Livv
Décisions

CJUE, 4e ch., 23 novembre 2023, n° C-209/21 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ryanair DAC

Défendeur :

Commission européenne, République française, Royaume de Suède

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lycourgos

Juges :

Mme Spineanu Matei, M. Bonichot, M. Rodin (rapporteur), Mme Rossi

Avocat général :

M. Pitruzzella

Avocats :

Me Blanc, Me Laprévote, Me Vahida, Me Metaxas-Maranghidis, Me Pérez de Lamo, Me Rating

CJUE n° C-209/21 P

22 novembre 2023

LA COUR (quatrième chambre),

1 Par son pourvoi, Ryanair DAC demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 17 février 2021, Ryanair/Commission (T 238/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:91), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2020) 2366 final de la Commission, du 11 avril 2020, relative à l’aide d’État SA.56812 (2020/N) – Suède – COVID-19 : régime de garanties de prêts en faveur des compagnies aériennes (JO 2020, C 269, p. 2, ci-après la « décision litigieuse »).

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2 Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

3 Le 3 avril 2020, le Royaume de Suède a notifié à la Commission européenne une mesure d’aide sous la forme d’un régime de garanties de prêts à certaines compagnies aériennes (ci-après le « régime d’aide en cause »). Le régime d’aide en cause devait permettre aux compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation émise par cet État membre (ci-après la « licence suédoise »), contribuant à la « connectivité » du territoire suédois, de disposer de liquidités suffisantes pour éviter que les perturbations causées par la pandémie de COVID-19 ne compromettent leur viabilité et pour préserver la continuité de l’activité économique pendant et après la crise sanitaire. Le régime d’aide en cause devait bénéficier à toutes les compagnies aériennes titulaires, au 1er janvier 2020, de la licence suédoise pour exercer des activités commerciales dans le domaine de l’aviation en vertu de l’article 3 du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), à l’exception des compagnies aériennes dont l’activité principale consiste à exploiter des services non réguliers de transport aérien de passagers. Le montant maximal des prêts garantis au titre de ce régime s’élevait à 5 milliards de couronnes suédoises (SEK) (environ 455 millions d’euros). Les garanties, portant sur des crédits à l’investissement et des crédits de fonds de roulement, pouvaient être accordées au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020, pour une durée maximale de six ans.

4 Le 11 avril 2020, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle, après avoir conclu que le régime d’aide en cause était constitutif d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle a évalué la compatibilité de celui-ci avec le marché intérieur à la lumière de sa communication du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » [C(2020) 1863, JO 2020, C 91 I, p. 1], telle que modifiée par sa communication du 3 avril 2020 [C(2020) 2215, JO 2020, C 112 I, p. 1] (ci-après l’« encadrement temporaire »).

5 À cet égard, premièrement, la Commission a relevé que, conformément au règlement no 1008/2008, les compagnies aériennes éligibles au régime d’aide en cause avaient leur « principal établissement » en Suède et que leur situation financière était régulièrement contrôlée par l’autorité nationale chargée de l’octroi des licences. Elle a considéré, en outre, que l’exploitation de services réguliers de transport de passagers par les bénéficiaires de la mesure en cause était susceptible de jouer un rôle majeur dans la « connectivité » du pays et que, par conséquent, les critères d’éligibilité de ce régime étaient pertinents pour identifier les compagnies aériennes ayant un lien avec la Suède et contribuant à la « connectivité » de celle-ci, conformément à l’objectif dudit régime. Deuxièmement, elle a considéré que le régime d’aide en cause était nécessaire, approprié et proportionné pour remédier à une perturbation grave de l’économie suédoise et qu’il satisfaisait à toutes les conditions pertinentes énoncées au point 3.2 de l’encadrement temporaire, intitulé « Aides sous forme de garanties sur les prêts ».

6 Elle a ainsi conclu que le régime d’aide en cause était compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et n’a, dès lors, pas soulevé d’objections à son égard.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

7 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mai 2020, Ryanair a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

8 À l’appui de son recours, Ryanair a soulevé quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des principes de non-discrimination en raison de la nationalité et de la libre prestation des services, le deuxième, d’une violation de l’obligation de mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, le troisième, de ce que la Commission avait violé ses droits procéduraux en refusant d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de l’existence de doutes sérieux sur la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur, et, le quatrième, de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

9 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté les premier, deuxième et quatrième moyens soulevés par Ryanair comme étant non fondés. S’agissant du troisième moyen, il a considéré, notamment au regard des motifs ayant conduit au rejet des deux premiers moyens du recours, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner son bien-fondé. Par conséquent, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble, sans statuer sur la recevabilité de ce recours.

Les conclusions des parties devant la Cour

10 Par son pourvoi, Ryanair demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler la décision litigieuse ;

– de condamner la Commission, la République française et le Royaume de Suède aux dépens ou, à titre subsidiaire ;

– d’annuler l’arrêt attaqué, et

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

11 La Commission et le Royaume de Suède demandent à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner la requérante aux dépens.

12 La République française demande à la Cour de rejeter le pourvoi.

Sur le pourvoi

13 Au soutien de son pourvoi, Ryanair soulève cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit en ce que le Tribunal a rejeté à tort le moyen du recours en première instance tiré d’une violation du principe de non-discrimination. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits dans l’examen du moyen de ce recours tiré de la violation de la libre circulation des services. Le troisième moyen est tiré de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en écartant l’application du critère de la mise en balance des effets bénéfiques et des effets négatifs du régime d’aide. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits en ce que le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits que le Tribunal a commises en décidant de ne pas examiner le bien-fondé du troisième moyen du recours en première instance, pris d’une violation des droits procéduraux de la requérante.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

14 Par son premier moyen, qui comprend quatre branches et vise les points 25 à 57 de l’arrêt attaqué, Ryanair soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit en considérant que le régime d’aide en cause ne violait pas le principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

15 Par la première branche de son premier moyen, Ryanair fait valoir que le Tribunal n’a pas dûment appliqué le principe de l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, qui serait un principe essentiel de l’ordre juridique de l’Union européenne. Bien que le Tribunal ait reconnu, au point 30 de l’arrêt attaqué, que la différence de traitement instituée par le régime d’aide en cause pouvait être assimilée à une discrimination au regard de l’un des critères d’éligibilité, à savoir la détention d’une licence suédoise, il aurait à tort considéré qu’une telle discrimination ne devait être appréciée qu’au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, au motif que cette disposition constituait une disposition particulière au sens de l’article 18 TFUE. En effet, la limitation du bénéfice du régime d’aide en cause aux entreprises de transport aérien titulaires d’une licence suédoise équivaudrait à une discrimination directe fondée sur la nationalité étant donné que, pour obtenir une telle licence, une compagnie aérienne doit nécessairement avoir son principal établissement en Suède.

