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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 21 novembre 2023, n° 18/01865

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M.E.I Services (SARL)

Défendeur :

GS Maintenance (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

M. Chappert, Mme Gandais

Avocats :

Me Barret, Me de Stoppani, Me Goguet

T. com. Mans, du 4 juin 2018, n° 2017/10…

4 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité Moteurs Electriques Industriels Services (SARL MEI Services) a pour objet social l'entretien et la réparation d'équipements tels que des moteurs industriels.

La société anonyme (SA) Maine Brosserie a fait appel à la SARL MEI Services pour la remise en service d'une extrudeuse sur sa chaîne de production, laquelle connaissait d'importants problèmes de chauffe à la suite d'un sinistre.

Le 31 mars 2016, un devis n° D20258VA a été établi pour un montant total de 46 226,75 euros HT.

La SARL MEI Services a elle-même fait appel à la société à responsabilité limitée (SARL) GS Maintenance, ayant pour activité la maintenance de système électriques appliqués à l'hydraulique, la mécanique et la thermique, pour effectuer des interventions électriques sur la machine.

C'est ainsi que, le 26 avril 2016, la SARL GS Maintenance a adressé à la SARL MEI Services une offre n° ED16020268BS/C pour un montant de 41 127 euros HT.

Le 3 juin 2016, la SARL MEI Services a accepté ce devis et a établi un bon de commande n° FBC10535 pour ce montant de 41 127 euros HT.

Le 28 juillet 2016, la SARL MEI Services a passé une commande à la SARL GS Maintenance pour des travaux complémentaires et pour un montant de 10 335 euros HT.

Le 20 septembre 2016, la SARL GS Maintenance a adressé à la SARL MEI Services une « offre pour des compléments » puis, le 4 octobre 2016, elle lui a adressé un devis complémentaire n° ED16101540BS pour un montant de 8 400 euros HT (10 080 euros TTC).

Le 17 octobre 2016, un rapport d'intervention a été établi entre M. [S], représentant de la SARL MEI Services, et M. [H], représentant de la SARL GS Maintenance, avec la mention "à facturer".

Le 8 novembre 2016, la SARL GS Maintenance a émis une facture n° FS1611296 pour un montant de 5 880 euros HT (soit 7 056 euros TTC).

Par une lettre datée du 19 juillet 2017, la SARL GS Maintenance a mis en demeure la SARL MEI Services de lui régler cette facture n° FS1611296 du 8 novembre 2016.

Par une requête du 6 octobre 2017, la SARL GS Maintenance a saisi le président du tribunal de commerce du Mans aux fins d'enjoindre à la SARL MEI Services de lui payer la somme de 7 056 euros TTC.

Il a été fait droit à cette demande par une ordonnance du 10 octobre 2017.

L'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée le 21 novembre 2017 et la SARL MEI Services a formé opposition par lettre recommandée avec demande d'avis de réception signée le 1er décembre 2017.

Par un jugement du 4 juin 2018, le tribunal de commerce du Mans a :

- dit recevable et bien fondée la SARL GS Maintenance en ses demandes de paiement,

- condamné la SARL M.E.I. Services à payer à la société GS Maintenance la somme de 7.056 euros au titre de sa facture n° FS1611926,

- condamné la SARL M.E.I. Services à payer à la SARL GS Maintenance la somme de 700 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL MEI Services au paiement des entiers dépens,

- débouté les parties de toutes les autres demandes, fins et conclusions.

Par une déclaration du 11 septembre 2018, la SARL M.E.I. Services a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SARL GS Maintenance la somme de 7 056 euros au titre de sa facture n° FS1611926, outre celle de 700 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

La SARL MEI Services et la SARL GS Maintenance ont conclu.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 22 mai 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SARL MEI Services demande à la cour :

- de débouter la SARL MEI Services (en réalité, le SARL GS Maintenance) de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de réformer le jugement du tribunal de commerce du Mans du 4 juin 2018 en toutes ses dispositions,

et y ajouter,

- de condamner la SARL GS Maintenance au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 38 231 euros,

- de condamner la SARL GS Maintenance à lui régler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 21 août 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SARL GS Maintenance demande à la cour :

- de dire et juger la SARL MEI Services tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions,

- en conséquence, de débouter la SARL MEI Services de l'ensemble de ses demandes,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 4 juin 2018,

- de condamner la SARL MEI Services à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la SARL MEI Services aux dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de la SELARL Aurélien Goguet Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la condamnation au paiement de la facture FS 1611296

La SARL MEI Services reproche au tribunal de commerce de l'avoir condamnée à payer la facture de travaux complémentaires n° FS 1611296 du 8 novembre 2016 alors qu'elle n'avait donné lieu à aucun devis préalable accepté par ses soins.

Elle fait notamment valoir que son devis initial du 31 mars 2016 a été établi en considération d'un certain nombre d'hypothèses et qu'il indiquait expressément que « (...) tout autre dysfonctionnement (vérin moteurs, contacteurs...) n'a pas été pris en compte dans notre devis dans la mesure où nous n'avons pas vu la machine en fonctionnement. Toutes opérations jugées nécessaires après expertise feront l'objet d'un devis complémentaire ». La SARL GS Maintenance fait observer, à juste titre, que ce devis ne concerne que les relations contractuelles entre la SARL MEI Services et la SA Maine Brosserie et qu'il ne lui est donc pas opposable. Il n'en demeure pas moins que la société intimée ne peut prétendre au paiement de toutes prestations complémentaires à son offre initiale qu'en rapportant la preuve de leur acceptation par la SARL MEI Services.

Les parties ne tirent pas de conséquence juridique du prétendu manquement à un devoir de conseil allégué par la SARL MEI Services ni du prétendu manquement à l'obligation de loyauté précontractuelle invoqué en réponse par la SARL GS Maintenance.

Elles s'opposent en revanche sur la preuve de l'acceptation par la SARL MEI Services des prestations complémentaires facturées le 8 novembre 2016.

L'article L. 110-3 du code de commerce prévoit à cet égard que la preuve des actes de commerce peut être rapportée par tout moyen à l'égard des commerçants.

Il n'est pas discuté qu'une première offre de prestations complémentaires, faisant suite à des problèmes techniques listés par la SARL GS Maintenance dans un courriel du 18 juillet 2016, a bien été acceptée par la SARL MEI Services le 28 juillet 2016.

Par un courriel du 20 septembre 2016, la SARL GS Maintenance a fait parvenir à la SARL MEI Services une nouvelle « offre pour des compléments réalisés sur l'extrudeuse de Maine Brosserie ». Le devis n° DV1608226 attaché à ce courriel n'est pas produit mais, par un courriel du 29 septembre 2016, M. [S] (chargé d'affaires de la SARL MEI Services) a fait parvenir à la SARL GS Maintenance une liste de huit "(...) points à modifier pour finir la mise en service de la Presma 3". La SARL GS Maintenance a répondu à ce courriel le 4 octobre 2016 d'une part, en transmettant un "devis complémentaire" n° ED1610540BS sur cinq des points listés (1, 4, 6, 6bis et 8) pour un montant de 10 080 euros TTC et, d'autre part, en sollicitant de plus amples explications sur les trois autres points.

Le 17 octobre 2016, un rapport d'intervention de la SARL GS Maintenance a été rédigé à la suite d'une visite sur site. Ce rapport est signé par le technicien de la SARL GS Maintenance (M. [G] [H]) et par le chargé d'affaires de la SARL MEI Services (M. [C] [S]). Il reprend très exactement, dans une première partie intitulée "travail réalisé", la liste des cinq prestations telles qu'elles étaient énoncées dans le devis du 4 octobre 2016. Quatre d'entre elles sont cochées, tandis que la cinquième, libellée « arrêt de la machine si la température n'excède pas 45°C sur une des zones après 5 minutes de chauffe + essais sur site », ne l'est pas. Dans une deuxième partie du rapport, intitulé « essais avec client », est cochée une case « à facturer ».

Un nouveau devis n° ED1610540BS-A a ensuite été émis par la SARL GS Maintenance le 21 octobre 2016 mais qui n'est en réalité qu'une reprise de celui du 4 octobre 2016, comme le confirme le fait d'avoir barré la première date « 04 octobre 2016" pour la remplacer par la mention 'révisée le 21 octobre 2016". Ce second devis ne fait que modifier le premier en supprimant la facturation du poste n° 8 correspondant à la prestation « arrêt de la machine si la température n'excède pas 45°C sur une des zones après 5 minutes de chauffe + essais sur site » et en ajustant le prix en conséquence à la somme de 7 056 euros TTC.

C'est sur la base de ce devis ainsi modifié que la facture n° FS1611296 de 7 056 euros TTC, dont le paiement est poursuivi, a été émise le 8 novembre 2016.

