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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-1, 17 novembre 2023, n° 20/02608

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/02608

17 novembre 2023

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2023

N° 2023/330

Rôle N° RG 20/02608 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUCC

[J] [U]

C/

S.A.R.L. ODALYS CITY

Copie exécutoire délivrée le :

17 NOVEMBRE 2023

à :

Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01260.

APPELANTE

Madame [J] [U], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.R.L. ODALYS CITY prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique SOULIER, Présidente

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023

Signé par Mme Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [J] [U] a été engagée par la SARL ODALYS CITY suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 novembre 2016 en qualité de première femme de chambre au sein de l'établissement Appart Hôtel Le Dôme à [Localité 3].

Le 5 mars 2018, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 26 mars 2018, et mise à pied à titre conservatoire.

Le 30 mars 2018, Mme [U] a été licenciée pour faute grave pour les motifs suivants :

'Le 1er mars, nous avons été alertés par un de vos collègues de travail sur le fait que vous participiez à un potentiel détournement de fonds organisé au sein de la résidence et que vous aviez même proposé à ce collègue de participer à ce détournement.

En tant que première femme de chambre, il vous appartient d'attribuer les appartements à nettoyer à l'équipe ménage en fonction des indications du logiciel de réservation de l'entreprise.

Or, après enquête, il apparaît que vous avez inscrit comme étant « à nettoyer» des appartements qui n'étaient pas enregistrés comme occupés dans le logiciel de réservation de l'entreprise et qu'il n'y avait donc pas lieu de les faire nettoyer s'ils étaient propres et n'avaient pas été loués (appartement 11 le 13/12/2017, appartement 11 le 19/12/2017).

Lors de l'entretien, vous n'avez pas apporté d'explication à ces anomalies.

En tant que première femme de chambre, vous êtes également responsable de la caisse de la laverie.

Or vous avez indiqué qu'il n'y a eu aucun encaissement laverie en décembre 2017 et janvier 2018, puisque la caisse était vide, malgré l'utilisation avérée de la laverie par les clients comme en attestent les relevés d'eau correspondants.

Vous n'y avez pas apporté d'explication, alors que vous avez la responsabilité du suivi de cette caisse.

En outre, durant votre mise à pied conservatoire durant laquelle il vous est interdit de vous rendre sur votre lieu de travail, vous vous êtes présentée le dimanche 11 mars par la porte de service.

Vous avez alors pénétré dans le bureau du Directeur de la résidence en son absence et vous avez fait des photocopies de documents. Vous vous êtes également connectée à l'ordinateur du Directeur de la résidence et avez imprimé des documents. Cette attitude nous interroge fortement sur vos intentions.

De plus, vous avez proféré à cette occasion des menaces de violence physique à l'encontre du Directeur Multi sites devant le personnel présent. Nous ne pouvons tolérer un tel comportement menaçant à l'égard de votre responsable hiérarchique ou de tout autre collaborateur de l'entreprise.

Nous ne pouvons tolérer de tels comportements, agressifs et menaçants à l'égard de votre responsable hiérarchique et de vos collègues de travail, qui ont pour effet d'exercer une pression sur nos collaborateurs que nous ne pouvons tolérer.

En outre, votre participation active à un détournement de fonds commis au préjudice de l'entreprise remet en cause le lien de confiance qui nous unit au travers de votre contrat de travail.

Ces agissements graves ne sont en effet pas conformes à une exécution normale de vos fonctions et ne nous permettent pas de poursuivre nos relations contractuelles.

Compte tenu des faits fautifs évoqués, nous sommes contraints d'en tirer les conséquences et de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave avec effet immédiat.

En effet, la gravité des faits qui vous sont reprochés empêche le maintien à votre poste durant le préavis; celui-ci ne vous sera pas rémunéré de même que la période de mise à pied.'.

Contestant son licenciement, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille lequel, par jugement du 23 janvier 2020, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et a condamné Mme [U] aux entiers dépens.

Mme [U] a interjeté appel de ce jugement suivant déclaration d'appel du 19 février 2020.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2023, elle demande à la cour de :

- la juger recevable et bien-fondée en son appel.

- juger que le licenciement du 30 mars 2018 est totalement dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse.

- juger que la SARL ODALYS CITY n'a pas respecté ses obligations en matière de temps de pause.

En conséquence :

- infirmer le jugement entrepris.

Puis, statuant à nouveau :

- condamner la SARL ODALYS CITY au paiement des sommes suivantes :

' indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l'article L.1235-3 du code du travail : 3.920, 40 euros.