16 En outre, la requérante fait valoir que le Tribunal aurait dû examiner si une telle discrimination était justifiée pour des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique au sens de l’article 52 TFUE ou, en tout état de cause, si elle était fondée sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées.

17 Par la deuxième branche de ce moyen, la requérante soutient que le Tribunal a, aux points 32 et 33 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits en ce qui concerne la détermination de l’objectif du régime d’aide en cause. En particulier, ce serait à tort qu’il a considéré que l’objectif de ce régime se limitait à assurer la « connectivité » de la Suède, ou qu’il était conforme à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, alors qu’il ressortirait clairement de la décision litigieuse que cet objectif était d’assurer une liquidité suffisante aux compagnies aériennes « titulaires d’une licence suédoise ».

18 Par la troisième branche de son premier moyen, Ryanair soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit et d’une dénaturation manifeste des faits en ce que le Tribunal a considéré, aux points 38 à 44 de l’arrêt attaqué, que le régime d’aide en cause, dont ne bénéficient que les compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise, était approprié pour atteindre son objectif. À cet égard, le Tribunal aurait, en interprétant de manière erronée le règlement no 1008/2008 et en complétant illégalement la motivation de la décision litigieuse, estimé à tort, premièrement, qu’un État membre qui a octroyé une licence à une compagnie aérienne peut contrôler la façon dont l’aide est utilisée par les bénéficiaires, deuxièmement, que cet État membre peut s’assurer que la compagnie aérienne titulaire de la licence honore les prêts consentis, de manière à réduire le risque que la garantie soit mise en jeu, et, troisièmement, que les compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation ont un lien plus étroit avec l’économie de l’État membre qui a octroyé cette licence. En effet, il n’existerait aucune différence, en termes de contrôles exercés par l’État membre ayant accordé l’aide, de risque de défaut de remboursement des prêts et de liens avec l’économie de cet État membre, entre les compagnies aériennes qui détiennent une licence d’exploitation délivrée par ledit État membre et celles qui détiennent une licence d’exploitation délivrée par un autre État membre.

19 Par la quatrième branche de ce moyen, Ryanair invoque, en substance, une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits en ce que le Tribunal a considéré, aux points 45 à 54 de l’arrêt attaqué, que le régime d’aide en cause était proportionné.

20 Premièrement, le Tribunal aurait, à tort, affirmé, aux points 45 et 51 de l’arrêt attaqué, que l’exigence d’une licence suédoise était « la mieux à même de garantir le caractère pérenne de la présence d’une compagnie aérienne sur [le] territoire [suédois] » et que le « principal établissement », le lieu où sont prises les décisions administratives et financières, était « particulièrement important en l’espèce afin de s’assurer que la connectivité de la Suède ne soit pas interrompue du jour au lendemain ». Ce lien de causalité entre l’obligation de détenir une licence suédoise et la garantie d’une desserte du territoire suédois serait totalement hypothétique et contredit par les données que Ryanair a fournies au Tribunal.

21 Deuxièmement, le Tribunal aurait, à tort, affirmé, au point 45 de l’arrêt attaqué, que les compagnies aériennes éligibles « contribuent, dans l’ensemble, majoritairement à la desserte régulière de la Suède ». Il s’agirait d’une dénaturation manifeste des faits étant donné que, sur la base des chiffres fournis par le Tribunal lui-même au point 46 de l’arrêt attaqué, les compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise représentaient une minorité des services aériens réguliers en Suède dans deux des trois segments de ces services, à savoir les vols au sein de l’Union, avec une part de marché combinée de 49 %, et les vols en dehors de l’Union, avec une part de marché combinée de 35 %. De plus, ce motif serait également entaché d’une erreur de droit, et plus précisément d’une application erronée du principe de proportionnalité, tout comme le motif énoncé au point 46 de l’arrêt attaqué, selon lequel les compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise représentaient 98 % du trafic intérieur de passagers et 84 % du transport intérieur de fret et qu’il s’agissait d’« une donnée primordiale compte tenu de l’étendue et de la situation géographiques » de la Suède. Conformément à ce principe, le Tribunal aurait dû évaluer la proportion du trafic intérieur dans le trafic total de la Suède.

22 Troisièmement, le Tribunal aurait omis, dans l’arrêt attaqué, d’évaluer l’effet concurrentiel du régime d’aide en cause aux fins du critère de la proportionnalité. Or, une telle appréciation serait essentielle pour déterminer, selon les propres termes du Tribunal, si le régime d’aide en cause ne va pas « au-delà de ce qui est nécessaire » pour atteindre son objectif déclaré.

23 Quatrièmement, le Tribunal aurait, à tort, justifié, aux points 50 et 51 de l’arrêt attaqué, les critères d’éligibilité discriminatoires et l’incohérence qui en découlerait par l’objectif allégué du régime d’aide en cause, en affirmant que les petites compagnies exploitaient « en particulier » des vols ayant une finalité spécifique, que la requérante avait réduit sa présence en Suède à une seule base avec un seul appareil et que sa part de marché avait baissé avant le début de la pandémie de COVID-19. Il aurait ainsi négligé l’importance de la part de marché de 5 % de Ryanair. La requérante conteste également l’affirmation du Tribunal selon laquelle « les ressources susceptibles d’être allouées par l’État membre concerné ne sont pas infinies et doivent donc répondre à des priorités ».

24 Cinquièmement, le Tribunal aurait refusé à tort, au point 53 de l’arrêt attaqué, d’examiner un autre scénario d’aide au motif que la Commission ne pouvait pas être chargée d’« examiner toute mesure alternative envisageable ». Le Tribunal se serait, à cet égard, erronément appuyé sur son arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission (T 135/17, EU:T:2019:287), dont il ressortirait seulement que la Commission n’avait pas le devoir d’examiner toutes les mesures alternatives dans sa motivation.

25 En outre, le motif énoncé par le Tribunal au point 54 de l’arrêt attaqué, selon lequel la mesure alternative hypothétique, consistant à étendre le régime d’aide en cause à des compagnies non établies en Suède, n’aurait pas permis d’atteindre l’objectif de « connectivité » dans la même mesure se fonderait, par un renvoi aux points 40 à 44 de cet arrêt, sur l’hypothèse juridique erronée selon laquelle, en vertu du règlement no 1008/2008, les compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation délivrée par un autre État membre peuvent plus facilement interrompre leurs liaisons à destination et en provenance de la Suède.

26 La Commission, la République française et le Royaume de Suède soutiennent que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

27 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêt du 28 juin 2018, Allemagne/Commission, C 208/16 P, EU:C:2018:506, point 79 et jurisprudence citée).

28 C’est donc à l’égard de mesures présentant de telles caractéristiques et déployant de tels effets, en ce qu’elles sont susceptibles de fausser le jeu de la concurrence et de porter atteinte aux échanges entre les États membres, que l’article 107, paragraphe 1, TFUE énonce le principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur.

29 En particulier, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose que la Commission établisse que l’avantage économique, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure concernée introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 103 et jurisprudence citée).

30 L’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE prévoit toutefois certaines dérogations au principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, évoqué au point 28 du présent arrêt, telles que celle énoncée à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, concernant les aides destinées « à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ». Sont, ainsi, compatibles ou susceptibles d’être déclarées compatibles avec le marché intérieur des aides d’État octroyées aux fins et dans les conditions prévues par ces dispositions dérogatoires, nonobstant le fait qu’elles présentent les caractéristiques et déploient les effets énoncés au point 27 du présent arrêt.

31 Il s’ensuit que, sauf à priver lesdites dispositions dérogatoires de tout effet utile, des aides d’État qui sont octroyées en conformité avec ces exigences, c’est-à-dire aux fins d’un objectif qui y est reconnu et dans les limites de ce qui est nécessaire et proportionné à la réalisation de cet objectif, ne sauraient être jugées incompatibles avec le marché intérieur au regard des seules caractéristiques ou des seuls effets visés au point 27 du présent arrêt, ou des effets qui sont inhérents à toute aide d’État, à savoir, notamment, pour des raisons liées à ce que l’aide est sélective ou à ce qu’elle fausserait la concurrence (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 107 et jurisprudence citée).

32 Une aide ne peut donc pas être considérée comme incompatible avec le marché intérieur pour des raisons qui sont uniquement liées à ce que l’aide est sélective ou à ce qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 108).

33 Cela étant, s’agissant de la première branche de son premier moyen, par laquelle Ryanair invoque une erreur de droit tirée de ce que le Tribunal n’a pas appliqué, au point 31 de l’arrêt attaqué, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité consacré à l’article 18 TFUE, mais a examiné la mesure en cause au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité FUE. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêts du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C 284/21 P, EU:C:2023:58, point 96, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 109).

34 Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement l’article 18 TFUE, il est de jurisprudence constante que cet article n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (arrêts du 18 juillet 2017, Erzberger, C 566/15, EU:C:2017:562, point 25, et du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 110).

35 Dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, prévoit des dérogations au principe, énoncé au paragraphe 1 de cet article, d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, et admet ainsi, en particulier, des différences de traitement entre les entreprises, sous réserve de remplir les exigences prévues par ces dérogations, ces dernières doivent être considérées comme des « dispositions particulières » prévues par les traités, au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C-320/21 P, EU:C:2023:712, point 111).

36 Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, au point 31 de l’arrêt attaqué, que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE constituait une telle disposition particulière et qu’il convenait seulement d’examiner si la différence de traitement induite par la mesure en cause était permise au titre de cette disposition.

37 Il en découle que les différences de traitement qu’entraîne le régime d’aide en cause n’ont pas davantage à être justifiées au regard des motifs énoncés à l’article 52 TFUE, contrairement à ce que soutient Ryanair.

38 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

39 Par la deuxième branche de ce moyen du pourvoi, Ryanair soutient, en substance, que le Tribunal a, aux points 32 et 33 de l’arrêt attaqué, mal identifié l’objectif du régime d’aide en cause, tel qu’il ressort de la décision litigieuse, et qu’il a, à tort, considéré que cet objectif consistait à préserver la « connectivité » de la Suède.

40 À cet égard, le Tribunal a, au point 32 de l’arrêt attaqué, relevé que l’objectif du régime d’aide en cause consistait, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à remédier à la perturbation grave de l’économie suédoise occasionnée par la pandémie de COVID 19, en assurant la « connectivité » de la Suède.

41 Cette description de l’objectif poursuivi par ce régime est conforme à celle qui est exposée dans la décision litigieuse, notamment à ses considérants 8 et 43, cités dans l’arrêt attaqué, par lesquels la Commission a, d’une part, énoncé l’objectif consistant à assurer la « connectivité » du territoire suédois et, d’autre part, évalué la pertinence de cet objectif aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. En revanche, contrairement à ce que Ryanair soutient, il ne ressort pas de cette décision que la détention d’une licence suédoise constituait un objectif en soi du régime d’aide en cause, mais qu’une telle détention constituait plutôt, ainsi que le Tribunal l’a, en substance, considéré au point 32 de l’arrêt attaqué, un critère d’éligibilité de ce régime.

