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Décisions

Cass. com., 22 novembre 2023, n° 22-18.766

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Colmar, du 11 mai 2022

11 mai 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 mai 2022), le 4 juillet 2018, la société LVMT a été mise en redressement judiciaire. Le 18 novembre suivant, la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), qui avait consenti à la société LVMT l'ouverture d'un compte courant professionnel, a assigné M. [N], qui, en 2014, s'était porté caution des engagements de la société LVMT dont il était le gérant. Un plan de redressement a été arrêté le 3 juillet 2019.

2. Après vaine mise en demeure de M. [N], la banque l'a assigné en paiement au titre de son engagement de caution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors « que l'action dirigée contre une caution personne physique et suspendue par l'effet du jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur principal peut être reprise, sans nouvelle assignation, après le jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire ; que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en considérant que la demande de l'exposante, introduite le 18 novembre 2018, aurait été irrecevable, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la société LVMT avait été placée en redressement judiciaire le 4 juillet 2018 et que par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse avait arrêté le plan d'apurement du passif de la société LVMT, de sorte que l'action de l'exposante, suspendue en raison de l'ouverture du redressement judiciaire, pouvait être reprise après le jugement arrêtant le plan, et que la situation était régularisée au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé les articles L. 622-28 du code de commerce et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-28, alinéa 2, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code, et l'article 126 du code de procédure civile :

4. Selon les deux premiers de ces textes, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques ayant consenti une sûreté personnelle.

5. La fin de non-recevoir édictée par ces textes, dont la caution peut se prévaloir, peut, en application du dernier de ces textes, être régularisée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

6. Pour déclarer irrecevable la demande de la banque, l'arrêt relève que l'acte introductif d'instance a été enregistré au greffe pendant la période d'observation et que l'autorisation, qui avait été accordée à la banque par le juge de l'exécution d'inscrire une sûreté réelle sur les biens immobiliers de la caution, n'avait pas été suivie des diligences nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire dans le mois suivant cette autorisation. Il en déduit qu'aucune régularisation de la fin de non-recevoir n'est intervenue.

7. En statuant ainsi, tout en constatant que, si l'action en paiement contre la caution avait été engagée pendant la période d'observation du redressement judiciaire du débiteur principal, le tribunal ne s'était prononcé sur cette demande qu'après l'adoption du plan de redressement, de sorte que la cause de la fin de non-recevoir avait disparu, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.