Ces éléments font très clairement ressortir que la SARL MEI Services a demandé à la SARL GS Maintenance d'effectuer des dernières modifications avant la mise en service de l'extrudeuse (courriel du 29 septembre 2016) et que celle-ci lui a alors envoyé un devis correspondant le 4 octobre 2016, qu'elle a ensuite modifié le 21 octobre 2016 pour tenir compte de la non-réalisation de l'une des prestations proposées initialement. Le devis n'a certes jamais été formellement signé par la SARL MEI Services. Pour autant, la réalisation effective des travaux prévus et leur validation par le chargé d'affaires de la SARL MEI Services à l'occasion de la signature du rapport d'intervention de la SARL GS Maintenance, où la case « à facturer » a été cochée, suffisent à prouver la réalité de l'acceptation de ce devis par la société appelante.

La cour observe d'ailleurs que, si les éléments produits par l'intimée ne permettent pas de se convaincre que la SA Maine Brosserie a réglé les prestations objets de la facture du 8 novembre 2016 à la SARL MEI Services, cette dernière a néanmoins tenté de les lui refacturer par un devis n° D22792RA du 31 mai 2017.

Il est en définitive démontré l'acceptation par la SARL MEI Services du devis du 4 octobre 2016 modifié le 21 octobre 2016. La réalisation effective et satisfaisante des travaux par la SARL GS Maintenance, de même que l'absence de paiement de la facture n° FS1611296 par l'appelante ne sont, quant à elles, pas discutées. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SARL MEI Services à verser à la SARL GS Maintenance la somme de 7 056 euros.

- Sur la demande de dommages-intérêts

La SARL MEI Services demande de condamner la SARL GS Maintenance à lui verser des dommages-intérêts pour avoir, par son comportement, provoqué une rupture abusive des relations commerciales qu'elle entretenait avec la SA Maine Brosserie depuis quatorze années.

La SARL GS Maintenance lui oppose que cette prétention est irrecevable comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Toutefois, il ressort de l'article 567 du code de procédure civile que la demande reconventionnelle émanant d'un défendeur en première instance est recevable pour la première fois en cause d'appel, dès lors qu'elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant au sens de l'article 70 du même code.

La SARL MEI Services, défenderesse en première instance, est dès lors recevable à formuler une demande reconventionnelle pour la première fois devant la cour d'appel, étant précisé que l'existence d'un lien suffisant avec la demande de la SARL GS Maintenance devant les premiers juges n'est pas discutée par les parties et qu'il n'appartient pas à la cour de la vérifier d'office. Les développements consacrés par les parties au caractère nouveau de la prétention et à la connaissance que la SARL MEI Services pouvait avoir de la pièce n° 12 dès la première instance deviennent sans objet.

En revanche, la SARL MEI Services fonde sa demande exclusivement sur les dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce, à l'exclusion de toute référence au droit commun de la responsabilité.

La disposition applicable est en réalité plus exactement l'article L. 442-6 I du code de commerce, dans sa version applicable à la rupture prétendument intervenue le 14 novembre 2016, lequel prévoit qu''engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...).

La SARL GS Maintenance oppose en premier lieu l'incompétence du tribunal de commerce du Mans puis de la cour d'appel d'Angers, pour connaître d'une telle action.

Il est exact que les articles L. 442-6 III, D. 442-3 et l'annexe 4-2-1 du code de commerce, dans leur version alors applicable, réservent à certaines juridictions spécialisées de premier degré ainsi qu'à la cour d'appel de Paris, la connaissance des litiges en matière de ruptures brutales de relations commerciales établies et, plus généralement, de pratiques restrictives de concurrence. La méconnaissance de ces règles de compétence spéciales, qui ont un caractère d'ordre public, est sanctionnée par une fin de non-recevoir et non pas par une exception d'incompétence.

De ce seul fait et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la fin de non-recevoir soulevée à raison du défaut de qualité et d'intérêt de la SARL GS Maintenance à défendre à la demande, celle-ci sera déclarée irrecevable.

- Sur les demandes accessoires.

La SARL MEI Services, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement à la SARL GS Maintenance d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande dommages-intérêts formée par la SARL MEI Services ;

Déboute la SARL MEI Services de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL MEI Services à verser à la SARL GS Maintenance une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la SARL MEI Services aux dépens, qui pourront être recouvrés par la SELARL Aurélien Goguet Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;