Cass. soc., 26 janvier 2022, n° 20-17.450
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2020), Mme [Z] a été engagée le 6 septembre 1998 par l'association ADAPEI 92, aux droits de laquelle vient l'Association de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis des Hauts-de-Seine (l'association), en qualité d'aide médico-psychologique.
2. Le 2 mars 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
3. L'association fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est irrecevable en ses demandes relatives au harcèlement moral et à la résiliation judiciaire, mais recevable à remettre en cause le quantum des condamnations non exécutées et de la condamner à verser à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, non-respect de l'obligation de sécurité, licenciement nul et à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors :
« 1°/ que selon l'article 410 du code de procédure civile, seule l'exécution sans réserve d'une décision non exécutoire vaut acquiescement au jugement ; que selon les articles R. 1454-28 et R. 1454-14 du code du travail sont exécutoires à titre provisoire les jugements en matière prud'homale qui, d'une part, ordonnent la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer et, d'autre part, ordonnent le versement de sommes au titre et des indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne de trois derniers mois de salaires ; qu'au cas présent, le jugement du conseil de prud'hommes du 2 novembre 2017 a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Z] aux torts de l'association ADAPEI 92 ;
- dit que la résiliation du contrat de travail de Mme [Z] produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;
- condamné l'association au versement de sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour violation du statut protecteur, de dommages-intérêts pour licenciement nul, pour harcèlement moral et pour violation de l'obligation de sécurité ;
- ordonné à l'association de remettre un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conforme au jugement ;
qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'association ADAPEI 92, qui a interjeté appel de ce jugement, le 2 décembre 2017, a, au titre de son exécution, remis à Mme [Z] les documents qu'elle était tenue de délivrer, notamment le certificat de travail, et lui a versé les condamnations au titre du préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt, que l'employeur n'a, en revanche, pas exécuté les condamnations indemnitaires relatives au harcèlement moral, au non-respect de l'obligation de sécurité, à la nullité du licenciement et à la méconnaissance du statut protecteur ; qu'il résulte donc des constatations de l'arrêt qu'aucune disposition à caractère non exécutoire du jugement n'a fait l'objet d'un acte positif d'exécution spontanée par l'ADAPEI 92 ; qu'en jugeant néanmoins que l'ADAPEI 92 aurait acquiescé aux dispositions du jugement relatives à la résiliation judiciaire et au harcèlement moral et serait donc irrecevable à contester ou à remettre en cause ces dispositions, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé les article 410 du code de procédure civile et R. 1454-28 du code du travail ;
2°/ que selon l'article R. 1454-28 du code du travail, la remise des documents de rupture au salarié ordonnée par le conseil de prud'hommes est exécutoire de droit ; qu'il en résulte qu'une telle remise, ordonnée par un jugement du conseil de prud'hommes ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, ne peut jamais constituer un acquiescement tacite de la part de l'employeur ; qu'en jugeant que la transmission des documents de fin de contrat, qui avait été ordonnée par le conseil de prud'hommes ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, caractérisait un acquiescement au motif que ces documents ne formulaient aucune réserve, faisaient état d'une sortie des effectifs à la date du jugement et indiquaient que la salariée était libre de tout engagement, la cour d'appel a violé les articles R. 1454-28 du code du travail et 410 du code de procédure civile ;
Réponse de la Cour
Vu les articles 410 du code de procédure civile et R. 1454-28 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, applicable au litige :
4. Selon le premier de ces textes, l'acquiescement peut être exprès ou implicite. L'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n'est pas permis.
5. Selon le second, sont de droit exécutoires à titre provisoire :
1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;
2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;
3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.
6. Pour dire l'association irrecevable en ses demandes relatives au harcèlement moral et à la résiliation judiciaire du contrat de travail, et la condamner au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et non respect de l'obligation de sécurité, d'indemnités de rupture, d'indemnité au titre de la violation du statut protecteur, et de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt retient que si l'association a versé uniquement la partie des condamnations pécuniaires assorties de l'exécution provisoire de droit, elle a en revanche établi les documents de fin de contrat sans aucune réserve les 2 et 22 novembre 2017, mentionnant une sortie des effectifs le 2 novembre 2017, avant d'interjeter appel le 1er décembre 2017 et n'a plus fourni de travail à sa salariée, alors que la résiliation du contrat était suspendue par l'effet de son recours et en déduit que l'association, qui ne démontre pas que son consentement ait été vicié, a acquiescé au chef du dispositif relatif à la résiliation judiciaire du contrat et est ainsi irrecevable à la contester ou à remettre en cause notamment le harcèlement moral retenu par le conseil.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'aucune disposition non exécutoire du jugement n'avait fait l'objet d'un acte d'exécution par l'association et que la transmission des documents de fin de contrat, ordonnée par le conseil de prud'hommes, ne constituait pas un acquiescement tacite de la part de l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.