' dommages-intérêts pour préjudice moral : 4.000 euros.

' rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 5 mars 2018 au 30 mars 2018 : 1.633,50 euros.

' congés payés incidents : 163, 35 euros.

' indemnité compensatrice de préavis : 1.960, 20 euros.

' congés payés afférents : 196 euros.

' indemnité de licenciement : 816,75 euros.

' rappel de salaires au titre du paiement des temps de pause : 1.000 euros.

' congés payés afférents : 100 euros.

' indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros.

' entiers dépens.

' intérêts au taux légal.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2023, la SARL ODALYS CITY demande à la Cour de :

A titre principal : confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 23 janvier 2020.

En conséquence :

- sur les temps de pause : débouter Mme [U] de ses prétentions infondées et injustifiées.

- sur le licenciement : dire et juger que le licenciement pour faute grave est intervenu à bon droit, débouter Mme [U] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur l'article L.1235-3 du code du travail à hauteur de 3.920.40 euros et de dommages-intérêts pour préjudice moral à hauteur de 4 000 euros, débouter Mme [U] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement.

A titre subsidiaire, sur le licenciement, si la cour devait infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 23 janvier 2020 : si, par impossible, la cour considérait que le licenciement prononcé ne repose pas sur une faute grave :

- dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

- débouter Mme [U] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse sur la base de l'article L.1235-3 du code du travail à hauteur de 3. 920.40 euros et de dommages-intérêts pour préjudice moral à hauteur de 4.000 euros.

A titre infiniment subsidiaire, sur le licenciement, si la cour devait infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 12 janvier 2020 : si, par impossible et contre toute attente, la cour considérait le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse :

- débouter Mme [U] de ses demandes indemnitaires manifestement excessives, comme infondées et, en tout état de cause, injustifiées.

- faire application de l'article L.1235-3 du code du travail issu des ordonnances du 22 septembre 2017 et limiter par conséquent les dommages-intérêts à allouer à la somme de 1.960.19 euros correspondant à un mois de salaire, cette indemnisation ne pouvant être supérieure à 3.920.38 euros, soit deux mois de salaire.

- débouter Mme [U] de sa demande indemnitaire à hauteur de 4.000 euros au titre d'un prétendu préjudice moral, infondée et injustifiée.

En tout état de cause :

- débouter Mme [U] de ses demandes injustifiées et infondées.

- débouter Mme [U] de sa demande de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamnation au dépens.

- condamner Mme [U] à payer à la société ODALYS CITY la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître. M. AUTONÈS, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l'employeur.

Pour démontrer la réalité, l'imputabilité à la salariée et la gravité des faits commis et reprochés dans la lettre de licenciement, la SARL ODALYS CITY verse :

- un courrier du 1er mars 2018 de M. [N], réceptionniste, qui indique : « le lendemain, dimanche 5 novembre, je vais prendre mon poste toujours à 15h, [H] était du matin, il m'attendait avec [J] à la réception et m'a proposé de faire partie de leurs combines car [J] était dans les étages pouvait gérer toute la partie « gestion des chambres » « ménages » et [H] et moi les « résa »/ les « clients » vu qu'on serait tous les deux le matin et le soir. Ce que j'ai refusais. Quand ils m'ont proposé cela, j'ai vu et senti qu'ils le faisaient par « obligation » car je les avais « griller». Après quelques jours de mal-être et de réflexion j'ai décidé d'en parler (...) ».

- une lettre du 8 mars 2018 de M. [A], réceptionniste de nuit qui indique : « au mois de décembre, le montant dû à l'agence de nettoyage pour les chambres était supérieur aux prévisions, plus de chambres avaient été nettoyées qu'attribuées. Après avoir comparé la feuille de ménage et [D], il apparaît que la chambre 11 a été attribuée « au black » également puisque les femmes de ménage confirment que la chambre était sale au matin sans pour autant avoir été donnée. [H] et [J], chefs de réception et gouvernante respectivement, vérifient tous les matins l'état des chambres ainsi que la feuille des ménages pour s'assurer que des erreurs n'aient pas été commises. Un tel écart se serait remarqué puisqu'il s'est étalé sur plusieurs semaines. En outre, la pratique n'est pas nouvelle pour l'un d'entre eux mais elle demande la complicité de la gouvernante lorsqu'elle s'établit dans la durée ».