42 Dans la mesure où, par cette deuxième branche, Ryanair fait encore grief au Tribunal de s’être livré à une dénaturation des éléments de fait qui lui étaient soumis, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C 14/19 P, EU:C:2020:492, point 103 et jurisprudence citée).

43 Il s’ensuit que l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C 14/19 P, EU:C:2020:492, point 104 et jurisprudence citée).

44 Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante de la Cour qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C 14/19 P, EU:C:2020:492, point 105 et jurisprudence citée).

45 En l’espèce, il y a lieu de constater que, à l’appui de ladite branche, Ryanair ne précise pas les éléments de preuve que le Tribunal aurait dénaturés en déterminant l’objectif du régime d’aide en cause et, a fortiori, ne démontre pas en quoi ces éléments auraient été dénaturés.

46 Dans ces conditions, il convient d’écarter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

47 Par la troisième branche de ce moyen, Ryanair soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation des faits en jugeant, aux points 38 à 44 de l’arrêt attaqué, que le régime d’aide en cause, en ce qu’il ne bénéficiait qu’aux compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise, à l’exclusion de celles exploitant des services non réguliers de transport aérien de passagers, était apte à atteindre son objectif.

48 À cet égard, Ryanair fait valoir, par un premier grief, en substance, que, en affirmant, notamment au point 40 de l’arrêt attaqué, que le critère de la détention d’une licence délivrée par l’État membre octroyant l’aide permettait de contrôler la façon dont celle-ci est utilisée par les bénéficiaires, le Tribunal a avancé une justification qui ne figurait pas dans la décision litigieuse, de telle sorte qu’il a substitué ses propres motifs à ceux retenus par la Commission à l’appui de cette décision.

49 Il ressort, certes, de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, la Cour et le Tribunal ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C 51/19 P et C 64/19 P, EU:C:2021:793, point 70 ainsi que jurisprudence citée). Toutefois, il y a lieu de constater que, au considérant 43 de la décision litigieuse, la Commission énonce le fait que les compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise ont leur principal établissement en Suède et y sont soumises à un suivi régulier de leur situation financière. Ainsi, au point 40 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à répondre à l’argumentation de la requérante mentionnée au point 38 de cet arrêt, à expliciter la motivation de la décision litigieuse et, plus particulièrement, à tirer certaines indications des éléments qui y figurent, sans procéder pour autant à une substitution des motifs de cette décision.

50 S’agissant du second grief avancé dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, il y a lieu de constater que, en se fondant sur les affirmations figurant aux points 40 à 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, au point 43 de cet arrêt, que, en limitant le bénéfice du régime d’aide en cause aux seules compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise et disposant, dès lors, de leur principal établissement en Suède, le Royaume de Suède avait légitimement cherché, en substance, à s’assurer de l’existence d’un lien pérenne entre lui et les compagnies aériennes bénéficiaires de sa garantie, et, au point 44 dudit arrêt, que le critère d’éligibilité tenant à la détention d’une telle licence était donc approprié pour atteindre l’objectif de remédier à la perturbation grave de l’économie de cet État membre.

51 À cet égard, premièrement, le Tribunal ne s’est appuyé sur le règlement no 1008/2008, aux points 43 et 44 de l’arrêt attaqué, qu’aux fins d’établir la spécificité et la stabilité du lien qui unit des compagnies aériennes détenant une licence d’exploitation avec l’État membre ayant octroyé cette licence, compte tenu des dispositions de ce règlement qui régit leurs relations et, notamment, les contrôles financiers qu’exercent les autorités de cet État membre sur ces compagnies aériennes. Or, est, en tant que tel, sans incidence sur l’appréciation de ce lien, aux fins de déterminer si les critères d’éligibilité sont aptes à atteindre l’objectif poursuivi par le régime d’aide en cause, le fait que ces contrôles ne portent pas spécifiquement sur l’utilisation des aides octroyées aux compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise, ou qu’un contrôle de l’utilisation de ces aides puisse également être effectué auprès des compagnies aériennes ne détenant pas une licence suédoise, ainsi que le soutient Ryanair.

52 Si, deuxièmement, Ryanair allègue une dénaturation des faits en ce qui concerne les considérations mentionnées au point 50 du présent arrêt, il suffit de constater qu’elle n’a avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal a commis une telle dénaturation, conformément à la jurisprudence rappelée au point 44 du présent arrêt.

53 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la troisième branche du premier moyen comme étant non fondée.

54 Par la quatrième branche de ce moyen, Ryanair soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation des faits en ce qu’il a considéré, aux points 45 à 54 de l’arrêt attaqué, que le régime d’aide en cause était proportionné.

55 À cet égard, en ce que la requérante conteste, par les premier, deuxième et quatrième griefs de cette branche, certaines affirmations du Tribunal figurant, notamment, aux points 45 et 46 ainsi que 50 et 51 de l’arrêt attaqué et énoncées aux points 20 et 21 du présent arrêt, il convient de constater, d’une part, que la requérante vise ainsi, en réalité, à remettre en cause l’appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve que le Tribunal a effectuée pour juger, notamment au point 55 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en ce qui concerne le caractère proportionné du régime d’aide en cause.

56 D’autre part, si, dans le cadre du deuxième grief, la requérante a invoqué une dénaturation des faits que le Tribunal aurait commise au point 45 de l’arrêt attaqué, en ce que l’affirmation de ce dernier selon laquelle les compagnies aériennes éligibles au régime d’aide en cause « contribuent, dans l’ensemble, majoritairement à la desserte régulière de la Suède » ne résulterait pas des données que le Tribunal a lui-même utilisées, il y a lieu de relever que l’appréciation de ces données ne démontre aucune appréciation manifestement erronée qui constituerait une dénaturation des faits.

