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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 5, 21 novembre 2023, n° 23/10959

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 23/10959

21 novembre 2023

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 5

ORDONNANCE DU 21 NOVEMBRE 2023

(n° /2023)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10959 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2OW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mai 2023 du Président du TC de PARIS - RG n° 2022019497

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

SOCIETE NOTINO S.R.O., société de droit tchèque

[Adresse 4]

639 00 BRNO-REPUBLIQUE TCHEQUE

Représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Et assistée de Me Stéphane-Alexandre DASSONVILLE de l'AARPI BMH AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : R216

à

DÉFENDEURS

S.A.R.L. CLD CREATION LUXE DESIGN

[Adresse 2]

[Localité 3]

S.A. INTER DEVELOPMENT DIFFUSION, société de droit suisse

[Adresse 5]

[Adresse 1]

Représentées par Me Emmanuel JARRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

Et assistées de Me Marie ERRERA substituant Me Eric DEUBEL, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : T06

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 24 Octobre 2023 :

Le 30 mai 2023, la société Notino s.r.o (Notino) a relevé appel d'une ordonnance de référé rendue le 16 mai 2023 par le tribunal de commerce de Paris qui, faisant droit à la mesure d'instruction in futurum sollicitée à son encontre par les sociétés CLD Luxe Design (CLD) et Inter Development Diffusion (IDD) :

- fait injonction à la société Notino de communiquer aux sociétés CLD et IDD :

. copie des factures d'achat de produits Montale et Mancera sur la période courant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022 ou, plus largement, tout élément justifiant de sa propre acquisition de produits Montale et Mancera sur cette période,

. copie de son grand livre fournisseurs, ou tout autre document équivalent quelle qu'en soit la dénomination, sur la même période, pour ses achats de produits Montale et Mancera,

. le montant, certifié, de son chiffre d'affaires réalisé en produits Montale et Mancera en France sur la période courant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022,

. l'état certifié de ses stocks de produits Montale et Mancera arrêtés au 31 décembre 2022,

sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la date de signification de la présente ordonnance, et ce pendant une période de trente jours, délai au-delà duquel il sera de nouveau statué sur l'astreinte,

- condamné la société Notino à payer à chacune des sociétés CLD et IDD la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties,

- condamné la société Notino aux dépens de l'instance,

- rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Par acte du 5 juillet 2023, la société Notino a assigné en référé les sociétés CLD et IDD devant le premier président de la cour d'appel de Paris aux fins de la voir déclarer recevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance dont appel, prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire de cette ordonnance et condamner solidairement les sociétés CLD et IDD à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Notino a réitéré ses demandes, se prévalant de moyens sérieux de réformation de l'ordonnance entreprise quant à l'étendue de la mesure de communication de pièces ordonnée au regard d'une décision rendue par la cour d'appel de Paris dans le litige, similaire, opposant les sociétés CLD et IDD à la société NTN Beauté (dont Notino est le franchiseur), et des conséquences manifestement excessives qu'aurait pour elle l'exécution provisoire de la décision entreprise, compte tenu du caractère irréversible de la communication des pièces et du préjudice en résultant en cas d'infirmation de l'ordonnance entreprise.

Par conclusions en réponse, déposées et soutenues oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les sociétés CLD et IDD sollicitent le rejet de l'ensemble des demandes de la société Notino et sa condamnation à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Elles contestent l'existence de moyens sérieux de réformation au sens de la jurisprudence, la motivation de l'ordonnance entreprise l'excluant à elle seule et les arguments de la société Notino, tirés de l'interdépendance entre la procédure initiée contre NTN Beauté et celle contre Notino, d'une prétendue incompatibilité entre l'ordonnance entreprise du 16 mai 2023 et l'arrêt du 27 janvier 2023 et d'une absence de lien entre le motif légitime allégué par CLD et IDD et les mesures sollicitées contre Notino, ne s'analysant pas en des moyens sérieux de réformation. Sur les conséquences manifestement excessives, elle soutient en substance que la communication de pièces ne présente pas de caractère irréversible ni n'occasionne de préjudice irréparable dès lors qu'en cas d'infirmation de l'ordonnance les pièces communiquées seraient dépourvues de valeur probante et ne pourraient être utilisées au soutien d'une action en justice.

SUR CE,

Il résulte de l'article 514-3 du code de procédure civile qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces deux conditions étant cumulatives, si l'une n'est pas remplie la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ne peut prospérer.

Un moyen sérieux d'annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d'appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d'infirmation.

En l'espèce, il n'apparaît pas très pertinent de soutenir que le périmètre de la mesure de communication qui a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris concernant la société Notino devrait nécessairement être le même que celui qu'a retenu la cour d'appel de Paris dans son arrêt rendu le 27 janvier 2023 dans le litige opposant les sociétés CLD et IDD à la société NTN Beauté, qui a limité la communication aux faits illicites commis par la société NTN au vu des éléments de preuve fournis par les sociétés CLD et IDD.

En effet, c'est en pleine connaissance de cet arrêt, en l'attente duquel il avait dans un premier temps sursis à statuer, que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sur la demande de communication de pièces dirigée contre la société Notino (identifiée comme étant le franchiseur de la société NTN Beauté pour la commercialisation par internet des produits Montale et Mancera), a retenu « qu'il existait un lien entre la mesure sollicitée et les griefs formulés par CLD et IDD dans la mesure où il est nécessaire d'établir quel est le circuit complet de fourniture et d'approvisionnement des produits litigieux, dans lequel Notino et NTN Beauté sont impliqués, et de déterminer à quelle étape de ce circuit ont pu se produire les opérations fautives de modifications de l'emballage et/ou du marquage des produits incriminés. » Les sociétés requérantes ont en effet motivé leur demande de communication de pièces dirigée contre la société Notino par la nécessité d'avoir connaissance des propres réseaux d'approvisionnement de Notino afin de progresser dans l'appréhension des contours et enjeux des agissements délictueux en France du «duo» NTN Beauté/Notino s.r.o, et de décider, le cas échéant, des modalités d'une action en responsabilité civile qu'elles engageraient contre ces deux sociétés, au moins.

Or, les documents dont il a été ordonné la communication par le juge des référés répondent à ce motif, considéré comme étant légitime au vu des éléments produits, en ce qu'ils visent notamment à identifier les propres fournisseurs de la société Notino.

Il apparaît ainsi que les moyens d'infirmation invoqués par la société Notino ne présentent pas de chances suffisamment sérieuses de succès, en conséquence de quoi sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée, l'une de ses deux conditions (cumulatives) faisant défaut.

Partie perdante, la société Notino sera condamnée aux dépens de la présente instance et à payer aux sociétés CLD et IDD la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboutons la société Notino s.r.o de l'ensemble de ses demandes,

La condamnons aux dépens de la présente instance et à payer aux sociétés CLD et IDD la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente