CJUE, 10e ch., 23 novembre 2023, n° C-758/21 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ryanair DAC, Airport Marketing Services Ltd
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Ilešič
Juges :
M. Jarukaitis (rapporteur), M. Gratsias
Avocats :
Me Byrne, Me Rating, Me Vahida
LA COUR (dixième chambre),
1 Par leur pourvoi, Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 septembre 2021, Ryanair e.a./Commission (T 448/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:626), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation des articles 5 et 6 de la décision (UE) 2018/628 de la Commission européenne, du 11 novembre 2016, concernant l’aide d’État SA.24221 (2011/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport (JO 2018, L 107, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »), ainsi que des articles 9 à 11 de cette décision dans la mesure où ils les concernent.
Le droit de l’Union
Le règlement (UE) 2015/1589
2 Le considérant 26 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), énonce :
« Pour des raisons de sécurité juridique, il y a lieu de prévoir, en ce qui concerne les aides illégales, un délai de prescription d’une durée de dix ans à l’issue duquel la récupération de l’aide ne peut plus être ordonnée. »
3 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Notification d’une aide nouvelle », dispose, à son paragraphe 2 :
« Dans sa notification, l’État membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission [européenne] de prendre une décision [...] »
4 L’article 5 dudit règlement, intitulé « Demande de renseignements adressée à l’État membre notifiant », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure notifiée conformément à l’article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. [...]
2. Si l’État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements sont communiqués. »
5 L’article 12 du même règlement, qui figure au chapitre III de celui-ci, relatif à la procédure en matière d’aides illégales, est intitulé « Examen, demande de renseignements et injonction de fournir des informations ». Il dispose :
« 1. [...] la Commission peut, de sa propre initiative, examiner les informations concernant une aide présumée illégale, quelle qu’en soit la source.
[...]
2. Le cas échéant, la Commission demande à l’État membre concerné de lui fournir des renseignements. L’article 2, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphes 1 et 2, s’appliquent mutatis mutandis.
[...]
3. Si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l’article 5, paragraphe 2, l’État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission arrête une décision lui enjoignant de fournir lesdits renseignements [...]. Cette décision précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication. »
6 L’article 17 du règlement 2015/1589, intitulé « Prescription en matière de récupération de l’aide », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans.
2. Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. [...] »
Le règlement de procédure du Tribunal
7 Le règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015 (JO 2015, L 105, p. 1) prévoit, à son article 76, intitulé « Contenu de la requête » :
« La requête visée à l’article 21 du statut [de la Cour de justice de l’Union européenne] contient :
[...]
f) les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu. »
8 Aux termes de l’article 85 de ce règlement, intitulé « Preuves et offres de preuve » :
« 1. Les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires.
2. Les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.
3. À titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.
4. Sans préjudice de la décision du Tribunal à intervenir sur la recevabilité des preuves produites ou des offres de preuve faites en vertu des paragraphes 2 et 3, le président met les autres parties en mesure de prendre position sur celles-ci. »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
9 Les antécédents du litige et la décision litigieuse, tels qu’ils sont présentés aux points 1 à 39 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
10 Ryanair est une compagnie aérienne. AMS est une filiale de cette dernière, dont la majeure partie de l’activité consiste à vendre des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair. L’aéroport de Klagenfurt (Autriche) se trouve en périphérie de la ville du même nom, qui est la capitale du Land de Carinthie. Le propriétaire et exploitant de cet aéroport est Kärntner Flughafen Betriebsgesellschaft mbH (ci-après « KFBG »). Les détenteurs directs et indirects des parts de cette dernière société ont varié au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse, mais il s’est toujours agi d’autorités ou d’entités publiques. KFBG possède une filiale détenue à 100 %, Destinations Management GmbH (ci-après « DMG »), qui fournit différents services à l’aéroport, notamment en tant que consultant pour attirer les compagnies aériennes vers celui-ci.
11 Le 22 janvier 2002, quatre accords pertinents aux fins de la présente affaire ont été conclus. Premièrement, KFBG et Ryanair ont conclu un accord sur les services aéroportuaires (ci-après l’« ASA de 2002 »), entré en vigueur le 27 juin 2002 pour une durée de cinq ans et prévoyant une possibilité de prorogation automatique de cinq ans supplémentaires sous certaines conditions. En vertu de cet accord, Ryanair s’engageait à proposer un service de transport aérien au moins une fois par jour entre l’aéroport de Klagenfurt et l’aéroport de Londres-Stansted (Royaume-Uni) et à verser à KFBG une redevance forfaitaire par rotation. Ryanair devait, en outre, prélever sur chaque billet d’avion un montant fixe par passager au départ, au titre des redevances aéroportuaires, ainsi que la redevance de sécurité, et reverser ces redevances à l’aéroport. Ledit accord prévoyait également les services que cet aéroport devait fournir à Ryanair ainsi que d’autres paiements au profit de KFBG et les obligations auxquelles cette dernière était tenue.
12 Deuxièmement, DMG et Leading Verge.com Ltd (ci-après « LV »), devenue FR Financing (Malta) Ltd, une filiale de Ryanair qui a depuis été liquidée, ont conclu un accord sur les services de commercialisation (ci-après l’« ASC de 2002 entre DMG et LV »), entré en vigueur le jour de sa conclusion et venant à échéance le 26 juin 2007, avec une possibilité de prorogation automatique de cinq ans supplémentaires sous certaines conditions. Par cet accord, DMG a chargé LV d’établir un plan de publicité et d’activer des liens vers la page d’accueil du site Internet de DMG, ainsi que d’entreprendre certaines activités de promotion en contrepartie d’un versement fixe annuel.
13 Troisièmement, DMG et AMS ont conclu un accord sur les services de commercialisation (ci-après l’« ASC de 2002 entre DMG et AMS »), entré en vigueur le jour de sa conclusion pour une durée de cinq ans. Par cet accord, DMG chargeait AMS, en contrepartie de redevances annuelles, d’activer et de gérer, sur le site Internet www.ryanair.com, deux liens vers des sites Internet choisis par DMG, présentant les attraits du Land de Carinthie. AMS pouvait, pour un prix à convenir, assurer des services supplémentaires, si les parties le décidaient.
14 Quatrièmement, DMG et LV ont conclu un avenant à l’ASC de 2002 entre DMG et LV (ci-après l’« avenant de 2002 entre DMG et LV »), entré en vigueur le jour de sa conclusion, par lequel les parties ont convenu que, en référence à cet ASC, un paiement supplémentaire devait être effectué par DMG à LV pour des actions de commercialisation additionnelles renforcées pendant la durée de l’accord entre DMG et LV.
15 L’ASA de 2002, l’ASC de 2002 entre DMG et LV, tel que modifié par l’avenant de 2002 entre DMG et LV, et l’ASC de 2002 entre DMG et AMS (ci-après, ensemble, les « accords de 2002 ») ont pris fin le 29 octobre 2005, lorsque Ryanair a interrompu ses services de transport aérien de passagers entre l’aéroport de Klagenfurt et l’aéroport de Londres-Stansted.
16 Le 23 août 2006, KFBG et Ryanair ont conclu un accord sur les services aéroportuaires (ci-après l’« ASA de 2006 »), concernant un service de transport aérien à effectuer trois fois par semaine vers l’aéroport de Londres-Stansted, entre le 19 décembre 2006 et le 21 avril 2007. Ryanair devait s’acquitter des redevances aéroportuaires officielles de l’aéroport de Klagenfurt, mais bénéficiait d’une incitation d’un montant de 7,62 euros pour chaque passager au départ, conformément à un régime incitatif introduit par KFBG au mois de septembre 2005.
17 Le 21 décembre 2006, DMG et AMS ont conclu un accord sur les services de commercialisation, entré en vigueur le 28 février 2007 et lié à l’obligation pour Ryanair d’effectuer les vols prévus par l’accord mentionné au point précédent. Par cet ASC, AMS s’engageait à fournir un programme de commercialisation annuel, visant notamment à promouvoir la destination Klagenfurt/Carinthie.
18 L’ASA de 2006 et l’accord sur les services de commercialisation conclu le 21 décembre 2006 par DMG et AMS (ci-après, ensemble, les « accords de 2006 ») étaient applicables jusqu’au 21 avril 2007.
19 Le 11 octobre 2007, la Commission a transmis à la République d’Autriche une plainte qui avait été déposée auprès d’elle par un concurrent de Ryanair sur le marché européen du transport aérien de passagers, alléguant que Ryanair avait bénéficié d’aides d’État illégales, notamment de la part du Land de Carinthie, de la ville de Klagenfurt ainsi que de l’aéroport de Klagenfurt, par l’intermédiaire de KFBG, et a demandé des renseignements supplémentaires à cet État membre. Par lettres des 15 novembre 2010 et 24 mars 2011, la Commission a demandé des compléments d’informations aux autorités autrichiennes. Ces dernières ont répondu par lettres des 28 janvier et 30 mai 2011. Le 8 avril 2011, la Commission a également demandé des informations complémentaires à Ryanair, qui les a fournies le 4 juillet 2011. La Commission les a transmises aux autorités autrichiennes le 15 juillet 2011, lesquelles ont présenté des observations par lettre du 20 septembre 2011.
20 Par lettre du 22 février 2012, la Commission a informé les autorités autrichiennes de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE aux fins d’examiner, notamment, les accords de 2002 avec Ryanair et les accords de 2006 avec Ryanair (JO 2012, C 233, p. 28).
21 Par lettres des 29 mai et 20 juillet 2012, le conseil de Ryanair a demandé d’accéder au dossier de la Commission, ce que cette dernière a refusé par lettres des 19 juin et 4 octobre 2012.
22 Par courrier du 28 mai 2014, la Commission a demandé à la République d’Autriche des informations supplémentaires concernant un accord de commercialisation conclu entre l’aéroport de Klagenfurt et Ryanair le 22 janvier 2002, demande à laquelle ces autorités ont répondu le 11 juin 2014.