- un mail de M. [B], directeur, du 20 mars 2018 qui indique : 'Pour faire suite au dossier en cours pour [J] [U] et [H] [S] (en mise à pied depuis 05 mars 2018) Leur rendez-vous sont prévus le 26 mars à 9h00 pour [H] et 10h00 pour [J] [U]. J'ai fait des recherches extensives selon le procédé ci-dessous et je suis tombé énormément d'incohérences inquiétantes. D'après ce que j'ai trouvé, tous les salariés d'accueil pourraient être impliqués. J'ai l'impression (et cela reste une impression car j'ai décidé volontairement de ne pas trop questionner le personnel tant que je n'ai pas terminé avec [J] et [H]) qu'il y a eu une collaboration, plus ou moins organisée, avec plusieurs complices - le pointage n'est pas finalisé car il s'agit d'un contrôle de milliers de créations de clés une par une'.

- des relevés du logiciel de réservation et les relevés d'interventions du 19 décembre 2018 renseignés par Mme [U].

- l'attestation de M. [K] qui indique : « Il y a quelques mois de cela, une ex collègue [J] [U] a été licenciée de son travail. Nous sommes en contact naturellement et on échangeait souvent. Lors de sa mise à pied, elle s'est présentée un soir à la résidence où je travaille c'est-à-dire son ancien lieu de travail et ceci pour déposer un arrêt maladie. J'ai donc prévenu mon responsable, Mr [V] [B] que [J] allait passer déposer ce papier. Lorsqu'elle est arrivée, elle a accédé au bureau de la direction, a fait plusieurs photocopies du planning du personnel affiché, des feuilles de ménage mais aussi pas mal de dossier. Je lui ai fait savoir qu'elle n'avait pas le droit elle me répond qu'elle fait ce qu'elle veut. Elle a proféré des menaces à l'endroit de Mr [V] [B] et qu'elle voulait l'agresser physiquement. Récemment, elle m'appelle et me propose de faire un faux témoignage sur le responsable Multi sites de Odalys, Mr [B]. En effet, certifiant que le responsable a tenté un harcèlement sexuel sur sa personne, et elle, refusant ses avances est devenue cible et a finit par faire l'objet d'attaques par son directeur Multi sites qui a fini par la licencier. A noter qu'elle a aussi contacté un journal du nom de la Provence pour parler de cette affaire. J'ai bien sûr décliné sa proposition, elle a insisté et un soir à débarqué à mon lieu de travail et cette fois-ci avec l'argent proposé. J'ai contacté le responsable de la résidence Mme [R] [O] pour l'informer de la présence de [J] dans les locaux. Elle est restée pendant presque 40 minutes puis et partie. Le lendemain, la responsable de la résidence a regardé les vidéos des caméras de surveillance et a bien identifié [J], puis ensuite, nous avons, elle et moi fait un dépôt de pré-plainte en ligne ».

- une main courante déposée par M. [B] le 1er août 2018 qui indique : 'Mon ex salariée Mme [J] [U] que j'ai licenciée pour faute grave détournements de biens en 21 février 2018 avec une mise à pied immédiate, durant celle-ci elle est venue fouiller dans les bureaux de direction, a effectué des photocopies, elle était ivre, un de mes collaborateurs l'a enregistrée vu son état, récemment elle s'est présentée sur le lieu de travail de nouveau avec la somme de 1000 euros pour acheter des faux témoignages auprès de mes salariés. Mon salarié [K] [I] [P], réceptionniste a décliné la proposition ainsi faite et m' a avisé des faits'.

Mme [U] conteste les griefs qui lui sont reprochés. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une quelconque sanction disciplinaire durant la relation de travail ; que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité, de l'imputabilité et de la gravité des faits invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'elle démontre n'avoir pas commis les fautes reprochées en ce qu'elle ne travaillait pas les journées des 13 décembre 2017 et 19 décembre 2017; que l'employeur ne peut fonder le licenciement sur des faits inexacts commis pendant la période de mise à pied à titre conservatoire ; qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir recherché à organiser sa défense dans le cadre de la future contestation de son licenciement ; qu'elle démontre avoir des qualités professionnelles et humaines saluées par ses collègues de travail.

* * *

La cour relève que la SARL ODALYS CITY ne produit aucune pièce au titre du grief relatif à l'absence d'encaissement de recettes de laverie aux mois de décembre 2017 et janvier 2018.

S'il ressort de l'attestation de M. [N], réceptionniste, que celui-ci indique que Mme [U] et '[H]' lui ont proposé de participer à un détournement illégal au préjudice de l'employeur (procéder à la location de chambres en dehors de toute réservation officielle) et alors que M. [B], à l'issue de recherches, annonce qu'il est ' tombé énormément d'incohérences inquiétante', la lettre de licenciement ne vise que deux faits commis les 13 et 19 décembre 2017 relativement à la chambre 11.

Si, la SARL ODALYS CITY produit un extrait du logiciel de réservation des chambres qui indique que la chambre 11 n'a pas été attribuée les 13 et 19 décembre 2017 ainsi qu'un 'relevé' d'interventions du 19 décembre 2017 qui indique que la chambre a été nettoyée (mentions 'recouche', 'contrôler par' suivi de 'ok [J]'), Mme [U] produit 'la feuille de décompte journalier avec récapitulatif mensuel', signée par la salariée et par l'employeur, qui indique que Mme [U] n'a pas travaillé les 13 et 19 décembre 2017. En l'état de pièces contradictoires émanant toutes de l'employeur, le doute doit profiter à la salariée et il convient de considérer que les faits reprochés à Mme [U], des 13 et 19 décembre 2017, ne sont pas caractérisés. L'employeur ne justifie pas d'autres faits circonstanciés attestant de la réalité et de la matérialité de détournements opérés par Mme [U].

S'il ressort de l'attestation de M. [K] que Mme [U] s'est rendue dans les locaux de l'entreprise pendant la période de mise à pied conservatoire, les circonstances décrites dans la lettre de licenciement et dans l'attestation de M. [K] démontrent qu'elle recherchait des éléments nécessaires à l'exercice des droits de la défense dans le cadre d'un très probable licenciement et d'un procès prud'homal et Monsieur [K] n'indique pas que Mme [U] s'est introduite dans l'ordinateur du directeur, contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de licenciement.

Les énonciations de M. [K] dans son attestation concernant les menaces qu'auraient proféré Mme [U] à l'encontre du directeur multisites sont trop imprécises quant aux propos qui auraient été effectivement tenus par la salariée. De même, les faits de pressions évoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas explicités ni caractérisés.

Enfin, les faits de corruption ayant donné lieu à une main courante, évoqués dans les conclusions de l'employeur, sont des faits postérieurs au licenciement et ne peuvent donc être pris en considération dans le cadre de l'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Il s'ensuit que non seulement le licenciement de Mme [U] ne repose pas sur une faute grave mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (47 ans), de son ancienneté (une année complète), de sa qualification, de sa rémunération (1.960,20 euros), des circonstances de la rupture, de la période de chômage qui s'en est suivie et d'un nouveau contrat de travail signé le 2 mai 2019, il convient d'accorder à Mme [U] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 2.000 euros.

Il convient également d'accorder à Mme [U] les sommes de 1.960,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 196 euros au titre des congés payés afférents, de 816,75 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 1.633,50 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et de 163,35 euros au titre des congés payés afférents.

Mme [U] produit deux certificats médicaux du docteur [C] des 28 mai 2018 et 19 février 2019 faisant état de troubles anxieux réactionnels en lien avec le licenciement et nécessitant un traitement psychotrope. Mme [U] justifie d'un préjudice moral complémentaire qu'il convient d'indemniser par la somme de 300 euros de dommages-intérêts.

Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce le licenciement de Mme [U] étant sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner d'office le remboursement par la SARL ODALYS CITY des indemnités chômage perçues par l'intéressée, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur la demande au titre des temps de pause

Mme [U] conclut qu'il est constant qu'elle n'était pas totalement libre de vaquer à ses occupations durant ses temps de pause.

Cependant, les plannings produits (pièces 6, 16,17) démontrent que Mme [U] bénéficiait de temps de pause et aucun élément du dossier ne permet de caractériser un manquement de l'employeur en ce qu'il aurait empêché la salariée de librement vaquer à ses occupations durant lesdits temps de pause. Par confirmation du jugement, la demande sera donc rejetée.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées et il est équitable de condamner la SARL ODALYS CITY à payer à Mme [U] la somme de 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SARL ODALYS CITY, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition ayant rejeté la demande de rappel de salaire au titre des temps de pause,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [J] [U] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL ODALYS CITY à payer à Mme [J] [U] les sommes de :

- 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.960,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 196 euros au titre des congés payés afférents,

- 816,75 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1.633,50 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire,

- 163,35 euros au titre des congés payés afférents,

- 300 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par la SARL ODALYS CITY aux organismes intéressés des indemnités chômage perçues par Mme [J] [U], dans la limite de six mois d'indemnités.

Condamne la SARL ODALYS CITY aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT