Cass. 1re civ., 14 janvier 2010, n° 06-18.855
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon ces textes, que les interventions volontaires sont admises devant la Cour de cassation si elles sont formées, à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir cette partie ; que l'AFA qui ne justifie pas d'un tel intérêt n'est pas recevable en son intervention volontaire ;
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que la société Tiscali média fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée pour contrefaçon, alors, selon le premier moyen, que l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 applicable en l'espèce, définit les fournisseurs d'hébergement comme étant les personnes physiques ou morales qui assurent, à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services et dispose qu'ils ne sont pénalement ou civilement responsables du fait du contenu de ces services que si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Tiscali média se bornait à proposer aux internautes d'héberger leurs pages personnelles, dès lors accessibles depuis son site www.chez.tiscali.fr, moyennant la mise en place d'espaces publicitaires sur lesdites pages personnelles ; que dès lors, comme l'avait retenu à bon droit le Tribunal, la société Tiscali média exerçait la fonction technique de fournisseur d'hébergement et non la fonction éditoriale d'auteur des pages personnelles litigieuses dont elle ne concevait ni ne contrôlait le contenu ; qu'en retenant au contraire que la société Tiscali média avait la qualité d'éditeur de la page personnelle, pour dire sa responsabilité engagée du fait du contenu contrefaisant de ce site, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation du texte susvisé ;
et alors, selon le second moyen :
1°/ que l'absence de publication du décret permettant la mise en oeuvre des dispositions d'une loi nouvelle interdit l'application de ces dispositions aux situations existantes ; qu'en l'espèce, l'article 43-9, alinéa 4, de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 applicable en l'espèce, subordonnait expressément l'application de son alinéa 1er selon lequel, les fournisseurs d'accès et d'hébergements sont tenus de détenir et de conserver les données de nature à permettre l'identification de toute personne ayant contribué à la création d'un contenu des services dont ils sont prestataires, à la publication d'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), définissant les données mentionnées à l'alinéa 1 et déterminant la durée et les modalités de leur conservation ; qu'il était constant que ce décret n'avait pas été publié ; que dès lors, comme le soutenait la société Tiscali média, les dispositions de l'article 43-9, alinéa 1, de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 ne pouvaient pas être appliquées aux faits de l'espèce, nécessairement antérieurs à la publication du décret d'application conditionnant leur entrée en vigueur ; qu'en faisant néanmoins application de ces dispositions au motif erroné que le décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, pourtant requis par le législateur ne constituait pas une condition nécessaire à l'application immédiate de la loi, la cour d'appel a violé l'article 1er du code civil, ensemble l'article 43-9, alinéas 1 et 4, de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 ;
2°/ qu'en tout état de cause, l'article 43-9, alinéa 1, de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, ne met à la charge des fournisseurs d'hébergement qu'une obligation de conservation des données d'identification fournies par les auteurs des sites hébergés, sans édicter aucune obligation de contrôle de la pertinence des informations données ; que dès lors, en retenant que la société Tiscali média avait manqué à son obligation légale de conservation parce que les coordonnées d'identification déclarées par l'auteur du site hébergé s'étaient révélées fantaisistes, la cour d'appel a ajouté à la loi une obligation de vérification de la pertinence des informations d'identifications déclarées qu'elle ne prévoyait pas, violant ainsi l'article 43-9, alinéa 1, de la loi du 30 septembre 1986 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Tiscali média a offert à l'internaute de créer ses pages personnelles à partir de son site et proposé aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion ; que par ces seules constatations souveraines faisant ressortir que les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage, visées par l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2000 applicable aux faits dénoncés, de sorte que ladite société ne pouvait invoquer le bénéfice de ce texte, la décision de la cour d'appel est légalement justifiée ; que le premier moyen n'est donc pas fondé et le second est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
Dit l'AFA irrecevable en son intervention volontaire devant la Cour de cassation ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Télécom Italia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de l'AFA et de la société Télécom Italia ; condamne celle-ci à payer aux sociétés Dargaud et Lucky Comics la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille dix.