23 Le 23 juillet 2014, la Commission a décidé d’étendre la procédure d’examen (JO 2014, C 348, p. 36).
24 Dans la décision litigieuse, la Commission a notamment considéré que, par les accords de 2002 et de 2006 (ci-après, ensemble, les « accords litigieux »), la République d’Autriche avait octroyé à Ryanair, à LV et à AMS des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Elle a déterminé les montants d’aide récupérables en prenant en compte la partie négative, pour chacune des années durant lesquelles les accords litigieux étaient applicables, des flux de trésorerie marginaux annuels prévisibles au moment de la conclusion de ces accords. Elle a considéré que le montant des aides contenues dans les accords de 2002 et de 2006 s’élevait à la somme provisoire de respectivement 1 827 267 euros et 141 326 euros, ce qu’elle a constaté aux articles 5 et 6 de la décision litigieuse. Les articles 9 à 11 de cette décision imposent à la République d’Autriche de procéder à la récupération de ces aides.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
25 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2018, Ryanair, AMS et FR Financing (Malta) Ltd (ci-après, ensemble, « Ryanair e.a. ») ont introduit un recours tendant à l’annulation des articles 5 et 6 de la décision litigieuse ainsi que des articles 9 à 11 de celle-ci dans la mesure où ils les concernent. Au soutien de ce recours, ces sociétés avaient invoqué six moyens. En outre, elles ont déposé, le 24 août 2018, une demande de mesure d’organisation de la procédure, visant à ce que la Commission fournisse certains documents, et ont produit, le 25 septembre 2020, deux documents en tant que preuves supplémentaires (ci-après les « preuves supplémentaires »).
26 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, considéré que ces preuves supplémentaires étaient irrecevables au motif que Ryanair e.a. n’avaient pas justifié, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, leur production tardive. Il a, ensuite, rejeté l’ensemble des moyens invoqués comme étant non fondés ainsi que, par conséquent, le recours dans son intégralité, tout en décidant qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande de mesure d’organisation de la procédure qui lui avait été présentée, dès lors que, eu égard aux pièces jointes par les parties à leurs écritures ainsi qu’à leurs réponses à ses questions écrites et orales, il s’estimait avoir déjà été suffisamment éclairé pour statuer sur le recours. Il a, enfin, condamné Ryanair e.a. aux dépens.
Les conclusions des parties devant la Cour
27 Les requérantes demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler les articles 5 et 6 de la décision litigieuse ainsi que les articles 9 à 11 de celle-ci en tant qu’ils les concernent, ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal pour réexamen, et
– en tout état de cause, de condamner la Commission aux dépens des deux instances.
28 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.
Sur le pourvoi
29 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent quatre moyens. Le premier est tiré du rejet erroné des preuves supplémentaires pour cause d’irrecevabilité. Le deuxième est tiré d’une interprétation erronée de l’article 17 du règlement 2015/1589 et d’une mauvaise application de l’article 296 TFUE. Le troisième est tiré de dénaturations des preuves qui auraient été commises par le Tribunal lorsqu’il a apprécié si la Commission avait légalement appliqué le test de l’opérateur privé en économie de marché. Le quatrième est pris, en substance, d’une erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal lors de son appréciation de la détermination du montant des aides à récupérer, telle qu’elle a été effectuée dans la décision litigieuse.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
30 Par leur premier moyen, les requérantes font valoir que, aux points 58 à 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis deux erreurs de droit en écartant comme étant irrecevables les preuves supplémentaires qu’elles avaient présentées le 25 septembre 2020, soit après la clôture de la phase écrite de la procédure, intervenue le 26 février 2019, mais avant la clôture de la phase orale de celle-ci, le 14 janvier 2021, au motif qu’elles n’avaient pas justifié, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, leur production tardive.
31 Elles précisent que lesdites preuves, qui démontreraient que la décision litigieuse était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation justifiant son annulation partielle, consistaient, pour la première de celles-ci, en un tableau contenant des estimations des revenus non aéronautiques par passager au départ pour les accords litigieux, qui avait été fourni par l’aéroport de Klagenfurt à la Commission durant la procédure formelle d’examen (ci-après le « tableau des revenus non aéronautiques »). La seconde était une version non expurgée d’un paragraphe contenu dans un rapport établi par le conseiller économique de Ryanair, daté du 3 novembre 2014, faisant apparaître des données relatives au calcul des coûts marginaux qui avaient été occultées dans la version de ce rapport jointe en annexe à la requête introductive d’instance (ci-après les « données relatives aux coûts »).
32 Elles indiquent avoir fait valoir devant le Tribunal que, s’agissant du tableau des revenus non aéronautiques, elles n’auraient matériellement pas pu le soumettre à un stade antérieur de la procédure, dès lors qu’il n’était alors pas en leur possession, que leurs demandes d’accès au dossier de la Commission avaient été rejetées, que le Tribunal n’a pas répondu à leur demande de mesure d’organisation de la procédure et que la coopération de l’aéroport de Klagenfurt pour le leur fournir a été entravée par plusieurs facteurs, dont la crise liée à la pandémie de COVID-19. S’agissant des données relatives aux coûts, il n’aurait été ni nécessaire ni approprié de les soumettre à un stade antérieur de la procédure devant le Tribunal, l’importance des données concernées, initialement occultées, n’étant apparue que lors de l’examen du tableau des revenus non aéronautiques. Le moment de leur présentation aurait donc été lié au moment de la présentation de ce dernier.
33 Dans ce contexte, le Tribunal aurait, en premier lieu, méconnu les principes juridiques sous-tendant l’article 85, paragraphes 1 à 3, de son règlement de procédure, tels qu’identifiés dans la jurisprudence de la Cour, à savoir le principe du contradictoire, le principe d’égalité des armes, le droit à un procès équitable et la bonne administration de la justice. En effet, l’arrêt attaqué ne contiendrait aucune explication sur la manière dont laquelle, ou la raison pour laquelle, l’admission des preuves en cause aurait porté atteinte à ces principes ou entravé l’aptitude du Tribunal à trancher l’affaire dans un délai raisonnable. Au contraire, il ressortirait de l’arrêt attaqué que ces principes ont été respectés, la Commission ayant eu la possibilité, lors de l’audience et dans des observations écrites subséquentes, de prendre position sur ces preuves et leurs possibles implications sur la légalité de la décision litigieuse.
34 En second lieu, le Tribunal aurait, d’une part, méconnu la jurisprudence selon laquelle la présentation tardive de preuves par une partie peut être justifiée par le fait que cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en cause, les requérantes renvoyant à cet égard à l’arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA (C 669/19 P, EU:C:2020:713, point 41). Il aurait, d’autre part, méconnu celle selon laquelle, lors de l’appréciation du point de savoir si le retard dans la production de preuves est justifié, il convient de vérifier si les preuves en cause figurent déjà dans le dossier sur lequel est fondée la décision contestée, auquel cas il n’y aurait pas lieu de les écarter, les requérantes renvoyant à cet égard aux arrêts du Tribunal du 14 mars 2018, Crocs/EUIPO – Gifi Diffusion (Chaussures) (T 651/16, EU:T:2018:137, point 17), et du 7 juin 2018, Schmid/EUIPO – Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark (Steirisches Kürbiskernöl) (T 72/17, EU:T:2018:335, point 23). Or, en l’espèce, elles n’auraient pas été en possession du tableau des revenus non aéronautiques à un stade antérieur de la procédure et les preuves supplémentaires en cause auraient figuré au dossier de la Commission.
35 Les exigences supplémentaires que le Tribunal chercherait à imposer, telles que la production d’une correspondance entre Ryanair e.a., d’une part, et l’aéroport de Klagenfurt, d’autre part, seraient dépourvues de fondement juridique, la possibilité pour le Tribunal d’admettre des preuves au titre de l’article 85, paragraphe 3, de son règlement de procédure n’étant pas soumise à l’obligation de « présenter un justificatif ». En effet, il résulterait de la jurisprudence que le fait de fournir une motivation peut suffire à justifier la présentation tardive de preuves.
36 La Commission fait valoir que ce moyen n’est pas fondé.
Appréciation de la Cour
37 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’examen, par le Tribunal, de la recevabilité des preuves et offres de preuve qui lui ont été présentées est constitutive d’une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA, C 669/19 P, EU:C:2020:713, point 42 et jurisprudence citée).
38 S’agissant de la première branche du premier moyen, dont l’argumentation est exposée au point 33 du présent arrêt, il importe de souligner que, conformément à l’article 76, sous f), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu, et que l’article 85, paragraphe 1, de ce règlement de procédure précise que les preuves et offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires.
39 En outre, aux termes du paragraphe 2 de cet article 85, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Le paragraphe 3 dudit article 85 ajoute que, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.
40 Le paragraphe 4 du même article 85 dispose que, sans préjudice de la décision du Tribunal à intervenir sur la recevabilité des preuves produites ou des offres de preuve faites en vertu de ces paragraphes 2 et 3, les autres parties sont mises en mesure de prendre position sur celles-ci.
41 À propos des dispositions de l’ancien règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 2 mai 1991 (JO 1991, L 136, p. 1), analogues aux règles de principe qui figurent désormais à l’article 76, sous f), et à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal actuellement en vigueur, la Cour a relevé que celles-ci, qui précisent le stade de la procédure auquel les offres de preuve doivent être produites, prennent en compte les principes du contradictoire et d’égalité des armes ainsi que le droit à un procès équitable, dans le souci d’une bonne administration de la justice. En effet, en ce qu’elles imposent aux parties de communiquer leurs preuves et offres de preuve dès le dépôt de la requête ou du mémoire en défense, elles visent à informer les autres parties des éléments de preuve déposés à l’appui des thèses défendues et à leur permettre de préparer une défense ou une réplique utile, conformément auxdits principes et droit. La Cour a aussi indiqué qu’un dépôt des preuves et des offres de preuve au premier stade de la procédure est également justifié par un objectif de bonne administration de la justice, en ce qu’il permet, par une mise en état rapide des dossiers, le traitement de l’affaire dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C 243/04 P, EU:C:2005:238, point 30).