57 En effet, eu égard aux pourcentages élevés de la part de trafic intérieur de passagers (98 %) et de fret (84 %) assuré par les compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise, ces données ayant un caractère primordial aux fins d’assurer l’objectif poursuivi par le régime d’aide en cause, ce qui, en tant que tel, n’a pas été contesté par la requérante, ainsi qu’aux pourcentages importants en ce qui concerne la part de ces compagnies dans le trafic aérien de passagers tant interne (49 %) qu’externe (35 %) à l’Union, le Tribunal a pu, sans commettre une dénaturation de ces éléments factuels, affirmer que, dans l’ensemble, les compagnies aériennes éligibles contribuent majoritairement à la desserte régulière de la Suède tant s’agissant du fret que du transport de passagers, ce qui correspond à l’objectif d’assurer la « connectivité » de la Suède, qu’il s’agisse de liaisons aériennes en Suède, depuis la Suède ou à destination de la Suède.

58 Par conséquent, les premier, deuxième et quatrième griefs de la quatrième branche du premier moyen doivent être écartés comme étant irrecevables et, en tout état de cause, comme étant non fondés.

59 S’agissant du cinquième grief de cette branche du premier moyen, dirigé contre le point 53 de l’arrêt attaqué, il convient de constater que ce n’est qu’à titre surabondant que le Tribunal a considéré, à ce point 53, que la Commission n’avait pas à se prononcer sur toutes les mesures alternatives au régime d’aide en cause. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 65 et 66 de ses conclusions, le Tribunal a jugé, au point 54 de cet arrêt, que, en tout état de cause, les mesures alternatives proposées par la requérante n’auraient pas permis d’atteindre l’objectif poursuivi par ce régime. Le Tribunal s’est fondé, à cet effet, sur les points 40 à 44 dudit arrêt, lesquels, ainsi qu’il ressort des points 48 à 53 du présent arrêt, ne sont pas entachés d’une erreur de droit.

60 Ce grief doit, dès lors, être écarté comme étant inopérant.

61 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du premier moyen et, par voie de conséquence, ce moyen dans son intégralité, sous réserve de l’examen du troisième grief de la quatrième branche de celui-ci, mentionné au point 22 du présent arrêt, qui rejoint l’argumentation avancée dans le cadre du troisième moyen du pourvoi et est examiné conjointement avec celui-ci, aux points 84 à 90 du présent arrêt.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

62 Par son deuxième moyen, Ryanair soutient que le Tribunal, aux points 62 à 64 de l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits en rejetant la troisième branche du premier moyen de son recours en première instance, par laquelle elle invoquait une violation du principe de la libre prestation des services.

63 Par la première branche de ce moyen, Ryanair fait valoir que, contrairement à ce qui est indiqué au point 63 de l’arrêt attaqué, elle avait invoqué, devant le Tribunal, une violation du règlement no 1008/2008, en soutenant que le principe de la libre prestation des services dans le secteur du transport aérien avait été méconnu. En écartant ses arguments au motif erroné que « la requérante n’allègue aucune violation de ce règlement », le Tribunal aurait manifestement dénaturé ses écritures et n’aurait pas motivé son jugement à suffisance de droit.

64 Par la deuxième branche de ce moyen, Ryanair soutient que le Tribunal a jugé, au point 64 de l’arrêt attaqué, de manière contradictoire et erronée, qu’elle n’établissait pas en quoi son exclusion du régime d’aide en cause était de nature à la dissuader de fournir des prestations de services depuis et à destination de la Suède. Le fait que des compagnies aériennes soient exclues d’un avantage réservé à ce qu’elle nomme les « compagnies aériennes suédoises » suffirait en effet à démontrer que la libre prestation des services est découragée, sans qu’aucune autre démonstration ne soit requise. Par ailleurs, la circonstance que la requérante ait progressivement réduit son activité sur le marché suédois ne serait pas pertinente pour déterminer si le régime en cause restreint la libre prestation des services.

65 Le Tribunal aurait donc dénaturé les preuves en omettant d’examiner les éléments importants fournis par la requérante quant à l’effet restrictif du régime d’aide en cause sur la libre prestation des services, et en s’attachant à des considérations sans pertinence concernant les évolutions passées de la part de marché de la requérante.

66 Par la troisième branche du deuxième moyen, Ryanair soutient que, dans le cadre de son recours en première instance, elle a démontré à suffisance de droit, contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 64 de l’arrêt attaqué, que les effets restrictifs du régime d’aide en cause sur la libre prestation des services n’étaient pas justifiés.

67 Le Tribunal n’aurait pas correctement examiné cette restriction au regard des critères pertinents de l’adéquation et de la proportionnalité. La requérante aurait en outre fourni de multiples éléments de preuve démontrant que le régime d’aide en cause présentait des effets restrictifs sur la libre prestation des services qui auraient été inutiles, inappropriés et disproportionnés au regard de l’objectif dudit régime, à savoir celui d’assurer la « connectivité » de la Suède. Elle aurait, de plus, mentionné, dans ce contexte, un critère alternatif d’éligibilité de l’aide, fondé sur les parts de marché, qui aurait été moins préjudiciable à la libre prestation des services. Elle aurait, d’ailleurs, expressément mentionné ce critère dans des correspondances adressées, avant l’adoption de la décision litigieuse, au Premier ministre suédois et à la commissaire européenne chargée de la concurrence, qu’elle a annexées à la requête en première instance.

68 Or, selon Ryanair, le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’examiner cette mesure alternative dans le cadre de l’appréciation du caractère approprié et proportionné de la restriction à la libre prestation des services en cause.

69 La Commission, la République française et le Royaume de Suède soutiennent que le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

70 Par les deuxième et troisième branches du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble et en premier lieu, Ryanair fait valoir, en substance, que le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’erreurs de droit, au point 64 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a examiné le fait que le régime d’aide en cause ne bénéficiait qu’à ce qu’elle nomme les « compagnies aériennes suédoises », à savoir aux compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise, uniquement au regard des critères de l’article 107 TFUE, au lieu de vérifier si cette mesure était justifiée au regard des motifs visés dans les dispositions du traité FUE relatives à la libre prestation des services. Or, Ryanair aurait soumis au Tribunal des éléments de fait et de droit démontrant une violation de ces dispositions.

71 À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 33 du présent arrêt, la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur.

72 Toutefois, d’une part, les effets restrictifs qu’une mesure d’aide déploierait sur la libre prestation des services ne constituent pas pour autant une restriction interdite par le traité, dans la mesure où il peut s’agir d’un effet inhérent à la nature même d’une aide d’État, tel que son caractère sélectif (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 132).

73 D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque les modalités d’une aide sont à ce point indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble avec le marché intérieur doit nécessairement être apprécié au moyen de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, point 14 ; du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., C 284/21 P, EU:C:2023:58, point 97, ainsi que du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 133).

74 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 40 et 41 du présent arrêt, si la détention d’une licence suédoise constituait en soi non pas l’objectif du régime d’aide en cause, mais un critère d’éligibilité de ce régime, ce critère était en tant que tel indissolublement lié à l’objet dudit régime, qui consistait à remédier à la perturbation grave de l’économie suédoise occasionnée par la pandémie de COVID 19, en assurant la « connectivité » de la Suède. Il s’ensuit que l’effet résultant de ce critère d’éligibilité du régime d’aide en cause sur le marché intérieur ne peut pas faire l’objet d’un examen séparé de celui de la compatibilité de cette mesure d’aide, dans son ensemble, avec le marché intérieur au moyen de la procédure prévue à l’article 108 TFUE.

75 Il résulte des motifs qui précèdent et de la jurisprudence rappelée au point 31 du présent arrêt que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 64 de l’arrêt attaqué, en substance, que, pour établir que le régime d’aide en cause constituait, en raison du fait que l’aide en question ne bénéficiait qu’aux compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise, et non pas, notamment, à Ryanair, une entrave à la libre prestation des services, celle-ci aurait dû démontrer, en l’espèce, que cette mesure produisait des effets restrictifs qui allaient au-delà de ceux qui sont inhérents à une aide d’État octroyée conformément aux exigences prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir, par analogie, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 135).

76 Or, l’argumentation avancée par Ryanair à l’appui des deuxième et troisième branches du deuxième moyen vise, dans son ensemble, à critiquer le régime d’aide en cause en ce que seules les compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise étaient éligibles à ce régime et les effets restrictifs de ce critère d’éligibilité sur la libre prestation des services, alors même que de tels effets sont inhérents au caractère sélectif dudit régime.

77 En outre, quant aux éléments de preuve qu’elle aurait présentés devant le Tribunal, il y a lieu de constater que Ryanair n’a avancé aucun argument susceptible de démontrer que celui-ci a dénaturé ces éléments de preuve.

78 Il s’ensuit qu’il convient d’écarter les deuxième et troisième branches du deuxième moyen comme étant non fondées.

79 Enfin, la première branche de ce moyen doit être écartée comme étant inopérante, en ce qu’elle vise à contester le point 63 de l’arrêt attaqué, dont les motifs revêtent un caractère surabondant par rapport à ceux exposés au point 64 de cet arrêt. Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

80 Par son troisième moyen, Ryanair soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 68 et 69 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’est pas contrainte par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, de procéder, lorsqu’elle examine la compatibilité d’une aide, à une mise en balance des effets bénéfiques de cette aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée. Ce moyen doit être rapproché du troisième grief de la quatrième branche du premier moyen, mentionné au point 22 du présent arrêt, par lequel la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis d’évaluer l’effet anticoncurrentiel du régime d’aide en cause.

81 Par la première branche du troisième moyen, elle fait valoir que le Tribunal a retenu une interprétation excessivement large de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C 594/18 P, EU:C:2020:742, points 20 et 39), pour juger que la condition tenant à ce que l’aide n’affecte pas de manière excessive les conditions des échanges s’appliquerait aux aides visées à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE mais non à celles visées au paragraphe 3, sous b), de cet article. Premièrement, l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, dont cet arrêt a fait application, ne ferait référence qu’à l’effet de l’aide sur les conditions des échanges, et non pas à la protection de la concurrence non faussée, laquelle, ainsi que le Tribunal l’a admis, doit également être prise en compte dans la mise en balance des effets positifs et des effets négatifs de l’aide. Deuxièmement, dans cette affaire, la Cour n’aurait pas examiné de manière approfondie l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Troisièmement, l’obligation de mettre en balance les effets positifs de l’aide et ses effets négatifs sur les conditions des échanges et le maintien d’une concurrence non faussée résulterait également de principes qui s’appliquent de manière générale à toutes les aides relevant de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

82 Par la seconde branche du troisième moyen, la requérante soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a considéré au point 68 de l’arrêt attaqué, l’existence d’une perturbation grave de l’économie d’un État membre ne devrait pas permettre de présumer que les effets positifs d’une aide l’emportent sur ses effets négatifs, mais devrait, au contraire, donner lieu à une vigilance particulière dans la mise en balance de ces effets, aux fins d’apprécier la compatibilité de cette aide.

83 La Commission, la République française et le Royaume de Suède soutiennent que le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

84 Il convient de relever que, au point 20 de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C 594/18 P, EU:C:2020:742), la Cour a mis en exergue les différences entre les libellés de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, et a relevé, en particulier, que seule la première de ces dispositions énonçait la condition selon laquelle l’aide en cause devait poursuivre un objectif d’intérêt commun. La Cour en a déduit que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne subordonnait pas la compatibilité d’une aide à une telle condition.

85 Pour un motif similaire fondé sur la comparaison des libellés des dispositions concernées, ainsi que le Tribunal l’a, en substance, jugé au point 67 de l’arrêt attaqué, en l’absence de référence, à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à la démonstration d’une absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun et, donc, à la nécessité d’effectuer une mise en balance des effets bénéfiques et des effets négatifs de l’aide, cette disposition ne saurait être interprétée, à la différence de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, comme requérant que la Commission procède à une telle mise en balance aux fins d’apprécier la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur.

86 Ainsi que l’a, à juste titre, relevé la République française dans son mémoire en réponse, cette différence d’appréciation de la compatibilité des aides visées à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de celles visées à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE s’explique par la nature particulière des aides visées à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui poursuivent des objectifs de caractère exceptionnel et d’un poids particulier consistant soit à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun, soit à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. Les mesures d’aide qui concourent à l’un de ces objectifs, sous réserve qu’elles soient nécessaires et proportionnées, peuvent donc être considérées comme assurant un juste équilibre entre leurs effets bénéfiques et leurs effets négatifs sur le marché intérieur et comme répondant, par conséquent, à l’intérêt commun de l’Union.

87 Dès lors, puisque l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE reflète la mise en balance des effets des aides d’État visées par cette disposition à laquelle les auteurs du traité ont procédé, la Commission n’est pas tenue d’opérer une nouvelle mise en balance de ces effets lorsqu’elle examine la compatibilité d’une aide dont l’octroi est envisagé sur le fondement de ladite disposition.

88 Par ailleurs, si la dérogation au principe d’incompatibilité des aides d’État prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte, les termes utilisés pour définir cette dérogation ne doivent cependant pas être interprétés d’une manière qui restreindrait indûment sa portée ou qui la priverait de ses effets. Une dérogation doit, en effet, être interprétée de manière conforme aux objectifs qu’elle poursuit (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Fastweb, C 19/13, EU:C:2014:2194, point 40).

89 Eu égard à ce qui précède, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas contrainte, par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, de procéder à une mise en balance des effets bénéfiques du régime d’aide en cause avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée.

90 Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

91 Par son quatrième moyen, Ryanair fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits en ce qu’il a jugé à tort, aux points 77 à 81 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

92 Selon la requérante, le Tribunal aurait admis que le contexte dans lequel a été adoptée la décision litigieuse, marqué par la survenance de la pandémie de COVID 19 et les difficultés que cette pandémie a pu susciter pour la rédaction des décisions de la Commission, pouvait justifier que certains éléments cruciaux fassent défaut dans la motivation de cette décision, alors même que ces éléments lui auraient été nécessaires afin qu’elle comprenne le raisonnement qui sous-tendait les conclusions de la Commission. L’interprétation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, à laquelle se serait livré le Tribunal, serait contraire à la jurisprudence de la Cour et priverait l’obligation de motivation de tout effet utile.

93 La Commission, la République française et le Royaume de Suède soutiennent que le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

94 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 198 ainsi que jurisprudence citée).

95 Lorsqu’il s’agit, plus particulièrement, comme en l’espèce, d’une décision, prise en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une mesure d’aide, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser qu’une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, pour autant qu’elle fasse apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 199 ainsi que jurisprudence citée).

96 C’est à l’aune de ces exigences qu’il convient d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit.

97 À cet égard, d’une part, dans la mesure où Ryanair fait grief au Tribunal, en substance, d’avoir assoupli les exigences relatives à l’obligation de motivation au regard du contexte de la pandémie de COVID 19 dans lequel la décision litigieuse avait été adoptée, il convient de constater que, en se référant, au point 77 de l’arrêt attaqué, au contexte dans lequel la décision litigieuse avait été adoptée, à savoir celui d’une pandémie et de l’extrême urgence dans laquelle la Commission avait adopté l’encadrement temporaire, examiné les mesures que lui avaient notifiées les États membres, notamment en application de cet encadrement, et adopté les décisions se rapportant à ces mesures, dont cette décision, le Tribunal a, à juste titre, ainsi que l’exige la jurisprudence mentionnée aux points 94 et 95 du présent arrêt, pris en considération des éléments pertinents pour déterminer si, par l’adoption de ladite décision, la Commission s’était conformée à son obligation de motivation.

98 D’autre part, en ce que Ryanair fait état d’éléments spécifiques sur lesquels la Commission, en méconnaissance de l’obligation de motivation lui incombant, ne se serait pas prononcée ou qu’elle n’aurait pas appréciés dans la décision litigieuse, tels que la conformité du régime d’aide en cause au principe de l’égalité de traitement et à la libre prestation des services, son effet sur les échanges et la concurrence ainsi que la mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs, il ressort des points 79 et 80 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que ces éléments soit n’étaient pas pertinents aux fins de cette décision, soit qu’il était, à suffisance de droit, fait référence à ceux-ci dans ladite décision pour que le raisonnement de la Commission soit compris à cet égard.

99 Or, il n’apparaît pas que, par ces appréciations, le Tribunal aurait méconnu les exigences de motivation d’une décision de la Commission, prise en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de ne pas soulever d’objections, telles qu’elles découlent de la jurisprudence rappelée aux points 94 et 95 du présent arrêt, cette motivation permettant, en l’espèce, à Ryanair de connaître les justifications de cette décision et au juge de l’Union d’exercer son contrôle à son égard, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’arrêt attaqué.

100 En outre, dans la mesure où l’argumentation avancée dans le cadre du quatrième moyen vise en réalité à démontrer que la décision litigieuse a été adoptée sur le fondement d’une appréciation insuffisante ou juridiquement erronée de la Commission, cette argumentation, ayant trait au bien-fondé de cette décision plutôt qu’à l’exigence de motivation en tant que formalité substantielle, doit être écartée au regard de la jurisprudence rappelée au point 95 du présent arrêt.

101 Il ressort de ce qui précède que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, aux points 77 à 81 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit.

102 Enfin, il y a lieu de constater que Ryanair n’a avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal a dénaturé des éléments de fait, au sens de la jurisprudence rappelée au point 44 du présent arrêt, en examinant le quatrième moyen du recours en première instance.

103 Partant, le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

104 Par son cinquième moyen, Ryanair fait valoir que, en considérant, aux points 82 et 83 de l’arrêt attaqué, que le troisième moyen de son recours en première instance, relatif au refus de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, se trouvait privé de sa finalité affichée du fait du rejet des deux premiers moyens de ce recours et était dépourvu de contenu autonome par rapport à ces deux moyens, le Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation manifeste des faits.

105 En effet, contrairement à ce que le Tribunal a considéré, ce troisième moyen aurait présenté un contenu autonome par rapport aux deux premiers moyens du recours en première instance. Le contrôle juridictionnel portant sur l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen différerait de celui portant sur l’erreur de droit ou sur l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission lors de l’examen au fond de la mesure d’aide. L’existence de difficultés sérieuses pourrait ainsi être constatée alors même que, contrairement à ce que la requérante avait soutenu par ses deux premiers moyens en première instance, l’examen par la Commission du régime d’aide en cause ne serait entaché ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’une erreur de droit.

106 De même, le troisième moyen du recours en première instance n’aurait pas été privé de sa finalité affichée, dès lors que la démonstration de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission serait totalement différente de la démonstration de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen. En outre, Ryanair aurait soulevé des arguments autonomes à cet effet, démontrant, notamment, que la Commission ne disposait pas de données de marché sur la « connectivité » aérienne de la Suède, qui revêtaient une importance cruciale pour examiner la compatibilité du régime d’aide en cause au regard de son objectif allégué. Devant le Tribunal, Ryanair aurait identifié des lacunes précises dans l’information de la Commission et aurait mis en évidence des difficultés sérieuses conférant à son moyen un contenu autonome par rapport aux deux premiers moyens du recours.

107 La Commission, la République française et le Royaume de Suède soutiennent que le cinquième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

108 Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une aide d’État, il met en cause essentiellement le fait que cette décision a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C 83/09 P, EU:C:2011:341, point 59 ainsi que jurisprudence citée).

109 Ainsi, il appartient à l’auteur d’une demande d’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections de démontrer que des doutes sur la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur existaient, de telle sorte que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Une telle preuve doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de cette décision que dans son contenu, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

110 En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de ce que cette institution a été confrontée à de sérieuses difficultés pour apprécier la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur, ce qui aurait dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

111 À cet égard, s’agissant, tout d’abord, du grief tiré de ce que le Tribunal a jugé, au point 83 de l’arrêt attaqué, que le troisième moyen du recours en première instance était dépourvu de contenu autonome, il convient de relever qu’il est exact, ainsi que l’a fait valoir Ryanair dans son pourvoi, que, si l’existence de difficultés sérieuses, au sens de la jurisprudence de la Cour visée au point 110 du présent arrêt, avait été démontrée, la décision litigieuse aurait été susceptible d’être annulée pour ce seul motif, quand bien même il n’aurait pas été établi, par ailleurs, que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, par analogie, arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C 431/07 P, EU:C:2009:223, point 66).

112 En outre, l’existence de pareilles difficultés peut être recherchée, notamment, dans ces appréciations et peut, en principe, être établie par des moyens ou des arguments avancés par un requérant aux fins de contester le bien-fondé de la décision de ne pas soulever d’objections, même si l’examen de ces moyens ou de ces arguments n’aboutit pas à la conclusion que les appréciations portées sur le fond par la Commission sont erronées en fait ou en droit (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C 431/07 P, EU:C:2009:223, points 63 et 66 ainsi que jurisprudence citée).

113 En l’espèce, il y a lieu de constater que le troisième moyen du recours en première instance de Ryanair était tiré, en substance, du caractère incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire et de l’appréciation différente de la compatibilité du régime d’aide en cause à laquelle la Commission serait parvenue si elle avait décidé d’ouvrir une procédure formelle d’examen. Or, il ressort également de ce recours que, à l’appui de ce moyen, la requérante a, pour l’essentiel, soit repris de manière condensée des arguments développés dans le cadre des premier et deuxième moyens dudit recours, relatifs au bien-fondé de la décision litigieuse, soit directement renvoyé à de tels arguments.

114 Dans ces conditions, le Tribunal a pu, à bon droit, considérer, au point 83 de l’arrêt attaqué, que le troisième moyen du recours en première instance était « dépourvu de contenu autonome » par rapport aux deux premiers moyens de celui-ci, en ce sens que, ayant examiné au fond ces derniers moyens, y compris les arguments tirés du caractère incomplet et insuffisant de l’examen mené par la Commission, il n’était pas tenu d’apprécier le bien-fondé du troisième moyen de ce recours de manière séparée, d’autant que, ainsi que le Tribunal l’a, également à bon droit, relevé à ce point 83, Ryanair n’avait, par ce dernier moyen, pas mis en évidence d’éléments spécifiques susceptibles de démontrer l’existence d’éventuelles difficultés sérieuses rencontrées par la Commission pour apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.

115 Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 84 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le bien-fondé du troisième moyen du recours en première instance. Il n’est pas nécessaire, à cet égard, d’examiner, par ailleurs, si c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 82 de l’arrêt attaqué, que ce moyen présentait un caractère subsidiaire et qu’il se trouvait privé de sa finalité affichée.

116 Enfin, il y a lieu de constater que Ryanair n’a avancé aucun argument susceptible de démontrer que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve, au sens de la jurisprudence rappelée au point 44 du présent arrêt, dans le cadre de son examen du troisième moyen du recours en première instance.

117 Il ressort de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

118 Aucun des moyens invoqués par la requérante n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

Sur les dépens

119 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

120 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens afférents au présent pourvoi.

121 Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, une partie intervenante en première instance qui participe à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour peut être condamnée aux dépens. La Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. Par conséquent, la République française et le Royaume de Suède, parties intervenantes en première instance, ayant participé à la procédure devant la Cour, ils supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Ryanair DAC supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3) La République française et le Royaume de Suède supportent leurs propres dépens.