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Décisions

Cass. 3e civ., 11 janvier 2012, n° 09-15.143

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Saint-Denis, du 26 fév. 2007

26 février 2007

Attendu, selon les arrêts attaqués (Saint-Denis, 26 février 2007 et 22 septembre 2008, RG : 05/00108), que le montant des indemnités revenant à M. X... à la suite de l'expropriation, pour l'aménagement d'une route nationale, de trois parcelles, en nature de friches lui appartenant, au profit de l'Etat, a, après expertise, été fixé à la somme de 1 311 059 euros pour l'indemnité principale et de 132 106 euros pour l'indemnité de remploi ; que l'Etat a formé un pourvoi contre ces décisions ; que la Région Réunion est intervenue volontairement à titre accessoire à l'appui des prétentions de l'Etat ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi et de l'intervention volontaire, formée à titre accessoire par la Région Réunion, contestée par la défense :

 

Attendu que M. X..., faisant valoir qu'il ressort de la combinaison des articles 26 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 et 1er du décret n° 2007-424 du 23 mars 2007 que la Région Réunion a été désignée comme bénéficiaire du transfert de l'ensemble des routes nationales de la Réunion, soutient que le 15 juin 2009, date de la déclaration de pourvoi, l'Etat était sans qualité pour agir, que son pourvoi est irrecevable et que, par voie de conséquence, l'intervention accessoire de la Région Réunion est également irrecevable ;

 

Mais attendu, qu'intimé par M. X..., l'Etat, en sa qualité d'autorité expropriante, ayant succombé devant la cour d'appel et ayant été condamné aux dépens, a intérêt à se pourvoir en cassation ;

 

D'où il suit que le pourvoi et, par suite, l'intervention accessoire de la Région Réunion sont recevables ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que l'Etat fait grief à l'arrêt du 26 février 2007 de dire que les parcelles expropriées devront être évaluées par référence au marché des terrains constructibles sur la commune de Saint-Leu et, avant faire autrement droit, d'ordonner une expertise, alors, selon le moyen :

 

1°/ qu'en retenant, pour en déduire l'intention dolosive de l'Etat, expropriant, qu'étant situées en zone d'extension urbaine en application du schéma d'aménagement régional, "les parcelles concernées et classées en zone NC auraient dû être représentées en zone U dans le POS révisé et approuvé par le conseil municipal suivant délibération du 29 mars 1999", cependant qu'il n'appartient pas à la juridiction de l'expropriation d'apprécier la légalité et l'opportunité des actes administratifs au vu desquels il lui est demandé de statuer, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et l'article L. 13-1 du code de l'expropriation ;

 

2°/ que les conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion adoptent un schéma d'aménagement qui fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement ; que ce schéma détermine notamment la destination générale des différentes parties du territoire de la région, l'implantation des grands équipements d'infrastructures et de transport, la localisation préférentielle des extensions urbaines, des activités industrielles, portuaires, artisanales agricoles, forestières, touristiques et relatives aux énergies renouvelables ; que le schéma d'aménagement régional a les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement ; que les directives territoriales d'aménagement peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires ; qu'elles fixent les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages ; qu'elles peuvent également préciser pour les territoires concernés les modalités d'application des dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral ; que les plans d'urbanisme locaux, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec les orientations des schémas de cohérence territoriale et des schémas de secteur et, en l'absence de ces schémas, avec les directives territoriales d'aménagement ; que les documents graphiques dont le schéma d'aménagement régional est en partie composé font apparaître la destination générale des différentes parties du territoire de la région ; que le schéma d'aménagement régional de la Réunion, qui constitue un document d'orientation en matière d'urbanisme et ne fixe pas la destination des sols, ni ne classe la zone d'extension urbaine qu'il institue dans un secteur constructible du plan d'occupation des sols, au sens de l'article L. 13-15-II du code de l'expropriation, ni s'impose aux communes concernées de le faire ; qu'en relevant, à l'appui de sa décision, "que les parcelles CU litigieuses se situent en zone d'extension urbaine en application du schéma d'aménagement régional approuvé le 6 novembre 1995 ; or, selon la hiérarchie des normes telles que résultant de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, le schéma d'aménagement régional qui a valeur de directive territoriale d'aménagement est supérieur au plan d'occupation des sols ou au plan local d'urbanisme ; il en résulte que le plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Leu révisé en 1999 devait être rendu compatible avec ce schéma d'aménagement régional : or, la procédure de révision initiée par la commune le 27 juin 1996 et à laquelle l'autorité expropriante était associée n'a pas abouti à une mise en compatibilité du secteur concerné avec le schéma d'aménagement puisque les parcelles concernées et classées en zone NC auraient dû être représentées en zone U dans le POS révisé et approuvé par le conseil municipal suivant délibération du 29 mars 1999", la cour d'appel a violé l'article L. 13-15-II du code de l'expropriation, ensemble les articles L. 4433-7, L. 4433-8 et R. 4433-1 du code général des collectivités territoriales et L. 111-1-1 du code de l'urbanisme

 

3°/ que la zone d'extension urbaine définie par un schéma d'aménagement régional n'est ni nécessairement constructible ni nécessairement située dans un secteur désigné comme tel par le plan d'occupation des sols ou le plan d'urbanisme local dans sa totalité ; qu'à supposer même que la commune de Saint-Leu ait été tenue de se conformer au schéma d'aménagement régional de la Réunion, en tant qu'il instituait une zone d'extension urbaine, il n'en résultait pas nécessairement que les terrains qui y figuraient devaient tous être classés dans un secteur constructible et, plus précisément, en zone U, par le plan d'occupation des sols ; qu'en relevant, à l'appui de sa décision, "que les parcelles CU litigieuses se situent en zone d'extension urbaine en application du schéma d'aménagement régional approuvé le 6 novembre 1995 ; or, selon la hiérarchie des normes telles que résultant de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, le schéma d'aménagement régional qui a valeur de directive territoriale d'aménagement est supérieur au plan d'occupation des sols ou au plan local d'urbanisme ; il en résulte que le plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Leu révisé en 1999 devait être rendu compatible avec ce schéma d'aménagement régional : or, la procédure de révision initiée par la commune le 27 juin 1996 et à laquelle l'autorité expropriante était associée n'a pas abouti à une mise en compatibilité du secteur concerné avec le schéma d'aménagement puisque les parcelles concernées et classées en zone NC auraient dû être représentées en zone U dans le POS révisé et approuvé par le conseil municipal suivant délibération du 29 mars 1999", la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir d'une simple affirmation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 13-15-II du code de l'expropriation, ensemble les articles L. 4433-7 et R. 4433-1 du code général des collectivités territoriales et L. 111-1-1 du code de l'urbanisme ;

 

4°/ qu'en se bornant à énoncer, pour retenir l'intention dolosive de l'Etat expropriant, qu'"ainsi l'Etat, associé aux travaux de révision du POS et ayant pour obligation de faire respecter par la commune cette mise en compatibilité des documents d'urbanisme en application de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme, n'a pas rempli sa mission de contrôleur de la légalité avec pour conséquence une sous-évaluation des terrains expropriés catégoriés en terrains agricoles alors qu'ils devaient être classés en terrain à bâtir, l'intention dolosive de l'autorité expropriante se déduit à la fois de cette faute par omission dans la mise en compatibilité d'urbanisme, et du fait que celle-ci a été associée aux travaux de révision du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Leu initiés par délibération du 3 juillet 1996 et mis en oeuvre par arrêté municipal du 22 août 1997, avec mention des membres associés au titre des services de l'Etat, et notamment la direction départementale de l'équipement ; cette intention dolosive est encore révélée par la persistance de l'autorité expropriante à considérer les parcelles litigieuses comme terrains agricoles alors que cette disqualification résulte de la seule carence des services de l'Etat", la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 13-15-I du code de l'expropriation ;

 

Mais attendu qu'ayant relevé que les parcelles expropriées se situaient en zone d'extension urbaine, en application du schéma d'aménagement régional (SAR) approuvé le 6 novembre 1995, que selon la hiérarchie des normes telle que résultant de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, ce schéma qui a valeur de directive territoriale d'aménagement est supérieur au plan d'occupation des sols (POS) ou au plan local d'urbanisme, qu'il en résultait que le POS de la commune de Saint-Leu, révisé en 1999, devait être rendu compatible avec ce SAR et retenu, d'une part, que la procédure de révision initiée par la commune et à laquelle l'autorité expropriante était associée n'avait pas abouti à une mise en compatibilité du secteur concerné avec le SAR, d'autre part, que les services de l'Etat n'avaient pas fait respecter par la commune la mise en compatibilité des documents d'urbanisme et n'avaient pas rempli leur mission de contrôle de la légalité, avec pour conséquence une sous-évaluation des terrains expropriés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées et n'a pas apprécié la légalité ou l'opportunité des actes administratifs au vu desquels il lui était demandé de statuer, en a souverainement déduit l'intention dolosive de l'autorité expropriante et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

 

Mais sur le troisième moyen, qui est recevable :

 

Vu l'article L. 13-15-I du code de l'expropriation ;

 

Attendu que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, que toutefois et sous réserve de l'application des dispositions du présent article, sera sauf pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 11-1 ;

 

Attendu que pour fixer l'indemnité due à M. X... à la suite de l'expropriation des parcelles cadastrées CU 32, CU537 et CU539 situées sur le territoire de la commune de Saint-Leu, l'arrêt du 22 septembre 2008, n° 792/08, entérinant le rapport de l'expert judiciaire qui avait qualifié ces parcelles de terrains privilégiés, retient le prix moyen de quatre éléments de référence situé en zone constructible du plan d'occupation des sols de la commune et applique une décote correspondant pour partie à un abattement pour insuffisance de réseaux ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que, pour estimer des parcelles qui ne sont pas qualifiées de terrains à bâtir, seul doit être pris en considération leur usage effectif à la date de référence, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 26 février 2007 ;

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre des expropriations) ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis (chambre des expropriations), autrement composée ;

 

Condamne M. X... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.