42 En outre, à propos de la disposition de cet ancien règlement de procédure qui figure désormais, en substance, à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la Cour a précisé que celle-ci traduit également l’exigence d’une procédure équitable et, plus particulièrement, d’une protection des droits de la défense, en ce qu’elle autorise une proposition d’offres de preuve en dehors des situations désormais visées à l’article 76, sous f), et à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C 243/04 P, EU:C:2005:238, point 32).
43 Par ailleurs, à l’égard des dispositions figurant sous les paragraphes 1, 2 et 4 de l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal, la Cour a également déjà jugé que, si, conformément à la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, de ce règlement, les parties doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs preuves ou offres de preuve nouvelles, le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de ces preuves ou de ces offres de preuve et, selon le cas, le contenu de ces dernières ainsi que, si cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou fondée, le pouvoir de les écarter. La présentation tardive, par une partie, de preuves ou d’offres de preuve peut, notamment, être justifiée par le fait que cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en question ou si les productions tardives de la partie adverse justifient que le dossier soit complété, de façon à ce que soit assuré le respect du principe du contradictoire (arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA, C 669/19 P, EU:C:2020:713, point 41 et jurisprudence citée).
44 Ces principes résultant de la jurisprudence rappelée aux points 41 à 43 du présent arrêt valent, a fortiori, pour les preuves produites et offres de preuve faites au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. En effet, cette disposition constitue non pas, comme le paragraphe 2 de cet article, une simple dérogation à la règle générale exposée au paragraphe 1 dudit article, mais une exception à la règle de principe et à la dérogation prévues, respectivement, à ces paragraphes 1 et 2, la possibilité prévue à ce paragraphe 3 n’étant ouverte, selon le libellé même de cette disposition, qu’à titre exceptionnel (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C 243/04 P, EU:C:2005:238, point 33, ainsi que du 16 septembre 2020, BP/FRA, C 669/19 P, EU:C:2020:713, point 47) et son application supposant donc que soit démontrée l’existence de circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C 540/18 P, EU:C:2019:707, point 67).
45 Il découle de l’ensemble de cette jurisprudence que c’est précisément l’application des règles d’administration de la preuve énoncées à l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal qui permet d’assurer le respect des principes du contradictoire ou d’égalité des armes, le droit à un procès équitable ou encore la bonne administration de la justice. Partant, le Tribunal ne saurait, en ayant appliqué la règle prévue à l’article 85, paragraphe 3, de son règlement de procédure, avoir méconnu ces principes et droits, et cela quand bien même il a considéré que les preuves supplémentaires étaient irrecevables au motif que le retard dans la production de celles-ci n’avait pas été justifié à suffisance de droit (voir, par analogie, arrêt du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C 243/04 P, EU:C:2005:238, point 34).
46 Il en découle également que le Tribunal n’était pas tenu de motiver de manière spécifique son rejet des preuves supplémentaires au regard de chacun desdits principes et droits ou de son aptitude à trancher l’affaire dans un délai raisonnable, cette motivation étant inhérente à l’application de cette disposition du règlement de procédure du Tribunal. Pour ce même motif, il ne peut pas davantage être considéré que le Tribunal serait, par principe, tenu d’accepter les preuves produites tardivement, à moins qu’il n’établisse que le rejet de celles-ci est nécessaire afin d’assurer le respect des mêmes principes et droits.
47 Les requérantes ne peuvent, à cet égard, tirer aucun argument utile du fait que la Commission a eu la possibilité de prendre position, devant le Tribunal, sur les preuves supplémentaires et leurs possibles implications sur la légalité de la décision litigieuse. En effet, ce fait traduit seulement la correcte application, par le Tribunal, de l’article 85, paragraphe 4, de son règlement de procédure, qui prévoit d’ailleurs expressément que le fait que les autres parties soient mises en mesure de prendre position sur les preuves produites ou les offres de preuve faites en vertu, notamment, du paragraphe 3 de cet article est sans préjudice de la décision du Tribunal à intervenir sur la recevabilité de celles-ci.
48 La première branche du présent moyen doit, par conséquent, être écartée comme étant non fondée.
49 S’agissant de la seconde branche de celui-ci, dont l’argumentation est exposée au point 34 du présent arrêt, d’une part, il est vrai que, comme le soutiennent les requérantes, et conformément à la jurisprudence rappelée aux points 43 et 44 du présent arrêt, la présentation tardive, par une partie, de preuves ou d’offres de preuve au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal peut, notamment, être justifiée par le fait que cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en question. Il demeure toutefois que, d’une part, conformément à cette même jurisprudence, le Tribunal a le pouvoir d’écarter les preuves concernées s’il considère que cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou n’est pas fondée et, d’autre part, l’application de ce paragraphe 3 suppose que soit démontrée l’existence de circonstances exceptionnelles.
50 En l’espèce, aux points 59 à 62 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les circonstances qui avaient été invoquées devant lui par Ryanair e.a. afin d’établir la recevabilité des preuves supplémentaires et, au point 63 de celui-ci, comme il l’avait déjà indiqué au point 58 de cet arrêt, il en a déduit qu’il y avait lieu de considérer que Ryanair e.a. n’avaient pas apporté d’éléments pouvant justifier, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la production tardive, le 25 septembre 2020, soit quatre jours avant l’audience tenue devant lui, de ces preuves et que celles-ci étaient donc irrecevables.
51 À cet égard, s’agissant du tableau des revenus non aéronautiques, il a relevé, au point 59 de cet arrêt, que ni la demande adressée à la Commission lors de la procédure administrative ni la demande de mesure d’organisation de la procédure soumise au Tribunal au mois d’août 2018 ne garantissaient à Ryanair e.a. l’accès aux données sollicitées. Il a également constaté que Ryanair e.a. n’avaient pas exposé les raisons pour lesquelles elles auraient été empêchées d’entreprendre, en même temps, les démarches nécessaires auprès de l’aéroport de Klagenfurt pour avoir accès aux données du dossier administratif, qui incluraient également ce tableau.
52 Il a ajouté, au point 60 dudit arrêt, que les explications de Ryanair e.a. tirées des conséquences de l’épidémie de COVID-19 sur le bon fonctionnement de cet aéroport étaient vagues et invérifiables et ne suffisaient donc pas, à elles seules, à établir l’existence d’une telle difficulté à se procurer des informations auprès dudit aéroport qui aurait justifié la présentation tardive, quelques jours avant l’audience de plaidoiries, d’un document qui, comme le confirmaient Ryanair e.a., avait été mis à la disposition de la Commission par les autorités autrichiennes plusieurs années auparavant, au cours de la procédure administrative.
53 Il a en outre indiqué, au point 61 du même arrêt, que, à supposer qu’une référence effectuée par la Commission au tableau des revenus non aéronautiques dans la duplique ait pu justifier la production tardive de ce tableau, cette duplique avait été déposée le 25 février 2019, soit bien avant la crise liée à l’épidémie de COVID-19. Le Tribunal a relevé à cet égard que Ryanair e.a. n’avaient apporté « aucun élément, provenant, à titre d’exemple, de leur correspondance avec les services compétents de [l’aéroport de Klagenfurt], pour justifier la production [dudit tableau] le 25 septembre 2020, à savoir dix-huit mois après le dépôt de la duplique par la Commission ».
54 Contrairement à ce que font valoir les requérantes, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que, en invoquant ces seuls éléments, Ryanair e.a. n’avaient pas établi à suffisance de droit l’existence de circonstances justifiant la recevabilité du tableau des revenus non aéronautiques au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, en l’espèce tirées de leur impossibilité de disposer de celui-ci à un stade antérieur de la procédure, compte tenu du caractère d’exception que revêt ce paragraphe 3 dans le régime de l’administration des preuves devant le Tribunal.
55 Tout d’abord, eu égard aux dispositions du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), qui était en vigueur lorsque les demandes d’accès au dossier de la Commission ont été présentées, ainsi qu’à la jurisprudence alors déjà établie de la Cour quant à l’absence de droit, pour les intéressés, d’accéder au dossier administratif de la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle ouverte conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, que ce soit sur le fondement de ce règlement ou bien, en principe, dans le cadre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), sauf en cas de réfutation de la présomption générale d’atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C 139/07 P, EU:C:2010:376, points 54 à 62 et 67 à 70), le Tribunal était fondé à considérer que ces demandes étaient des éléments insuffisants pour établir que Ryanair e.a. ne pouvaient pas disposer de ce tableau à un stade antérieur de la procédure. Ainsi, il a pu à bon droit considérer que l’issue négative de celles-ci était insuffisante pour établir leur impossibilité de disposer de ce tableau à un stade antérieur de la procédure et que, compte tenu de l’absence d’explication quant à la raison pour laquelle l’aéroport de Klagenfurt n’avait pas été directement contacté à un stade antérieur, cette issue négative ne permettait pas de justifier à suffisance de droit, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la recevabilité dudit tableau.
56 Ensuite, étant donné le délai de plus d’un an qui s’était écoulé entre la date du dépôt de la duplique et le déclenchement des conséquences de l’épidémie de COVID 19 dans l’Union européenne, est également bien fondé le constat du Tribunal, figurant au point 61 de l’arrêt attaqué, relatif à l’argumentation de Ryanair e.a. portant sur ces conséquences. À cet égard, compte tenu de l’argumentation des requérantes exposée au point 35 du présent arrêt, il y a lieu d’ajouter que le Tribunal n’a, à ce point 61, imposé aucune exigence supplémentaire, au-delà de celles découlant de l’article 85, paragraphe 3, de son règlement de procédure. Ainsi qu’il ressort des points 43 et 44 du présent arrêt, le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de preuves. Partant, dans ce contexte, il peut considérer que la justification avancée par une partie n’apparaît pas crédible, dès lors que cette partie n’a étayé ses allégations d’aucune preuve documentaire alors qu’elle aurait été en mesure de le faire.
57 Enfin, s’agissant de la demande de mesure d’organisation de la procédure présentée au Tribunal, il était aussi évident que, en l’absence de toute obligation pour le Tribunal de faire droit à une telle demande, celle-ci avait une issue trop incertaine pour que Ryanair e.a. puissent utilement se fonder sur cette démarche aux fins d’obtenir ce tableau, de sorte que l’invocation de celle-ci et de son caractère pendant ne suffisait pas non plus à établir l’existence de circonstances justifiant à suffisance de droit le retard dans la production de celui-ci et, par suite, son caractère recevable en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.
