoir, Pantalons de jogging, Sweat-shirts, Shorts de jogging, Survêtements, Sweat-shirts à capuches, Jambières, Survêtements de "jogging", et Pantalons de yoga; Maillots de bain; Vêtements de dessus, À savoir, Vestes, Blazers, Ceintures, gants et Protège-oreilles; Habits, À savoir, Chaussettes, T- shirts, Tops, Chemises, Chemisier, Cols-bretelles, Vêtements en coutil [jeans], Shorts en jean, Tricots, Débardeurs en tricot, Caleçons, Shorts, Jupes, Chandails, Cache-corset, Tricots en jersey; Chaussures, à savoir, Chaussons et chaussons; [I], y compris chapeaux et casquettes ".
Sur la comparaison des produits
Les "protections hygiéniques" de la demande d'enregistrement comprennent les tampons, les serviettes hygiéniques ou les coupes menstruelles, mais également les culottes menstruelles dites culottes de règles, qui se présentent sous la forme de culottes lavables en tissu à porter sous les vêtements tout comme les "Sous-vêtements, À savoir, ' Culottes" de la marque antérieure.
Si les 'protections hygiéniques' ont une fonction supplémentaire de confort et d'hygiène, elles ont la même fonction de protection intime que les culottes, la même destination à savoir le corps humain, la même clientèle féminine et les mêmes circuits de distribution puisqu'elles peuvent notamment être acquises dans les rayons des moyennes et grandes surfaces consacrés à la lingerie ainsi que dans les magasins de lingerie.
En conséquence, les " protections hygiéniques " de la demande d'enregistrement sont identiques ou, à tout le moins, similaires aux "Sous-vêtements, À savoir ' Culottes" de la marque antérieure, ainsi que l'a retenu à juste titre le directeur de l'INPI, la consommatrice étant fondée à leur attribuer une origine commerciale commune.
Sur la comparaison des signes
Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants au regard du consommateur, normalement informé et raisonnablement avisé des produits de la demande d'enregistrement contestée, lequel est en l'espèce le grand public, consommateur de vêtements et de chaussures, qui fera preuve d'un niveau d'attention moyen.
La cour rappelle en outre que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, outre qu'un élément d'un signe composé ne conserve pas une position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (CJUE, arrêt du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C-591/12 P, point 25). Dans le cadre de l'examen de l'existence d'un risque de confusion, l'appréciation de la similitude entre deux marques ne revient ainsi pas à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble.
Visuellement, la marque antérieure et le signe attaqué ont en commun le terme PINK, mais diffèrent dans leur représentation graphique en lettres capitales creuses dans la marque antérieure se distinguant de lettres capitales usuelles, ainsi que par l'adjonction du terme [F] dans la marque contestée.
Sur un plan phonétique, les signes en cause ont en commun l'élément d'attaque PINK mais se distinguent par le nombre de temps (3 dans la marque contestée et un seul dans la marque antérieure), par leurs sonorités générales, la marque attaquée ayant une sonorité complexe comprenant la répétition du son 'P', ainsi que par leur finale, 'INK' pour la marque antérieure et 'TI' pour la marque litigieuse.
Au plan conceptuel, la marque antérieure PINK sera comprise par le public visé comme signifiant rose, et le signe contesté PINK [F] sera compris par le même public comme signifiant lingerie rose, [F] étant connu du public visé comme le mot anglais signifiant lingerie et l'adjectif de couleur étant placé en langue anglaise devant le nom.
Enfin s'agissant de la prise en compte des éléments distinctifs et dominants, la marque antérieure est une marque semi-figurative composée d'un seul terme PINK, et le signe critiqué est composé de deux termes, sans que le premier PINK, qui signifie rose, soit dominant par rapport au second, [F] qui signifie lingerie et qui est donc évocateur pour des 'protections hygiéniques', le public visé percevant le signe dans son ensemble PINK [F] comme lingerie rose, le terme PINK ne conservant pas en son sein une position distinctive autonome, et ce d'autant que la représentation typographique caractéristique de la marque antérieure semi-figurative n'est pas reprise dans la marque contestée.
Il s'infère en définitive de la comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle des signes en présence, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, une impression d'ensemble suffisamment différente pour exclure un risque de confusion dans l'esprit du public visé, qui a une attention moyenne, de sorte qu'il ne sera pas fondé à considérer la marque seconde PINK [F] qui diverge tant visuellement que phonétiquement et conceptuellement de la marque de la société Victoria's Secret comme une déclinaison de cette dernière, et à attribuer aux produits couverts par les signes en cause, nonobstant leur identité ou à tout le moins leur similarité, une origine commune, ni à les associer comme provenant d'entreprises économiquement liées.
La demande d'enregistrement de la marque PINK [F] ne peut, en conséquence, être considérée comme portant atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur la marque européenne semi-figurative n°011862885.
Sur le fondement de la marque n°011559283
La société Victoria's Secret oppose également la marque semi-figurative de l'Union Européenne ci-dessous déposée le 8 février 2013 et enregistrée sous le n° 011559283, notamment pour les produits suivants : " Vêtements, chaussures, chapellerie ".
Sur la comparaison des produits
Il vient d'être démontré que les 'protections hygiéniques' de la marque contestée sont similaires aux sous-vêtements lesquels sont similaires aux vêtements, de sorte que les produits en cause sont similaires.
Sur la comparaison des signes
Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants au regard du consommateur, normalement informé et raisonnablement avisé des produits de la demande d'enregistrement contestée, lequel est en l'espèce le grand public, consommateur de vêtements et de chaussures, qui fera preuve d'un niveau d'attention moyen.
Visuellement, la marque antérieure et le signe attaqué ont en commun le terme PINK, mais diffèrent dans leur représentation graphique, la marque antérieure étant écrite en lettres capitales creuses et comportant un élément graphique représentant un chien à l'intérieur d'une couronne de lauriers, la marque contestée comprenant en outre un second terme [F].
Sur un plan phonétique, les signes en cause ont en commun l'élément d'attaque PINK mais se distinguent, ainsi qu'il a été dit précédemment, par le nombre de temps (3 dans la marque contestée et un seul dans la marque antérieure), par leurs sonorités générales, la marque attaquée ayant une sonorité complexe comprenant la répétition du son 'P', ainsi que par leur finale, 'INK' pour la marque antérieure et 'TI' pour la marque litigieuse.
Au plan conceptuel, la marque antérieure PINK sera comprise par le public visé comme signifiant rose, la présentation du chien au sein d'une couronne de lauriers étant un élément décoratif, et le signe contesté PINK [F] sera compris par le même public comme signifiant lingerie rose, [F] étant connu du public visé comme le mot anglais signifiant lingerie et l'adjectif de couleur étant placé en langue anglaise devant le nom.
Enfin s'agissant de la prise en compte des éléments distinctifs et dominants, la marque antérieure est une marque semi-figurative composée d'un seul terme PINK ainsi que de l'élément figuratif représentant un chien dans une couronne de lauriers, et le signe critiqué est composé de deux termes, sans que le premier PINK, qui signifie rose, soit dominant par rapport au second, [F] qui signifie lingerie et qui est donc évocateur pour des 'protections hygiéniques', le public visé percevant le signe dans son ensemble PINK [F] comme lingerie rose, le terme PINK ne conservant pas en son sein une position distinctive autonome, et ce d'autant que la représentation typographique caractéristique de la marque antérieure semi-figurative n'est pas reprise dans la marque contestée.
Il s'infère en définitive de la comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle des signes en présence, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, une impression d'ensemble suffisamment différente pour exclure un risque de confusion dans l'esprit du public visé, qui a une attention moyenne, de sorte qu'il ne sera pas fondé à considérer la marque seconde PINK [F] qui diverge tant visuellement que phonétiquement et conceptuellement de la marque de la société Victoria's Secret comme une déclinaison de cette dernière, et à attribuer aux produits couverts par les signes en cause, nonobstant leur identité ou à tout le moins leur similarité, une origine commune, ni à les associer comme provenant d'entreprises économiquement liées.
La demande d'enregistrement de la marque PINK [F] ne peut, en conséquence, être considérée comme portant atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur la marque européenne semi-figurative n° 011559283.
Il résulte des développements qui précèdent que le recours doit être accueilli. La décision du directeur de l'INPI sera en conséquence annulée.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Par arrêt contradictoire,
Ordonne la jonction entre les procédures RG 22/3820 et RG 22/9389, la procédure se poursuivant sous le n°RG 22/3820,
Déclare recevable le recours de la société Blue Shepherd,
Annule la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 17 janvier 2022 portant rejet de la demande d'enregistrement de la marque n°4 632 320,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Victoria's Secret Stores Brand Management à payer à ce titre à la société Blue Shepherd la somme de 2 500 euros,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.