58 Quant aux données relatives aux coûts, le Tribunal a relevé, au point 62 de l’arrêt attaqué, que le paragraphe contenant ces données était inclus dans une étude du conseiller économique de Ryanair qui avait été établie pour Ryanair e.a. au mois de novembre 2014 et que celles-ci n’étaient pas parvenues à établir la raison pour laquelle elles n’avaient pas pu joindre ce document à leur requête ou à leur réplique. À cet égard, il a considéré que leur argument tiré du « lien inextricable » qui aurait existé entre la production de ces données et celle du tableau des revenus non aéronautiques ne pouvait être accueilli, dès lors que la question du calcul, par la Commission, des coûts d’exploitation incrémentaux que l’aéroport de Klagenfurt aurait pu escompter avait déjà été soulevée par Ryanair e.a. dans leur requête introductive d’instance ainsi que dans leur réplique et que ces données étaient déjà, à cette période, en leur possession.
59 Compte tenu de ces circonstances, que les requérantes ne contestent pas, et du caractère d’exception que revêt l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, c’est également à bon droit que le Tribunal a pu considérer que Ryanair e.a. n’avaient pas justifié à suffisance de droit la production tardive de ces données et que, par suite, il a rejeté cette preuve supplémentaire comme étant irrecevable.
60 Par ailleurs, les requérantes ne sauraient, en l’espèce, tirer d’argument utile du sort réservé par le Tribunal aux preuves additionnelles déposées par les parties principales après la clôture de la phase écrite de la procédure dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T 235/18, EU:T:2022:358), dont elles se sont prévalues lors de l’audience devant la Cour. En effet, ainsi que l’a également, en substance, relevé Mme l’avocate générale aux points 39 et 40 de ses conclusions, les justifications avancées dans cette affaire sont sans rapport avec celles invoquées en l’espèce.
61 De plus, l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant la recevabilité de preuves produites au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal doit, par hypothèse, nécessairement faire l’objet d’une appréciation au cas par cas au regard des circonstances particulières propres à chaque affaire.
62 Partant, le fait que le Tribunal ait pu, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, considérer que, dans les circonstances de cette affaire, la production de preuves additionnelles après la fin de la phase écrite de la procédure était justifiée par des circonstances exceptionnelles et que ces preuves devaient donc être admises au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure ne saurait établir que l’arrêt attaqué, qui concerne des circonstances factuelles différentes et des motifs de justifications avancés différents, serait entaché d’erreur à cet égard.
63 Les requérantes ne peuvent pas davantage tirer d’argument utile en l’espèce de la jurisprudence relative au contentieux du droit des marques de l’Union européenne, issue des arrêts du Tribunal cités au point 34 du présent arrêt, ces arrêts n’ayant pas la portée que les requérantes leur confèrent.
64 En effet, dans le premier de ces arrêts cités, étaient en cause non pas des preuves proprement dites, mais des éléments tirés de la jurisprudence du juge de l’Union ainsi que de la jurisprudence nationale ou internationale, à propos desquels le Tribunal avait déjà jugé que ni les parties ni lui-même ne sauraient être empêchés de s’en inspirer dans l’interprétation du droit de l’Union. De plus, la référence au fait que ces éléments avaient déjà été soumis à la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et examinés par celle-ci n’a été mentionnée qu’à titre surabondant. Quant au second de ces arrêts, il ressort du point 23 de celui-ci que c’est aussi à titre surabondant que le Tribunal a relevé que les éléments de preuve en cause ne figuraient pas dans le dossier de la procédure devant la chambre de recours, le Tribunal ayant rejeté ceux-ci au motif que les parties concernées n’avaient avancé aucune justification pour leur présentation tardive.
65 À cet égard, il convient encore de souligner que ces motifs surabondants du Tribunal s’expliquent par les spécificités du contentieux des droits des marques de l’Union européenne. En effet, selon l’article 178, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, dès la signification de la requête qui a été déposée au Tribunal, l’EUIPO transmet à celui-ci le dossier de la procédure devant la chambre de recours. Ainsi, le Tribunal dispose, dès la signification de cette requête, de ce dossier et de l’ensemble des éléments de preuve qu’il contient. Or, tel n’est pas le cas du dossier administratif de la Commission dans le cadre d’une procédure de contrôle d’une aide d’État.
66 Il résulte de ces considérations que la seconde branche du présent moyen doit être écartée comme étant non fondée ainsi que, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
67 Par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal, en considérant, d’une part, que la Commission n’avait pas violé le délai de prescription applicable à la récupération de l’aide s’agissant de l’avenant de 2002 entre DMG et LV ainsi que de l’ASC de 2002 entre DMG et AMS et, d’autre part, que la décision litigieuse était suffisamment motivée à cet égard, a commis une erreur de droit, respectivement, dans l’interprétation de l’article 17 du règlement 2015/1589 et dans l’application de l’article 296 TFUE.
68 En premier lieu, les requérantes critiquent les points 70 à 79 de l’arrêt attaqué, en ce qu’ils videraient d’effet cet article 17. Il ressortirait de ces points que le Tribunal considère qu’une demande de renseignements libellée par la Commission en des termes larges, en utilisant une formule « attrape-tout », sans que cette demande ne contienne d’indication spécifique relative à une mesure susceptible de constituer une aide d’État, ou sans que la Commission n’ait connaissance de l’existence d’une telle mesure à l’égard de laquelle l’interruption du délai de prescription agirait, est légalement suffisante pour interrompre ce délai.
69 Or, premièrement, le libellé même de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, qui se réfère à « l’aide illégale », imposerait que les demandes de renseignements se rapportent à la mesure spécifique que la Commission examine.
70 Deuxièmement, dans des affaires antérieures où les juridictions de l’Union ont confirmé qu’une demande de renseignements de la Commission interrompait le délai de prescription, les demandes en cause auraient désigné les mesures spécifiques que la Commission examinait. Les requérantes renvoient, à cet égard, à l’ordonnance du 7 décembre 2017, Irlande/Commission (C 369/16 P, EU:C:2017:955, point 42), et aux arrêts du 26 avril 2018, ANGED (C 233/16, EU:C:2018:280, point 84), du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission (T 369/00, EU:T:2003:114, point 85), ainsi que du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission (T 50/06 RENV II et T 69/06 RENV II, EU:T:2016:227, points 3, 7 et 183).
71 Troisièmement, le délai de prescription de dix ans prévu à l’article 17 du règlement 2015/1589 aurait pour objectif de garantir la sécurité juridique et viserait ainsi notamment à protéger certaines parties intéressées, parmi lesquelles figurent l’État membre concerné et le bénéficiaire de l’aide. Or, l’arrêt attaqué serait incompatible avec cet objectif. En effet, si ce délai pouvait être interrompu par une demande de renseignements qui ne spécifie pas la mesure examinée, par exemple parce que la Commission en ignore encore l’existence, le principe de sécurité juridique serait méconnu à l’égard de l’État membre concerné en ce qui concerne les mesures qu’il a octroyées et qui sont encore susceptibles de donner lieu à récupération et celles qu’il a octroyées et qui ne sont plus susceptibles de donner lieu à récupération en application de cet article 17.
72 Quatrièmement, les considérations du Tribunal figurant aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles il y aurait eu une interruption du délai de prescription même en supposant que les demandes de renseignements de la Commission ne concernaient pas spécifiquement l’avenant de 2002 entre DMG et LV ainsi que l’ASC de 2002 entre DMG et AMS, du fait que ces accords étaient « inextricablement liés » à d’autres accords identifiés dans les demandes de renseignements antérieures de la Commission, seraient également entachées d’une erreur de droit. Le fait que la Commission, à l’issue de son enquête, ait prétendu que certaines mesures étaient liées ne saurait rétrospectivement conférer un caractère interruptif de prescription à une demande de renseignements qui, au moment de son émission, en était légalement dépourvu.
73 En second lieu, les requérantes font valoir que, aux points 80, 81 et 83 à 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, à tort, que la Commission avait, en ce qui concerne le délai de prescription ou son interruption, motivé la décision litigieuse à suffisance de droit. Il serait constant que, lors de l’enquête, elles avaient informé la Commission qu’une part importante de l’aide alléguée n’était, selon elles, pas récupérable en raison de l’expiration du délai de prescription. Or, les considérants 2 à 4 de la décision litigieuse, sur lesquels le Tribunal se serait fondé pour considérer que la Commission avait respecté son obligation de motivation, ne feraient pas référence à ces arguments ni même au délai de prescription ou à l’interruption de celui-ci du fait des demandes de renseignements. La circonstance que la Commission ne soit pas tenue de répondre à chacun des arguments soulevés devant elle n’aurait pas permis au Tribunal de considérer que la décision litigieuse était suffisamment motivée.
74 Afin de permettre aux requérantes d’exercer efficacement leur droit à un contrôle juridictionnel en première instance et au Tribunal d’exercer correctement ses pouvoirs de contrôle, il aurait fallu qu’ils aient pu comprendre, sur la base du seul contenu de la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles la Commission avait rejeté les arguments avancés par ces requérantes pendant l’enquête s’agissant du délai de prescription. Une telle compréhension aurait été impossible à partir des seuls considérants 2 à 4 de cette décision, qui ne mentionneraient pas le seul motif pertinent à cet égard, à savoir le fait que les demandes de renseignements évoquées auxdits considérants avaient interrompu le délai de prescription.
75 La Commission répond que ce deuxième moyen n’est pas fondé.
Appréciation de la Cour
76 S’agissant de la première branche du deuxième moyen, relative à une prétendue violation de l’article 17 du règlement 2015/1589 qui aurait été commise aux points 70 à 79 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que le Tribunal, après avoir rappelé, aux points 70 et 71 de celui-ci, le contenu de cet article et de la jurisprudence du Tribunal y afférente, a indiqué, au point 72 de cet arrêt, que, en l’espèce, il était constant que le délai de prescription de dix ans prévu au paragraphe 1 de cet article avait commencé à courir le 9 août 2002.
77 Il a ensuite relevé, au point 73 dudit arrêt, que la plainte transmise par la lettre du 11 octobre 2007 de la Commission aux autorités autrichiennes faisait référence à des « arrangements favorables fournis par [l’aéroport de Klagenfurt] » à Ryanair à partir du 27 juin 2002 ; que, dans sa demande d’un complément d’information adressée à ces autorités le 15 novembre 2010, la Commission avait posé des questions sur l’accord de coopération entre DMG et Ryanair sur lequel reposaient les paiements pour les services de commercialisation et demandé un exemple de cet accord, de même que des informations sur les remboursements de redevances aéroportuaires à partir de l’année 2000, et que la demande de renseignements aux autorités autrichiennes du 24 mars 2011 incluait un certain nombre de questions sur les accords de 2002, dont une demande de production des originaux des accords conclus avec Ryanair, y compris l’accord de commercialisation.
78 Le Tribunal a également relevé, au point 74 du même arrêt, que, dans sa demande d’informations complémentaires adressée à Ryanair le 8 avril 2011, la Commission avait invité cette dernière à produire des informations sur les contrats conclus au cours des dix années précédentes et lui avait, en particulier, demandé de lui fournir une liste de tous les contrats qui n’avaient pas été prorogés ou dont l’exécution avait été interrompue pendant cette période et d’expliquer les raisons de l’interruption et de l’absence de prorogation. Le Tribunal a aussi indiqué à ce point que, dans sa réponse à la Commission du 4 juillet 2011, Ryanair avait affirmé que tous les contrats avec cet aéroport avaient été prorogés ou modifiés à la suite de négociations commerciales, à l’exception de l’ASC de 2002 entre DMG et LV, qui avait été interrompu avant son expiration. Le Tribunal a estimé qu’il ressortait de tous ces éléments que toutes les demandes de renseignements précitées couvraient également l’ASC de 2002 entre DMG et AMS ainsi que l’avenant de 2002 entre DMG et LV.
79 Au point 75 de l’arrêt attaqué, il a, par suite, considéré que, compte tenu de la jurisprudence qu’il avait rappelée au point 70 de celui-ci, ces demandes d’information constituaient des mesures, au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, pouvant interrompre le délai de prescription de dix ans. Il a constaté, au point 76 du même arrêt, que, toutes ces demandes ayant été adressées par la Commission aux autorités autrichiennes et à Ryanair au cours de la période de dix ans ayant débuté le 9 août 2002, il ne pouvait pas être considéré que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide étaient prescrits en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589.
80 Le Tribunal a, enfin, aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, en substance, ajouté que, « au demeurant », compte tenu de différentes circonstances factuelles relevées dans la décision litigieuse et établissant l’existence d’un lien « inextricable » entre les accords de 2002, c’était à bon droit que ceux-ci avaient été examinés par la Commission comme une transaction unique. Il en a déduit que, dans ce contexte, à supposer même que les demandes d’information de la Commission n’aient pas concerné précisément l’ASC de 2002 entre DMG et AMS ainsi que l’avenant de 2002 entre DMG et LV, le délai de prescription prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 avait effectivement été interrompu.
81 Il résulte de ces éléments que, premièrement, et contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n’a aucunement considéré que toute demande d’information adressée par la Commission à un État membre, aussi vaguement ou largement formulée soit-elle, et sans même contenir d’indication spécifique relative à une mesure susceptible de constituer une aide d’État, ou sans même que la Commission ait connaissance de l’existence d’une éventuelle aide, suffit à interrompre le délai de prescription prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589.
82 Au contraire, il ressort de ces points, et plus particulièrement des points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a considéré que n’était susceptible de constituer une mesure interruptive de prescription, au sens du paragraphe 2 de cet article, qu’une mesure prise « à l’égard de l’aide illégale » et que cette dernière avait, en l’espèce, été identifiée dès la transmission, par la Commission à la République d’Autriche, de la plainte du 11 octobre 2007, mentionnée au point 19 du présent arrêt, alléguant que Ryanair avait bénéficié d’aides d’État illégales notamment de la part de l’aéroport de Klagenfurt, par l’intermédiaire de KFBG, à partir du 27 juin 2002, puis précisée au fur et à mesure de l’avancement de la procédure administrative, et ce toujours avant l’expiration du délai de dix ans prévu au paragraphe 1 dudit article.
83 Deuxièmement, il ne peut pas être considéré que, comme les requérantes l’allèguent aussi en substance, il serait nécessaire, pour qu’une démarche d’enquête entreprise par la Commission puisse être qualifiée de mesure interruptive de la prescription, au sens de ce paragraphe 2, que celle-ci identifie de manière tout à fait spécifique chacun des accords s’inscrivant dans l’ensemble contractuel constituant la mesure d’aide qui fait l’objet de cette enquête.
84 Certes, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, les pouvoirs de la Commission en matière de récupération sont soumis à un délai de prescription de dix ans et le paragraphe 2, deuxième phrase, de cet article précise que c’est notamment « [t]oute mesure prise par la Commission [...] à l’égard de l’aide illégale » qui interrompt ce délai.
85 De plus, il résulte du considérant 26 de ce règlement que le délai de prescription établi à cet article 17, paragraphe 1, a été prévu pour des raisons de sécurité juridique et vise ainsi, notamment, à protéger certaines des parties intéressées, parmi lesquelles figurent l’État membre concerné et le bénéficiaire de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2005, Scott/Commission, C 276/03 P, EU:C:2005:590, point 30).
86 Il importe toutefois de rappeler que l’article 107 TFUE a pour objectif de prévenir que les échanges entre États membres soient affectés par des avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (arrêt du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C 393/04 et C 41/05, EU:C:2006:403, point 27 ainsi que jurisprudence citée). Le contrôle des aides d’État exercé par la Commission participe donc à la préservation de conditions de concurrence non faussées au sein du marché intérieur.
87 En outre, il résulte d’une lecture combinée de l’article 12, paragraphe 2, et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 que, si, dans le cadre d’une procédure en matière d’aides illégales, la Commission demande à l’État membre concerné de lui fournir des renseignements, l’État membre fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 9 de celui-ci. De même, il résulte d’une lecture combinée de cet article 12, paragraphe 2, et de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement que, si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin et, si l’État membre ne répond pas à une telle demande dans le délai imparti, ou y répond de façon incomplète, elle lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements sont communiqués. Ledit article 12 prévoit, de surcroît, à son paragraphe 3, que, si, en dépit de ce rappel, l’État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, cette institution arrête une décision lui enjoignant de fournir ces renseignements, en précisant notamment la nature des informations requises.
88 Or, retenir une interprétation de la notion de « toute mesure prise [...] à l’égard de l’aide illégale » telle que celle avancée par les requérantes en l’espèce porterait une atteinte disproportionnée aux pouvoirs d’enquête de la Commission et, ainsi, à sa capacité à assurer, conformément à la mission qui lui est impartie par le traité FUE, la préservation, par le contrôle des aides accordées par les États, de conditions de concurrence non faussée dans le marché intérieur. Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme en l’espèce, est en cause une aide d’État illégale, à propos de laquelle la Commission dispose, par hypothèse, de moins d’informations que celles relatives aux mesures d’aide qui lui ont été notifiées conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
89 Troisièmement, aucun argument contraire ne saurait être tiré des arrêts et de l’ordonnance invoqués par les requérantes, mentionnés au point 70 du présent arrêt. En effet, les points de ces arrêts et de cette ordonnance auxquels celles-ci se réfèrent se limitent à des constatations de nature factuelle, propres à chacune de ces affaires, et ne contiennent aucune considération permettant de corroborer l’interprétation de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 que les requérantes proposent en l’espèce.
90 Quatrièmement, en ce que les requérantes critiquent les points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, dont le contenu est exposé au point 80 du présent arrêt, il suffit de relever que, comme l’indique l’utilisation des termes « au demeurant », les motifs figurant à ces points sont surabondants, de sorte que cette partie de l’argumentation des requérantes doit être rejetée comme étant inopérante (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C 82/01 P, EU:C:2002:617, point 41, et du 12 mai 2022, Klein/Commission, C 430/20 P, EU:C:2022:377, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
91 La première branche du deuxième moyen doit, par conséquent, être écartée comme étant, en partie, non fondée et, en partie, inopérante.
92 S’agissant de la seconde branche de celui-ci, relative à une prétendue violation de l’article 296 TFUE qui aurait été commise par le Tribunal aux points 80, 81 et 83 à 85 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que, après avoir rappelé, aux points 80 et 81 de cet arrêt, la jurisprudence pertinente en la matière, le Tribunal a constaté, au point 82 dudit arrêt, qu’il ressortait des considérants 2 à 4 de la décision litigieuse que la Commission avait fait référence aux dates auxquelles elle avait sollicité des autorités autrichiennes et de Ryanair des renseignements supplémentaires sur les accords faisant l’objet de la plainte du 5 octobre 2007, sur la base de laquelle un concurrent de Ryanair s’était plaint auprès de la Commission du fait que cette compagnie aérienne avait bénéficié d’aides d’État illégales au sujet de l’aéroport de Klagenfurt.
93 Au point 83 du même arrêt, il a considéré que la Commission avait ainsi exposé de manière suffisamment claire les dates auxquelles le délai de dix ans prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 avait été interrompu. Il a ajouté que, étant donné que les autorités autrichiennes et Ryanair connaissaient, en leur qualité de destinataires, le contenu des demandes de renseignements supplémentaires qui leur avaient été adressées par la Commission, cette dernière n’était tenue d’indiquer que les faits revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision litigieuse, à savoir les dates auxquelles elle avait pris les mesures pouvant interrompre le délai de prescription.
94 Il en a déduit, aux points 84 et 85 de l’arrêt attaqué, que, dans ces circonstances, la Commission n’était pas tenue de fournir une motivation spécifique sur ce point dans ladite décision et qu’elle avait donc suffisamment motivé la même décision à cet égard.
95 En statuant de la sorte, le Tribunal n’a pas violé l’article 296 TFUE. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, d’ailleurs rappelée par le Tribunal au point 80 de l’arrêt attaqué, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de cet article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C 367/95 P, EU:C:1998:154, point 63, ainsi que du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C 57/19 P, EU:C:2021:663, point 198 ainsi que jurisprudence citée).
96 Il convient aussi de rappeler que la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable, au regard de ses obligations en vertu du droit de l’Union, de l’octroi de l’aide. Ainsi, dans cette procédure, les parties intéressées autres que l’État membre concerné ne sauraient prétendre elles-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre. Aucune disposition de ladite procédure ne réserve, parmi les parties intéressées, un rôle particulier au bénéficiaire d’une telle aide. À cet égard, il y a lieu de préciser que la procédure de contrôle des aides d’État n’est pas une procédure ouverte contre le bénéficiaire ou les bénéficiaires des aides qui impliquerait que celui-ci ou ces derniers puissent se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo, C 56/18 P, EU:C:2020:192, points 73 à 75 ainsi que jurisprudence citée).
97 C’est donc à bon droit que le Tribunal a considéré que, s’agissant de l’application du délai de prescription prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit. En particulier, il n’était pas nécessaire pour la Commission, afin qu’elle satisfasse à son obligation de motiver la décision litigieuse à cet égard, de répondre aux arguments des requérantes dès lors que, conformément à la jurisprudence rappelée au point précédent, le bénéficiaire de l’aide ne saurait prétendre à un débat contradictoire avec la Commission tel que celui ouvert au profit de l’État membre concerné et qu’il ressortait de manière à tout le moins implicite de cette décision que la Commission considérait que l’argumentation que les requérantes avaient avancée devant elle ne pouvait pas être retenue.
98 Partant, la seconde branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant non fondée.
99 Il convient, par conséquent, de rejeter le deuxième moyen comme étant, en partie, non fondé et, en partie, inopérant.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
100 Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a dénaturé les preuves produites devant lui lors de son appréciation du point de savoir si la Commission avait légalement appliqué le critère de l’opérateur privé en économie de marché afin de déterminer si Ryanair e.a. avaient reçu un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, aux fins du calcul de la rentabilité ex ante des accords litigieux, la Commission aurait recouru à des données incomplètes, non fiables et inappropriées, lesquelles vicieraient sa conclusion quant à l’existence d’un avantage. Les dénaturations commises seraient au nombre de trois.
101 Premièrement, aux points 331 et 332 de l’arrêt attaqué, concernant l’analyse ex ante de la rentabilité des accords de 2006, le Tribunal aurait dénaturé la clause 7.1 de l’ASA de 2006, joint à l’annexe A.2.5 de la requête introductive d’instance. Celle-ci désignerait la taxe de sécurité comme étant une redevance que Ryanair devait contractuellement payer à l’aéroport. En outre, il aurait dénaturé la section 2.2.3 du rapport du 31 août 2012 préparé par le conseiller économique des requérantes, joint à l’annexe A.3.5.1 de cette requête, ainsi que le tableau 2.21 figurant dans le rapport de ce conseiller du 13 avril 2012, joint à l’annexe A.3.4.1 de ladite requête, qui confirmeraient que Ryanair a effectivement payé cette taxe de sécurité à l’aéroport.
102 Le Tribunal aurait cependant approuvé l’erreur de la Commission consistant à considérer cette taxe comme étant un coût marginal pour l’aéroport de Klagenfurt, ce qui aurait conduit la Commission à sous-estimer la rentabilité escomptée, du point de vue de cet aéroport, des accords de 2006. Le dossier ne comporterait aucune preuve attestant que cette taxe a été remboursée à Ryanair, contrairement à ce qui serait suggéré au point 331 de l’arrêt attaqué, ou indiquant la partie qui a supporté le coût de ce remboursement. Seuls les points 101 à 103 du mémoire en duplique de la Commission en première instance pourraient venir au soutien de l’appréciation du Tribunal, mais la Commission s’y serait limitée à faire valoir, sans aucune preuve, que les autorités autrichiennes avaient confirmé à deux reprises que la taxe de sécurité avait été remboursée à Ryanair.
103 Deuxièmement, aux points 301 et 302 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dénaturé, d’une part, le considérant 379, sous e), de la décision litigieuse, qui confirmerait qu’une marge de sécurité a été incluse dans l’évaluation des coûts d’exploitation marginaux que l’aéroport pouvait escompter pour les accords de 2002 et, d’autre part, les points 2.24 à 2.27 du rapport du conseiller économique du 18 juillet 2018, joint à l’annexe A.7.6 de la requête introductive d’instance, dont il ressortirait qu’aucune précision n’a été fournie concernant le calcul de cette marge de sécurité.
104 Ces preuves feraient apparaître que l’estimation des coûts d’exploitation marginaux de l’aéroport, sur laquelle la Commission a fondé son analyse ex ante de la rentabilité, incluait un paramètre, à savoir cette marge de sécurité, dont le calcul n’a jamais été expliqué ni divulgué, qui a conduit à une estimation des coûts d’exploitation marginaux inexplicablement élevée, en particulier par rapport aux aéroports comparables également visés par une enquête relative à une aide d’État. Aux points contestés de l’arrêt attaqué, le Tribunal approuverait l’utilisation par la Commission de cette estimation sans faire référence au rapport du 18 juillet 2018. Il y aurait lieu d’en conclure que le Tribunal a ignoré ou n’a pas dûment tenu compte des preuves qui lui avaient été présentées à cet égard.
105 Troisièmement, au point 306 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dénaturé, en premier lieu, l’article 2, sous a), de l’ASA de 2002, joint à l’annexe A.2.1 de la requête introductive d’instance, dont il ressortirait que le taux de remplissage cible était de 76 % ; en deuxième lieu, le considérant 382 et le tableau 10 de la décision litigieuse, dont il ressortirait que la Commission a recouru à un taux de remplissage de 70 % pour son analyse de l’ASA de 2002, ainsi que le considérant 415, sous a), et le tableau 11 de cette décision, dont il ressortirait que la Commission a recouru à un taux de remplissage de 85 % pour son analyse des accords de 2006 ; en troisième lieu, le considérant 17 de ladite décision, dont il ressortirait que l’aviation civile a commencé à opérer des vols à l’aéroport « peu de temps » après sa création en 1915 et, en quatrième et dernier lieu, le paragraphe 2.14 du rapport du conseiller économique du 18 juillet 2018, joint à l’annexe A.7.6 de la requête introductive d’instance, dont il ressortirait que le taux de remplissage de 76 % était proche, quoique légèrement en dessous, du taux de remplissage d’environ 80 % réalisé par Ryanair sur son réseau de liaisons au moment de la signature de l’ASA de 2002.
106 Ces preuves feraient apparaître que le taux de remplissage de 70 % retenu par la Commission pour effectuer son analyse de rentabilité ex ante de l’ASA de 2002 était excessivement bas. En effet, elles démontreraient, d’une part, qu’il était inférieur de 6 points au taux de remplissage cible convenu entre les parties et inférieur de 15 points au taux retenu par la Commission pour son analyse des accords de 2006, et, d’autre part, que l’aéroport avait plusieurs décennies d’expérience dans l’aviation civile au moment de la signature de l’ASA de 2002, ce qui remettrait en cause la thèse selon laquelle son inexpérience avec une compagnie aérienne particulière, en l’espèce Ryanair, aurait eu de grandes répercussions sur ses hypothèses de taux de remplissage.
107 Le Tribunal aurait cependant confirmé l’utilisation par la Commission de ce taux de remplissage de 70 %, alors que le dossier ne contiendrait aucune preuve permettant de soutenir les appréciations du Tribunal selon lesquelles l’absence d’accord antérieur entre l’aéroport de Klagenfurt et Ryanair aurait justifié de retenir un taux de remplissage prudent ni aucune preuve au soutien de son appréciation selon laquelle les compagnies aériennes à bas prix n’étaient pas suffisamment implantées en 2002 pour justifier un taux de remplissage plus élevé. De plus, le seul endroit du dossier susceptible de soutenir ces appréciations du Tribunal serait le point 115 du mémoire en défense de la Commission et le point 85 de son mémoire en duplique. Cependant, c’est sans preuve que la Commission y aurait fait valoir que la décision d’adopter le taux de 70 % était justifiée par l’inexpérience de l’aéroport de Klagenfurt avec les requérantes et le statut de nouveau venu des compagnies aériennes à bas prix.
108 La Commission fait valoir qu’aucune des dénaturations alléguées n’est établie et que, en toute hypothèse, aucune de celles-ci ne ressort de manière manifeste des pièces du dossier.
Appréciation de la Cour
109 Selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seulement compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, C 466/19 P, EU:C:2021:76, point 42 ainsi que jurisprudence citée).
110 Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. En outre, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, C 466/19 P, EU:C:2021:76, point 43 ainsi que jurisprudence citée).
111 Par ailleurs, si une dénaturation des éléments de preuve peut consister dans une interprétation d’un document contraire au contenu de celui-ci, elle doit ressortir de façon manifeste du dossier soumis à la Cour et elle suppose que le Tribunal ait manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable de ces éléments de preuve. À cet égard, il ne suffit pas de montrer qu’un document pourrait faire l’objet d’une interprétation différente de celle retenue par le Tribunal (arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, C 466/19 P, EU:C:2021:76, point 44 ainsi que jurisprudence citée).
112 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’analyser les trois branches du troisième moyen.
113 S’agissant, en premier lieu, de la première branche de ce moyen, dirigée contre les points 331 et 332 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, au premier de ces points, que la Commission avait exposé, dans ses écritures et lors de l’audience, que, d’une part, selon les informations qu’elle avait obtenues à deux reprises auprès des autorités autrichiennes, cette taxe ainsi que l’intégralité des redevances par rotation avaient été remboursées à Ryanair et, d’autre part, ces autorités avaient également indiqué à la Commission que le remboursement intégral des redevances aéroportuaires avait été effectué en même temps que la mise en place du régime incitatif de 2005 et constituait une pratique courante à l’époque pour attirer de nouvelles compagnies aériennes à l’aéroport de Klagenfurt.
114 Au second de ces points, le Tribunal a indiqué qu’il ressortait de ces éléments que la Commission avait sollicité, de manière diligente et dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, auprès de l’État membre concerné, les informations pertinentes lui permettant de vérifier si, s’agissant des accords de 2006, la taxe de sécurité avait été remboursée à Ryanair et il en a conclu que la Commission avait donc pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer cette taxe comme un coût marginal de l’aéroport aux fins de l’analyse de rentabilité des accords de 2006.
115 Il ressort, par ailleurs, du point 328 de cet arrêt que, à cet égard, devant le Tribunal, Ryanair e.a., en faisant référence aux clauses de l’ASA de 2006, reprochaient à la Commission d’avoir commis une erreur en considérant que, s’agissant des accords de 2006, la taxe de sécurité représentait un coût pour l’aéroport de Klagenfurt et qu’elles avaient indiqué que les données figurant sur les factures de Ryanair démontraient que cette dernière versait le montant des taxes de sécurité à cet aéroport.
116 Cependant, il découle de ce qui a été exposé aux points 113 et 114 du présent arrêt que, d’une part, aux points 331 et 332 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a fait aucune référence aux rapports visés au point 101 du présent arrêt. Partant, il ne saurait lui être reproché d’avoir dénaturé ces rapports dans cette partie de l’arrêt attaqué.
117 D’autre part, aux points 331 et 332 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas affirmé que la taxe de sécurité n’avait pas été facturée à Ryanair par l’aéroport de Klagenfurt ni n’a remis en cause le fait que cette taxe avait été versée par celle-ci à ce dernier, mais s’est limité à indiquer que la Commission avait, à deux reprises, sollicité à cet égard des informations auprès de la République d’Autriche et que celle-ci avait, par deux fois, indiqué que ladite taxe et l’intégralité des redevances par rotation avaient été remboursées à Ryanair. Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas davantage dénaturé la clause 7.1 de l’ASA de 2006.
118 Par ailleurs, dans la mesure où, par la première branche de leur troisième moyen, les requérantes contestent la force probante qui a été attribuée par le Tribunal aux différents éléments qui étaient soumis à son appréciation, leur argumentation est irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 109 du présent arrêt, dès lors qu’elle vise à ce que la Cour procède à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve.
119 La première branche de ce moyen doit, par conséquent, être écartée comme étant, en partie, non fondée et, en partie, irrecevable.
120 S’agissant, en deuxième lieu, de la deuxième branche dudit moyen, dirigée contre les points 301 et 302 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, au premier de ces points, répondu à l’argument de Ryanair e.a. selon lequel la Commission avait commis une erreur d’appréciation en confirmant le choix des autorités autrichiennes d’ajouter une marge de sécurité aux valeurs sur la base desquelles avaient été calculés les coûts d’exploitation marginaux dus au volume de trafic marginal attendu pendant la durée des accords de 2002. Il a relevé qu’il ressortait du considérant 379, sous e), de la décision litigieuse que les valeurs sur la base desquelles ont été calculés ces coûts avaient été établies à partir du système de calcul des coûts utilisé par l’aéroport de Klagenfurt en 2002 et que ce système comprenait le tarif d’atterrissage, le tarif par passager et la redevance de préparation à la navigation, la redevance d’assistance en piste, le tarif d’infrastructure ainsi que la redevance de stationnement en hangar. Il a précisé, à ce même point, qu’il avait été relevé par la Commission et confirmé par Ryanair e.a. lors de l’audience que le système de calcul des coûts utilisé par cet aéroport pendant l’année 2002 permettait une affectation moins détaillée des coûts que celui mis en place pendant l’année 2005 et décrit au considérant 415 de la décision litigieuse.
121 Au point 302 de cet arrêt, il a ajouté que, à ce titre, la Commission avait fait état, à ce considérant 379, sous e), des explications des autorités autrichiennes selon lesquelles elles avaient utilisé les estimations les plus optimistes des valeurs correspondant aux coûts d’exploitation marginaux par rotation supplémentaire et par tonne de masse maximale au décollage ainsi que par passager au départ supplémentaire. Il en a déduit, à ce point, qu’il ne pouvait donc être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en validant ce mode de calcul des coûts d’exploitation marginaux, s’agissant des accords de 2002, dès lors que, en l’absence de données détaillées et du fait des estimations de base optimistes des autorités autrichiennes, son intention de parvenir à une estimation prudente était raisonnable.
122 Or, d’une part, il découle de ces deux points de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas nié qu’une marge de sécurité avait, comme cela ressortait de la décision litigieuse, été incluse par les autorités autrichiennes dans l’évaluation des coûts d’exploitation marginaux en cause. Il ressort, en outre, du dossier que lesdits points reprennent précisément le contenu du considérant 379, sous e), de la décision litigieuse. Partant, la dénaturation alléguée à cet égard n’est pas fondée.
123 D’autre part, quant à l’allégation selon laquelle le rapport du conseiller économique des requérantes invoqué au point 103 du présent arrêt aurait été dénaturé par le Tribunal, il suffit de relever que le Tribunal n’a fait aucune référence à ce rapport aux points 301 et 302 de l’arrêt attaqué et, partant, il ne saurait lui être reproché de l’avoir dénaturé dans cette partie de l’arrêt attaqué.
124 En réalité, par l’invocation dudit rapport, les requérantes visent à ce que la Cour procède à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, ce qui échappe à la compétence de la Cour sur pourvoi, conformément à la jurisprudence rappelée au point 109 du présent arrêt.
125 Cette deuxième branche du troisième moyen doit donc être écartée comme étant, en partie, non fondée et, en partie, irrecevable.
126 S’agissant, en troisième lieu, de la troisième branche de ce moyen, dirigée contre le point 306 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé à ce point que, ainsi que cela était à juste titre indiqué par la Commission, il n’était pas déraisonnable que l’aéroport de Klagenfurt adopte une approche prudente quant au taux de remplissage lors de l’évaluation des accords de 2002, étant donné qu’il n’avait pas encore d’expérience avec Ryanair e.a. et que, de plus, en général, les compagnies aériennes à bas prix étaient à l’époque moins bien implantées qu’aujourd’hui. Il a ajouté qu’il convenait de constater que le taux de remplissage de 70 % estimé par cet aéroport n’était pas éloigné de l’objectif de 76 % ressortant de l’ASA de 2002 et que, par conséquent, la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant ce taux de 70 %. Il a encore ajouté que cela était d’autant plus vrai que le chiffre de 50 000 passagers entrants escomptés par an, mentionné dans le préambule de l’ASA de 2002, et impliquant un taux de remplissage de 76 %, constituait une cible à atteindre et non une obligation contraignante.
127 Il découle de ces motifs de l’arrêt attaqué que, premièrement, le Tribunal n’a pas dénaturé l’ASA de 2002 comme l’allèguent les requérantes, celui-ci ayant expressément relevé que cet accord avait pour objectif un taux de remplissage de 76 %. Il n’a pas davantage dénaturé le considérant 382 et le tableau 10 de la décision litigieuse, dès lors qu’il a relevé que la Commission avait retenu un taux de remplissage de 70 % pour son analyse dudit accord.
128 Deuxièmement, le Tribunal n’a pas davantage dénaturé, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 110 et 111 du présent arrêt, le considérant 415, sous a), de la décision litigieuse ni le tableau 11 de celle-ci dès lors que le point 306 de l’arrêt attaqué ne fait même pas référence au taux de charge de 85 %, ce taux étant, au demeurant, mentionné au point 397 de l’arrêt attaqué.
129 Troisièmement, le considérant 17 de la décision litigieuse énonce, certes, que « [l’aéroport de Klagenfurt] a été fondé en 1915 en tant que base aérienne militaire » et qu’« [i]l a rapidement été utilisé à des fins tant militaires que civiles, et [que] cette double utilisation se poursuit jusqu’à nos jours ». Toutefois, comme cela ressort du point 126 du présent arrêt, le Tribunal s’est, au point 306 de l’arrêt attaqué, limité à relever que cet aéroport n’avait pas encore, en l’an 2002, d’expérience avec Ryanair e.a., et que les compagnies à bas prix étaient, à cette époque, moins bien implantées qu’aujourd’hui. La dénaturation alléguée de ce considérant 17 n’est donc pas davantage établie.
130 Quatrièmement, quant à la prétendue dénaturation du paragraphe 2.14 du rapport du conseiller économique des requérantes mentionné au point 105 du présent arrêt, il suffit de constater qu’aucune mention de ce paragraphe ne figure dans l’arrêt attaqué et que ce dernier ne contient aucune affirmation qui établirait une dénaturation dudit paragraphe.
131 Par ailleurs, dans la mesure où, par leur argumentation exposée aux points 106 et 107 du présent arrêt, les requérantes soutiennent, en substance, que les preuves qu’elles invoquent font apparaître que le taux de remplissage retenu par la Commission pour effectuer son analyse de rentabilité ex ante de l’ASA de 2002 était excessivement bas, elles visent, en réalité, à ce que la Cour procède, à cet égard, à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, de sorte que cette partie de la troisième branche du troisième moyen est irrecevable, en application de la jurisprudence rappelée au point 109 du présent arrêt.
132 Il convient, par conséquent, d’écarter la troisième branche de ce moyen comme étant, en partie, non fondée et, en partie, irrecevable. Le troisième moyen doit, par conséquent, être rejeté.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
133 Par leur quatrième moyen, qui vise les points 418 à 421 et 427 à 429 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que le montant de l’aide à récupérer, qui a été calculé sur la base de données ex ante, ne devait pas être corrigé sur la base des données ex post figurant au dossier au moment où la décision litigieuse a été adoptée.
134 Le Tribunal aurait constaté que, en principe, tant l’existence que le montant de l’aide doivent être appréciés compte tenu de la situation prévalant au moment de l’octroi de celle-ci. Il aurait, à cet égard, écarté l’argumentation de Ryanair e.a., tendant à la prise en compte de données ex post relatives aux recettes et aux coûts, au motif qu’elle aurait pour effet de faire varier le montant de l’aide à récupérer en fonction de développements aléatoires, tels que la conjoncture économique ou l’éventuel bénéfice réalisé par le bénéficiaire de l’aide par l’exploitation de l’avantage initialement octroyé. En statuant ainsi, il n’aurait pas répondu à leurs arguments.
135 En effet, Ryanair e.a. auraient invoqué non pas des éléments aléatoires, mais des éléments qui étaient du ressort du dispensateur de l’aide, à savoir son propre calcul de ses coûts et de ses recettes, et auraient seulement soutenu qu’il convenait de corriger les erreurs commises par celui-ci dans son évaluation des variables de coûts et de recettes qui étaient sous son propre contrôle. La Commission aurait d’ailleurs admis que, s’agissant des redevances pour les services de commercialisation effectivement versées à Ryanair ou à LV et à AMS, le montant de l’aide à récupérer pouvait être corrigé sur la base d’éléments de preuve produits ex post par la République d’Autriche. Elle aurait cependant refusé que des corrections puissent être effectuées sur la base d’autres données ex post relatives aux recettes et aux coûts, dont il ressortirait pourtant que les coûts auraient été surestimés.
136 La jurisprudence sur laquelle le Tribunal se serait fondé, à savoir les arrêts du 19 octobre 2005, Freistaat Thüringen/Commission (T 318/00, EU:T:2005:363), et du 26 mars 2020, Larko/Commission (C 244/18 P, EU:C:2020:238), concernerait le principe selon lequel l’existence et le montant de l’aide doivent être appréciés compte tenu de la situation existant au moment de son octroi. Cependant, ces arrêts n’interdiraient pas à la Commission de corriger des erreurs dans l’appréciation de la situation existant au moment de l’octroi de l’aide. Ils n’autoriseraient pas non plus la Commission à admettre une appréciation du montant de l’aide fondée sur des données erronées. En outre, ces arrêts porteraient sur des garanties, à savoir un type de mesure d’aide pour lequel la distinction entre l’octroi de l’aide, qui consisterait en une intention de conférer un avantage, et le versement de celle-ci, qui concernerait généralement la phase subséquente de transfert des ressources, est moins nette que pour d’autres types de mesures d’aide.
137 De plus, en interprétant abusivement ces deux arrêts, le Tribunal et la Commission excluraient le risque d’erreurs dans les prévisions des dispensateurs d’aides. Il serait pourtant possible qu’une entité étatique qui avait l’intention d’accorder une aide d’un certain montant se soit trompée dans l’évaluation des coûts et des bénéfices attendus et que le montant de l’aide qu’elle avait l’intention d’accorder n’ait donc finalement pas été versé ou ne l’ait pas été intégralement.
138 Selon les requérantes, la Commission est tenue de vérifier, sur la base d’éléments figurant dans le dossier au moment où elle adopte sa décision, si les évaluations effectuées par le dispensateur de l’aide de ses propres coûts et recettes n’étaient pas erronées. En effet, un ordre de récupération de l’aide basé sur des coûts surestimés ou des recettes sous-estimées enrichirait ce dernier, car il se verrait restituer des montants trop élevés et tirerait ainsi un profit financier de ses propres erreurs. Une telle restitution serait aussi contraire à l’objectif de la récupération d’une aide illégale, à savoir le rétablissement de la situation qui prévalait avant le versement de l’aide.
139 La Commission fait valoir que ce moyen n’est pas fondé.
Appréciation de la Cour
140 Sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, point 44 ainsi que jurisprudence citée).
141 Ainsi, compte tenu de l’objectif de l’article 107, paragraphe 1, TFUE d’assurer une concurrence non faussée, la notion d’« aide », au sens de cette disposition, ne saurait recouvrir une mesure accordée en faveur d’une entreprise au moyen de ressources d’État lorsque celle-ci aurait pu obtenir le même avantage dans des circonstances correspondant aux conditions normales du marché. L’appréciation des conditions dans lesquelles un tel avantage a été accordé s’effectue donc, en principe, par application du principe de l’opérateur privé (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, point 45 ainsi que jurisprudence citée).
142 Aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un opérateur privé, il convient de se référer à un tel opérateur se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État (arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 28 et jurisprudence citée).
143 Il appartient, dans ce cadre, à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent de l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur privé (arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 29 et jurisprudence citée).
144 À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État. En conséquence, sont seuls pertinents, aux fins de l’application du principe de l’opérateur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’octroi de la mesure en cause a été prise (arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée). Il en va ainsi, en particulier, lorsque la Commission examine l’existence d’une aide d’État par rapport à une mesure qui ne lui a pas été notifiée et qui a déjà été mise en œuvre par l’État membre concerné au moment où elle effectue son examen (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C 124/10 P, EU:C:2012:318, point 105).
145 Partant, des éléments postérieurs au moment où la mesure concernée a été adoptée ne sauraient être pris en compte aux fins de l’application du principe de l’opérateur privé (arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 32 et jurisprudence citée).
146 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il découle de la jurisprudence rappelée aux points 142 à 145 du présent arrêt qu’une argumentation contestant le bien-fondé de l’appréciation du Tribunal relative à l’évaluation des aides à récupérer, lorsqu’elle est tirée de la prise en compte d’évènements postérieurs à l’octroi de la mesure d’aide en cause, est inopérante (arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 113).
147 Or, par leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation du montant de l’aide à récupérer, tel qu’il avait été déterminé dans la décision litigieuse. Elles font valoir, à cet égard, que celui-ci aurait dû considérer que la Commission, afin de déterminer ce montant, devait tenir compte de « données ex post figurant dans le dossier au moment où la décision litigieuse a été adoptée », au lieu de se fonder sur les « éléments de preuve ex ante », à savoir, comme le Tribunal l’a constaté au point 420 de l’arrêt attaqué, sur les développements prévisibles, pour un investisseur privé en économie de marché, au moment de la conclusion des accords litigieux.
148 Le Tribunal a ainsi précisé à ce point que la Commission avait, dans la décision litigieuse, déterminé le montant des aides à récupérer en ce qui concerne les accords litigieux en prenant en compte « la partie négative du flux de trésorerie marginal attendu au moment de la conclusion de la transaction (recettes moins les coûts) ». Les requérantes allèguent toutefois, en substance, que les coûts et recettes attendus pour l’aéroport de Klagenfurt au moment de cette conclusion se sont finalement avérés différents de ceux qui étaient prévisibles au moment de ladite conclusion.
149 Par ailleurs, il est constant que, en l’espèce, c’est par la conclusion des accords litigieux respectifs que les mesures d’aide en cause ont été octroyées.
150 Force est donc de constater que, par ce quatrième moyen, les requérantes contestent le bien-fondé de l’appréciation du Tribunal relative à l’évaluation du montant des aides à récupérer, en tirant argument d’évènements postérieurs à l’octroi des mesures d’aide en cause. Par conséquent, ce quatrième moyen doit, en toute hypothèse, être écarté comme étant inopérant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 146 du présent arrêt.
151 À cet égard, l’argument des requérantes selon lequel, en substance, cette jurisprudence ne serait pas applicable à la présente affaire, ladite jurisprudence ne concernant que les aides d’État prenant la forme d’une garantie, ne peut être retenu. En effet, ainsi qu’il découle de la même jurisprudence, c’est non pas la nature de l’aide considérée, mais l’application même du principe de l’opérateur privé en économie de marché, dont l’applicabilité en l’espèce n’est d’ailleurs pas contestée, qui impose que seuls sont pertinents, aux fins de l’identification d’un avantage éventuel, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’octroi de la mesure en cause a été prise.
152 De même, aucun argument utile au soutien du présent moyen ne saurait être tiré, par les requérantes, du fait que, pour l’ASC de 2002 entre DMG et AMS, la Commission a indiqué, au considérant 570 de la décision litigieuse, que le montant de l’aide à récupérer pouvait être adapté à un moment ultérieur, sur la base de preuves présentées par la République d’Autriche. En effet, comme l’a indiqué le Tribunal au point 425 de l’arrêt attaqué, il ressortait de la décision litigieuse que cet État membre avait fait valoir, au cours de la procédure administrative, que cet accord n’était jamais entré en vigueur, sans avoir pu fournir, au cours de la procédure administrative, de document écrit attestant de l’exactitude de cette déclaration.
153 La précision apportée par la Commission au considérant 570 de la décision litigieuse visait ainsi seulement, comme le Tribunal l’a relevé à ce point 425, à permettre audit État membre d’apporter une preuve en ce sens et, le cas échéant, d’exclure du montant de l’aide à récupérer l’aide qui devait être versée en vertu dudit accord, à condition qu’il soit établi que, celui-ci n’étant pas entré en vigueur, l’aide qu’il contenait n’avait pas été versée au bénéficiaire, de sorte qu’aucun avantage économique n’avait été accordé par ce même accord et que, par suite, aucun montant d’aide n’avait à être récupéré au titre de celui-ci.
154 En revanche, par leur argumentation présentée au Tribunal et, en substance, réitérée dans le cadre du présent moyen, les requérantes font en réalité valoir non pas qu’une aide contenue dans un des accords litigieux ne leur aurait pas été octroyée, mais que l’avantage contenu dans ces accords devrait, au moment de la récupération, être réévalué en fonction des résultats économiques effectifs des accords concernés pour les parties à ces accords. Cette argumentation est toutefois contraire à la jurisprudence rappelée aux points 140 à 145 du présent arrêt ainsi que, au demeurant, à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle la récupération d’une aide illégale implique la restitution de l’avantage procuré par celle-ci à son bénéficiaire afin d’éliminer la distorsion de concurrence causée par cet avantage (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C 164/15 P et C 165/15 P, EU:C:2016:990, points 91 et 92 ainsi que jurisprudence citée, et du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C 349/17, EU:C:2019:172, point 131 et jurisprudence citée).
155 Le quatrième moyen doit, par conséquent, être écarté comme étant inopérant.
156 Aucun des moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi n’étant accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
157 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
158 La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de condamner ces dernières aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd sont condamnées aux dépens.